Mon ami, lisez Térence, Plaute, Molière, Regnard et les autres ; vous y trouverez les amants aussi bons raisonneurs que vous. […] Je n’ai garde de mettre sur la même ligne un chapitre de Nicole ou de Montaigne, l’Iphigénie de Racine ou le Misanthrope de Molière avec un Traité des subsistance de première nécessité ; vous conviendrez que le plaisir que ces premiers ouvrages nous causent n’est pas sans utilité, et qu’il ne finira jamais.
Ajoutez que les médecins traînent toujours après eux le ridicule que Molière a attaché à leurs longues robes et à leurs bonnets pointus. […] On rappellera le mot de Molière sur la casse et le séné.
Si Molière eût laissé des Mémoires, il nous eût appris, je n’en doute pas, que Célimène et Alceste une fois créés, il lui restait au cœur moins de sa lâche faiblesse pour Armande Béjart. […] Qu’il y ait en Allemagne comme ailleurs, des scélérats cyniques, la chose est toute simple ; mais j’y crois le caractère de Tartufe, dans sa conception absolue, impossible ou du moins très rare ; chez nous, au contraire, il est fréquent, et le type primitif qu’en a donné Molière se ramifie en je ne sais combien de variétés : Tartufes de religion, de politique, de tolérance, de morale, d’amour ; une vanité abominable a suscité jusqu’à des Tartufes de vice.
A l’exception de trois ou quatre grands modernes qui appartiennent encore à demi au siècle dernier, vous verrez que Racine, Corneille, La Fontaine, Boileau, Molière, Pascal, Fénelon, La Bruyère et Bossuet, ont répandu plus d’idées justes et véritablement profondes que ces écrivains à qui on a donné l’orgueilleuse dénomination de penseurs, comme si on n’avait pas su penser avant eux avec moins de faste et de recherche. » La théorie littéraire de Fontanes est là ; son originalité, comme critique, consiste, sur cette fin du xviiie siècle, à déclarer fausse l’opinion accréditée, « si agréable, disait-il, aux sophistes et aux rhéteurs, par laquelle on voudrait se persuader que les siècles du goût n’ont pas été ceux de la philosophie et de la raison. » C’était proclamer, au nom des Écoles centrales, précisément le contraire de ce que Garat venait de prêcher aux Écoles normales.