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112. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

La pureté du style, l’élégance des expressions n’ont pu faire des progrès après Racine et Fénelon ; mais la méthode analytique donnant plus d’indépendance à l’esprit, a porté la réflexion sur une foule d’objets nouveaux. […] Voltaire a fait faire des progrès à l’art dramatique, quoiqu’il n’ait point égalé la poésie de Racine. […] L’émotion produite par les tragédies de Voltaire est donc plus forte, quoiqu’on admire davantage celles de Racine. […] Racine lui-même fait à la rime, à l’hémistiche, au nombre des syllabes, des sacrifices de style ; et s’il est vrai que l’expression juste, celle qui rend jusqu’à la plus délicate nuance, jusqu’à la trace la plus fugitive de la liaison de nos idées ; s’il est vrai que cette expression soit unique dans la langue, qu’elle n’ait point d’équivalent, que jusqu’au choix des transitions grammaticales, des articles entre les mots, tout puisse servir à éclaircir une idée, à réveiller un souvenir, à écarter un rapprochement inutile, à transmettre un mouvement comme il est éprouvé, à perfectionner enfin ce talent sublime qui fait communiquer la vie avec la vie, et révèle à l’âme solitaire les secrets d’un autre cœur et les impressions intimes d’un autre être ; s’il est vrai qu’une grande délicatesse de style ne permettrait pas, dans les périodes éloquentes, le plus léger changement sans en être blessé, s’il n’est qu’une manière d’écrire le mieux possible, se peut-il qu’avec les règles des vers, cette manière unique puisse toujours se rencontrer ?

113. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Le stile de Racine, de Despreaux, de La Fontaine et de nos autres compatriotes illustres, ne sçauroit vieillir assez pour dégoûter un jour de la lecture de leurs ouvrages, et jamais on ne pourra les lire sans être touché de leurs beautez. […] Ils louent cependant Racine. […] M. Racine l’y fait revenir dans la premiere édition de sa tragédie, c’est-à-dire, comme captive d’Oreste qui va l’emmener à Sparte. […] Les loüanges que Despreaux a données à Moliere et à Racine, concilieront autant de suffrages à ces deux poëtes dans l’avenir, qu’elles peuvent leur en avoir procuré parmi les anglois et parmi les italiens nos contemporains.

114. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Corneille, Racine, La Fontaine, Quinault surtout, en fourniraient cent exemples. […] C’est là le grand mérite de Racine, la cause du charme qu’on éprouve en le lisant ; il a fort enrichi la langue, non par des expressions nouvelles, qu’il faut toujours hasarder très sobrement, mais par l’art heureux avec lequel il sait réunir ensemble des expressions connues, pour donner à son vers ou plus de force ou plus de grâce ; par la finesse avec laquelle il sait relever une expression commune, en y joignant une expression noble ; enfin par la simplicité unie partout à la noblesse, à la facilité et à l’harmonie. […] Vous êtes plus raisonnable que je ne pensais : mais Racine a-t-il toute votre estime ? […] Je pense que Corneille est moins pur, moins correct, moins élégant que Racine ; mais je pense que quand il fait bien les vers, personne ne les fait mieux que lui.

115. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Racine modelait la femme, Shakespeare la rêvait. […] Racine est suprêmement doué de cette belle humeur, de cette bonne humeur. […] Racine, fils d’un fonctionnaire de l’État, eut les avantages d’une éducation solide et de l’indépendance pécuniaire. […] Racine eut un sort différent. […] Version originale en anglais « Shakespeare and Racine » dans le texte source [NdE-Obvil].

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