Il sollicita le cordon bleu et ne l’obtint que tard, en 1724, à l’âge de soixante-douze ans. […] » En avançant en âge, il se trouva peu à peu affranchi des gênes et des principales servitudes au milieu desquelles il avait passé une si grande partie de sa vie. […] Lassay, tout en s’en faisant honneur, reconnaissait que ce portrait était flatté, et il répondait au peintre par un mot du maréchal d’Ancre : « Tu me flattes, mais ça me fait plaisir (Tu m’aduli, ma mi piace). » La vieillesse fut son bel âge. […] À d’autres jours il voyait plutôt les avantages de la vieillesse, et il se consolait en regrettant : « La délicatesse dans les plaisirs, le badinage dans la conversation, le goût et la connaissance des hommes, se trouvent rarement dans l’âge où l’on a une figure aimable : cependant cet assortiment serait bien souhaitable. » C’était aussi le vœu de Pétrarque : « le fruit de l’âge dans une fleur de jeunesse », Frutto senile in sul giovenil flore. […] Je veux enfin secouer leur joug, il m’est insupportable ; quand on vient à un certain âge, le commerce familier avec eux ne convient plus : on n’a pas assez de facilité dans l’humeur, et même assez de santé pour être toujours complaisant ; le respect dû à leur naissance, quelque soin qu’ils prennent à l’adoucir, attire une sorte de contrainte dont on ne peut plus s’accommoder ; les commodités de la vie et les bonnes chaises deviennent nécessaires : on est moins propre à leurs plaisirs, et moins sensible aux divertissements qui les entourent ordinairement.
Un double caractère de cette petite école est d’être à la fois en arrière et en avant, de tenir à l’âge qui s’en va et au siècle qui vient, d’avoir du précieux et du hardi ; enfin, de mêler dans son bel-esprit un grain d’esprit fort. […] Ainsi se gouverne l’inconséquence de nos esprits, assemblant les contradictions selon le siècle et les âges. […] Racan, dans ses belles stances sur la Retraite, avait dit : L’âge insensiblement nous conduit à la mort. […] Elle était bien jeune encore pour le rôle qu’on lui prête ; mais tout annonce que sa maturité, comme ensuite son désabusement, devança l’âge. […] L’âge affoiblit mon discours, Et cette fougue me quitte Dont je chantois les amours De la reine Marguerite.
Elles apparaissent, dès les premiers âges, dans le haut Orient, et, littéralement, elles y règnent, car ce sont des rois qui en sont atteints. […] La vue d’un vieillard cassé par l’âge, d’un malade rongé par la lèpre ou desséché par la fièvre, d’un mort porté dans son cercueil, le plonge dans un abîme de réflexions et de rêves. […] Plus le monde avance en âge, plus s’aggrave ce fléau des âmes. […] les corps au sein de la terre, leur souvenir au sein des âges ! […] Il ne cache pas ses cheveux gris, il porte fièrement le sévère costume qui sied à son âge.
Dans l’âge où la culture, l’exercice, la liberté, seraient nécessaires pour les nourrir, les développer et les accroître, le souci les dessèche et l’esclavage les étouffe : plus tard, quand la réputation est faite, le repos, l’abondance les énervent. Jeunes, les gens de lettres sont éloignés du monde, dont le commerce modéré, recherché sans avilissement d’un côté, accordé sans orgueil de l’autre, servirait infiniment à les former : dans un âge plus avancé ils y sont portés, fêtés, absorbés, de manière qu’il ne leur reste plus de temps pour l’étude ou le travail. […] J’ai, dès l’âge de douze ans, senti et pensé tout le contraire. […] Le nouveau recueil de lettres dessine très bien ce vieillard de quatre-vingts ans qui tout d’un coup rajeunit, qui se multiplie pour écrire au ministre réformateur et à ceux qui le servent, aux Trudaine, aux de Vaisnes, aux Dupont de Nemours, et s’écrie gaiement : « Nous sommes dans l’âge d’or jusqu’au cou. » Il était arrivé à Voltaire ce qui arrive naturellement à toute grande renommée littéraire qui est jointe à une existence sociale considérable, mais ce qui devait lui arriver à lui plus qu’à un autre, à cause de son activité prodigieuse et des preuves éclatantes qu’il en avait données. […] Alphonse François est de ces esprits délicats et de ces hommes heureux qui, dès leur jeunesse, ont pris le parti de goûter les belles choses et les choses exquises, plutôt que de se fatiguer à en produire ; c’est un dilettante classique dont je puis parler pertinemment, car, d’un âge approchant du mien, mais de bonne heure très mûr, il a eu autrefois des bontés pour mon enfance.