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420. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Comment la littérature d’un peuple pourrait-elle ne pas exprimer l’état des mœurs et des esprits à chaque période de la vie nationale ? […] Mais l’état des choses accumulait les difficultés. […] La vie future y est toujours mentionnée, même en passant, comme un état de rétribution. […] Ce principe ne trouve dans l’âme, à son état actuel, rien qui puisse le contrebalancer suffisamment, rien qu’il ne soit prêt à dévorer, rien qu’il ne soit en état de convertir en sa propre substance. […] « Il y a une dureté de complexion ; il y en a une autre de condition et d’état.

421. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Guizot, dont c’était la pensée bien arrêtée et qui a la faculté de s’isoler des passions et des instincts populaires, nous montre très bien comment ces passions et ce besoin de mouvement, assez vaguement représentés d’abord (à l’état de simple velléité) dans les conseils de la nouvelle monarchie par M.  […] Guizot un programme au nom de la jeunesse, programme qui commençait par ces mots : « On ne comprend pas l’état des choses. — Il faut être national et fort, avant tout et tout de suite… » Qu’était-ce enfin que cet ami de beaucoup d’esprit (dans lequel il m’est impossible de ne pas reconnaître M. de Rémusat, l’homme des idées, sinon de l’action), qui du fond de son département écrivait à M. Guizot, le 29 juin 1831, c’est-à-dire sous Casimir Perier déjà : « L’état général des esprits me préoccupe ; je les ai vus s’altérer, se gâter rapidement depuis un mois… C’est un mélange d’irritation et de découragement, de crainte et de besoin de mouvement ; c’est une maladie d’imagination qui ne peut ni se motiver ni se traduire, mais qui me paraît grave. Les esprits me semblent tout à fait à l’état révolutionnaire, en ce sens qu’ils aspirent à un changement, à une crise, qu’ils l’attendent, qu’ils l’appellent, sans qu’aucun puisse dire pourquoi.

422. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

* La guerre a été le premier état naturel de l’homme à l’origine des sociétés : guerre contre les animaux de proie, guerre des hommes entre eux. […] Il devient évident que si la guerre a été le premier état naturel de l’homme barbare et sauvage, que si elle a été le triomphe et le jeu de quelques génies prééminents, l’élément nécessaire et l’instrument de grandeur des nations souveraines et des peuples-rois, la paix, avec tous les développements qu’elle comporte, est la fin dernière des sociétés humaines civilisées. […] Il y fut actif, essentiel, et il contribua autant que personne, en ces difficiles et calamiteuses années 1799-1800, à l’organisation de l’armée et de l’état militaire en Suisse, à la réforme et à la refonte des règlements, au bon choix des hommes. […] Et avant tout, il faut bien se rendre compte de l’état de la science critique militaire en France pour apprécier ce qu’il y introduisit de tout à fait neuf, et qui mérita de faire événement.

423. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Dans les pays où les prêtres dominent, tous les maux et tous les préjugés se sont trouvés quelquefois réunis ; mais la diversité des gouvernements, en Italie, allégeait le joug des prêtres, en donnant lieu à des rivalités d’états ou de princes, qui assuraient l’indépendance très bornée dont les sciences et les arts ont besoin. […] La subdivision des états, dans un même pays, est ordinairement favorable à la philosophie : c’est ce que j’aurai lieu de développer en parlant de la littérature allemande. Mais, en Italie, cette subdivision n’a point produit son effet naturel ; le despotisme des prêtres, pesant sur toutes les parties du pays, a détruit la plupart des heureux résultats que doit avoir le gouvernement fédéral, ou la séparation et l’existence des petits états. […] Ce qui a empêché l’Italie d’être une nation, la subdivision des états, lui a donné du moins la liberté suffisante pour les sciences et les arts ; mais l’unité du despotisme d’Espagne, secondant l’active puissance de l’inquisition, n’a laissé à la pensée aucune ressource dans aucune carrière, aucun moyen d’échapper au joug.

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