Et, d’autre part, nous avions assurément éprouvé cet obscur frisson avant d’avoir ouvert un livre russe ou norvégien. « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », est une phrase qui ne date pas d’hier Un des passages de Tolstoï où l’inquiétude du mystère est le mieux traduite, c’est apparemment quand le prince André Volkonsky, blessé à Austerlitz, est étendu sur le champ de bataille et regarde le ciel, « ce ciel lointain, élevé, éternel ». […] Le devoir d’être bon jusqu’à l’immolation de soi ; mais aucun support de ce devoir, sinon que nous mourrons tous (vérité qui prêterait tout aussi bien à une conclusion égoïste et épicurienne) et qu’il est naturel que nous soyons tous pénétrés de pitié et de bonté les uns pour les autres, étant tous guettés par l’immense et éternelle nuit.
Que signifie cette formule scellée, en langue inconnue, cet a + b théologique, que vous présentez à l’humanité en lui disant : « Ceci gardera ton âme pour la vie éternelle : mange et tu seras guéri », pilule qu’il ne faut pas presser entre ses dents, sous peine de ressentir une cruelle amertume ? […] Ce qui est de l’humanité, ce qui par conséquent sera éternel comme elle, c’est le besoin religieux, la faculté religieuse à laquelle ont correspondu jusqu’ici de grands ensembles de doctrine et de cérémonies, mais qui sera suffisamment satisfaite par le culte pur des bonnes et belles choses. […] Mais nous qui ne sommes plus enivrés de cette joie du premier emportement, nous qui, revenus à l’âme, y avons trouvé l’éternel besoin de religion, qui est au fond de la nature humaine, nous avons cherché autour de nous et, plutôt que de rester dans cette pénurie devenue intolérable, nous sommes revenus au passé et nous avons accepté telle quelle la doctrine qu’il nous léguait.
Oui, la pensée même de Dieu, la pensée éternelle et contemporaine de tous les temps, cette pensée est dans le verbe. […] Il y aurait beaucoup de choses à dire sur les noms d’hommes et de lieux, qui eurent, dans les temps anciens, une énergie si singulière, qui furent une poésie si merveilleuse ; sur ces lieux sans nom qui étaient, selon Virgile, autour du palais d’Évandre ; sur ces autres lieux où, comme dit Lucain, nulle pierre n’était sans nom : c’est que la renommée s’était assise sur les ruines de Troie, et qu’elle n’avait point encore visité les sept collines qui devaient être la ville éternelle. […] Enfin il y aurait à rendre compte des superstitions rabbiniques au sujet du nom incommunicable et sacré de Jeovah, nom formé, comme on sait, de la combinaison du présent, du passé, du futur du verbe être, et qui renferme, par son énergie propre, le sentiment essentiel de l’existence continue et non successive, en d’autres termes, éternelle et contemporaine de tous les temps ; ce qui, pour le dire en passant, a cela de remarquable, que le substantif par excellence tire ici son origine du verbe.
C’est la bavarde éternelle… Arrosés et daubés par la pluie, par le déluge des citations de M. […] Jamais les partis ne permettent qu’on écrive librement leur histoire, et ils sont toujours tout prêts à s’en venger… Les optimistes, qui sont de race éternelle, prétendent que l’historien des Origines de la France contemporaine et l’historien de la Commune ne risquent rien en se montrant si noblement courageux. […] Qui donc, parmi les admirateurs de la Révolution française ou parmi ses haïsseurs éternels et implacables, s’attendait à un tel livre, venant d’une telle main ?