Est-ce que je n’embaume pas bien l’air que tu respires en ouvrant tes volets au lever du jour ? […] On voit successivement s’ouvrir une fenêtre, puis une autre, comme pour entendre ces bruits et pour respirer cet air matinal embaumé par la nuit ; on aperçoit, entre les rideaux blancs des fenêtres flottant au souffle des bois, quelques charmantes têtes de jeunes filles, ou de beaux enfants qui regardent les pigeons fuyards ou les hirondelles voleter autour des corniches, dans les rayons transparents du jour. […] Dans les cabanes émerveillées de la plus haute montagne, les jeunes garçons et les jeunes filles ouvraient les volets de leur chambre, se penchaient en dehors, oubliaient de dormir, et croyaient que toute la vallée s’était transformée en un orgue d’église, où les anges jouaient des airs du paradis pendant le sommeil des vivants.
» me disaient quelques-uns d’entre eux avec un air de triomphe. « Écrivez, leur répondis-je, que d’ici à six mois la maison d’Orléans aura cessé de régner en France. » Ils sourirent d’incrédulité, comme on sourit à un paradoxe. […] « Rien de plus facile à exécuter ; je dis même rien de plus difficile à contenir dans un moment où l’effervescence d’une révolution sans gouvernement donne de l’air à tous les soupiraux de Paris et de l’Europe. […] On en a inventé des centaines jadis et aujourd’hui, chez nous et ailleurs, selon les besoins de la circonstance et selon l’engouement passager et ignorant des masses populaires auxquelles on jetait en pâture ces soi-disant principes diplomatiques afin de donner un air de science à la perversité, et de profondeur au vide.
Telle que celle-ci : Comme parloye, erroient dans la prairie Blancs agnelets, broustant l’herbe flourie ; De rame en rame oysillons voletoient, Et du printemps le retour se contoient En sy doulx airs, que n’auroit peu s’eslire Cil qu’eust Linus accordé sur sa lyre ; Plus loing sembloit appendue au roschier La chefvre folle ; et bergers d’approschier, Prompts à garder de l’alme nourriciere, Des arbres nains la seyve printaniere. […] Aussy n’attends que du rare soleil Rays tremblottants esjouïssent ma cousche, Pour au dehors entonner chantz d’amours ; Ainz sont muets oysels, échoz sont sourds : Tout revivroit s’ung qu’appelle ma bousche, Tost la bayzant, estouffoit mes clamours ; Se l’espargnez, preulx vaillants d’Angleterre, Pardonne tout à vos maistres ingrats : En le veyant desfieray le tonnerre ; Et m’escrieray, le serrant dans mes bras : « Ores de l’air, de l’onde et de la terre, « Grondez, tyrans. » XIII Telles sont ces délicieuses élégies que Tibulle et Properce ne dépassent pas, et la langue de Racine n’était pas faite encore. […] L’air au loing en mugist : Ludovic, aux aboys, Palist, tombe et s’escrye : « Ô trop heureuse France, « Rien n’est tel qu’ung héroz soubz la pourpre des roys !
Laissons donc l’aigle monter vers le soleil, laissons l’oiseau voltiger dans la plaine, laissons l’insecte ramper sous l’herbe ; ne demandons point à l’abeille qui va de fleur en fleur composer son miel, de fendre l’air comme l’hirondelle qui saisit au vol son invisible proie. […] Les événements qui se passent sous les yeux d’un poète, la nature des lieux qu’il habite, l’air même qu’il respire, ont une influence directe, une action puissante sur ses idées, sur ses impressions, sur son style, sur son génie enfin. […] Il s’installe au fauteuil en empereur Auguste : Il s’arme d’un lorgnon qu’à son œil il ajuste : Il prend un air tragique, et quand il a trois fois Éloquemment toussé pour éclaircir sa voix, Il laisse à son rival, certain de son mérite, L’honneur de commencer pour l’écraser ensuite.