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489. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Ou bien, si je parle, par exemple, de l’art du Moyen-Âge et du Christianisme, et que l’on m’objecte la Renaissance, l’école de Ronsard, ou celle de Racine et de Boileau, il faudra bien que je montre comment ces écoles se détachent du Moyen-Âge, et perdent à la fois le sens moderne et l’originalité pour l’imitation. […] Byron dans tous ses ouvrages et dans toute sa vie, Goethe dans Werther et Faust, Schiller dans les drames de sa jeunesse, Chateaubriand dans René, Benjamin Constant dans Adolphe, Senancourf dans Oberman, Sainte-Beuve dans le livre que nous venons de caractériser, une innombrable foule d’écrivains anglais et allemands, et toute cette littérature de verve délirante, d’audacieuse impiété et d’affreux désespoir qui remplit aujourd’hui nos romans, nos drames et tous nos livres, voilà l’école ou plutôt la famille de poètes que nous appelons Byronienne : poésie inspirée par le sentiment vif et profond de la réalité actuelle, c’est-à-dire de l’état d’anarchie, de doute et de désordre où l’esprit humain est aujourd’hui plongé par suite de la destruction de l’ancien ordre social et religieux (l’ordre théologique-féodal) et de la proclamation du principe de l’Égalité, qui doit engendrer une société nouvelle. Et nous venons de voir comment, en face de cette école, fille directe de la Philosophie du Dix-Huitième Siècle, est venue se placer une autre famille poétique, dont Lamartine et Hugo sont les représentants et les chefs en France ; école qui, au fond, est aussi sceptique, aussi incrédule, aussi dépourvue de religion que l’école Byronienne, mais qui, adoptant le monde du passé, ciel, terre et enfer, comme un datum, une convention, un axiome poétique, a pu paraître aussi religieuse que la poésie de Byron paraissait impie, s’est faite ange par opposition à l’autre qu’elle a traitée de démon, et cependant a fait route de conserve avec elle pendant plus de quinze ans, à tel point que l’on a vu les mêmes poètes passer alternativement de l’une à l’autre, sans même se rendre compte de leurs variations ; tantôt incrédules et sataniques comme Byron, tantôt Chrétiens résignés comme l’auteur de l’Imitation.

490. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Ici, au contraire, dans cette école de laquelle M Feydeau relève, dont il est comme un rejeton extrême et puissant, tout est direct, tout est de sensation et d’impression immédiate. […] Mais après avoir encore une fois savouré ces tristes délices de la lecture d’Adolphe, avoir goûté cette finesse consommée d’expérience sociale, cette vérité aride et terne, si bien dissoute et démêlée, et avoir reconnu, par-dessus tout, le cachet d’élégance et de distinction achevée empreint dans l’ensemble, je n’ai pu m’empêcher d’admirer la différence des temps, des sociétés, des écoles diverses. Tout chef-d’œuvre qu’il est, le livre d’Adolphe a quelques-uns des défauts de l’école métaphysique et sentimentale, alors régnante.

491. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Le poète décompose trop les sentiments et en pousse un à l’excès : c’est comme d’autres qui, dans l’école de la couleur, abusent d’un ton et vont aussitôt à l’extrémité de la gamme. […] Mais enfin, mon principal reproche à M. de Laprade est de ne pas bien défendre sa thèse, de la compromettre par des lieux communs, de vraies tirades qui sentent l’école, ou par des sorties qui accusent un esprit exclusif et rempli de sa propre image. […] Il y est même fait des allusions contre l’École normale et ce qui en sort, mais assez gauches et assez obscures ; il est juste que M. de Laprade, quand il essaye de manier l’ironie, n’y réussisse pas.

492. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Tel, quoi qu’il veuille conquérir ou peindre, gardera toujours de la chaire, de l’école et du professeur. […] Le disciple, d’ordinaire, charge, ou parodie le maître sans s’en douter : dans les écoles élégantes, il l’affaiblit ; dans les écoles pittoresques, et crues, il le force, il l’accuse à l’excès et l’exagère : c’est un miroir grossissant.

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