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292. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire ne fait aucune difficulté de la soumettre, cette âme, devant laquelle un Ange se voilerait, aux recherches de son analyse. […] Et j’ai dit le mot : Roman d’amitié, car il est impossible de voir là une histoire, et malgré le fil délié de ses analyses à la Sainte-Beuve, le Père Lacordaire n’est sûr de rien.

293. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Franchement, quand on a lu attentivement son travail, peut-on dire que le métaphysicien, avec les grêles propositions de son analyse habituelle, ait vu réellement et jugé profondément ce mâle onzième siècle qui demanderait tant de vigueur de génie et de largeur d’appréciation ? […] Mais s’il l’a eue jamais, il l’a bien perdue dans les études microscopiques d’une philosophie qui analyse l’homme dans les moindres nuances de son ondoyante personnalité ; et il est permis, on en conviendra, de s’étonner qu’un homme, qui fut ministre autrefois, s’imagine probablement, sinon de reprendre le gouvernement qu’il a perdu, au moins l’influence dans les esprits, qui est du gouvernement aussi, en traitant de la résurrection des systèmes philosophiques au onzième siècle.

294. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

L’analyse expérimentale de l’un et le procédé psychologique de l’autre, employés tous deux avec la rage de ces fanatiques à froid d’allemands, n’ont-ils pas produit ce que nous voyons à cette heure : une philosophie sans entrailles, sans réalité, toute sortie des notions logiques et des idéalités de l’esprit, — la philosophie de Hegel, enfin ? […] Cette méthode tient toute, il est vrai, dans le vieux procédé de l’induction, le vis-à-vis du syllogisme dans le raisonnement, et ceci menace d’être fâcheux pour les novateurs, qui s’imaginent que l’esprit humain doit procéder comme un joujou à surprise ; mais pour nous, qui savons quelle mince chose c’est, au regard de Dieu, que l’invention permise aux hommes, nous ne nous étonnerons pas de la reprise en sous-œuvre d’un procédé qu’une intelligence véritablement philosophique a su presque métamorphoser, en le grandissant… L’induction, telle que l’entend l’abbé Gratry, n’est plus le simple procédé de la raison décrit dans tous les livres de psychologie par les anatomistes de la pensée, c’est, sous sa plume, une méthode souveraine et d’un emploi sûr, dont on n’a pas jusqu’ici soupçonné la force parce que la rapidité foudroyante de ce procédé naturel a empêché de l’observer et de le fixer par l’analyse.

295. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Mais ils ont cédé à la pente du temps vers la biographie et l’analyse et leurs doubles curiosités vaines ; car c’est plus pour le poète que pour personne que le mot de Voltaire est vrai : « La vie des écrivains n’est que dans leurs écrits », ce qui retranche d’un seul coup les insignifiances, les futilités et les rapetissements des biographies. Quant à ce qui est de l’analyse et des méthodes de travail du poète, elles nuisent toujours à la beauté synthétique de son œuvre.

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