Un paysan qui se trouvait là nous en a montré un qui passe pour avoir trois cents ans : il surpasse en hauteur et en grosseur tous les autres, et il est bien conservé pour son âge. […] L’âge nous donne l’expérience et des sentiments meilleurs, que je préfère aux folles illusions de la jeunesse. […] car c’est l’âge d’argent pendant lequel on fait tout ce qu’on veut, et l’on dit ce qu’on pense. […] » Et le religieux Channing, au contraire, dans le dernier été qu’il passa sur la terre, entendant agiter en sa présence la question de savoir quel était l’âge le plus heureux de la vie, disait en souriant que c’était à environ soixante ans ; il avait alors cet âge. […] À chaque âge, à chaque étape de la vie, une hôtesse nouvelle, une joie proportionnée à la saison, et possible encore, nous accueille et nous reçoit.
Ainsi toutes les générations humaines ; ainsi tous les peuples de tous les âges et de tous les lieux ; ainsi les vivants et les morts sont unis entre eux et avec Dieu par la parole. […] Je ne sais, mais il me semble que cette langue était tenue en réserve pour cette époque-ci, l’âge de la lettre fixe, de l’émancipation de la pensée. […] Ces époques, qui sont des âges de crise, attirent les regards du poète épique. […] Les poètes tragiques, chez eux, se firent une loi de puiser leurs sujets dans les annales de l’épopée ; et l’épopée, comme il a été dit, n’était autre chose que l’histoire même des âges de l’esprit humain. […] Toutes ces vicissitudes des langues, qu’il serait long de suivre, et trop difficile d’expliquer, devaient amener graduellement l’âge de l’émancipation de la pensée.
Et ce n’est pas seulement en sautant par la fenêtre que Bonstetten, en cet âge avancé, fait acte de jeunesse ; il en donne de meilleures marques par son esprit libre, ouvert, affranchi de tout lien rétrograde. Il ne dénigre pas le présent, il ne voit pas l’avenir en noir, il ne loue pas le temps passé ; il n’est nullement esclave des habitudes ; il repousse ces lâches maximes qui viennent en aide à l’inertie trop naturelle de l’âge et à la paresse des organes : À quoi bon ? […] L’adolescence est l’âge où la volonté, l’âge où le moi s’éveille ; c’est par cette volonté même qu’il faut la dompter. […] Ma gaieté, mon amour pour la poésie anglaise, que je lisais avec Gray, l’avaient comme subjugué, de manière que la grande différence de nos âges n’était plus sentie par nous. […] comme je le comprends mieux, dans ce sens-là, le silence obstiné et boudeur des poètes profonds, arrivés à un certain âge et taris, cette rancune encore aimante envers ce qu’on a tant aimé et qui ne reviendra plus, cette douleur d’une âme orpheline de poésie et qui ne veut pas être consolée !
Question délicate et dont, selon les âges et les saisons, on aurait pu donner des solutions assez diverses. […] Une telle expression suppose un âge assez avancé pour qu’il y ait eu déjà comme un recensement et un classement dans la littérature. […] Ceux-ci, après les beaux âges de leur littérature, après Cicéron et Virgile, eurent leurs classiques à leur tour, et ils devinrent presque exclusivement ceux des siècles qui succédèrent. […] Ces âges, qu’on les appelle du nom de Louis XIV ou de celui de la reine Anne, sont les seuls âges véritablement classiques dans le sens modéré du mot, les seuls qui offrent au talent perfectionné le climat propice et l’abri. […] il vient un âge, peut-être, où l’on n’écrit plus.