Dans mes écrits destinés aux gens du monde, j’ai dû faire beaucoup de sacrifices à ce qu’on appelle en France le goût. […] C’est ainsi qu’après avoir aperçu la première les vérités de ce qu’on appelle maintenant le darwinisme la France a été la dernière à s’y rallier. […] La France a ainsi passé à côté de précieuses vérités, non sans les voir, mais en les jetant au panier, comme inutiles ou impossibles à exprimer. […] La France, qui a marché la première dans la voie de l’esprit nationaliste, sera, selon la loi commune, la première à réagir contre le mouvement qu’elle a provoqué. […] Selon le point qu’il s’agit d’atteindre, ce que fait la France, par exemple, est excellent ou détestable.
Nous n’avons que trop vu, dans un précédent ouvrage, comment la cour de Henri IV a concouru à entretenir la corruption introduite en France par le règne de François Ier. […] En 1594, la France était pacifiée par la reddition de Paris et de Rouen, et par l’anéantissement de la Ligue. […] Je me figure et c’est peut-être une illusion ridicule, que jamais on n’eut autant besoin de se parler en France ni ailleurs, qu’à cette époque. […] On lit dans les Mémoires de Sully, qu’après la mort du roi le prince « le Condé écrivit à la reine : Vous savez pourquoi j’ai quitté la France, nous faisions cause commune. » (Ibid. […] Au mois de février 1610, il lui fit faire une sommation de rentrer en France.
Depuis douze ans, il a écrit ainsi force lettres sur la France, la Belgique, la Suisse, l’Océan et la Méditerranée, et il les a oubliées. […] Des esprits, excellents et nobles d’ailleurs, l’ont controversée en France assez vivement à cette époque, et ont pris tout d’abord, comme il arrive presque toujours, deux partis opposés, deux partis extrêmes. […] Maintenir le droit de la France sans blesser la nationalité de l’Allemagne, c’était là le beau problème dont celui qui écrit ces lignes avait, dans sa course sur le Rhin, cru entrevoir la solution. […] On le sait, la prodigieuse sonorité de la presse française, si puissante, si féconde et si utile d’ailleurs, donne aux moindres noms littéraires de Paris un retentissement qui ne permet pas à l’écrivain, même le plus humble et le plus insignifiant, de croire hors de France à sa complète obscurité. […] Quant à l’Allemagne, qui est à ses jeux la collaboratrice naturelle de la France, il croit, dans les considérations qui terminent le second de ces deux volumes, l’avoir appréciée justement et l’avoir vue telle qu’elle est.
… Sans nul doute, Lamartine avec son génie, Lamartine, qui mérita autant et peut-être plus que le Tasse d’être couronné au Capitole, si en France il y avait un Capitole, pouvait, dans cette lapidation de statues, attraper la sienne tout comme un autre, et il l’a attrapée ! […] Lamartine a posé sur les siennes son époque tout entière, pour lui faire passer le fleuve de poésie fausse dans laquelle elle pataugeait et se noyait, et, d’une seule haleine, il l’a portée dans l’enivrante et haute atmosphère de la Poésie vraie, — de la Poésie éternelle, qu’en France, lorsqu’il vint, on ne connaissait plus ! […] Depuis Racine, la Poésie était morte en France. […] tous les sentiments de l’âme humaine, épanouis ou concentrés dans sa personne… Il chanta et pleura, et il fit de l’Élégie — car les classificateurs l’auraient appelé un élégiaque — quelque chose de si splendide et de si grandiose, qu’un poète épique, impossible, dit-on, en France, y aurait paru et s’y serait emparé subitement de l’imagination française, qu’il n’aurait pas produit d’effet plus grand ! […] Tout le monde de son livre est républicain, et de la seconde République, — ce qui ne veut pas dire étroitement de la troisième, laquelle vient de renier la seconde, le jour même où la Bourgogne, et non pas la France, a élevé une statue à Lamartine !