par la multitude elle-même qui était artiste en ces âges d’or ! […] » disait l’infortuné ressuscité par la sorcière thessalienne), d’être ranimé à temps pour assister aux enchantements et aux louanges qu’il excitera dans l’âge futur. […] Il y a de certaines réformes impossibles à un certain âge, et rien n’est plus dangereux, dans la pratique des arts, que de renvoyer toujours au lendemain les études indispensables. […] Ainsi le portrait de cette vieille dame, où l’âge n’est pas lâchement dissimulé, révèle tout de suite un caractère reposé, une douceur et une charité qui appellent la confiance. […] Singulier art qui s’enfonce dans les ténèbres du temps, et qui déjà, dans les âges primitifs, produisait des œuvres dont s’étonne l’esprit civilisé !
Je ne sais trop si M. de Meilhan est exact en ce point et si l’on peut dire que l’Antiquité grecque et romaine ressemble à un génie mort jeune et intercepté avant le temps : il me semble au contraire que les Grecs, et les Romains qu’en ont hérité, ont eu leur cours naturel d’existence et leur âge tout rempli ; qu’ils ont eu, eux aussi, leur épuisement et leur décadence sous des formes monstrueuses ou subtiles, et que, si la civilisation avait à être utilement continuée et renouvelée, ce ne pouvait plus être à la fin par eux. […] M. de Meilhan décompose, pour ainsi dire, son idéal entre ces deux personnages ; l’un est ce qu’il s’imagine avoir été dans sa jeunesse, l’autre ce qu’il se flatte d’être devenu dans son âge désabusé. […] Ainsi sur tous les points : voilà ce que le Kalender ou l’homme blasé oppose à Aladin, l’homme d’espérance et de désir ; voilà comment se répondent l’un à l’autre les deux âges de la vie. […] [NdA] Comme pendant et contrepartie de cette idée qu’on doit faire peu de confidences à l’âge où l’on vieillit et où l’on perd, M. de Meilhan avait dit, une autre fois, avec beaucoup de justesse : « L’homme a besoin, quand il est jeune, de se répandre ; il se plaît à faire des confidences ; il ne se connaît pas et se croit un être curieux et rare ; il n’a pas enfin la force de garder son secret, et la présomption le porte à croire qu’il inspire un intérêt sincère qui le fera écouter avec plaisir. »
C’est à sa manière un millénaire, un utopiste à imagination pieuse ; et les beaux résultats qu’il se peint à l’avance, le futur âge d’or de sa philosophie divine, cette espèce d’Éden plus ou moins retrouvé dès ici-bas, quelles que soient les épreuves de la crise dernière, ne lui paraissent pas trop chèrement payés. — Lui, de tous les hommes le moins semblable assurément à Condorcet, il lui arrive de rêver et de délirer comme lui. […] Je crois que les négligences et les imprudences où ma paresse m’a entraîné en ce genre ont eu lieu par une permission divine, qui a voulu par là écarter les yeux vulgaires des vérités trop sublimes que je présentais peut-être par ma simple volonté humaine, et que ces yeux vulgaires ne devaient pas contempler. — Le monde et moi, disait-il encore pour se consoler, nous ne sommes pas du même âge. […] Âgé d’environ soixante ans, Saint-Martin sentait intérieurement les approches de sa fin et ne continuait pas moins de cultiver ses relations d’amitié : J’arrive à un âge et à une époque, disait-il, où je ne puis plus frayer qu’avec ceux qui ont ma maladie. […] Ceci s’est vérifié pour moi non seulement dans plusieurs époques de ma jeunesse, mais aussi dans mon âge avancé, lors de la Révolution de la France.
. — Ainsi pour Vous déjà (car nous voyons sous nos yeux s’accomplir le mystérieux phénomène), ô le plus charmant et le plus ardent des poètes de cet âge, Vous que je n’ai pas hésité à saluer du nom de génie quand vous n’aviez que dix-huit ans, mais qui, dans vos brillants écrits, n’avez pas tenu en entier toutes vos promesses ; qui, au milieu d’admirables éclats de passion, de jets ravissants d’élégance et de grâce, avez semé tant de disparates, de taches et d’incohérences, avez laissé tomber tant de lambeaux décousus ! […] Vieilli avant l’âge, sans en être devenu plus fort contre les vices de sa jeunesse, le cœur encore mal guéri de l’amour dont il avait tant souffert, sans ressource, sans espoir, dénoncé au mépris public par son passé et par sa prison récente ; — dans de pareilles circonstances, croyant en avoir fini avec la vie, et comme s’il eût déjà été étendu sur son lit de mort, il dicta le poème qui porte le titre de Grand Testament… Le Petit Testament contenait les adieux et les legs de Villon à ses amis en 1456 : Le Grand Testament renferme aussi une longue suite de legs satiriques ; mais ces legs, au lieu de constituer le fond même du poème, comme ils constituent celui du Petit Testament, n’en sont en réalité que le prétexte et que la partie accessoire. […] A quel âge mourut-il enfin ? […] Campaux, on aura pour tout le reste un commentaire aussi ample qu’utile, et conçu dans un esprit mieux encore que littéraire, je veux dire sympathique et presque filial. — Il a dû y avoir, je m’imagine, du temps de Villon, quelque écolier un peu plus jeune que lui, aussi laborieux, aussi bon sujet que l’autre était mauvais et dérangé, mais grand admirateur du poète, sachant ses premières chansons, récitant à tous venants ses plus jolies ballades, en étant amoureux comme on l’est à cet âge de ce qu’on admire.