Seulement, comme d’ordinaire on ne sait par cœur que ce que l’on a étudié, il est rare qu’un effort intellectuel soit nécessaire pour interpréter les mots qui se succèdent dans l’esprit ; l’effort mental se concentre sur la remémoration, et nous comprenons à mesure sans intervalle appréciable. […] Examinons donc de plus près ce qui se passe dans l’esprit de l’homme qui cherche l’expression juste de sa pensée ou le sens exact et définitif du texte qu’il étudie. […] Ici, trois cas sont à distinguer : nous ne savons pas du tout la langue du texte que nous étudions, nous la savons mal, ou nous la savons bien.
Ils ne critiquent pas, ceux-là : ils contemplent, ils étudient. […] Mais je veux les étudier encore ; mon excuse est excellente ; c’est par une politesse extrême que je renvoie cette besogne si agréable. […] Je commence donc par une tâche plus facile : je vais étudier rapidement les principaux maîtres de l’école française, et analyser les éléments de progrès ou les ferments de ruine qu’elle contient en elle.
Étudiez le mécanisme de votre pensée, discutez votre connaissance et critiquez votre critique : quand vous serez assurés de la valeur de l’instrument, vous verrez à vous en servir. » Hélas ! […] Si la connaissance que nous cherchons est réellement instructive, si elle doit dilater notre pensée, toute analyse préalable du mécanisme de la pensée ne pourrait que nous montrer l’impossibilité d’aller aussi loin, puisque nous aurions étudié notre pensée avant la dilatation qu’il s’agit d’obtenir d’elle. […] Mais qui ne voit que ses spéculations sont alors purement abstraites et qu’elles portent, non pas sur les choses mêmes, mais sur l’idée trop simple qu’il se fait d’elles avant de les avoir étudiées empiriquement ?
C’est donc le mécanisme de ce contact qu’il faudrait étudier, afin de voir si le rôle du cerveau ne serait pas d’en assurer le fonctionnement, bien plutôt que d’emprisonner les souvenirs eux-mêmes dans ses cellules. […] Après avoir étudié tour à tour, en effet, la perception pure et la mémoire pure, il nous restait à les rapprocher l’une de l’autre. […] Mais justement parce que nous avons éliminé les éléments, atomes ou autres, que ces mouvements auraient pour siège, il ne peut plus être question ici du mouvement qui est l’accident d’un mobile, du mouvement abstrait que la mécanique étudie et qui n’est, au fond, que la commune mesure des mouvements concrets.