Qu’il vente et qu’il neige, que l’ouragan se démène dans les noires forêts de sapins, ou sur la houle blafarde parmi les goëlands qui crient, que l’homme roidi et violacé par le froid trouve pour tout régal, en se claquemurant dans sa chaumière, un plat de choucroute aigre ou une pièce de bœuf salé, sous une lampe fumeuse et près d’un feu de tourbe, il n’importe ; un autre royaume s’ouvre pour le dédommager, celui du contentement intime : sa femme est fidèle et l’aime ; ses enfants, autour de son âtre, épellent la vieille Bible de famille ; il est maître chez lui, protecteur, bienfaiteur, honoré par autrui, honoré par lui-même ; et si, par hasard, il a besoin d’aide, il sait qu’au premier appel il verra ses voisins se ranger fidèlement et bravement à ses côtés. […] En vain le roi, dans sa proclamation, avait ordonné aux gens « de ne pas trop accorder à leur propre sens, à leurs imaginations, à leurs opinions ; de ne pas raisonner publiquement là-dessus dans leurs tavernes publiques et dans leurs débits de bière, mais d’avoir recours aux gens doctes et autorisés » ; la semence germait, et on aimait mieux en croire Dieu que les hommes. […] Veux-tu l’aimer, la soutenir, l’honorer, la garder dans la maladie et dans la santé… dans la bonne et la mauvaise fortune, dans la richesse et dans la pauvreté… et renonçant à toute autre, te garder à elle seule aussi longtemps que vous vivrez tous les deux352 ? […] Ils peuvent résister dorénavant, et, poussés à bout, ils résistent ; ils aiment mieux prendre les armes que de se laisser acculer à l’idolâtrie et au péché. […] Selon l’usage des ouvriers anglais, il aimait à sonner les cloches ; devenu puritain, il trouva l’amusement profane et s’abstint ; pourtant, entraîné par son désir, il montait encore au clocher et regardait sonner. « Mais bientôt après je me mis à penser : Et si une des cloches tombait ?
Ils adoucissent, ils tempèrent les poursuites parfois trop rigoureuses des fermiers, des régisseurs, des gens d’affaires54. » — Une Anglaise qui les voit en Provence au sortir de la Révolution dit que, détestés à Aix, ils sont très aimés sur leurs terres. « Tandis que devant les premiers bourgeois ils passent la tête haute, avec un air de dédain, ils saluent les paysans avec une courtoisie et une affabilité extrêmes. » Un d’eux distribue aux femmes, enfants, vieillards de son domaine de la laine et du chanvre pour filer pendant la mauvaise saison, et, à la fin de l’année, il donne un prix de cent livres aux deux meilleures pièces de toile. […] Les ministres écrivent aux intendants pour savoir si les gentilshommes de leur province « aiment à rester chez eux » et s’ils « refusent de venir rendre leurs devoirs au roi ».
Que les gens soient sans éducation, sans capacités, sans caractère, ridicules, stupides, laids, faibles d’âme et de corps, bas, écervelés et totalement nuls, Dickens les aimera ; pourvu qu’ils ne fassent souffrir personne directement dans leur carrière inutile ou ignoble, le romancier leur réservera ses sympathies, badinera avec eux, les fera plaisants ou amusants et donnera sans cesse ces humbles en exemple ; il sourit à leurs manies, les prend sous sa protection spéciale et grossit encore leurs rangs de quelques couples de braves idiots et de vertueux aliénés. […] Forster, contienne de nombreuses mais bien romanesques notes sur la prostitution (« la prostituée qui tente d’autres filles à partager sa honte ; la prostituée qui ne veut pas se laisser approcher d’un certain jeune homme, qui est celui précisément qu’elle aime »), jamais l’écrivain ne s’est risqué à aborder ce terrible sujet.
Et combien est nouvelle celle qui se livre avec une grâce presque mûre à son aimé, et comme on la sent, à travers ses cris de jeune maîtresse, la femme de maison, être déjà responsable et dénué d’enfantillages. […] Cette robe se confondant avec les ténèbres lui paraissait démesurée, infinie, insoulevable… » — Une rencontre dans la rue, le revirement mystérieux où elle s’avoue « en une, désertion immense » aimer Frédéric, puis l’entrevue capitale dans le magasin de porcelaine de son mari et les lèvres de son amant touchant ses magnifiques paupières enfin ce centre de tout le livre, l’idylle d’Auteuil, et les longue visites souffreteuses : « Presque toujours, ils se tenaient en plein air au haut de l’escalier, et des cîmes d’arbre jaunies par l’automne se mamelonnaient devant eux, jusqu’au bord du ciel pâle, ou bien ils allaient au bout de l’avenue dans un pavillon ayant pour tout meuble un canapé de toile grise.