Il fixe alors cette vaste étendue du Ciel, cette immense Nature, qui, fiere dans toutes ses productions n’a point fait d’esclaves, elle n’a point bâti de murs, elle n’a point forgé de chaînes ; cet oiseau qui sur une aîle hardie, franchit l’espace, cet animal des bois qui erre sans guide au gré de son instinct, l’ouragan qui passe, tout parle éloquemment à son cœur, & il apperçoit au milieu de l’Univers la liberté, & il s’écrie : c’est à toi que j’adresse mes vœux, ame des nobles travaux, mere des vertus & des talens ; toi qui formes les ames vigoureuses, les esprits élevés & lumineux ; toi qui ne faisant point d’opprimé, ne fais point d’oppresseur ; toi dont la main sacrée grave dans le cœur de l’homme le caractère primitif de la Justice ; c’est à toi que je voue mes jours, conduis mes pas & ma langue ; je le sens, tu éleveras ma pensée, tu la rendras digne de l’Univers. […] Le tranquille Observateur assis sur la pointe d’un roc qui domine l’Océan, représente le Sage, qui d’un lieu élevé regarde les agitations qui troublent les mortels.
Il jouit tour à tour des systêmes élevés & profonds de la Métaphisique, des sublimes préceptes de la Morale, des immuables vérité de la Géométrie, des tableaux attachans de l’Histoire, du pinceau de Rubens, du cizeau de Bouchardon, du charme inexprimable de l’éloquence, & de celui de la Poësie le premier, le plus beau des Arts, qui frappant par excellence le cœur de l’homme, lui procure le plaisir d’être délicieusement ému, & embellit à ses yeux tous les objets de l’Univers. […] Ainsi, Fontenelle, ce Nestor, qui illustra deux siécles, calme, tranquille, modéré jusqu’à sa derniere heure, vit fuir le songe de la vie comme un Sage du haut d’une colline élevée voit mourir les derniers rayons du Soleil.
L’ennui, chez les âmes élevées, chez celles surtout qui ont vingt ans, est presque toujours accompagné d’une exorbitante vanité. […] Or, pour réaliser ce vœu d’Adolphe, pour étancher la soif de cette vanité qui le dévore, une femme belle et jeune, vivant dans le secret de la famille, élevée dans les doctrines de l’obéissance et du devoir, épargnée de la calomnie, nourrie dans un bonheur paisible, et défiant les tempêtes qu’elle ne prévoit pas, ne peut lutter avec Ellénore.
Au nord, les ravins neigeux de l’Hermon se découpent en lignes blanches sur le ciel ; à l’ouest, les hauts plateaux ondulés de la Gaulonitide et de la Pérée, absolument arides et revêtus par le soleil d’une sorte d’atmosphère veloutée, forment une montagne compacte, ou pour mieux dire une longue terrasse très élevée, qui, depuis Césarée de Philippe, court indéfiniment vers le sud. […] Le paganisme, qui, en Phénicie, avait élevé sur chaque colline un temple et un bois sacré, tout cet aspect de grande industrie et de richesse profane 417, durent peu lui sourire.