On aime à s’étendre avec lui, en plus d’un endroit des Mémoires d’un Homme de qualité et de Cléveland, sur ces promenades méditatives, ces saintes lectures dans la solitude, au milieu des bois et des fontaines, une abbaye toujours dans le fond ; sur ces conversations morales entre amis, qu’Horace et Boileau ont marquées, nous dit-il, comme un des plus beaux traits dont ils composent la vie heureuse. […] Mais au fond c’était une nature soumise, non raisonneuse, altérée des sources supérieures, encline à la spiritualité, largement crédule à l’invisible ; une intelligence de la famille de Malebranche en métaphysique ; une de ces âmes qui, ainsi qu’il l’a dit de sa Cécile, se portent d’une ardeur étonnante de sentiments vers un objet qui leur est incertain pour elles-mêmes ; qui aspirent au bonheur d’aimer sans bornes et sans mesure, et s’en croient empêchées par les ténèbres des sens et le poids de la chair. […] Quant à ces fils d’Amulem, à ces neveux de M. de Renoncour, il se trouve que le plus charmant des deux est une nièce qu’on avait déguisée de la sorte pour la sûreté du voyage ; mais le marquis, si triste de la mort de sa Diana, n’a pas pris garde à ce piége innocent, et, à force d’aimer son jeune ami Mémiscès, il devient, sans le savoir, infidèle à la mémoire de ce qu’il a tant pleuré. […] J’aime beaucoup moins le Cléveland que les Mémoires d’un Homme de qualité : dans le temps on avait peut-être un autre avis ; aujourd’hui les invraisemblances et les chimères en rendent la lecture presque aussi fade que celle d’Amadis.
Ils se donnaient l’un et l’autre pour aimer le roi tendrement, et s’entretenaient toujours de ses rares et sublimes qualités. […] Sur le matin, et dans les moments où ils voyaient avec plus d’effroi l’état du roi, M. de Bouillon, qui, tout en pleurant, venait de s’éveiller, regarda tendrement La Martinière, et lui avançant les deux bras : « Vous voyez bien cela, lui dit-il, mon cher La Martinière, ce sont mes deux bras, c’est certainement ce que j’aime le plus au monde ; eh bien ! […] » Il est bon de remarquer, en passant, que ce si bon maître, que ce pauvre M. de Bouillon aimait tant, ne lui parlait jamais, disait toujours que c’était une triste et plate espèce, et lui avait, trois ou quatre ans auparavant, fait défendre, à la réquisition de son père, de paraître à la Cour, après en avoir dit tout le mal que l’on peut dire de quelqu’un. Il faut ajouter aussi que ce tendre serviteur du roi, qui l’aimait tant depuis vingt-quatre heures qu’il était malade, venait le voir environ huit jours par an quand il était en santé.
Politien le devina et l’aima par analogie de génie. « Donnez-lui une bonne chambre dans le palais de Laurent », écrit-il à ceux qui en disposent sous ses ordres. […] Ce danger et cette mort lui valurent l’enthousiasme du peuple ; la nation vit qu’il fallait aimer celui que les grands et les étrangers voulaient perdre. […] Je me trouverais par trop impoli et inhumain, si j’osais vous refuser quoique ce fût sur un homme de cette trempe et qui m’a tant aimé. […] Si je ne poursuis pas à présent sur les qualités des autres enfants, je ne puis cependant me retenir sur le sujet de Pierre et sur le témoignage que son père lui a rendu dans une affaire récente. — Deux mois environ avant sa mort, Laurent, assis sur son lit, selon sa coutume, causant avec nous philosophie et littérature, me disait qu’il voulait consacrer le reste de sa vie à des études qui nous étaient communes, à lui, à moi et à Pic de la Mirandole, et cela loin du bruit et du fracas de la ville. « Mais, lui dis-je, les citoyens ne vous le permettront pas, parce que, de jour en jour, ils aiment davantage vos conseils et votre autorité. » Souriant alors, il me dit : « J’ai déjà délégué mes fonctions à votre élève et je l’ai chargé de tout le poids des affaires. — Mais, avez-vous, lui répondis-je, surpris assez de force dans ce jeune homme pour que nous puissions avec confiance nous reposer sur lui ?
Mais ils aiment la précision, et la technique, comme ils en parlent, révèle et contient tout le reste. […] Que toujours le bon sens s’accorde avec la rime… Au joug de la raison sans peine elle (la rime) fléchit… Aimez donc la raison : que toujours vos écrits Empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix. […] Nous n’avons qu’à rapprocher deux ou trois vers épars dans l’œuvre de Boileau, et sa pensée se dégagera avec une netteté parfaite : Aimez donc la raison : que toujours vos écrits Empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix. […] Un artiste aime la brutalité des passions naturelles, comme il admire le dessin d’un os ou la saillie d’un muscle.