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1599. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

À défaut d’invention, on fut trop heureux de trouver un sujet de critique qui, pendant deux ou trois ans, fournit matière à des quantités d’écrits et à toutes les conversations. […] À cette date de 1715, il célébrait déjà dans les Français une nation philosophe, une nation chez qui l’illusion pouvait prendre, mais durait moins que chez tout autre peuple : « La philosophie fait, pour ainsi dire, l’esprit général répandu dans l’air, auquel tout le monde participe sans même s’en apercevoir. » S’il avait écrit cinquante ans plus tard, l’abbé Terrasson n’eût pas dit autrement. […] La jeunesse des premières années du xviiie  siècle ne répondit pas, comme il aurait fallu, à cette parole de cœur où palpitait le zèle d’une amie : « M. de La Monnoye, écrivait Brossette à J. […]  » C’est la seule sentence que Mme Dacier sut trouver sous sa plume, un jour qu’elle était vivement pressée par un gentilhomme allemand d’écrire sur un livre déjà rempli de noms illustres, sur un album comme nous dirions. Il est vrai que c’est en grec qu’elle écrivait cette pensée et en se souvenant d’un mot de Sophocle.

1600. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Duplessis, que la mort a enlevé si inopinément et d’une manière si sensible pour sa famille et pour ses amis le 21 mai dernier74, avait préparé cette édition de La Rochefoucauld : c’est à lui qu’on en doit la distribution, l’ordre, les notes, toute l’économie en un mot ; il n’y manquait plus que quelques pages qu’il devait mettre en tête : on vient me demander, à son défaut, de les écrire et de le suppléer. On a tant écrit sur La Rochefoucauld, et j’ai moi-même autrefois traité ce sujet avec tant d’application et de prédilection, que je serais embarrassé aujourd’hui d’y revenir, si le propre de ces grands et féconds esprits n’était pas d’exciter perpétuellement ceux qui les relisent et de renouveler les sources d’idées au voisinage des leurs. […] Cousin s’écria pour la première fois qu’il venait de découvrir la littérature des femmes au xviie  siècle (15 janvier 1844), un critique qui ne pensait alors qu’à se rendre compte à lui-même de son impression particulière écrivit la note suivante : L’article de M.  […] La Rochefoucauld termine son chapitre « De la conversation » en disant : « Il y a enfin des tons, des airs et des manières qui font tout ce qu’il y a d’agréable ou de désagréable, de délicat ou de choquant, dans la conversation. » Cela n’est pas seulement vrai de ce qu’on dit en causant, mais de ce qu’on écrit sur ces choses du monde et de la société. […] Fénelon lui-même, Fénelon vieillissant, en sait autant que La Rochefoucauld et ne s’exprime pas autrement : Vous avez raison de dire et de croire, écrivait-il à un ami un an avant sa mort, que je demande peu de presque tous les hommes ; je tâche de leur rendre beaucoup et de n’en attendre rien.

1601. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

C’est là, sous la tente, qu’il écrivit ce premier discours, en se livrant cette fois à l’émotion de ses sentiments, et en raisonnant aussi sur la situation extraordinaire qui s’ouvrait à l’improviste : « Si jamais j’ai eu sujet de joindre mes regrets avec ceux de la France, c’est à la mort malheureuse de Henri le Grand, pleine de tristesse et d’accidents funeste ? […] Il écrit cela à quelques jours seulement de la mort de Henri IV. […] Rohan ne passa point le reste de sa vie à pleurer et à, soupirer, ni même à servir inviolablement, comme il en faisait voeu en terminant cet écrit, la France, le jeune roi et sa mère. […] Et cependant ce grand homme rapportait à la fortune tous les succès qu’il avait ; car, soit qu’il écrivît à ses amis de Corinthe, soit qu’il haranguât les Syracusains, il disait souvent qu’il savait gré à Dieu de ce que, voulant sauver la Sicile, il s’était inscrit sous son nom ; et dans sa maison, ayant érigé une chapelle à la Spontanéité (à ce qui vient de soi-même), il y sacrifia ; et la maison même, il la dédia au Génie sacré. […] : Je vous ai écrit d’un voyage que doit faire M. de Rohan ; certes c’est une belle occasion, et eusse fort désiré en avoir votre avis, estimant qu’il serait fort à propos que notre aîné l’eût fait, mais je n’ai garde de le lui faire entreprendre que je ne sache votre volonté.

1602. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Les lettres qu’elle écrivait à cette dernière, pendant son voyage d’Espagne, étaient lues de tout ce monde délicat ; on se les montrait discrètement, et Mme de Sévigné les goûtait fort : « Ce sont, disait-elle à sa fille, des relations qui font la joie de beaucoup de personnes. […] Quant à la personne même qui les a écrites, Saint-Simon, si sévère, si injuste pour l’illustre maréchal, son fils, a tracé d’elle, dans sa vieillesse, un portrait unique : « Cette marquise, nous dit-il, était une bonne petite femme sèche, vive, méchante comme un serpent, de l’esprit comme un démon, d’excellente compagnie, qui avait passé sa vie jusqu’au dernier bout dans les meilleures et les plus choisies de la Cour et du grand monde, et qui conseillait toujours « son fils de ne point donner de scènes au monde sur sa femme, de se vanter au roi tant qu’il pourrait, mais de jamais ne parler de soi à personne. […] Il était d’une parfaite ignorance, d’un tempérament mélancolique, maladif, parlant peu, pensant encore moins, un de ces individus exemplaires marqués d’un signe, et au front desquels il est manifestement écrit : Comment les races royales finissent, tellement soumis à son confesseur, qu’il n’y avait pas moyen de lui faire prendre une détermination quelconque, sans que le confesseur en décidât : aussi ceux qui avaient intérêt à agir sur lui usaient-ils de ce secret ressort, qui ne manquait jamais son effet ; quand on voulait lui faire changer d’idée, on lui changeait son confesseur, et il en eut jusqu’à sept en cinq ans. […] C’était au point qu’on refusa d’abord l’autorisation de la voir à l’ambassadrice de France, que cette princesse avait cependant demandée par deux fois : « Peu après que la reine a été ici, écrit Mme de Villars à Mme de Coulanges (14 décembre 1679), elle a témoigné beaucoup d’envie de me voir, et me l’envoya dire. […] Mme de Villars était bien sûre d’être lue avidement de ses amis de Paris dans tout ce qu’elle écrivait à l’adresse de Mme de Coulanges.

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