Quoi qu’il en soit de ces excursions où j’aimerais à le suivre dans le champ de la littérature sérieuse, M. de Tocqueville, membre assidu et actif de l’Académie des sciences morales et politiques, venait assez peu à l’Académie française, au sein de laquelle il va être si magnifiquement célébré.
Dans le discours que Victor Hugo me fit l’honneur de m’adresser, quand il me reçut il y a vingt ans à l’Académie dont il était alors directeur, il eut à parler de Port-Royal, des personnages célèbres qui s’y rattachaient, des solitaires, et il les montra « cherchant dans la création la glorification du Créateur, et l’œil fixé uniquement sur Dieu, méditant les livres sacrés et la nature éternelle, la Bible ouverte dans l’église et le soleil épanoui dans les cieux. » C’était magnifique, mais à côté ; la description ne se rapportait pas exactement même aux plus grands des Jansénistes, cœurs profonds, mais à l’œil étroit et qui n’osaient regarder en face, la nature ni le soleil. […] À l’Académie française.
Il y a bien les Académies, l’Académie des Sciences, et en particulier celle des Sciences morales et politiques, laquelle au premier abord semblerait répondre à l’objet et au vœu de M. […] Mais les Académies ont elles-mêmes leur doctrine dominante, volontiers exclusive : elles offrent assez l’image d’une école où les disciples rejoignent les maîtres : le dissident, le contradicteur énergique reste à la porte et n’entre pas.
Pour repérer cette petite lâcheté, Dangeau, qui était de l’Académie, crut devoir, à quelques jours de là, y faire lire l’Epître entière, en séance publique, le jour de la réception de Fontenelle (5 mai 1691) : ce fut l’abbé de La Vau qui se chargea de cette lecture. Mais un autre abbé, l’abbé Testu, directeur de l’Académie, trouva à redire après coup à ce procédé et convoqua extraordinairement les Quarante pour se plaindre qu’on eût manqué à l’ordre établi en pareil cas, à savoir que, dans les solennités académiques, on ne lirait aucun ouvrage s’il n’était de quelqu’un de la Compagnie.