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451. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

« Valmore, qui t’aime bien à travers ses grincements de dents contre la destinée… » Etc., etc… C’est d’un comique navrant. […] À travers tout, une joie intérieure l’illumine. […] Je constatais qu’à travers tout une joie intérieure l’illuminait, et que le secret optimisme de cette martyre était renversant, et j’en cherchais les raisons… Mais il y en a d’autres que celles que je vous ai déjà dites ; et ce n’est pas seulement de l’excès même et de la continuité de sa déveine que lui vint son extrême sérénité. […] Elle prête à tous ceux qui l’approchent la beauté de son âme, à travers laquelle elle les voit et les entend. — À cause de sa profession première et de celle de son mari, cette très honnête femme, d’une scrupuleuse vertu, a toujours eu une partie du moins de ses relations dans un monde forcément mêlé.

452. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Le Rythme, au contraire, est tout entier dans le temps ; il mesure le temps particulier d’une action, et, en art, ne peut être étudié dans l’espace qu’à travers l’orchestique où l’on en acquiert la notion comme d’un geste inscrit dans la durée. […] Ce courant magnétique des harmonies progresse donc à travers elles de même qu’un objet entraîné par son poids, sur un plan incliné, roule et se meut selon presque l’horizontale, bien que ce poids même le pousse dans la direction verticale. […] S’ils gardèrent intacte sa charpente, ils voulurent au moins en renouveler l’intérieur décor et toute l’atmosphère ; le vers, conservé en ses strictes limites, put désormais faire mouvoir entre ces bornes solides les rythmes internes qui le varièrent, tandis que l’accent oratoire, issu de la logique même de la phrase, passait à travers la mesure en se combinant avec elle ou en s’y opposant à la manière de ce qu’on nomme en musique la Syncope. […] Que le Rythme y demeure libre et souple, guidé par le désir du poète et prêt à se doucement courber ou à se raidir comme une barre de métal selon les inflexions de la voix ; mais jaillie des assonances et des allitérations, sans cesse mêlée au Rythme qu’elle absorbe et répercute en ses intérieurs échos, que l’Harmonie du verbe enrichisse la période. — Enfant de la durée, le Rythme au vol changeant s’élève à travers l’étendue qu’il conquiert ; il a tout l’espace pour domaine ; multiple et simple, geste dur et massif ou de lignes dégagées, il est pimpant et bref ou vastement élargi comme le sujet pensant, comme le vouloir, comme l’être mouvant qu’il désigne.

453. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Le flanc de la montagne tourné au couchant ne voit le soleil que plus tard ; cette pente ruisselle, à ces heures de la matinée, de fraîcheur et de rosée ; ce n’est qu’aux extrémités des coudes et des caps élevés, formés par les sinuosités de la rampe, qu’on aperçoit à sa gauche les vagues éclairées du fleuve roulant dans la vallée à travers les brumes roses, les scintillations et les éblouissements du soleil levant. […] Il faut sentir l’âme, la passion ou la douleur à travers la peau. […] Sous les verts peupliers qui bordent nos prairies, Hier j’avais porté mes vagues rêveries ; J’écoutais l’onde fuir à travers les roseaux, Et debout, effeuillant le saule du rivage, J’attachais mes regards sur le cristal des eaux, Qui, du ciel étoilé réfléchissant l’image, La nuit sur le vallon répandait sa fraîcheur ; Et les vapeurs du lac dont j’étais entourée, D’un nuage céleste égalant la blancheur, Semblaient unir la terre à la voûte azurée. […] En attendant, qu’ils sachent que je les lis, et que je m’écrie souvent en les lisant, et en sentant palpiter leur âme à travers la page : il y a des cœurs en France !

454. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

La relation, Quinze jours au désert, qu’on a pu lire dans un des derniers numéros de la Revue des deux mondes, nous montre un Tocqueville simple voyageur, chevauchant à côté de son ami Gustave de Beaumont, cherchant presque les aventures, et nous racontant ses impressions vives et sérieuses, aux limites extrêmes de la colonisation, à travers une forêt vierge. […] Il est évident que cet éminent esprit n’a pas fait jusqu’alors comme le commun des martyrs qui lit les ouvrages intéressants au fur et à mesure de leur publication, et que depuis 1825 il n’a pas lu, comme tous les jeunes gens de sa génération, au hasard et à tort et à travers (c’est la bonne méthode), cette quantité de mémoires et de documents qui ont successivement paru ; sans quoi il aurait ses premières couches et son fond de tableau déjà préparé, il ne se poserait pas toutes ces questions· préliminaires, il ne dresserait pas avec tant de peine tous ses appareils comme pour une découverte.

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