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734. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

On ne prête pas assez d’attention en France à cette publication des Œuvres du grand Frédéric. […] On se disait : « Frédéric nous perd, il perd la Prusse par son ambition, par son opiniâtreté : il faut qu’il traite, qu’il fasse au plus vite sa paix avec la France. » On disait cela surtout dans le cercle des jeunes princes Auguste-Guillaume et Henri, et l’on se croyait patriote prussien en le disant. […] Le prince Henri regrettait que la Prusse eût renoncé à l’alliance avec la France ; il pensait que la politique de sa nation et son salut en cette crise étaient de revenir au plus tôt à cette paix avec nous. Il se trompait sans doute en la croyant possible, et Frédéric, jugeant alors le cabinet de Versailles, a mieux vu : Vous avez très bien fait, écrivait-il à son frère quinze jours après Rosbach, d’endoctriner le sieur de Mailly (l’un des prisonniers qui allait retourner en France) ; je souhaite, plus que je ne l’espère, qu’il réussisse. Pourtant ce n’est pas à nous d’oublier les intentions bienveillantes du prince Henri, de celui duquel Mirabeau écrivait dans sa correspondance de Berlin en 1786 : « Encore une fois, ce prince est, il sera et mourra Français. » — Dans les deux voyages que fera le prince Henri en France, il en recevra assez de remerciements publics et de flatteuses louanges.

735. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

En attendant, le gouvernement en France ne semblait pas à Lamennais marcher dans la bonne voie ; non que ce gouvernement fût le moins du monde libéral, mais même en essayant de faire rebrousser la société en arrière, le ministère Villèle était obligé de tenir compte des obstacles, des faits accomplis depuis 1789. […] Nous nous en allons vers notre vraie patrie, vers la maison de notre père : mais, à l’entrée, il y a un passage où deux ne sauraient marcher de front, et où l’on cesse un moment de se voir : c’est là tout. » A Mme de Senfft encore, au moment où il agitait de publier les Paroles d’un Croyant (19 février 1834) : « Vous allez entrer dans le printemps, plus hâtif qu’en France dans le pays que vous habitez (Florence) : j’espère qu’il aura sur votre santé une influence heureuse : abandonnez-vous à ce qu’a de si doux cette saison de renaissance ; faites-vous fleur avec les fleurs. […] Il aura desparoles de tendresse pour la France : « Chère France ! […] Sans doute elle renferme beaucoup de mal, mais le mal y est moins mauvais qu’ailleurs, et c’est beaucoup. » — « Vous jugez la France trop défavorablement, dit-il encore ; sans doute les âmes y sont, comme partout, affaiblies par l’égoïsme, mais infiniment moins que vous ne pourriez le croire.

736. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Ce n’est pas un reproche qu’on fait à Boileau, lequel n’était pas obligé de savoir l’histoire littéraire mieux qu’on ne la connaissait de son temps : Chez nos dévots aïeux le théâtre abhorré Fut longtemps dans la France un plaisir ignoré. […] Ce chapitre sur la tragédie commence par le résumé le plus exact et le plus instructif de ce qu’a été le genre antérieur à la renaissance de la tragédie en France, c’est-à-dire par un résumé de ce qu’ont été les Mystères mêmes, depuis leur origine au Moyen-Age jusqu’au xvie  siècle. […] Édélestand du Méril est un savant qui passe tant et de si longues heures solitaires dans son cabinet, et qui a tellement fui la popularité et le bruit, qu’on l’a pris au mot en France : il est plus apprécié en Europe que dans son pays. […] Voir, dans le volume qu’il vient de publier, et qui a pour titre : la Littérature indépendante et les écrivains oubliés (Paris, libraires Didier, 1862), le premier chapitre sur les origines du drame en France. […] Origines littéraires de la France, par M. 

737. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Développons, autant qu’il est en nous, l’intelligence, la moralité, les habitudes de travail dans toutes les classes de la société française ; cela fait, nous pourrons mourir tranquilles ; la France sera libre, non de cette liberté absolue qui n’est point de ce monde, mais de cette liberté relative qui seule répond aux conditions imparfaites, mais perfectibles, de notre nature. » C’est fort sensé, et du moins, on l’avouera, très spécieux ; mais cela ne satisfait point peut-être ceux qui sont restés entièrement fidèles à la notion première et indivisible de liberté, et je ne serai que vrai en reconnaissant qu’il subsiste, toutes concessions faites, une ligne de séparation marquée entre deux classes d’esprits et d’intelligences : Les uns tenant ferme pour le souffle de flamme généreux et puissant qui se comporte différemment selon les temps et les peuples divers, mais qui émane d’un même foyer moral ; estimant et pensant que tous ces grands hommes, même aristocrates, et durs et hautains, que nous avons ci-devant nommés, étaient au fond d’une même religion politique ; occupés avant tout et soigneux de la noblesse et de la dignité humaines ; accordant beaucoup sinon à l’humanité en masse, du moins aux classes politiques avancées et suffisamment éclairées qui représentent cette humanité à leurs yeux. […] en France, le grand art consistera toujours à savoir user tantôt de l’une, tantôt de l’autre, à bien distinguer les temps et les moments : dans ce double jeu, la théorie peut avoir tort, l’habileté supérieure aura raison. […] Tâchons pourtant, en France, de ne pas nous en passer trop souvent. […] On aura aisément, deviné, dans cette énumération que je viens de faire à l’occasion du rédacteur en chef de l’Opinion nationale, la couleur et la nuance distincte des principaux journaux politiques passés en revue : — la Gazette de France ; — le Progrès de Lyon, et le Courrier du Dimanche ; — le Journal des Débats ; — le Temps ; — le Siècle ; — la France ; — et enfin le Constitutionnel lui-même.

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