elle lui reconnaît ce don et ce bonheur de se faire aimer, qui est, selon elle, l’unique ressource et félicité de l’état de souverain : « Vous l’avez si parfaitement acquis (ce bonheur), ne le perdez pas en négligeant ce qui vous l’a procuré : ce n’est ni votre beauté, qui, effectivement, n’est pas telle, ni vos talens, ni votre savoir (vous savez bien que tout cela n’existe pas), c’est votre bonté de cœur, cette franchise, ces attentions, appliquées avec tant de jugement. […] (31 octobre 1774.) » Et cinq ans après, quand Marie-Antoinette est reine, dans une lettre à l’abbé de Vermond, Marie-Thérèse laisse échapper ce même mot de sinistre augure et qui s’est trouvé trop prophétique : « Je suis bien touchée de vos services et attachement qui n’ont pas d’exemple ; mais je le suis aussi de l’état de ma fille, qui court à grands pas à sa perte, étant entourée de bas flatteurs qui la poussent pour leurs propres intérêts (1776). » Et pour le dire en passant, cet abbé de Vermond, tant attaqué et incriminé dans tous les mémoires du temps et toutes les histoires de Marie-Antoinette, se relève un peu, dans cette Correspondance, par l’estime constante et la confiance absolue que lui témoigne Marie-Thérèse : c’est là aussi un suffrage qui compte et qui vaut bien qu’on le mette en balance avec celui de Mme Campan. […] On convient bien que le feu roi a laissé les choses en très-mauvais état, mais les esprits sont divisés, et il sera impossible de contenter tout le monde dans un pays où la vivacité voudrait que tout fût fait dans un moment (30 juillet 1774.) » Bien vite, en effet, les nuages reviennent et les difficultés se prononcent.
L’état dans lequel est toute la ville de Londres est extrêmement honorable pour l’Angleterre. […] Jamais son épouse enchaînée Ne veut d’un servile hyménée Subir les honteuses douceurs ; L’amour en vain gronde et l’accuse ; Sa jalouse fierté refuse Des sujets à ses oppresseurs… » — Il s’agit vraisemblablement de l’éléphant du Jardin des Plantes et de sa femelle, qui ne reproduisait pas dans l’état de captivité. […] Casimir Perier, dont l’état était déjà, désespéré, mourait le 16 mai.
Cette méthode ne triomphe jamais avec une évidence plus entière et plus éclatante que lorsqu’elle ressuscite les hommes d’état, les conquérants, les théologiens, les philosophes ; mais quand elle s’applique aux poètes et aux artistes, qui sont souvent des gens de retraite et de solitude, les exceptions deviennent plus fréquentes et il est besoin de prendre garde. […] Les circonstances extérieures étant données, l’état politique et social étant connu, on conçoit quelle dut être sur une nature comme celle de Boileau l’influence de cette première éducation, de ces habitudes domestiques et de tout cet intérieur. […] Rien ne saurait mieux donner idée du degré de défaveur que la réputation de Boileau encourait à un certain moment, que de voir dans l’excellent recueil intitulé l’Esprit des Journaux (mars 1785, page 243) le passage suivant d’un article sur l’Épître en vers, adressé de Montpellier aux rédacteurs du journal ; ce passage, à mon sens, par son incidence même et son hasard tout naturel, exprime mieux l’état de l’opinion courante que ne le ferait un jugement formel : « Boileau, est-il dit, qui vint ensuite (après Regnier), mit dans ce qu’il écrivit en ce genre la raison en vers harmonieux et pleins d’images : c’est du plus célèbre poëte de ce siècle que nous avons emprunté ce jugement sur les Épîtres de Boileau, parce qu’une infinité de personnes dont l’autorité n’est point à mépriser, affectant aujourd’hui d’en juger plus défavorablement, nous avons craint, en nous élevant contre leur opinion, de mettre nos erreurs à la place des leurs. » Que de précautions pour oser louer !
Il reste donc à examiner quels sont les sujets de comédie qui peuvent le mieux réussir dans un état libre. […] Les véritables convenances, dans un état libre, ne peuvent être blessées que par les défauts réels de l’esprit ou du caractère. […] Nous sommes arrivés à une période qui ressemble, sous quelques rapports, à l’état des esprits au moment de la chute de l’empire romain, et de l’invasion des peuples du Nord.