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559. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Racine a-t-il de la forme et Victor Hugo n’en a-t-il pas ? […] Mais s’il existe au monde un grand écrivain à qui l’intelligence des tragiques anciens ait manqué, n’est-ce pas notre immortel Racine ? […] Et qu’elle est différente, l’Iphigénie d’Euripide, de cette virago du tendre Racine, qui demande intrépidement les flammes du bûcher ! […] En dépit des noms anciens, Ajax, Thésée, Achille, Agamemnon, qui composent la liste des personnages, Racine reste de son temps et de son milieu. […] Racine sentait bien cette impossibilité.

560. (1924) Critiques et romanciers

Au temps où, dans Corneille, il préférait le Cid, ses préférences, dans Racine, étaient pour Andromaque et Bajazet. […] Bientôt, il « n’osera plus » lire Racine : et c’est à cause de tant d’émoi qui le bouleverse et lui rend l’âme et le cœur déraisonnable. […] C’est ainsi qu’un de ses plus parfaits chefs-d’œuvre, le discours sur Jean Racine, prononcé à Port-Royal des Champs lors du centenaire de Racine, est un centon ; mais un centon de Jules Lemaître par lui-même. […] Et l’on goûtait, à Port-Royal, un accord charmant des paroles et du lieu ; Racine revivait dans son paysage. […] Elle n’a point à déclarer grands poètes Ronsard, La Fontaine ou Racine.

561. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Boileau, Racine, qui devaient être des dévots et qui furent toujours des chrétiens pratiquants, étaient ses meilleurs amis. […] que j’ai hâte de vous voir jouer les grandes amoureuses, les femmes damnées de Racine ! […] Sur ce, allez en paix, et aimez bien Racine, car il est divin ». […] Pour la tragédie, cinq morceaux de Racine, deux de Dumas père, un de Corneille, un de Victor Hugo. […] Pour conclure, une scène de Corneille, de Racine, de Molière, de Marivaux ou de Beaumarchais, voilà ce qui vaut le mieux.

562. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Ni Démosthène, ni Cicéron, ni Machiavel, ni Bossuet, ni Fénelon, ni Mirabeau, ni les premiers des écrivains ou des orateurs dans toutes les langues antiques ou modernes, qui ont essayé d’atteindre à cette perfection du langage humain, n’ont jamais pu y parvenir ; ils n’ont laissé après eux dans leurs œuvres que des débris de leurs tentatives, témoignage aussi de leur impuissance ; cela est plus remarquable encore dans les orateurs qui semblent se rapprocher davantage encore des poëtes par la force et par la soudaineté de la sensation ; aucun d’eux n’a pu dérober une strophe à Pindare ou dix vers à Homère, à Virgile, à Pétrarque, à Racine, à Hugo ; il semble qu’ils vont y atteindre ; mais, au dernier effort, la force leur manque, ils échouent, ils restent en arrière, ils ne peuvent pas, le pied leur glisse, ils se rejettent dans la prose, ils se sentent vaincus. […] Le drame de Moïse, par Chateaubriand, ne fut qu’une imitation impuissante de Racine ; il fit admirer, comme le paon, les découpures et les couleurs savantes de ses ailes, mais il ne s’en servit pas.

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