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1740. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Ces idées sont de trois sortes : 1° les idées des choses sensibles qui sont absolument muettes (comme les étoiles) ; 2° les idées psychologiques (l’âme, l’esprit, le désir, etc. ) ; 3° les idées métaphysiques. […] A l’âme qui veut se connaître, de même que la conscience n’est rien sans le souvenir, le souvenir n’est rien sans la reconnaissance. […] Ainsi Joubert (Pensées, p. 49) : « Notre esprit a plus de pensées que notre mémoire ne peut en retenir… Il y a pour l’âme une foule d’éclairs auxquels elle prend peu de part ; ils la traversent et l’illuminent avec tant de rapidité qu’elle en perd le souvenir. […] « suivant la formule célèbre d’Aristote, oudepte noei aneu phantasmatos hè psukhè » : c’est-à-dire « jamais l’âme ne pense sans représentation » (trad. de R. Bodéüs dans De l’âme).

1741. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Oui, je te hais dans l’âme. […] — Ton âme est toute à moi. […] … Il me semble que je vois mon âme ; que cette forme pâle et triste et belle c’est mon âme qui l’a revêtue pour se montrer à moi, pour se révéler à moi et aux hommes. […] Il n’y a absolument personne à opposer, comme créateur d’âmes, et d’âmes qui vivent d’une vie propre, au père d’Othello, d’Hamlet, de Macbeth, d’Iago. Il n’y a absolument personne à opposer, comme créateur d’âmes, et d’âmes qui vivent d’une vie propre, au père de Rodrigue, de Chimène, de Camille, de Polyeucte, d’Auguste et de Pauline.

1742. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

La plus âpre et la plus pratique de toutes, celle des puritains, qui, négligeant la spéculation, se rabat sur l’action, enferme la vie humaine dans une discipline rigide, impose à l’âme humaine l’effort continu, prescrit à la société humaine l’austérité monacale, interdit le plaisir, commande l’action, exige le sacrifice, et forme le moraliste, le travailleur et le citoyen. […] J’ai vu depuis les ouvriers devant leurs métiers à coton, calmes, sérieux, silencieux, économisant leur effort, et persévérant tout le jour, toute l’année, toute la vie dans la même contention de corps et d’esprit régulière et monotone ; leur âme s’est conformée à leur climat. […] Liverpool, Manchester et une dizaine de villes de quarante à cent mille âmes germent comme une végétation sur le bassin du Lancashire ; jetez les yeux sur la carte, et voyez les districts teintés de noir, Glasgow, Newcastle, Birmingham, le pays de Galles, toute l’Irlande, qui n’est qu’un bloc de charbon. […] —  Ils se piquent de peinture, du moins ils l’étudient avec une minutie étonnante, à la chinoise ; ils sont capables de peindre une botte de foin si exactement, qu’un botaniste reconnaîtra l’espèce de chaque tige ; celui-ci s’est installé sous une tente pendant trois mois dans une bruyère afin de connaître à fond la bruyère ; beaucoup sont des observateurs excellents, surtout de l’expression morale, et réussiront très-bien à vous montrer l’âme par le visage ; on s’instruit à les regarder, on fait avec eux un cours de psychologie ; ils peuvent illustrer un roman ; on sera touché par l’intention poétique et rêveuse de plusieurs de leurs paysages. […] On en a laissé tomber les distinctions et les subtilités byzantines ; on n’y a point introduit les curiosités et les spéculations germaniques ; c’est le dieu de la conscience qui seul y règne ; les douceurs féminines en ont été retranchées ; on n’y trouve point l’époux des âmes, le consolateur aimable, que l’Imitation poursuit dans ses rêves tendres ; quelque chose de viril y respire ; on voit que l’Ancien Testament, que les sévères psaumes hébraïques y ont laissé leur empreinte.

1743. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Nous ne ferons pas de Parthénon, le marbre nous manque ; mais nous savons prendre à poignée le cœur et l’âme ; nous avons des coups de stylet qui n’appartiennent qu’à nous ; nous plongeons les mains dans les entrailles de l’homme, et, comme les sorcières de Macbeth, nous les en retirons pleines des secrets de l’infini. […] Il était la vie, l’âme, le boute-en-train de tout le monde. […] Un signal devait les avertir du moment où la tête tomberait, pour que tous fussent en prière quand l’âme de la martyre serait présentée par les anges au trône de Dieu. […] Mais, comme j’avais l’esprit juste, je vis en même temps que l’idéal et la réalité n’ont rien à faire ensemble ; que le monde, jusqu’à nouvel ordre, est voué sans appel à la platitude, à la médiocrité ; que la cause qui plaît aux âmes bien nées est sûre d’être vaincue ; que ce qui est vrai en littérature, en poésie, aux yeux des gens raffinés, est toujours faux dans le monde grossier des faits accomplis. […] Le commerce des âmes est la plus grande et la seule réalité.

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