A force toutefois de savoir le chemin, Elle s’apprivoisa : — comme un oiseau volage Que le premier automne a privé du feuillage, Et qui, timidement laissant les vastes bois, Se hasarde au rebord des fenêtres des toits ; Si quelque jeune fille, âme compatissante, Lui jette de son pain la miette finissante, Il vient chaque matin, d’abord humble et tremblant, Fuyant dès qu’on fait signe, et bientôt revolant ; Puis l’hiver l’enhardit, et l’heure accoutumée : Il va jusqu’à frapper à la vitre fermée ; Ce que le cœur lui garde, il le sait, il y croit ; Son aile s’enfle d’aise, il est là sur son toit ; Et si, quand février d’un rayon se colore, La fenêtre entr’ouverte et sans lilas encore Essaye un pot de fleurs au soleil exposé. […] L’intérêt délicat qu’un regard étranger Marquait pour les trésors de son front en danger Éveilla dans son âme une aurore naissante : Elle se comprit belle, et fut reconnaissante.
Toujours l’auteur se prépare à la composition par la solitude ; il s’y exalte longuement de ses souvenirs, de ses espérances, et de tout ce qui a prise sur son âme ; il se crée un monde selon son cœur, et le peuple d’êtres chéris ; le nombre en est petit ; il leur prête toutes les perfections qu’il admire, tous les défauts qu’il aime ; il les fait charmants pour lui : mais trop souvent, si son imagination insatiable ne s’arrête à temps, s’élevant à force de passion à des calculs subtils, et raisonnant sans nn sur les plus minces sentiments, il n’enfantera aux yeux des autres que des êtres fantastiques dans lesquels on ne reconnaîtra rien de réel que cet état de folle rêverie où il s’est jeté pour les produire. […] Ce langage confus que nous parlent les choses n’a jamais plus de mystère et de volupté qu’au premier éveil de la passion, lorsque notre âme, s’ignorant encore, s’essaye déjà à interroger ses impressions nouvelles.
Il est plus d’une croix au calvaire de l’âme, Sans l’auréole d’or, et sans la blanche femme Échevelée au bas. Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses… Dans le voyage à la Lénore, que fait ensuite le poète, il est bien à lui de nous présenter le vieux Faust qui, désabusé de la science où il n’a pu trouver le dernier mot, dit pour conclusion : Aimez, car tout est là !
Il y a faiblesse dans la nation qui ne s’attache qu’au ridicule, si facile à saisir et à éviter, au lieu de chercher avant tout, dans les pensées de l’homme, ce qui agrandit l’âme et l’esprit. […] Les âmes fortes veulent exister ; et pour exister en lisant, il faut rencontrer dans les écrits des idées nouvelles ou des sentiments passionnés.