Ce fut en effet véritablement le passage d’un état à un autre, du Paris où le Parisien dominait au Paris où il n’est plus le maître de sa ville ; du Paris où il était l’essentiel au Paris où il n’est plus que l’accessoire, du Paris où il imposait ses façons d’être, ses goûts, ses préjugés même, ses mœurs, au Paris où il subit les mœurs et les goûts de la province et de l’étranger. […] Ils commençaient déjà à ne plus se sentir chez eux, et ils déploraient l’envahissement de Paris par les étrangers. […] Par la large déchirure de la spéculation, étrangers, provinciaux affluaient.
Il n’est pas rare qu’on aperçoive alors le monde extérieur sous un aspect singulier, comme dans un rêve ; on devient étranger à soi-même, tout près de se dédoubler et d’assister en simple spectateur à ce qu’on dit et à ce qu’on fait. […] Celui qui l’éprouve est souvent en proie à une émotion caractéristique ; il devient plus ou moins étranger à lui-même et comme « automatisé ». […] Et il est naturel que nous pensions ainsi, parce que l’état de veille est celui qui nous importe pratiquement, tandis que le rêve est ce qu’il y a au monde de plus étranger à l’action, de plus inutile.
Elle a beau s’installer dans l’âme, elle a beau être devenue maîtresse de la maison, elle n’en reste pas moins une étrangère. […] Il semble aussi qu’un appel ait été lancé en nous à des souvenirs ataviques infiniment anciens, si profonds, si étrangers à notre vie actuelle, que cette vie nous apparaît pendant quelques instants comme quelque chose d’irréel ou de convenu, dont il va falloir faire un nouvel apprentissage. […] Ou bien encore il aura conscience de parler et d’agir comme à l’ordinaire ; seulement il parlera de lui comme d’un étranger avec lequel il n’a plus rien de commun ; il se sera détaché de lui-même.
Charlotte est touchée par les malheurs du jeune étranger. […] Il dit : Je ne sais si le public goûtera cette histoire qui sort de toutes les routes connues, et qui présente une nature tout à fait étrangère à l’Europe. […] Joseph de Maistre est un étranger et n’a guère encore publié que ses courtes Considérations. […] Il faut dire que cela est écrit avant Waterloo et que plus tard, dans les Mémoires, Chateaubriand aura l’air de dire qu’il ne comptait pas, en 1814 sur l’étranger, et se donnera comme navré de l’entrée des Alliés à Paris. […] Où donnait-on des fêtes aux infâmes princes étrangers ?