On rappelle les exploits de Mandrin en 1754756, sa troupe de cent cinquante hommes qui apporte des ballots de contrebande et ne rançonne que les commis, ses quatre expéditions qui durent sept mois à travers la Franche-Comté, le Lyonnais, le Bourbonnais, l’Auvergne et la Bourgogne, les vingt-sept villes où il entre sans résistance, délivre les détenus et vend ses marchandises ; il fallut, pour le vaincre, former un camp devant Valence et envoyer 2 000 hommes ; on ne le prit que par trahison, et encore aujourd’hui des familles du pays s’honorent de sa parenté, disant qu’il fut un libérateur Nul symptôme plus grave : quand le peuple préfère les ennemis de la loi aux défenseurs de la loi, la société se décompose et les vers s’y mettent Ajoutez à ceux-ci les vrais brigands, assassins et voleurs. « En 1782, la justice prévôtale de Montargis instruit le procès de Hulin et de plus de 200 de ses complices qui, depuis dix ans, par des entreprises combinées, désolaient une partie du royaume757. » — Mercier compte en France « une armée de plus de 10 000 brigands et vagabonds », contre lesquels la maréchaussée, composée de 3 756 hommes, est toujours en marche. « Tous les jours on se plaint, dit l’assemblée provinciale de la Haute-Guyenne, qu’il n’y ait aucune police dans la campagne. » Le seigneur absent n’y veille pas ; ses juges et officiers de justice se gardent bien d’instrumenter gratuitement contre un criminel insolvable, et « ses terres deviennent l’asile de tous les scélérats du canton758 » Ainsi chaque abus enfante un danger, la négligence mal placée comme la rigueur excessive, la féodalité relâchée comme la monarchie trop tendue. […] La populace, délivrée du frein auquel elle est accoutumée, s’abandonnerait à des violences d’autant plus cruelles qu’elle ne saurait elle-même où s’arrêter… Tant que le pain de Gonesse ne manquera pas, la commotion ne sera pas générale ; il faut que la halle779 y soit intéressée, sinon les femmes demeureront calmes… Mais si le pain de Gonesse venait à manquer pendant deux marchés de suite, le soulèvement serait universel, et il est impossible de calculer à quoi se porterait cette grande multitude aux abois, qui voudrait se délivrer de la famine, elle et ses enfants. » — En 1789, le pain manque à Gonesse et dans toute la France. […] Levasseur, la France industrielle, 119 En 1862, sur une population presque triple (1 696 000), il y avait 90 000 indigents.
Quand vous allâtes le voir au Collège de France, il s’était déjà procuré lui-même les matières de l’expérience. […] Je ne puis cependant m’empêcher d’être ému quand je vois tant d’hommes de valeur, en France, en Angleterre, en Amérique, accepter ce nom comme un drapeau. […] Tout passe, et nous ne passons pas ; car nous ne nous attachons qu’à deux choses qui, nous l’espérons, seront éternelles en France : l’esprit et le génie.
Bazin sont (je les range par ordre d’intérêt et d’importance) : 1º Une Histoire de France sous Louis XIII et sous le ministère du cardinal Mazarin, grande composition qui parut en deux parties, les quatre volumes qui traitent de Louis XIII en 1838, et les deux qui traitent de Mazarin, en 1842. Cette Histoire, dont l’auteur a donné depuis (en 1846) une seconde édition revue et définitive, a commencé, dès 1840, à obtenir le second des prix Gobert que l’Académie française décerne chaque année aux deux meilleurs ouvrages qui traitent de l’histoire de France. […] Par exemple, en mars 1612, deux ans après la mort de Henri IV, à l’occasion du double mariage annoncé entre les maisons de France et d’Espagne, l’historien nous montre le deuil public faisant place à des fêtes « où allait se réveiller cette passion du luxe, de l’éclat et du plaisir, si longtemps ensevelie sous la triste livrée du regret ».
La Restauration s’était établie en 1814, et, quels que fussent les regrets légitimes et les douleurs brûlantes de ceux qui soutiraient des revers de nos armes et de l’envahissement de la patrie, on ne peut nier que les choses en étaient venues au point que la Restauration, sans être désirée ni prévue de la France, fut acceptée d’un grand nombre, à cette première heure de 1814, comme un soulagement, il ne s’agissait, pour la faire vivre, que de la bien engager dans sa voie et de la bien diriger. […] Cela se répare vite en France. […] C’est seulement à cette date que son talent, jusqu’alors borné au cercle du salon et de la société, put sortir au-dehors et se donner un but, qu’il put véritablement entrer dans le public, et devenir à son moment, et sans se dénaturer, une des armes de la France.