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935. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

La voici qui veut en attacher deux à Abailard, — le nimbe qui se joue autour des tempes pensives du génie, et le rayon, sortant des cœurs qui ont beaucoup aimé et noblement souffert. […] Vus à travers ces lettres, les deux amants de grande et bonne foi disparaissent, et vous ne voyez plus que deux philosophes qui font des phrases philosophiques au lieu de naïvement s’aimer. […] Dans toutes ses lettres, Héloïse n’est occupée que de la seule chose qu’on oublie entièrement, quand on aime. […] un autre aurait été plus doux pour mon cœur, celui de votre CONCUBINE et de votre fille de joie, espérant que bornée à ce rôle, j’entraverais moins vos glorieuses destinées. » On a vu dans ce dernier mot une abnégation à la sainte Térèse, quelque chose qui, déplacé de l’ordre divin dans le désordre humain, rappelait le cri sublime de la religieuse espagnole : « Quand vous me damneriez, Seigneur, je vous aimerais encore, même en enfer ! 

936. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

L’aisance même, le bien-être, les pieds chauds de la vie bourgeoise, leur sont aussi contraires que son étroitesse, et j’aimerais mieux pour ces adorés de mon cœur le soliveau de l’hirondelle ! […] Il tint une école et même il aima ce métier, qu’il garda la plus grande partie de sa vie. […] Cette vie accablante et terrible, à ce qui semble, pour l’imagination d’un poète, il ne se révolta jamais contre elle ; il y a plus : il l’aima et l’étreignit sur son cœur stoïque, qui n’avait besoin ni de se résigner, ni de se consoler. […] … Cet homme d’affaires et d’enseignement, qui aimait également sa république et son école, qui faisait de la diplomatie, de la politique et de la discussion théologique toute la journée en latin, trouvait cela bon et savoureux.

937. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Jusque-là, ils n’avaient été que les chroniqueurs spirituels de ce dix-huitième siècle qu’on a presque le vice d’aimer, lorsqu’on en a la faiblesse. […] Ils s’aiment et s’entendent trop. […] Janin qui descend, comme on sait, de Diderot, mais du côté gauche, toutes ces influences, toutes ces dominations ont repris et enlevé au plan de leur livre, à la vérité sobre, à la nature humaine, ces messieurs de Goncourt, ces deux jeunes gens dont les uns disent : « C’est un Janin double », et les autres, « C’est un Janin dédoublé. » Évidemment, ils ont glissé dans ce qu’ils aiment. […] Il est vrai qu’à côté des quelques misérables de lettres dont MM. de Goncourt ont fait « Les Hommes de lettres », il y a deux ou trois opulents portraits, très-ressemblants, dans lesquels on reconnaît quelques littérateurs de ce temps qu’on aime à rencontrer partout, mais surtout là, où ils nous lavent et nous essuyent l’imagination des figures inventées par MM. de Goncourt, en mépris de la littérature.

938. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

On aimait la beauté des dames, à peu près comme on aime une fleur ou une parure. […] Il disait : « Aime et crois. » Qui aime n’a pas besoin qu’on lui impose et prescrive des œuvres agréables à l’objet aimé. […] Celui-ci les aime tant qu’il les aime trop. […] je crois que tu aimerais mieux mourir. […] Quoiqu’il aime la moquerie, il est resté catholique.

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