Notre esprit se tendait involontairement à considérer la pensée, abstraction faite de l’expression ; et il en venait à s’exercer même sur la langue maternelle comme si c’eût été une langue étrangère, c’est-à-dire qu’il venait à traduire sa pensée au lieu de l’exprimer.
… Sisson et Crampon avaient, en publiant le Ximénès d’Hefele, des intentions excellentes, nous n’en doutons pas, mais quoi qu’ils aient eu la grosse exactitude des faits qui suffit au contentement d’un auteur heureux de se voir reproduit, tant bien que mal, dans un idiome étranger, cela n’est point assez, pourtant, pour donner une idée des mérites littéraires de cet homme, s’il en a dans sa propre langue.
C’est à Paris, en effet, que cet Italien, naturalisé Français par un langage aussi étonnant pour un étranger que celui d’Hamilton (dans les Mémoires de Gramont), publia son fameux livre dialogué sur les blés, que Voltaire appela du Platon égayé par Molière, et qui fricassa les économistes balourds de ce temps dans la poêle à frire de la plaisanterie, chauffée avec cette verve qui faisait penser Catherine II au Vésuve, quand elle lisait Galiani !
On établit une ligne injuste et fatale entre le fils du maître et l’étranger.