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503. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Nous tirerons deux utilités de cet examen : celle de savoir à quelle époque, à quel pays il faut rapporter les commencements de cette civilisation ; et celle d’appuyer par des preuves, humaines à la vérité, tout le système de notre religion, laquelle nous apprend d’abord que le premier peuple fut le peuple hébreu, que le premier homme fut Adam, créé en même temps que ce monde par le Dieu véritable14. […] Mais lorsque la terre desséchée put de nouveau produire le tonnerre par ses exhalaisons, les géants épouvantés rapportèrent ce terrible phénomène à un Dieu irrité. […] Toutes ces idées magnifiques que l’on s’est faites jusqu’ici sur les commencements de Rome et de toutes les autres capitales des peuples célèbres, disparaissent, comme le brouillard aux rayons du soleil, devant ce passage précieux de Varron rapporté par Saint-Augustin dans la Cité de Dieu : pendant deux siècles et demi qu’elle obéit à ses rois, Rome soumit plus de vingt peuples, sans étendre son empire à plus de vingt milles . […] Dira-t-on que les Romains ont reçu de Dieu un privilège particulier ? […] Sans doute la Providence voulait, comme l’observe Lactance, empêcher que la religion du vrai Dieu ne fût profanée par les communications de son peuple avec les Gentils. — Tout ce qui précède est confirmé par le témoignage du peuple Hébreux lui-même, qui prétendait qu’à l’époque où parut la version des Septante, les ténèbres couvrirent le monde pendant trois jours, et qui, en expiation, observait un jeûne solennel, le 8 de tébet ou décembre.

504. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 219

Son Poëme de la grandeur de Dieu dans les merveilles de la Nature, a eu d’abord de la célébrité ; mais, à le bien examiner, il ne differe de ses autres Poésies, que par quelques morceaux heureux, & par des notes instructives à la vérité, mais tirées pour la plupart du Spectacle de la Nature, de M. […] Il est étonnant qu’un sujet aussi intéressant, aussi noble, aussi fécond, aussi propre à élever l’ame, à échauffer le génie, & à lui faire enfanter de grandes idées, tel que la grandeur de Dieu considérée dans les merveilles de la Nature, ait échappé aux grands Poëtes du siecle de Louis XIV, même au petit nombre de bons Poëtes de ce siecle-ci.

505. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Or, le xviiie  siècle passe avec raison pour avoir été prodigue d’idées, familier et prompt, tout à tous, ne haïssant pas le déshabillé ; et quand il s’était trop échauffé en causant de verve, en dissertant dans le salon pour ou contre Dieu, ma foi ! […] Diderot, dès ses premières Pensées philosophiques, paraît surtout choqué de cet aspect tyrannique et capricieusement farouche, que la doctrine de Nicole, d’Arnauld et de Pascal prête au Dieu chrétien ; et c’est au nom de l’humanité méconnue et d’une sainte commisération pour ses semblables qu’il aborde la critique audacieuse où sa fougue ne lui permit plus de s’arrêter. […] Elle ne fut pas une pyramide de granit à base immobile ; elle n’eut rien de ces harmonieuses et pures constructions de l’art, qui montent avec lenteur à travers des siècles fervents vers un Dieu adoré et béni. […] pour appliquer ici un mot éloquent de Diderot lui-même, « la statue de l’architecte restera debout au milieu des ruines, et la pierre qui se détachera de la montagne ne la brisera point, parce que les pieds n’en sont pas d’argile. » L’athéisme de Diderot, bien qu’il l’affichât par moments avec une déplorable jactance, et que ses adversaires l’aient trop cruellement pris au mot, se réduit le plus souvent à la négation d’un Dieu méchant et vengeur, d’un Dieu fait à l’image des bourreaux de Calas et de La Barre. […] Grimm avait déjà comparé la tête de Diderot à la nature telle que celui-ci la concevait, riche, fertile, douce et sauvage, simple et majestueuse, bonne et sublime, mais sans aucun principe dominant, sans maître et sans Dieu.

506. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Calviniste dans sa jeunesse, avec les mœurs des pantagruélistes mangeur de viande en carême et incestueux, la grâce de Dieu et celle des doublons d’Espagne, dit la satire, l’a déterminé à signer la sainte Ligue. […] C’est l’enfant de l’anarchie politique et religieuse : il n’a ni Dieu ni roi, et il pille indistinctement les deux partis, sous prétexte qu’ils n’ont ni le vrai roi ni le vrai Dieu. […] Qui donc a la noble ambition de nous faire gravir un degré de plus de l’échelle mystérieuse par laquelle l’homme prétend s’élever jusqu’à Dieu avec les seules forces de sa raison ? […] Le médecin de l’homme n’est plus l’homme, c’est Dieu lui-même, entourant l’âme chrétienne de sa providence, et s’insinuant dans ses plus secrets mouvements. […] A peine est-il sévère pour ceux qui s’égarent ; pour les autres, il les laisse marcher de leur pas, trouvant bon qu’ils prennent quelques plaisirs honnêtes dans ce monde où Dieu les place pour quelques moments, à titre d’hôtes et de passagers.

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