C’est cette figure d’une femme d’amour devenue sainte que je placerais sur le tombeau de Racine, dans le cimetière idéal des grands poètes. […] Et, sur la pierre funèbre, je graverais en beaux caractères le mot de Mme de Sévigné : « Il aime Dieu comme il aimait ses maîtresses » ; le mot de Mme de Maintenon : « Racine, qui veut pleurer, viendra à la profession de sœur Lalie », et le mot de Racine lui-même, recueilli par La Fontaine dans les Amours de Psyché : « Eh bien ! […] Il était « le petit Racine de M. […] Si Racine avait aimé comme l’Oreste d’Andromaque, jamais il n’aurait su peindre l’amour. […] Comme eux, elle en reste à La Calprenède ; elle est pour Corneille contre Racine.
Mais tout ce qui l’étouffe et lui succède sous Louis XIV se range par degrés à la foi, à la régularité : Despréaux, Racine, Bossuet. […] Ô Racine ! […] Le comique Molière était né tendre et facilement amoureux, de même que le tendre Racine était né assez caustique et enclin à l’épigramme. […] Le nom littéraire de Boileau n’aurait pas suffi pour la vulgariser à ce point ; on ne va pas remuer de la sorte des anecdotes sur Racine. […] Avant qu’un peu de terre, etc., dans l’Épître à Racine.
Sachant le grec dès l’enfance et comme sa langue maternelle, il étudie le français, et il s’y applique « avec le soin et l’exactitude qu’on met à approfondir une langue ancienne. » Il commente Malherbe, il possède à fond son Montaigne, son Rabelais ; il ignore Ronsard, et ce ne fut pas un malheur, car s’il doit renouveler à quelques égards la tentative de Ronsard, ce sera sans fausse réminiscence et « avec le goût pur de Racine. » M. […] En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes. […] C’est pourquoi il ne faut point voir dans la tentative d’André Chénier une renaissance gréco-latine ; c’est véritablement une renaissance française, conséquence des xvie et xviie siècles, avec cette différence que le xvie siècle avait vu la Grèce à travers l’afféterie italienne ; le xviie , à travers le faste de Louis xiv ; tandis qu’André Chénier a, dans l’âme de sa mère, respiré la Grèce tout entière ; il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » Certes, André Chénier n’a pas réussi partout ; plus d’une pièce de lui trahit des inexpériences sensibles ; il y a des différences d’âge entre ses poésies ; mais celles de sa dernière manière, les élégies lyriques à Fanny, à la Jeune Captive, l’ode à Charlotte Corday, les Iambes, ne laissent rien à désirer.
Soyez fous comme les condisciples de Racine. […] Nous sommes loin de l’âge fertile qui fut si justement appelé Renaissance, loin du temps où les Racine, les La fontaine, les Boileau devaient une partie de leur grandeur à leur admirable modestie, à leur volontaire abaissement devant les anciens qu’ils ont égalés. […] Comment répondre à ces captieuses hostilités de la discussion, si vous n’êtes fortement trempés par des convictions solides et prêts à témoigner pour Racine comme un Joad, pour Corneille comme un Polyeucte !