Est-ce dans le respect de la vie humaine ? […] La société humaine ne vit que des sacrifices de ses membres au bien général. […] Voilà la littérature du genre humain ! […] L’Inde m’avait révélé une plus large charité de l’esprit humain, la charité envers la nature entière. […] Thierry, nous fournit une frappante et pathétique image de cette condition transitoire des civilisations humaines.
Elle tient sous elle l’esprit humain ! […] Tel est l’être échappant à toutes les lois et à toutes les catégories humaines, auquel M. […] Armand Pommier, l’auteur de La Dame au manteau rouge, était une de ces fulgurances incontestées qu’on appelle un homme de génie, La Dame au manteau rouge pourrait-elle être une grande œuvre humaine, malgré la monstruosité du sujet ? […] L’intérêt humain du roman a expiré, perdu dans la curiosité pathologique d’un descripteur de phénomènes inouïs, qui, s’ils contractaient un jour l’éternelle clarté de la certitude, en nous donnant (comme c’est la prétention des esprits qui les interprètent), l’abolition de toute distance, la transparence des corps et la vue immédiate des âmes, changeraient toutes les conditions des œuvres humaines, d’un seul coup, et chasseraient jusque du souvenir les littératures. […] … cet homme assez fort pour se mesurer avec ce phénomène étrange du somnambulisme, en restant un artiste humain, réel, et d’un effet aussi nouveau que le phénomène dont il saura le faire jaillir ?
C’est ainsi que ces études, dites positives, changent la face de la vie humaine, et font disparaître avec le libre arbitre la moralité qui la constitue. […] Il est vrai qu’elle tend à diminuer l’orgueil de la personnalité humaine, ainsi que sa confiance dans les résultats de ses calculs et de ses efforts. […] La première doctrine n’est pas moins contredite en histoire qu’en psychologie par la conscience du genre humain. […] Il en est de l’histoire comme de la vie ; elle n’est vraiment humaine que par la libre personnalité de ses acteurs, et elle n’est belle qu’autant qu’elle est humaine. […] Car c’est en mettant en jeu des forces sans conscience et sans liberté que tous ces maîtres des peuples ont gouverné leur troupeau humain.
La nuit du moyen âge ne saurait s’étendre maintenant sur le genre humain, parce que notre marche est devenue trop rapide. […] Il s’agit de pénétrer le sens intime de tant de belles et de nobles conceptions de l’esprit humain. […] La philosophie éclairée par ses expériences ne dédaignera plus les vieilles doctrines, car les vieilles doctrines sont demeurées dans le genre humain. […] Les véritables historiens, à mon avis, ont été les poètes, parce qu’ils ont été les historiens de l’homme, du genre humain. […] En toutes choses, il faut que nous remontions à l’origine, et que nous rassemblions les matériaux, pour compléter les annales de l’esprit humain.
La destinée de l’humanité n’est aucunement donnée par la destinée d’un individu humain quelconque à une époque quelconque ; de plus, la destinée de l’individu ne peut pas se déterminer directement et par l’analyse abstraite du moi, indépendamment de l’action et de la réaction perpétuelle qui lie cet individu à la nature et à l’humanité. […] Avant de demander à la psychologie la solution de la destinée humaine, M. […] philosophe, vous faites mention de ce qu’ont pensé Crantor, Chrysippe ou La Rochefoucauld, et vous fermez les yeux, en prononçant à la légère le mot d’inspiration, devant les Védas, les Évangiles, le Coran, les Pères et les Docteurs, tous les grands livres de la destinée humaine ? Par cela seul aussi, votre solution de la destinée humaine est toute trouvée ; on la voit venir d’avance ; elle est impliquée dans votre mode de recherche. […] Une pareille vue de la nature humaine est évidemment fausse et incomplète : car elle ne peut donner le passage du moi à la nature extérieure.
C’est ainsi que la Philosophie, si elle n’est pas charmée, est au moins gênée devant les yeux baissés de l’immaculée Carmélite, qui n’est pas seulement la gloire de l’Espagne, mais de la Chrétienté et de l’âme humaine, et aussi de l’esprit humain ; et c’est pourquoi, sans aucun doute, dans l’embarras où tant de gloire la jette, elle aime mieux se taire que parler. […] Double vie, qui suppose la plus puissante tranquillité de corps et d’âme, ou quelque chose de bien plus étonnant encore que cette tranquillité… Il est évident que, pour elle, les lois humaines sont renversées, et que la meilleure manière de la comprendre, c’est de dire qu’on ne comprend plus ! […] on ne comprend plus, si l’on veut faire l’entendu à la manière humaine, si on la tire hors de son nimbe, cette tête divinement incompréhensible qui doit y rester, et qui se joue, de là, de l’observation scientifique et des proportions naturelles. […] En restant dans une appréciation purement humaine et littéraire, et en écartant toutes les questions théologiques qui se rattachent à une existence prodigieuse et impossible à expliquer avec les lois physiologiques dont nous sommes si fiers, la Vie de Sainte Térèse, confessée par elle, est un de ces grands fragments de l’esprit humain qui importent à l’esprit humain tout entier. […] C’était une grande scrutatrice humaine, un esprit trempé et aiguisé pour découvrir.
C’est ce que l’on voit clairement dans la conduite des choses humaines : le niveau de l’intelligence s’y abaisse en proportion exacte du nombre des délibérants. […] Diderot, Helvétius et leurs amis infectèrent d’athéisme, déraison suprême, le livre par lequel la raison humaine devait élever par tous les degrés son temple à la souveraine intelligence. […] Cette pensée, c’est la révision pièce à pièce de toutes les institutions du moyen âge et la reconstruction de l’esprit humain sur un plan neuf et raisonné. […] Elle voulait agir sur la pensée humaine plus encore que sur les institutions civiles de la France. […] Il y a, dans toutes les choses humaines et surtout dans les révolutions, une part d’illusion et une part de déception inévitables.
La masse des sensations humaines et des sentiments simples est sensiblement la même à travers la durée et l’espace. […] Ces faits, dans la science, expriment des lois purement objectives ; dans l’histoire, des lois psychologiques et humaines. […] L’art est ainsi une condensation de la réalité ; il nous montre toujours la machine humaine sous une plus haute pression. […] Il faut distinguer d’ailleurs, parmi ces types humains, deux catégories. […] Un sentiment intense joint à des idées toujours plus complexes et plus philosophiques, c’est dans ce sens que va le progrès général de la pensée humaine et aussi de l’art humain.
Ce que nous avons dit précédemment de la prépondérance qui doit être attribuée dans l’individu humain à l’élément physiologique indique assez de quel côté nous nous rangeons dans ce débat. […] Signalons un autre caractère : le caractère infini de la passion et l’insatiabilité du désir humain. […] Le cœur humain est en état de guerre avec lui-même. […] Notre cœur est troublé par nos mille naissances, par nos mille hérédités animales et humaines ; par notre obscure descendance animale qui nous a fait sortir sans doute d’une espèce très médiocrement socialisée. […] Metchnikoff, dans son livre : Essai sur la nature humaine.
C’est ainsi que la Philosophie, si elle n’est pas charmée, est au moins gênée devant les yeux baissés de l’immaculée Carmélite qui n’est pas seulement la gloire de l’Espagne, mais de la Chrétienté et de l’âme humaine, et aussi de l’esprit humain, et c’est pourquoi, sans aucun doute, dans l’embarras où tant de gloire la jette, elle aime mieux se taire que parler ! […] Double vie qui suppose la plus puissante tranquillité de corps et d’âme ou quelque chose de bien plus étonnant encore que cette tranquillité… Il est évident que, pour elle, les lois humaines sont renversées, et que la meilleure manière de la comprendre, c’est de dire qu’on ne comprend plus ! Non, on ne comprend plus, si l’on veut faire l’entendu à la manière humaine, si on la tire hors de son nimbe, cette tête divinement incompréhensible qui doit y rester, et qui se joue, de là, de l’observation scientifique et des proportions naturelles. […] En restant dans une appréciation purement humaine et littéraire, et en écartant toutes les questions théologiques qui se rattachent à une existence prodigieuse et impossible à expliquer avec les lois physiologiques dont nous sommes si fiers, la vie de Sainte Térèse, confessée par elle, est un de ces grands fragments de l’esprit humain, qui importent à l’esprit humain tout entier. […] C’était une grande scrutatrice humaine, un esprit trempé et aiguisé pour découvrir.
Eugène Poitou, le nouveau critique qui vient de naître à La Comédie humaine ? […] Pour ce qui est de ces romans dont le rapprochement matériel a produit La Comédie humaine, « ils manquent de variété. […] Aussi, après avoir oublié l’homme dans Balzac, avec sa virtualité et les circonstances, et tout ce qui rend l’illustre auteur de La Comédie humaine plus monumental que son monument, M. […] , c’est par la peinture de genre qu’il vivra, s’il vit, ce peintre effrayant de nature humaine, de société, de caractère, d’histoire, qui allait être encore un peintre de batailles, s’il n’était pas mort ! […] Aujourd’hui nous ne mettons qu’un nom où il faudrait tout un livre, car il ne faut pas moins que tout un livre pour juger les facultés de l’œuvre de l’immortel auteur de la Comédie humaine.
Platon s’arrête ici comme l’esprit humain ; il s’embarrasse dans ses paroles équivoques, et il ne conclut pas, parce qu’il n’y a évidemment rien à conclure. […] Platon flétrit ensuite Homère, pour avoir donné aux dieux des passions humaines. […] Or que dit l’instinct, ce législateur inné de la société humaine ? […] Société d’où seraient expulsés tous les arts qui ennoblissent, cultivent, consolent, sublimisent l’espèce humaine ! […] La propriété héréditaire, qui seule porte et perpétue ce groupe humain, est donc un attentat à la vertu ?
Il a un outil, le cerveau humain. […] Toute la connaissance humaine n’est que triage. […] C’est le colossal bourru bienfaisant du genre humain. […] Ceci n’est plus le milieu humain. […] Ils donnent aux nations et aux siècles la face humaine.
La pensée humaine est immense. […] A-t-il été trop humain, trop réel, trop nu ? […] La philosophie est l’interprète du genre humain. […] Elle est l’expression fidèle et complète de la nature humaine, et la nature humaine est tout entière dans chacun de nous et dans tout autre homme. […] C’est un service que le genre humain appréciera.
Les penseurs, repoussés de toutes parts par la folie de l’esprit de parti, s’attachent à ces études ; et comme la puissance de la raison est toujours la même, à quelque objet qu’elle s’applique, l’esprit humain qui serait peut-être menacé d’une longue décadence, s’il n’avait eu que les querelles des factions pour aliment, l’esprit humain se conserve par les sciences exactes, jusqu’à ce que l’on puisse appliquer de nouveau la force de la pensée aux objets qui intéressent la gloire et le bonheur des sociétés. […] L’on est déjà parvenu, sous quelques rapports, à appliquer avec succès la méthode des mathématiques à la métaphysique de l’entendement humain. […] Dans cette disposition de l’esprit humain, il y a des arguments pour tout, dans la langue même du raisonnement. […] Soumettons ensuite la politique à des calculs partant de ce point, et nous verrons disparaître tous les inconvénients reprochés jusqu’à ce jour, à juste titre, à la métaphysique appliquée aux institutions sociales et aux intérêts du genre humain. […] Notre organisation, le développement que les habitudes de l’enfance ont donné à cette organisation, voilà la véritable cause des belles actions humaines, des délices que l’âme éprouve en faisant le bien.
Voilà donc cette fois une science purement humaine détachée du tronc commun. […] Et cela doit être puisque les affirmations de la science sont vérifiables, puisqu’elle façonne l’esprit humain sur la nature au lieu de façonner la nature d’après les conceptions arbitraires de l’esprit humain. […] On nous dit que la psychologie est la science de l’âme humaine. […] La biologie s’est-elle jamais définie la science de la vie humaine ? […] Peut-on croire qu’une âme humaine est plus courte à décrire qu’une plante ?
Il suffirait seul à servir d’épitaphe à l’humanité morte et à immortaliser à jamais le génie humain devant sa postérité inconnue. […] Ce parti pris de gémissement sempiternel sur les choses humaines n’est bon à rien. […] Pauvre pensée humaine ! […] Qu’est-il en moi d’humain ? […] Parle à l’esprit humain, cet immense Israël !
Au dessous de ce poids, un cerveau humain est fatalement condamné à l’idiotisme et à l’imbécillité. […] Vient ensuite la comparaison des différentes races humaines. […] Un tel fait n’indique-t-il pas qu’il y a entre les degrés les plus distants de l’espèce humaine un lien fraternel ? […] Toute race contient donc en puissance ce niveau moyen, Or, c’est là, ce me semble, un caractère distinctif qui sépare l’espèce humaine de toute autre, car jamais, dans aucune famille de singes, on ne trouvera d’individu s’élevant au-dessus d’une imitation grossière et mécanique des actes humains. […] Quatrefages, Unité de l’espèce humaine, p. 286).
Il est digne d’observation que, dans toutes les langues, la plus grande partie des expressions relatives aux choses inanimées sont tirées par métaphore, du corps humain et de ses parties, ou des sentiments et passions humaines. […] En effet, dans l’ordre des idées humaines, on observe les choses semblables pour les employer d’abord comme signes, ensuite comme preuves. […] Ce fut dans l’intérêt du genre humain que la Providence fit naître la topique avant la critique. […] Ainsi, les premiers peuples qui nous représentent l’enfance du genre humain, fondèrent d’abord le monde des arts ; les philosophes, qui vinrent longtemps après, et qui nous en représentent la vieillesse, fondèrent le monde des sciences, qui compléta le système de la civilisation humaine. […] Dès lors la philosophie ne produisit aucun fruit remarquable pour l’avantage du genre humain.
Comme on le reconnaît par ces exemples, il n’y a guère chez Tolstoï de descriptions pures ; la nature n’est pour lui que le théâtre des actions humaines, un milieu montré dans la mesure où il modifie et détermine les sensations, les volontés et conditionne les actes. […] Chez aucun de nos romanciers au même degré, pas même chez Balzac, chez Stendhal et chez Flaubert, qui sentirent cependant, surtout ce dernier, le transitoire humain, le cours des années n’est si magistralement marqué dans le cours des carrières. […] Cessant graduellement d’être comme le voyant, le miroir, l’intelligence de toutes les formes de l’âme humaine, se réduisant à n’en concevoir qu’une, la sienne propre, comme exemplaire, manifestant ce prosélytisme par des indications, des insistances, des exclusions arbitraires, puis par des opinions expresses. […] Sa magnifique aptitude à concentrer, sur le spectacle du monde, d’intenses dons de vision, son amour même de la vertu, de la bienfaisance humaines le gardaient de cette facile solution à longue échéance. […] Ces romans existent ; ils seraient peut-être — pénétrés de moins de bonté et de plus froide justice — le modèle, l’esquisse de l’épopée humaine future.
Or l’histoire du genre humain nous prouve que l’homme n’a jamais été un instant orphelin ; elle nous prouve que l’organisation des premières sociétés fut très forte ; elle nous prouve que les langues ont toujours été douées des mêmes formes, et qui sont la preuve du plus haut déploiement possible de l’intelligence humaine. […] Mais ne faisons pas trop d’honneur aux premiers hommes ; car les inventeurs du langage seraient les inventeurs de l’intelligence humaine elle-même. […] Ne pourrait-on pas dire aussi que chaque race humaine ayant été affectée de prérogatives différentes, il y a eu, dans le genre humain, un droit d’aînesse, comme tout paraît le prouver, et que ce sont les races aînées qui sont restées dépositaires des titres de famille ? […] Nous parviendrons sans doute à arriver aux généalogies des races humaines par les généalogies des langues. […] De là les langues sacrées, qui ont été faites lentement, et modelées sur les formes mêmes de l’esprit humain.
Ce jour-là, il fut vraiment un artiste humain et littéraire. […] La métaphysique n’est pas seulement une chose d’étude, c’est une chose d’organisation humaine. […] On dévore de la chair humaine sans la cuire ; on est franchement et sensuellement anthropophage ! […] La Bête humaine, que des siècles de Christianisme avaient apprivoisée et adoucie, a repris sa nature de bête. […] De tendance naturaliste, il inclinait vers Darwin et les autres animaliers de l’Esprit humain.
« La science de la nature humaine est du même genre. […] Il pense qu’il nous faut acquérir notre connaissance de l’esprit humain, en observant les autres. […] Les produits sont tout autant une partie de la nature humaine que les éléments qui la composent. […] La psychologie a pour objet les lois les plus générales de la nature humaine : l’éthologie a pour objet les lois dérivées. […] « Il existe des lois universelles de la formation du caractère, quoique le genre humain n’ait pas un caractère universel.
Mitraud sur la Nature des sociétés humaines, comme il dit, et ce livre dont tout pour nous, jusqu’au titre, manque de rigueur et de vérité nous a jeté dans des perplexités étranges. […] dans ce traité qui s’intitule somptueusement de la Nature des sociétés humaines, le fond des choses, s’il en est un, n’est pas visible. […] L’auteur des Sociétés humaines a mieux aimé envoyer devant lui ses premiers bagages. […] Tête que j’oserai appeler antihistorique, cervelle rechercheuse d’abstractions, M. l’abbé Mitraud n’a ni le sens de l’histoire, ni le sens de la nature humaine. […] De la nature des sociétés humaines, par M. l’abbé Théobald Mitraud.
Principe de toute la comédie et de tout le drame humains. — Personnages de comédie dans l’œuvre de Flaubert. — Personnages de drame : Bovary. — III. […] On voit résumé en son délire tout l’effort de l’Humanité pour connaître au-delà des limites possibles de la connaissance humaine. […] L’intelligence humaine, la faculté de comprendre elle-même, devient le thème de la représentation et nous apparaît atteinte du même mal dont nous avons vu quelques esprits frappés. […] Ainsi, selon deux procédés différents, l’esprit humain s’est efforcé de se rendre maître de la certitude. […] Elle est humaine et nous la croyons Dieu.
Variétés des races humaines ; unité de l’homme. — § II. […] Variétés des races humaines ; unité de l’homme. […] Le seul titre du chapitre sur les Variétés de la race humaine trancha la question en la posant. Il y a différentes races humaines ; il n’y a qu’une espèce : le nègre est un homme. […] Variétés dans l’espèce humaine.
Ce que j’avais voulu induire, et non prouver, c’était l’identité de l’homme et de la parole ; c’était le moi humain s’éveillant en présence du monde extérieur. […] Plusieurs ont compris qu’il s’agissait de savoir s’il y avait simultanéité dans la manifestation des facultés humaines, ou s’il y avait succession. […] L’abbé Morellet, dans son Traité de l’imitation musicale, a parfaitement développé la marche de l’esprit humain dans l’emploi de ces modes analogiques. […] comme si l’intelligence humaine n’était pas tout d’une pièce ! comme si le moi humain n’était pas toujours et n’avait pas été toujours identique à lui-même !
Chacun des types humains envisagés au cours du chapitre consacré au Bovarysme individuel apparaissait bien halluciné par le pouvoir de l’exemple et de la notion. […] Par le pouvoir de la notion chaque individu se conçoit d’une façon supérieure autre qu’il n’est, il voit se refléter dans sa conscience individuelle l’image abstraite de la pensée humaine tout entière. […] Or, qu’il soit inhérent à l’essence même de la vie humaine, qu’il soit une condition de son progrès, cela explique et justifie qu’il survive & sa nécessité. […] Il suffit surtout de considérer que sans l’existence de ce pouvoir, les découvertes individuelles ne se seraient pas transmises en sorte que le savoir humain serait demeuré à l’état embryonnaire, qu’il n’aurait point formé une somme, qu’il n’y aurait pas à vrai dire de savoir humain. […] Le Bovarysme, faculté de mécontentement et d’insatiabilité, s’avère ici la faculté humaine par excellence.
Son caractère est remarquablement bon et humain. […] Elles sont, quoy qu’on dise, tenues par mains et moyens humains. […] Une force secrète semble même comprimer à la fois toutes les branches de l’activité humaine. […] L’esprit humain poursuit le même but, mais il y tend par une voie différente. […] Que d’éclairs jetés dans les ombres du cœur humain !
L’esprit humain n’a pas une marche aussi simple. […] Mais celui qui envisage la totalité de l’esprit humain ne sait pas ce que c’est que décadence. […] L’immense majorité du genre humain, condamnée à un travail manuel, ne pourra donc jamais en goûter les fruits ? […] Effectivement, ces professions n’ont pas produit un seul homme qui marque dans l’histoire de l’esprit humain. […] L’accidentel devient ainsi la vie même, et la partie vraiment humaine et religieuse disparaît presque.
En outre il est des types proprement sociaux, qui ont pour but de représenter l’homme d’une époque dans une société donnée ; or, les conditions de la société humaine sont de deux sortes : il y en a d’éternelles et il y en a de conventionnelles. […] En outre, elle fait de l’art quelque chose de concentré en soi et d’isolé, non d’expansif et de social, car la société humaine ne saurait s’intéresser à un pur jeu de formes. […] Le roman psychologique lui-même n’est complet que s’il aboutit, dans une certaine mesure, à des généralisations sociales et humaines. […] Il semble qu’il y ait en lui, comme chez tout véritable poète, assez d’émotion et de sympathie pour traverser et animer la nature entière ; il n’écoute battre son propre cœur que pour sentir venir jusqu’à lui quelques-unes des vibrations de la vie universelle : il agrandit la nature en lui prêtant le retentissement du cœur humain, et il élargit le cœur humain en y faisant entrer toute la nature. […] La sympathie humaine, comme la grâce prévenante, va au-devant, pénètre, même sans attendre rien ; seulement, donner, c’est déjà recevoir, et cela lui suffit.
Toute relation humaine, toute coopération surtout, est donc une suggestionem. […] Ainsi l’habitude des plaisirs esthétiques favorable à la solidarité humaine, est nuisible à l’existence des nations : et en fait les Etats les plus policés sont les plus faciles à conquérir. […] Qui ne mesure, à l’énoncé seul de ce caractère de vérité, la supériorité des figures humaines montrées ainsi, sur les meilleurs dessins de personnages fictifs, dans les romans et dans les drames ? […] La seconde partie de l’analyse critique se rapporte également à la psychologie générale, avec cet indice particulier qu’elle aboutit non pas à des connaissances sur le mécanisme mental humain moyen, mais bien sur l’âme d’êtres humains individuels, ayant réellement existé, observés par le dehors sur leurs manifestations, et intéressants à connaître, en leur qualité d’êtres supérieurs. […] Ce rapport dépend, selon nous, du principe de l’imitation entre organismes psychiques semblables, qui est une variété particulière du fait de la répétition, et qui semble être la forme de ce fait, propre à la société humaine, beaucoup plus que l’hérédité.
Le « document humain » est le terme auquel il revient sans cesse pour définir son esthétique. […] Car enfin il est partout, le document humain, ondoyant et divers comme l’humanité elle-même. Tout le monde s’est servi du « document humain », et chacun en a tiré des choses différentes. […] Il regarde sous un angle particulier et dans une certaine perspective et les caractères et la vie humaine ; il considère de parti pris une série de faits en éliminant tous les autres : il fait son choix systématique et exclusif dans l’immense variété du « document humain ». […] J’imagine qu’on aurait quelque peine à nous montrer le « document humain » dont on s’est servi en ces occasions.
Ils éteignirent en eux le sentiment humain. […] Un jour, ces Contes — bijoux oubliés au pied de La Comédie humaine, qui fait ombre sur tout ce qui l’entoure, — reprendront leur place aux yeux des hommes. […] Mais là, pas plus que dans La Comédie humaine. […] Dans ces Contes, Balzac est donc supérieur, par la continuité du sentiment et le naturel de l’expression, à ce qu’il est dans La Comédie humaine. […] L’identité du personnage est dans l’air presque humain de ces incroyables panaches.
Il est chargé de ce soin immense, la mise en marche du genre humain. […] L’application du sublime aux choses humaines produit des chefs-d’œuvre inattendus. […] Que l’étoile qui est dans cet œil pleure une larme, et que cette larme soit la larme humaine. Ainsi humain et surhumain, ce sera le poëte. […] Il faut qu’il défende, selon le côté menacé, tantôt la liberté de l’esprit humain, tantôt la liberté du cœur humain, aimer n’étant pas moins sacré que penser.
Une société humaine est un ensemble d’êtres libres. […] La morale d’une société humaine est en effet comparable à son langage. […] L’un a été voulu par la nature, l’autre est un apport du génie humain. […] Là fût demeurée l’âme humaine, si elle s’était élancée de l’un sans aller jusqu’à l’autre. […] Un honnête homme dira par exemple qu’il agit par respect de soi, par sentiment de la dignité humaine.
Il serait infiniment désirable que la masse du genre humain s’élevât à l’intelligence de la science ; mais il ne faut pas que la science s’abaisse pour se faire comprendre. […] Combien est rare, parmi nous, ce culte pur de toutes les parties de l’âme humaine ? […] La Grèce tirait des poèmes, des temples, des statues de son intime spontanéité, pour épuiser sa propre fécondité et satisfaire à un besoin de la nature humaine. […] En effet, du moment que la fortune devient le but principal de la vie humaine, ou du moins la condition nécessaire de toutes les autres ambitions, voyons quelle direction vont prendre les intelligences. […] On était poète ou philosophe, parce que cela est de la nature humaine et qu’on était soi-même spécialement doué dans ce sens.
La jurisprudence humaine ne considère dans les faits que leur conformité avec la justice et la vérité ; sa bienveillance plie les lois à tout ce que demande l’intérêt égal des causes. Cette jurisprudence est observée sous les gouvernements humains, c’est-à-dire, dans les états populaires, et surtout dans la monarchie. La jurisprudence divine et l’héroïque propres aux âges de barbarie, s’attachent au certain ; la jurisprudence humaine qui caractérise les âges civilisés, ne se règle que sur le vrai. […] La troisième est l’autorité humaine, laquelle n’est autre que le crédit des personnes expérimentées, des hommes remarquables par une haute sagesse dans la spéculation ou par une prudence singulière dans la pratique. […] Il en est tout au contraire dans les temps humains, où les états sont démocratiques ou monarchiques.
Ce jour-là, je me demandai plus sérieusement que jamais s’il n’y avait rien de mieux à faire que de consacrer à l’étude et à la pensée tous les moments de sa vie, et, après avoir consulté ma conscience et m’être raffermi dans ma foi à l’esprit humain, je me répondis très résolument : « Non. » Si la science n’était qu’un agréable passe-temps, un jeu pour les oisifs, un ornement de luxe, une fantaisie d’amateur, la moins vaine des vanités en un mot, il aurait des jours où le savant devrait dire avec le poète : Honte à qui peut chanter, pendant que Rome brûle. […] Ne donner à l’étude et à la culture intellectuelle que les moments de calme et de loisir, c’est faire injure à l’esprit humain, c’est supposer qu’il y a quelque chose de plus important que la recherche de la vérité. […] Quant à la science sérieuse et philosophique, qui répond à un besoin de la nature humaine, les bouleversements sociaux ne sauraient l’atteindre, et peut-être la servent-ils en la portant à réfléchir sur elle-même, à se rendre compte de ses titres, à ne plus se contenter de jugement d’habitude sur lequel elle se reposait auparavant. […] Grâce aux sentiments qu’elles m’ont inspirés, j’ai traversé de tristes jours sans maudire personne, plein de confiance dans la rectitude naturelle de l’esprit humain et dans sa tendance nécessaire à un état plus éclairé, plus moral et par là plus heureux. […] C’est à cette preuve vivante que je voudrais convier tous ceux que je n’aurais pu convaincre de ma thèse favorite : la science de l’esprit humain doit surtout être l’histoire de l’esprit humain, et cette histoire n’est possible que par l’étude patiente et philologique des œuvres qu’il a produites à ses différents âges.
Qui oserait toucher irrespectueusement à cette arche de la Comédie humaine et à Balzac, ce Balzac presque insulté, il y a vingt ans, jusque par ce pauvre petit Doudan, qui n’était pas méchant, mais qui eut le tort, toute sa vie, de pondre les jolis œufs qu’on a dénichés depuis, dans un nid d’oies académiques qui les a gâtés ! […] Il avait écrit à jet continu plus de quatre-vingts volumes, parmi lesquels cette Comédie humaine dont il a dit, avec le légitime orgueil qui nous venge de tous nos désespoirs : « Jamais œuvre plus majestueuse et plus terrible n’a commandé le cerveau humain. » La persévérance enflammée de Balzac fut inextinguible… et dans l’ordre moral elle est tout aussi étonnante que sa force de production dans l’ordre intellectuel. […] L’homme n’existe dans ses mérites divins que par le cœur et par l’esprit, et les lettres d’amour de Balzac devaient être publiées, parce qu’elles importent au Cœur humain comme le système de la gravitation importe à l’Esprit humain, et devrait être publié si, Newton mort, il était resté inédit. IV Car le Cœur humain — ne vous y méprenez pas ! — est aussi exigeant que l’Esprit humain, et peut-être l’est-il davantage… Qui sait s’il n’en a pas le droit ?
Après la religion et la philosophie, la politique est la plus haute application de la littérature aux choses humaines. […] Or, comme l’esprit humain ne pouvait se plier à cette abdication de sa liberté morale et déclarer la révélation sacerdotale en permanence dans la politique de tout l’univers, il fallait la force sans raisonnement et sans réplique pour contraindre l’esprit humain, il fallait le bourreau pour dernier argument de conviction. […] 9º Enfin quel est le gouvernement présumé légitimement le plus parfait et le plus conforme à la nature humaine civilisée et civilisable ? […] Le mystère de la première origine du peuple chinois n’en est pas moins impénétrable à l’œil purement humain. […] … Magnifique solidarité entre les hommes nés et à naître et entre Dieu, justice et providence de toute cette famille humaine !
Ce premier cri du cœur humain, qui éclate de colère, de douleur, de plénitude ; ce premier rugissement de la fibre du lion torturé dans le cœur humain par le sort aurait surpassé tout ce que l’art le plus exercé de la pensée et du style a pu enfanter jusqu’à nos jours ! […] Job a la langue du plus grand poète qui ait jamais articulé la parole humaine. […] Il soupire une élégie touchante sur les misères et les instabilités humaines. […] Derrière cette apparente dérision des choses humaines il y a donc un divin mystère ; ce mystère, c’est la sagesse et la bonté de Dieu. […] Que ces deux mots soient aussi les nôtres, et ils nous conduiront au troisième mot, qui achève la trinité humaine : J’espère.
s’écrie-t-il ; se figure-t-on ce que deviendraient l’homme, les hommes, l’âme humaine et les sociétés humaines, si la religion y était effectivement abolie, si la foi religieuse en disparaissait réellement ? […] Mais le matérialisme n’est pas le dernier mot du genre humain. […] Pourquoi l’homme, ou une première succession de races diverses, variées, graduées, déjà humaines ? […] Il sait que le cœur humain est un labyrinthe ainsi fait, et avec un écho si bien ménagé, qu’une seule et même voix peut se faire à elle-même la demande et la réponse. […] Le genre humain, depuis qu’il est sorti des forêts, n’a plus envie de loger en plein vent ni de dormir à la belle étoile : aucune demeure ne lui semble assez magnifique pour lui.
Dans le tableau que l’esprit humain fait de la nature, la science du dix-huitième siècle a dessiné le contour général, l’ordre des plans et les principales masses en traits si justes, qu’aujourd’hui encore toutes les grandes lignes demeurent intactes. […] L’histoire humaine est chose naturelle comme le reste ; sa direction lui vient de ses éléments ; il n’y a point de force extérieure qui la mène, mais des forces intérieures qui la font ; elle ne va pas vers un but, elle aboutit à un effet. Et cet effet principal est le progrès de l’esprit humain. « Au milieu de tant de saccagements et de destruction, nous voyons un amour de l’ordre qui anime en secret le genre humain et qui a prévenu sa ruine totale. […] Dans une société humaine, toutes les parties se tiennent ; on n’en peut altérer une sans introduire par contre-coup dans les autres une altération proportionnée. […] Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain .
C’est en vain qu’on altérera sa figure, que l’on exigera de lui un rôle national, social et humain. […] On discutera, on disputera de ses vertus philosophiques ou humaines, — mais il aura créé. […] On vit l’art humain, l’art complet, dissocié, scindé en deux tronçons distincts, se croyant l’art chacun, chacun insoucieux de l’autre. […] On pensa le trouver dans notre Comédie Humaine ; on l’y trouva — mais il n’y était pas. […] Trop exploitée, mal exploitée, la matière humaine semble tristement s’épuiser.
On a beaucoup trop calomnié jusqu’à présent la nature humaine : les intérêts doivent être considérés comme effets ou comme signes, et non point comme causes. […] L’âge de l’établissement du christianisme fut pour le genre humain l’âge de l’émancipation morale, qui avait succédé à celui de l’empire absolu de l’imagination. […] Il ne peut y avoir parmi eux de ces esprits investigateurs qui marchent à la tête des destinées humaines. […] Pour eux, la parole sera toujours une chose immuable et sacrée qui contient les lois immortelles de la société en même temps que les manifestations de l’âme humaine. […] Ceux-là sont venus à comprendre qu’il s’est opéré un grand changement dans l’intelligence humaine, et que ce changement a pénétré dans le sanctuaire même de la pensée.
Il y a des problèmes naturels, indestructibles dans toute âme humaine. […] Quand elle fait à ce néant l’honneur de l’appeler l’inconnu, c’est par complaisance et respect humain. […] Cette immobilité prouve à la fois les lumières primitives que l’esprit humain a reçues et les limites de son travail scientifique. […] Ces raisons après tout ne sont que des raisons humaines, tirées de la nature de notre intelligence et fondées sur des raisonnements tout humains. […] Nous aurions honte d’imputer à Dieu ce dont nous aurions des remords nous-mêmes, si comme législateurs humains, nous avions porté une pareille loi.
Rousseau, Benjamin Constant, Chateaubriand, Byron, récitant leur cœur, récitent le cœur humain. […] Ce papier taché d’encre, c’est le greffe où est déposée l’âme humaine. […] La pratique de la politique apporte l’expérience à l’esprit humain. […] Fabuleuse avec Hérodote, oratoire avec Thucydide et Tite-Live, elle est humaine avec Tacite. […] Il est une ère humaine, il est le siècle français par excellence.
Placé lui-même, pour les sentir et les exprimer, sur les limites de ces deux natures humaines et divines qui se touchent et se confondent en lui, l’homme n’a pas eu longtemps le même langage pour exprimer l’humain et le divin des choses. […] L’homme a parlé des choses humaines ; il a chanté les choses divines. […] Pourquoi cette différence dans ces modes divers de l’expression humaine ? […] L’instrument humain n’a point d’écho pour le chiffre. […] Parce qu’il s’adresse spécialement aux deux facultés inférieures de l’esprit humain : la curiosité et la passion.
Il profane le langage humain — le langage que Dieu a parlé ! […] Le genre humain se trompait. […] L’âme humaine était spiritualiste et surélevée du côté du ciel. […] La platitude humaine a presque réussi à en faire une idée vulgaire. […] les sublimes supplices de la grandeur humaine !
Le jour où elle paraît dans une nation comme une des branches de sa littérature, ce jour-là l’esprit particulier de cette nation commence à soupçonner qu’il est l’esprit humain. […] Elle pouvait croire, sans illusion, qu’aucune société humaine n’en avait su plus qu’elle sur l’homme. […] La France, en 1665, avait le droit de se donner en exemple au genre humain. […] C’est du domaine de Pascal, lequel dédaigne de travailler pour la sagesse humaine, et s’occupe moins des moyens de nous conduire que de nos motifs d’abdiquer. […] La Fronde est un épisode ; mais le fond de cet épisode est le cœur humain.
. — Autorité nouvelle de la raison dans le gouvernement des choses humaines. — Jusqu’ici ce gouvernement appartenait à la tradition. […] Jusqu’alors, dans le gouvernement des actions et des opinions humaines, la raison n’avait eu qu’une part subordonnée et petite. […] Non seulement il connaît toutes les cordes du clavier humain, mais il les classe chacune à son rang. […] Ainsi, par elle-même, la culture humaine est mauvaise, et les fruits qu’elle fait naître ne sont que des excroissances ou des poisons. — À quoi bon les sciences ? […] « La société est naturelle à l’espèce humaine, comme la décrépitude à l’individu.
Le théâtre français n’est ni religieux ni national, il est humain ; son objet, c’est la nature humaine, la vie humaine dans sa plus grande généralité. Il met en action les vérités les plus générales du cœur humain exprimées par les plus grands cœurs et par les âmes les plus passionnées. […] En effet, la lutte morale est ce qui donne à la vie humaine un aspect noble et imposant. […] « tyranniser la nature » serait le comble du génie humain ! […] Ne saisissant pas l’origine historique et tout humaine du spectacle qu’il avait devant les yeux, Bossuet n’en vit que la beauté idéale, et crut y reconnaître une œuvre divine.
C’est l’histoire intime et interprétée des sentiments humains de sainte Madeleine pour N. […] Or, c’est bien d’amitié qu’il s’agit et d’amitié humaine, car le livre s’ouvre justement par la plus singulière théorie sur l’amitié, l’amitié que l’auteur met, de son autorité privée de moraliste, au-dessus de tous les sentiments de l’homme. […] Le sentiment de l’amour religieux de Dieu est un sentiment humain aussi, et c’est là véritablement le plus beau, c’est le premier. […] L’histoire, la vraie et la seule histoire des relations de Notre-Seigneur et de sainte Madeleine, c’est l’Évangile, l’Évangile si sobre d’interprétation, si vivant de la seule vie du fait, l’Évangile dans lequel l’âme divine et humaine de N. […] En ne s’expliquant pas plus qu’il ne le fait sur les sentiments, purement humains, de Notre-Seigneur, l’Évangile, qui est la vérité, et qui devrait être la règle de ceux qui croient qu’il est la vérité, l’Évangile aurait dû arrêter le R.
Où le publiciste ne voit qu’un expédient politique, l’évêque reconnaît et admire une des vertus de la nature humaine. […] Ce peuple a en lui la première cause de toute grandeur humaine, le dévouement. […] Il est juste, libéral, humain, dès qu’il veut que tout le monde soit de même. […] Dans son dessein de faire du bien aux sociétés humaines, il lui a manqué d’avoir combattu et souffert. […] Les vrais grands hommes pâtissent pour servir l’espèce humaine, et troublent leur vie pour améliorer la nôtre.
L’animal humain ainsi largement développé devient l’animal-dieu. […] Liaison étroite au sein des mondes de vie où nous sommes plongés, liaison intime des cœurs humains, joie et justice, telle est sa profession de foi panthéiste. […] Elle est dans l’énergie humaine ; elle y fermente ; elle a hâte de s’épancher en œuvres vives. […] Mais la fausse et faible parole chrétienne s’efface à mesure que grandit la réelle et forte parole humaine. […] … Je sens partout des êtres qui sentent comme moi, qui sont véritablement de la même race, une race dont on ne parle pas, dont on ne tient pas compte, la race humaine.
Ce sont des parasites humains. […] Changer la nature humaine, ce n’est pas une chimère. […] Mais, au fond, c’est un appel à la nonchalance, au respect humain et à la peur. […] Le prêtre de Némi est l’image, un peu cruelle, du progrès humain. […] Aucune fondation humaine, si ce n’est sur une religion nouvelle.
. — la notion, fortune abstraite et humaine de l’image — III. […] Tarde dans son bel ouvrage5 a fait à juste titre un des deux pôles de l’évolution humaine. […] Par la notion, l’erreur s’introduit donc, non seulement dans quelques intelligences individuelles, mais dans la science humaine. […] C’est dans ce sens que l’être humain se conçoit autre qu’il n’est. […] Il n’arrive guère, en effet, que l’être humain tienne de l’hérédité une orientation unique.
Le monument de Voltaire, c’est lui-même ; son véritable ouvrage, c’est l’esprit humain étendu, reclassé, modifié par son génie. […] En morale elle n’en engendre pas moins : car, si Dieu ne contemple, ne juge, ne rémunère que l’espèce humaine dans son universalité, que devient la moralité de l’âme individuelle, de chacune des myriades d’âmes dont cette universalité humaine est composée ? […] C’était un théisme selon l’imperfection humaine, ce n’était pas un théisme selon l’universalité, l’ubiquité et l’infini de Dieu. […] Il ne semblait du reste nullement penser à convertir à sa cause la majorité du genre humain. […] L’influence alternative de Voltaire sur l’esprit humain a suivi depuis 1778 la destinée de ce cercueil.
Ce rôle est évident chez les sociétés animales ; il a subsisté longtemps chez les sociétés humaines primitives. […] Tout le perfectionnement de la conscience humaine ne fait donc qu’augmenter la primitive solidarité inconsciente des systèmes nerveux. […] Il est à remarquer que l’utile a ordinairement un côté social, et par là encore il acquiert un certain degré élémentaire de beauté, car nous sympathisons avec tout ce quia un but social et humain, avec, tout ce qui est ordonné en vue de la vie humaine, surtout de la vie collective. […] Soit, parce qu’elle est déjà une harmonie ; mais ce qui la rend surtout esthétique, c’est le côté humain et sympathique de cette harmonie. […] On pourrait dire que le beau est le bien déjà réalisé, et que le bien moral est le beau à réaliser dans l’individu ou dans la société, humaine.
Après la fatalité inconsciente des choses, il rencontra la fatalité furieuse de l’égoïsme humain. […] Quand « assouvi de son rêve », Dieu voudra détruire la race humaine par le déluge, Kaïn la sauvera. […] Or la sérénité de leur fatalisme, de leurs révoltes et de leurs joies, et tout ce qu’il y a d’humain dans leurs mythes revit aux poèmes de M. […] Et le poète ne proteste point contre elle, et il ne mêle à sa vision aucun ressouvenir humain. […] Son dédain de la passion est sans doute chose aussi humaine que la passion la plus emportée.
Condorcet, à la fin du siècle, 1794, dans son Essai sur les progrès de l’esprit humain, résumait, précisait, arrêtait ou fixait la doctrine : on peut même dire qu’il la codifiait. […] Ils n’ont eux-mêmes d’autre « relation » avec ce qu’ils expriment, et avec nous, que de le représenter dans sa « relation » avec la nature de l’esprit humain. […] Mais ces rapports ne sont pas « constans », et ils ne sont pas « nécessaires. » Il arrive, dit-on, fréquemment, que le rapport soit le même entre la longueur de la tête humaine, par exemple, et la longueur du buste ou du corps tout entier. […] Ceci nous ramène au principe essentiel de la méthode positiviste qui n’est autre que d’avoir fait, de la « totalisation de l’expérience humaine », le critérium de la vérité. […] Il y aura pour eux, relativement à nous, quelque chose de changé dans ce que nous appelons la totalisation de l’expérience humaine.
Placé lui-même pour les sentir et pour les exprimer sur les limites de ces natures humaines et divines qui se touchent et se correspondent en lui, l’homme n’a pas eu longtemps le même langage pour exprimer l’humain et le divin des choses. […] Il a parlé des choses humaines, il a chanté les choses divines. […] Pourquoi cette différence dans ces modes divers de l’expression humaine ? […] L’instrument humain n’a point d’écho pour le chiffre. […] un salut plus enthousiaste, plus solennel et plus saint à la vision de Dieu qui se lève tard, mais qui se lève plus visible sur l’horizon du soir de la vie humaine !
Cet heureux matérialisme, où se serait complu l’espèce humaine sous le joug égal de Rome, ce sommeil des âmes dans une servitude affermie, n’exista jamais. […] N’essayez donc pas de prétendre, ne vous flattez pas, même dans le passé, qu’il ait pu jamais exister un grand état de société humaine dépouillé de tout instinct d’agitation généreuse, déchu de l’indépendance sous toutes ses formes, s’enfermant avec quiétude et bonheur dans le cercle de la conquête, et n’aspirant qu’au pain du jour, dans l’égalité de l’esclavage. […] N’est-il pas visible en effet, malgré les lenteurs et les doutes des puissances humaines, que l’époque de l’extension du christianisme sur de nouveaux points du monde s’approche à grands pas, qu’elle est de toutes parts appelée, secondée par la force des armes, du commerce et des arts ? […] Sans doute, par l’imperfection humaine et l’imperfection démocratique, il a été, en Amérique, bien dérogé à cette loi divine, au milieu de l’empire qu’on affectait de lui reconnaître. […] Mais la liberté, qui permet bien des erreurs et bien des abus, a du moins ce salutaire effet de ne point les laisser en repos, de les inquiéter sans cesse par la contradiction et le blâme, de soulever au besoin contre eux la conscience humaine, et, tôt ou tard, de corriger la loi par l’instinct moral.
C’est à la lueur des éclairs qu’ils virent cette grande vérité, que Dieu gouverne le genre humain. […] Avec ces premières unions humaines, c’est-à-dire conformes à la pudeur et à la religion, commencèrent les mariages qui déterminèrent les rapports d’époux, de fils et de pères. […] Mais comme la société humaine ne peut subsister un moment sans ordre, c’est-à-dire sans dieu, la Providence fit naître l’ordre civil avec la formation des cités. […] Ces fins bornées sont pour elle des moyens d’atteindre les fins plus nobles, qui assurent le salut de la race humaine sur cette terre. […] Au contraire nous établissons avec les philosophes politiques, dont le prince est le divin Platon, que c’est la providence qui règle les choses humaines.
Cependant, à pénétrer plus profondément dans le mécanisme de l’acte qui aboutit à connaître, il apparaît que malgré l’existence des nombreux objets que présentent à leurs regards les formes de la nature inanimée, les floraisons végétales, les activités animales et les passions humaines, ces contemplatifs risquent pourtant, par l’exagération de leur passion, d’en voir disparaître l’objet. Ils n’entrent en effet en relation avec tous ces objets du monde extérieur, ainsi qu’on vient d’en faire la remarque, qu’autant que leur sensibilité est encore affectée par eux : quelque joie à considérer les formes et les couleurs leur rend seule perceptibles les formes et les couleurs, quelque émotion, au contact des passions humaines leur permet seule de connaître les passions humaines. […] En idéalisant l’hypothèse on irait jusqu’à imaginer une vie humaine devenue entièrement automatique où la conscience n’apparaîtrait jamais et que l’on ne conçoit, à vrai dire, soustraite au néant, que par l’acte de perception consciente que l’on fait en l’imaginant. […] Humain, trop humain, (Éd. du Mercure de France), p. 26.
Le Romantisme est donc « la désorganisation enthousiaste de la nature humaine civilisée » (id. […] Il est une révolution générale de l’âme humaine. […] Il est la désorganisation enthousiaste de la nature humaine civilisée. […] Il s’étonnait qu’on le jugeât « immoral » et ne se croyait qu’humain. […] Dans la première hypothèse le mot éducation doit être rayé du vocabulaire humain.
Ce ne sont pas des doctrines, mais des passions, sous les couleurs de l’amour du genre humain. […] Après lui et la vertu, l’utopiste a un troisième amour, l’amour du genre humain. […] Une femme, des enfants, ne se payent pas de cette vaste tendresse pour le genre humain. […] Cet ami des hommes eût volontiers offert au genre humain le logis d’où il chassait son fils. […] On dit le cœur humain, et non le caractère humain.
Nul écrivain chrétien n’a fait à Dieu plus d’holocaustes de la gloire humaine, et nul n’en a tracé des images plus propres à la faire aimer. […] Tout est petit, fragile et caduc, si vous regardez la prescience divine ; mais tout est grand, si vous regardez la liberté humaine. […] Je le comprends : c’est le plus pénétré de ce vif intérêt que lui inspirent les choses humaines. […] La matière en est, dans l’ordre humain, la plus haute qui se puisse traiter. […] Ces deux principes sont également légitimes ; leur lutte incessante fait la vie des sociétés humaines.
Que m’importe en effet cette mythologie quand je cherche une étude vivante des passions humaines ? […] Carthaginoise ou non, elle doit être avant tout une créature humaine ; or, dans le récit de M. […] Et l’on n’est pas dédommagé des tortures qu’il vous cause par la joie que pourrait faire éprouver la représentation exacte de la nature humaine, des caractères humains ; non, tout au contraire, la nature et la vérité sont absentes de ces pages. […] En vérité, l’espèce humaine, dans ces tableaux violents, ressemble à une caricature. […] Aura-t-il l’ambition de marquer sa place parmi les peintres émus et respectueux de la grande nature humaine ?
Peut-être un jour se confondront-elles, et l’on saura bien alors distinguer l’histoire des sottises humaines de la science politique. […] Si la pensée était perdue, adieu le genre humain ! […] Il méprisait cet esprit humain qui avait si peu répondu à ses vues. […] [NdA] L’esprit humain, en définitive, ne fait jamais que ce qu’il est obligé et mis en demeure de faire. […] et Sieyès réédifiant, réinventant la société et l’entendement humain de la base au sommet, de fond en comble !
D’abord, il étudie en leur principe les idées et les sentiments humains, dont l’histoire n’est que le développement. […] L’histoire est ainsi remplie de pensées inachevées, de volontés brisées, de caractères tronqués, d’êtres humains incomplets et mutilés ; par là, non seulement elle entrave l’intérêt, mais elle perd en vérité humaine et ce logique qu’elle gagne en exactitude scientifique. […] — dans son imagination ; — et il vérifie la bestialité radicale de la nature humaine, — où ? […] Mais rien de ce qui émeut un être humain ou simplement vivant n’est étranger à aucun de nous. […] Ces marionnettes ont fort peu d’humain en elles ; aussi la peinture qu’on en peut faire n’est-elle que l’ombre d’ombres.
Tout date pour nous de la Grèce dans les chefs-d’œuvre de la troisième époque de l’esprit humain. […] Il faut pour cela deux choses : la première, que les langues soient déjà très riches, très fortes et très nuancées d’expressions, sans quoi le poète manquerait de couleurs sur sa palette ; la seconde, que le poète lui-même soit un instrument humain de sensations, très impressionnable, très sensitif et très complet ; qu’il ne manque aucune fibre humaine à son imagination ou à son cœur ; qu’il soit une véritable lyre vivante à toutes cordes, une gamme humaine aussi étendue que la nature, afin que toute chose, grave ou légère, douce ou triste, douloureuse ou délicieuse, y trouve son retentissement ou son cri. […] Il doit inspirer aux hommes la pitié, cette plus belle des sympathies humaines, parce qu’elle est la plus désintéressée. […] Puis vinrent les ténèbres des âges barbares, qui enveloppèrent pendant près de mille ans l’Occident d’ignorance, et qui ne commencèrent à se dissiper qu’à l’époque où les manuscrits retrouvés d’Homère, dans les cendres du paganisme, redevinrent l’étude, la source et l’enthousiasme de l’esprit humain. […] Demander si un tel homme peut compter au nombre des moralisateurs du genre humain, c’est demander si le génie est une clarté ou une obscurité sur le monde ; c’est renouveler le blasphème de Platon ; c’est chasser les poètes de la civilisation ; c’est mutiler l’humanité dans son plus sublime organe, l’organe de l’infini !
« Telle est l’origine à la fois philosophique et poétique de l’anthropomorphisme grec ; c’est la divinité de l’esprit humain que la Grèce adore dans la beauté du corps humain. […] Il était réservé à l’anthropomorphisme grec de rencontrer la beauté souveraine dans l’union étroite de la nature humaine avec l’idée divine. […] « C’est à la forme humaine que semble empruntée cette symétrie, qui n’est pas la symétrie froide de notre architecture classique moderne ; c’est à la forme humaine sans doute, bien plutôt qu’à la nature inanimée, que les architectes grecs ont dû la pensée de ces courbes dont j’aurai plus tard à parler, et qui corrigeaient par je ne sais quoi d’organique la sécheresse de la géométrie. […] Le nec plus ultra est écrit sur tout ce qui est humain, c’est-à-dire borné. […] Or, voyager, c’est traduire ; c’est traduire à l’œil, à la pensée, à l’âme du lecteur, les lieux, les couleurs, les impressions, les sentiments que la nature ou les monuments humains donnent au voyageur.
L’indéfini, qui naît de la combinaison humaine et divine de l’infini et du fini, leur échappe. […] Ainsi de certains génies eux-mêmes, de certains Très-Hauts humains, des hommes-astres, pourraient se tromper ? […] « Le père poursuivit : « — Sois humain. […] La vie générale du genre humain s’appelle le Progrès ; le pas collectif du genre humain s’appelle le Progrès. […] À cette condition, on donne au genre humain le patron de l’idéal.
Non content d’écraser la faiblesse humaine sous les fatalités du sort et de la nature, il l’asservit aux transmissions du passé. […] Puis Cloto, la première des Parques, fileuse fatidique de la vie humaine, retira le petit Pélops vivant de l’eau bouillonnante. […] La religion funéraire et le salut public, à ces âges de fer de la Grèce, réclamaient aussi quelquefois des victimes humaines. […] Tout cet extrême horizon de l’Hellade antéhistorique est rouge de sang humain lancé vers le ciel. […] Elle les avait éludés avant même de les abolir : lorsque la liturgie trop précise imposait une victime humaine, on s’en tirait par un pieux subterfuge.
Besoin d’institutions nouvelles Nous sommes arrivés à un âge critique de l’esprit humain, à une époque de fin et de renouvellement. […] Celui qui préside aux destinées humaines en sait plus que nous. […] Cependant l’arche d’alliance marche toujours devant le peuple : c’est le sentiment religieux, immortel comme nous ; c’est la certitude que Dieu ne cesse de veiller sur les destinées du genre humain. […] Je voyais les révolutions successives des empires ; les âges de l’esprit humain m’apparaissaient ; j’assistais, en quelque sorte, à ces grandes crises qui viennent, de loin en loin, saisir toutes les nations à la fois. […] Le berceau de cette société nouvelle n’a point été, en apparence, entouré de mystères et de merveilles ; mais c’est aussi un mystère, et un mystère terrible, que cette foule d’hécatombes humaines ; mais c’est aussi une merveille, et la plus grande de toutes, que cette suite innombrable de démentis donnés chaque jour, pendant trente années, à la raison humaine, qui, chaque jour, croyait être sûre de son fait.
temps désespérant et désespéré que celui où l’esprit humain, qui se croit entier, a fini par se mutiler de sa propre main et s’est émasculé de la plus grande de ses facultés, — la faculté religieuse. […] Et en le lisant, ce chapitre, on comprendra enfin que ce qui semblait un vulgaire sentiment humain, traînant encore dans une grande âme dévorée de Christianisme, était, au contraire, tout ce qu’il y avait au monde de plus chrétien, puisque c’était le sentiment exaspéré d’un apostolat impossible ! […] mais qui regarda souvent les choses humaines par-dessus son christianisme. […] Qu’elle soit humaine, sociale ou littéraire, la critique de M. […] Mais le côté humain ravira tout le monde, même les ennemis de ce mysticisme, s’ils ont quelque race et quelque aristocratie intellectuelle.
Avec sa foi dans le progrès indéfini du genre humain, c’est une bouture de Condorcet. […] Jean Reynaud, théologien agrandi par la philosophie, l’a réputée mesquine, enfantine et débordée par ce triomphant Esprit humain, qui a le droit d’exiger mieux. […] comme les Apôtres eurent autrefois l’impudence sublime de jeter le leur, en bloc, à la tête du genre humain ! […] La métempsychose ou la transformation successive de l’humanité emporte la morale humaine dans sa visible absurdité. […] Observation et Rêverie, voilà les tiges-mères de toutes les familles de l’esprit humain !
Dans l’état actuel de ce pauvre esprit humain, qui se croit un esprit très fort, ceci la compromet. […] Il est vrai, comme nous l’avons vu, que cette négation est assez vaste et laisse une large trouée, un hiatus terrible, dans la préoccupation de l’esprit humain. […] « L’intelligence humaine, dit-il, a passé par trois états — rien de plus, rien de moins (toujours l’escamoteur !) […] la division saint-simonienne du genre humain en époques organique et critique ? […] Tout cela, depuis des temps infinis, jonche, de la plus triste façon, le champ de la spéculation humaine !
Je dois cependant considérer d’abord la philosophie des Grecs séparément de leur éloquence : mon but est d’observer les progrès de l’esprit humain, et la philosophie peut seule les indiquer avec certitude. […] Moins ils étaient avancés dans la carrière des sciences, moins ils reconnaissaient les bornes de l’esprit humain. […] Platon, dans sa République, propose comme un moyen d’accroître le bonheur de la race humaine, la destruction de l’amour conjugal et paternel, par la communauté des femmes et des enfants. […] Il faut que la pensée soit avertie par les événements ; c’est ainsi qu’en examinant les travaux de l’esprit humain, on voit constamment les circonstances ou le temps donner le fil qui sert de guide au génie. […] Plutarque, contemporain de Tacite, appartient à une époque différente de l’esprit humain.
Ce n’est pas admissible, parce que l’intelligence humaine est un produit de la physiologie humaine et que la physiologie humaine, nous avons déjà posé ce principe, est immuable, comme est immuable la physiologie générale. […] A tout moment de l’existence du groupe humain, les manifestations du plus haut degré de l’intelligence humaine sont possibles. […] L’intelligence humaine fut toujours, en son essence, pareille à elle-même. […] Il en est de même, en de certaines limites, dans les actes humains. […] Dans son livre sur le Duplicisme humain, M.
Ainsi il y a dans le genre humain un sentiment intime et profond qui l’avertit que Dieu veille sur les destinées de sa noble créature, sur les destinées de l’ordre social où il a voulu qu’elle fût placée. […] Par la religion, la parole ne cessera de régner sur le genre humain jusqu’à la fin des temps. […] Un jour il vint du fond de la Judée un simple pêcheur, sans nom, sans autorité, dépourvu de toute science humaine. […] Dites-moi combien de temps le genre humain s’est reposé dans la paix ! […] elles ont en elles-mêmes le principe de vie le plus intime et le plus fécond qui ait jamais soutenu les sociétés humaines.
Les anges que Dieu commet à la visite des fanges humaines ne l’ignorent point. […] Cela est d’une théologie grandiose, et si humaine ! […] Sa Constitution est humaine. […] Mais au reste il savait le pouvoir contagieux de presque toutes les peintures des passions humaines. […] Dans ces heures-là, heures d’humaine détente ou d’humaine détresse, est-ce que, ayant à me juger, vous m’eussiez envoyé, vous, au feu éternel ?
Il leur manque ce qui doit faire de l’un l’esprit humain, et rendre l’autre universelle. […] l’histoire des sociétés humaines nous offre-t-elle donc des époques déshéritées où l’on vit sans idées générales, où celle qui les comprend toutes, l’idée de l’humanité, n’y est pas tout au moins une notion d’instinct ? […] Or l’histoire des sociétés humaines nous présente ce spectacle, dans la même nation, de générations qu’éclaire à peine la lueur de ce faible instinct, et de générations qui sont comme inondées de cette connaissance. Trop heureuses ces dernières, et trop favorisées, si toute la sagesse humaine accumulée n’était pleine d’erreurs, d’imperfections et de pièges ! […] Jusqu’à l’avènement de ces idées, l’esprit français n’est que l’esprit particulier d’une nation admirablement douée, mais qui ne peut pas recommencer à elle seule tout le travail de l’intelligence humaine.
L’unité de l’esprit humain est le grand et consolant résultat qui sort du choc pacifique des idées, quand on met de côté les prétentions opposées des révélations dites surnaturelles. […] L’empire romain, avec lequel la conquête arabe a tant de rapports, a fait de la langue latine l’organe de l’esprit humain dans tout l’Occident, jusqu’au XVIe siècle. […] J’ai dit assez souvent, pour que je n’aie pas à le répéter à tout propos, que l’esprit humain doit être dégagé de toute croyance surnaturelle, s’il veut travailler à son œuvre essentielle, qui est la construction de la science positive. […] Ne pas détruire les religions, les traiter même avec bienveillance, comme des manifestations libres de la nature humaine, mais ne pas les garantir, surtout ne pas les défendre contre leurs propres fidèles qui tendent à se séparer d’elles, voilà le devoir de la société civile. […] Comment chaque religion se comportera-t-elle avec le régime de la liberté, qui s’imposera, après bien des actions et réactions, aux sociétés humaines ?
Le bâillon casse entre les dents du genre humain. Le genre humain en a assez de la voie douloureuse, et ce patient refuse d’aller plus loin. […] Les héros sonores ont jusqu’à ce jour assourdi la raison humaine. […] Une bonne lumière viendra, douce au genre humain, sereine, équitable. […] La même loi qui veut que le genre humain n’ait pas de propriétaires, veut qu’il ait des guides.
Leurs succès étonnants dans la littérature, et surtout dans la poésie, pourraient être présentés comme une objection contre la perfectibilité de l’esprit humain. […] En examinant les trois différentes époques de la littérature des Grecs, on y aperçoit très distinctement la marche naturelle de l’esprit humain. […] La métaphysique, l’art de généraliser les idées, a de beaucoup hâté la marche de l’esprit humain ; mais en abrégeant la route, elle a pu quelquefois la dépouiller de ses brillants aspects. […] Les Grecs n’ont jamais exprimé, n’ont jamais connu le premier sentiment de la nature humaine, l’amitié dans l’amour. […] Il vaut mieux pour le genre humain que les lumières soient généralement répandues ; mais l’émulation de ceux qui les possèdent est plus grande lorsqu’elles sont concentrées.
Les races humaines sont les formes d’une espèce unique, qui s’accouplent en restant fécondes, et se perpétuent par la génération. […] Des légendes isolées se retrouvant sur des points très divers du globe, sans communication apparente, sont en contradiction avec la première hypothèse, et font descendre le genre humain tout entier d’un couple unique. […] Un grand nombre de mythes, sans liaison historique les uns avec les autres, doivent ainsi leur ressemblance et leur origine à la parité des imaginations ou des réflexions de l’esprit humain. Ce qui montre encore dans la tradition dont il s’agit le caractère manifeste de la fiction, c’est qu’elle prétend expliquer un phénomène en dehors de toute expérience, celui de la première origine de l’espèce humaine, d’une manière conforme à l’expérience de nos jours ; la manière, par exemple, dont, à une époque où le genre humain tout entier comptait déjà des milliers d’années d’existence, une île déserte ou un vallon isolé dans les montagnes peut avoir été peuplé. […] « En maintenant l’unité de l’espèce humaine, nous rejetons, par une conséquence nécessaire, la distinction désolante de races supérieures et de races inférieures.
Point d’autre occupation humaine. […] C’est à quoi pourvoit l’esprit humain. […] Il n’est personne qui puisse se dire heureux, n’ayant rien à réclamer des destins — Nous connaissons tous les misères humaines, nous pourrions dire la misère humaine. […] Tout est à recommencer sur la table rase du genre humain. […] L’art ne fera que les hiérarchiser à notre égard selon leur vertu humaine.
L’œuvre se comporte de même, et quand on a compris ses organes et énuméré ses énergies, il reste à la révéler en acte, agissante, développant dans une âme humaine les ondes d’émotions qu’elle est faite pour susciter. […] Relisant le livre, évoquant le tableau, faisant résonnera son esprit le développement sonore de la symphonie, l’analyste, considérant ces ensembles comme tels, les restaurant entiers, les reprenant et les subissant, devra en exprimer la perception vivante qui résulte du heurt de ces centres de forces contre l’organisme humain charnel, touché, passionné et saisi. […] Le livre sera reproduit ainsi comme un objet de lecture réelle sur lequel se seront fixés des yeux humains froids, souriants, émerveillés, hagards, ou à demi clos d’une douleur qui se contient, yeux d’hommes las de vrais spectacles, limpides ou cruels yeux de femme, yeux ternes des oisifs, yeux lumineux d’adolescent qui, se durcissant aux fictions, s’accoutument à la vie. […] Taine, la minutieuse enquête de Sainte-Beuve, le réalisme humain des meilleurs biographes anglais, les études anecdotiques comme celles des romantiques, seront fondus ensemble et concentrés au point de donner de l’homme, de ses contours, une apparente image : on aura ainsi les procédés qu’il faut pour pénétrer de réalité, de vérité, de vie, pour galvaniser et animer l’être dont l’âme aura paru morte et morcelée d’après le travail de l’analyseed. […] Pater et Vernon Lee, les romanciers archéologues tels que Flaubert, se sont servis pour décrire les milieux humains passés et disparus, sera ici mis à profit avec de plus importants résultats, puisque cette enquête par le dehors, par le visible, par ce dont l’histoire rend témoignage, aura été précédée et affirmée par des données probables ou sûres sur l’intérieur, sur le gros mécanisme mental de ces gens que l’on va dresser en pied dans leur chair et leur costume.
Il ne le pouvait ni au point de vue surnaturel, — qui est bien le point de vue dominateur, on en conviendra, en matière de Bible, — ni même au point de vue seulement humain. […] Or, ce rayon de l’Esprit-Saint ne tombe pas aussi souvent du ciel que le génie humain, qui lui-même est rare et n’en tombe pas tous les jours. Or, encore, sans l’inspiration directe du Saint-Esprit, reconnue et attestée par l’Église, toute interprétation de la Bible n’est plus qu’une interprétation individuelle, par conséquent plus ou moins protestante, et alors il n’y a plus là que la question du génie humain à examiner. Mais le génie humain, luttant d’inspiration avec ou contre le Saint-Esprit tel que l’entendent les races chrétiennes — et Doré est de ces races-là — doit, même avant la lutte, se tenir nécessairement pour vaincu. […] Le geste humain est devenu plus qu’humain, et tout a pris des proportions telles qu’il y a moins loin des contes de Perrault à Shakespeare que de Shakespeare lui-même au plus petit des douze petits prophètes, et des plus épiques personnages de l’Histoire à ces géants des premiers âges du monde, auxquels, dans le nôtre, un peintre à leur taille et de leur taille doit toujours manquer !
Au point de vue purement humain, cela est incontestable ; au point de vue divin, cela n’est rien moins que religieux. […] Il agissait par sagesse, c’est-à-dire par suite d’une profonde connaissance de la nature humaine, cela suffit. […] Tel est le cœur humain ! […] L’historien approuve ces concessions aux faiblesses humaines dans une page trop significative de ses propres pensées pour ne pas la citer. […] Thiers la nature humaine en osant l’empire et en réinstituant l’hérédité.
Tous les sous de la plainte humaine ont retenti dans son âme. […] Il excelle, et ce mot d’art est glacial pour désigner la profondeur de compassion qui le motive, dans la peinture des éperdûments suprêmes de l’âme humaine meurtrie, déchirée, pleurante et saignante, tressaillant de ses cris et se répandant en paroles tremblées. […] Les protagonistes, les acteurs d’Humiliés et offensés, la galerie secondaire de Crime ; cette singulière foule d’êtres infirmes et sains, détraqués, réjouis, aimants, canailles, nobles, subtilement pervers et pauvrement angéliques, les Rogojine, Muichkine, Vastasia, Philippovna de L’Idiot, donnent tous l’impression de cette chose rare dans les livres, la chair, la chair tactile, saignante, molle, rose ou sale, cette chose la plus humaine, couverte de sa peau, traversée de vaisseaux, de nerfs, de glandes, et portant dans le rapide tourbillon des liquides nourriciers, des lymphes et des hématies entre ces cellules épuisées ou turgescentes, tout l’essor des instincts, des ruts, des violences, des désirs et des douleurs, qui, sous la mince surface des phénomènes spirituels conscients, constituent comme les muscles et le squelette de l’âme humaine. […] Les gens chez lui se parlent parfois en mots suprêmes, comme dans l’ombre d’un mot obscur et vide, oublieux de tout le convenu, et se communiquant, d’humain à humain, le secret de leur être, en des mots qui retentissent jusqu’aux viscères. […] Car le dédain de toute hiérarchie sociale, ce reniement des apparences humaines qui ne consent pas à distinguer même entre les meilleurs et les pires par un manque singulier d’approximation et d’examen, ne va pas chez Dostoïewski sans une profonde pitié et un triste amour des hommes.
La perpétuité d’un nom au sein des sociétés humaines, quel que soit au reste le genre de renommée qui entoure ce nom, n’est-elle pas en effet comme un symbole vivant de l’immortalité elle-même ? On ne saurait trop le redire, l’homme n’est pas fait pour être seul, l’homme n’est rien tout seul, l’homme enfin ne peut séparer sa destinée de celle de ses semblables ; et le genre humain tout entier est solidaire. […] Ce qu’il y a de plus nécessaire c’est que l’espèce humaine soit honorée et perfectionnée. […] On ne fait pas attention que la vie sociale est un état de souffrance, comme la vie humaine en général. […] On dirait qu’il n’y a jamais eu qu’une certaine mesure d’idées départie au genre humain, à toutes ses périodes.
Qu’on nous permette de penser qu’il y a quelque chose de plus intéressant, de plus grave, de plus semblable à la condition humaine, dans un poème qui aboutit à l’infortune, que dans celui qui se termine au bonheur. […] Le berceau de Rome chanté par Virgile est un grand sujet, sans doute ; mais que dire du sujet d’un poème qui peint une catastrophe dont nous sommes nous-mêmes les victimes, qui ne nous montre pas le fondateur de telle ou telle société, mais le père du genre humain ? […] Le poète continue à développer ces grandes vues de la nature humaine, cette sublime raison du christianisme. […] Lorsque la mère du genre humain présente le fruit de science à son époux, notre premier père ne se roule point dans la poudre, ne s’arrache point les cheveux, ne jette point de cris. […] cela n’est point d’invention humaine.
Mais ces questions et ces doutes agitent utilement l’esprit humain, par les recherches qu’elles provoquent et les espérances qu’elles entretiennent. […] Ce qu’on étudie avec cette persévérance et cette suite, ce ne sont ni les mœurs d’une époque ni l’homme d’un jour, c’est le cœur humain. […] Cette honnête fin de Gil Blas est une vérité du cœur humain. […] Comme tableau de la vie humaine, il n’est pas complet. Où la poésie est absente, il n’y a pas toute la vie humaine.
S’il est encore des nations barbares dans les parties les plus reculées du nord et du midi, c’est que la nature y favorise peu l’espèce humaine, et que l’instinct naturel de l’humanité y a été longtemps dominé par des religions farouches et bizarres. — Nous voyons d’abord au septentrion le czar de Moscovie qui est à la vérité chrétien, mais qui commande à des hommes d’un esprit lent et paresseux. — Le kan de Tartarie, qui a réuni à son vaste empire celui de la Chine, gouverne un peuple efféminé, tels que le furent les seres des anciens. — Le négus d’Éthiopie, et les rois de Fez et de Maroc règnent sur des peuples faibles et peu nombreux. […] L’Europe entière est soumise à la religion chrétienne, qui nous donne l’idée la plus pure et la plus parfaite de la divinité, et qui nous fait un devoir de la charité envers tout le genre humain. […] Notre Europe brille d’une incomparable civilisation ; elle abonde de tous les biens qui composent la félicité de la vie humaine ; on y trouve toutes les jouissances intellectuelles et morales. […] La religion nous fait un devoir de la charité envers tout le genre humain ; elle admet à la seconder dans l’enseignement de ses préceptes sublimes les plus doctes philosophies de l’antiquité païenne ; elle a adopté, elle cultive trois langues, la plus ancienne, la plus délicate et la plus noble, l’hébreu, le grec, et le latin. Ainsi, même pour les fins humaines, le christianisme est supérieur à toutes les religions : il unit la sagesse de l’autorité à celle de la raison, et cette dernière, il l’appuie sur la plus saine philosophie et sur l’érudition la plus profonde.
C’est donc toujours de la nature humaine, soit primitive, soit dérivée, que tout découle. […] Même il n’est pas du tout prouvé que la tendance à la sociabilité ait été, dès l’origine, un instinct congénital du genre humain. […] Car, alors, il faudrait admettre qu’elle a pour moteur quelque ressort intérieur à la nature humaine. […] Reste donc, comme facteur actif, le milieu proprement humain. […] C’est un coup d’œil sommaire sur l’histoire écoulée du genre humain.
Le but humain n’est pas le but animal. […] La question sociale veut, aujourd’hui plus que jamais, être tournée du côté de la dignité humaine. […] 1830 a ouvert un débat, littéraire à la surface, social et humain au fond. […] Ceci est le bloc humain. […] Il s’agit de remettre de l’idéal dans l’âme humaine.
Sous le titre de Précis de l’histoire de la Philosophie, MM. de Salinis et de Scorbiac, directeurs du collège de Juilly, viennent de publier un manuel fort plein de science et de faits, non-seulement à l’usage de leur établissement, mais encore à celui du grand nombre des enseignements philosophiques dans les collèges, et même d’une utilité applicable à tous les lecteurs amis de cette haute faculté de l’esprit humain. […] Dans son premier grand ouvrage sur la Philosophie de l’esprit humain, Dugald Stewart envisageait principalement l’homme comme être intelligent, et s’attachait à analyser surtout cette partie de notre nature qu’on appelle entendement, marchant sur les traces de Reid et redressant Locke. […] Après l’examen et la discussion des mobiles, l’auteur aborde les devoirs et leurs diverses branches, devoirs envers Dieu, envers nos semblables et envers nous-mêmes ; dans ce traité sur la vertu, qui comprend tout le second volume, on rencontre les plus hautes questions de la nature humaine, aplanies avec cette aisance particulière à l’aimable philosophe, et accompagnées de digressions bien assorties. […] C’est ainsi que Dugald Stewart, après sa Philosophie de l’esprit humain, a publié sa Philosophie des facultés actives et morales. […] La nature humaine, par bien des côtés exorbitants, échappe, ce nous semble, et pour son malheur, à cette simple, chaste et indulgente théorie.
ce sont des contes, — mais des contes de vérité humaine, et d’une réalité toujours touchante, et quelquefois saignante ; car une gouttelette de sang y rose parfois l’eau des larmes… IV Je ne sache rien de plus humain, et de plus humain dans la noblesse de la nature humaine, que ces histoires, qui sont pourtant de la réalité, mais de la réalité choisie, et, sous leur forme fruste, — contraste délicieux ! […] C’est de la nature humaine saine et forte, de la nature humaine qui se porte bien, sans chlorose et sans nervosité.
Je n’entends nullement dire par là que le roman ait détrôné les autres œuvres de l’esprit humain, et leur ait ravi l’attention publique. […] Mais à force de souffler, il l’enfle, la distend, en fait quelque chose d’informe et de difforme, qui n’est plus la réelle nature humaine, et le roman crève… sous ce soufflet endiablé ! […] Le premier roman, digne de ce nom, puisque ni la moquerie de l’auteur, ni la folie du héros n’entament la nature humaine assez profondément pour qu’on ne puisse la reconnaître, Don Quichotte, est de 1602. […] Non-seulement le génie du romancier crée des types, des situations, des caractères, des dénouements, et à sa manière, fait de la vie, comme Dieu, — de la vie immortelle, — mais ces types, ces caractères, ces situations sont des découvertes dans l’ordre de l’imagination et de l’observation combinées ; ce sont des faits qui doivent rester acquis à l’inventaire humain, comme les faits de la Science. […] L’illustre auteur de La Comédie humaine n’a pas changé la nature du roman qui existait avant lui , mais il en a élargi les assises, et il l’a positivement élevé à l’état de Science, à force d’observations, de renseignements, de notions de toute espèce, d’une exactitude, d’une sûreté et d’une justesse merveilleuses.
L’analyse du cœur humain, la peinture des caractères remplacèrent sur la scène l’antique guerre des Dieux. […] En outre, Alceste a beau être brouillé avec le genre humain, il tombe dans les filets d’une femme, il aime, et il serait tout disposé à augmenter légalement avec Célimène le nombre de ces exécrables humains, « pires que des loups, des vautours ou des singes malfaisants ». […] La comédie est 2º : l’indifférence absolue des Dieux, témoins impassibles et souriants de l’escarmouche de la personne humaine contre leur majesté. […] Ils savent combien vaine est la lutte que la folie humaine ose engager contre eux. […] Cette harmonie se réalise par l’union de la nature divine et de l’individualité humaine.
C’est la force des choses, on ne peut en accuser que la prudence humaine. […] que c’est bien commencer son livre, Monsieur, que de le commencer par ce qu’il y a de plus doux, de plus saint dans l’espèce humaine : la religion ! […] Son résultat, c’est le monde meilleur ; de ses coups les plus terribles il sort une caresse pour le genre humain. […] La révolution française est, comme toutes les choses humaines, mêlée de bien et de mal. […] Qui fera le triage dans cette chambre ardente des droits de vengeance d’une famille humaine contre une autre famille ?
Au fond, nous ne pouvons rien connaître en dehors des catégories de l’entendement humain. […] La première reflète un pessimisme plein d’amertume et porte pour ainsi dire la date des sinistres événements qui avaient détruit la confiance du poète dans la dignité humaine. […] La justice qu’il n’a pas trouvée dans les rapports des espèces entre elles va-t-il la rencontrer au sein de l’espèce, dans l’espèce humaine surtout ? […] En même temps qu’il rétablit la justice dans le cœur de l’homme, il soutient que, hors l’espèce humaine, elle n’a aucune raison d’être, que nos griefs contre la Nature ou la Divinité sont sans fondement. […] Avec elle naissent la responsabilité humaine, le progrès moral, la cité idéale gouvernée par la science et par l’amour.
Et, pourtant, il y a là des trésors pour la critique et l’histoire de l’esprit humain. […] Le sauvage, qui vit à peine la vie humaine, sert du moins comme force perdue. […] Il faut que le résidu final qui restera dans le domaine de l’esprit humain soit extrait d’un vaste amas de choses. […] Le nom seul de l’auteur reste dans les fastes de l’esprit humain comme le nom des politiques et des grands capitaines. […] L’histoire littéraire est destinée à remplacer en grande partie la lec-ture directe des œuvres de l’esprit humain.
L’esprit humain ne doit pas sans doute renoncer à faire des progrès dans la philosophie spéculative ; il ne doit pas renoncer non plus à connaître l’histoire de son passé. […] Je veux parler de l’espèce humaine. […] On dit encore que la nature est le livre de Dieu ; mais la pensée humaine n’est-elle pas aussi le livre de Dieu, et en quelque sorte son verbe mortel ? […] C’est l’esprit humain qui de part et d’autre est l’objet de notre étude. […] Espérons qu’elle tentera quelque penseur qui ne croira pas s’abaisser et descendre en se faisant l’historien de l’esprit humain !
Jouffroy n’a jamais eu d’inquiétude que pour le problème de la destinée humaine, qui est la plus haute des questions morales. […] Or toutes ces questions ont rapport à la destinée humaine. […] Il aime l’embryogénie de la race humaine ; M. […] Loi mystérieuse de la pensée humaine ! […] Enfin elle recueillerait encore dans la raison humaine l’idée de l’infini et de l’absolu, qu’on ne trouvera jamais dans le monde extérieur.
Sous l’empire de cette illusion, la volonté humaine, prise dans le remous d’un tourbillon de causes et d’effets, croit ; qu’il est possible pourtant d’intervenir. […] Il résulte de cette croyance que toute constatation de fait tend, en langage humain, à se formuler en règle morale ; car l’illusion engendrée par le reflet de l’activité dans la conscience est si forte qu’elle domine les formes du langage et qu’elle a laissé dans les mots son empreinte. On trouvera donc, au cours de cet ouvrage, composé avec des mots, quelque trace de cette humeur où une volonté humaine, c’est-à-dire malléable, et sujette à changer sous l’empire de causes qu’elle ignore, se prend pour la mesure, des choses. On n’a pas cru qu’il fût possible de se soustraire entièrement à cette fatalité de nos habitudes mentales et il a paru suffisant d’avertir que le véritable but de cette étude est ailleurs, que l’on ne s’y est proposé d’autre objet que celui-ci : mettre entre les mains de quelques-uns un appareil d’optique mentale, une lorgnette de spectacle qui permette de s’intéresser au jeu du phénomène humain par la connaissance de quelques-unes des règles qui l’ordonnent.
Un tel accord de la raison, de la Révélation et de toutes les traditions humaines, forme une démonstration que la bouche seule peut contredire. […] Il pourra bien massacrer Nerva ou Henri IV ; mais le plus abominable tyran, le plus insolent boucher de chair humaine n’entendra jamais là : Nous ne voulons plus vous servir. […] « Et cependant toute grandeur, toute puissance, toute subordination repose sur l’exécuteur : il est l’horreur et le lien de l’association humaine. […] C’est une magnifique curiosité plutôt qu’un monument durable de l’esprit humain. […] Il justifie cette maxime de César : Legenre humain est fait pour quelques hommes , et il l’applique.
D’après ces caractères du style, on devine ceux de l’esprit auquel il a servi d’organe Deux opérations principales composent le travail de l’intelligence humaine. […] Des deux opérations qui composent la pensée humaine, le classique fait mieux la seconde que la première. […] Il est de principe que naturellement tout esprit humain parle et pense comme un livre Aussi quelle insuffisance dans l’histoire ! […] Dans cet énorme monde moral et social, dans cet arbre humain aux racines et aux branches innombrables, ils détachent l’écorce visible, une superficie ; ils ne peuvent pénétrer ni saisir au-delà ; leurs mains ne sauraient contenir davantage. […] Condorcet, Esquisse d’un tableau historique de l’esprit humain, neuvième époque.
Ce qu’on trouve de mieux dans leurs Ouvrages, n’est qu’une esquisse grossiere, que le crépuscule du jour vivifiant, que la Religion Chrétienne devoit répandre sur l’esprit humain. […] Nous ne craignons pas de le dire, nous le disons sans craindre d’être démentis par cette raison qui entend ses véritables intérêts, le joug de la Foi étoit nécessaire à la raison humaine. […] Où la nature humaine auroit-elle été puiser des erreurs si sublimes & si magiques ? […] Pourquoi tous les sentimens qu’ils annoncent participent-ils des derniers degrés de la corruption humaine ? […] J'ai conçu que l'insuffisance de l'esprit humain est la premiere cause de cette prodigieuse diversité de sentimens, & que l'orgueil est la seconde ».
Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? […] Molière, sans songer précisément à la politique, en avait sans doute tiré des jours profonds pour la peinture morale de l’espèce, pour sa comédie dont le rire inextinguible ne saurait faire oublier les sanglantes morsures et les perpétuelles insultes à la guenille humaine. […] Ainsi, sur un point, nous sommes d’accord ; il n’est rien de tel que de voir une Fronde pour se rafraîchir dans l’idée de la nature humaine. […] C’est comme si l’on voyait le corps humain après qu’on en aurait ôté la peau. » Puis, tout cela dit, il ne faut rien s’exagérer. […] On m’objecte : Mais il y a bien des absurdités, bien des idées inapplicables chez Jean-Jacques et contraires aux dispositions de la nature humaine.
Il n’y avait pas là encore de solution de continuité à proprement parler ; la rupture n’était que dans l’ordre humain et secondaire : la foi faisait pont sur l’abîme. […] Malgré la première apparence qui semble contraire, plusieurs raisons en effet, même humaines, peuvent faire entrevoir cette utilité. […] » Il faut convenir qu’il y a des hommes par le monde qui ont le droit d’être fiers de ce qu’on appelle intelligence humaine et raison. […] De là nombre de mécomptes et beaucoup de rendez-vous solennels assignés en vain à la société et au genre humain dans chaque conclusion : la société, qui n’avait pas la même heure à son cadran, a fait défaut et n’est pas venue. […] Si je voulais donner à un jeune homme de vingt ans, enthousiaste, enorgueilli de doctrines absolues, la plus haute leçon de philosophie pratique (soit philosophie chrétienne, soit philosophie humaine), je le lui ferais lire, et aussitôt le volume achevé, je lui mettrais entre les mains le livre de la Religion considérée dans ses Rapports, etc., par le même auteur.
Le genre humain s’applique de préférence à perfectionner, quand il est dispensé de découvrir. […] Les Romains avaient sur les Grecs une avance de quelques siècles, dans la carrière de l’esprit humain. […] La littérature d’imagination a suivi une marche inégale ; mais la connaissance du cœur humain et de la morale qui lui est propre, s’est toujours perfectionnée progressivement. […] L’étude du cœur humain n’était pour eux que celle de la force ou de la faiblesse. […] Peut-on comparer cette marche de l’esprit humain dans Rome à celle qu’il a suivie dans la Grèce ?
Aussi n’était-elle guère humaine, ainsi austère et de si dures limites. […] Les Réalités idéales, c’est-à-dire : Dieu, le Monde, l’Âme humaine. […] Vibrante et bien humaine, celle-là. […] La pureté de Musset est dans la qualité humaine de sa souffrance. […] Ils sont l’un de l’autre très loin, ils sont les points extrêmes du champ de l’esprit humain.
Il lui prête des facultés qui dépassent par trop la mesure humaine. […] Il le parque dans un tel isolement moral que l’air y doit être irrespirable pour une poitrine humaine. […] Ils vivent, mais d’une vie qui ne paraît plus humaine. […] Ce contraste d’une philosophie très cruelle et d’un cœur très humain me paraît charmant. […] J’ai remarqué que la béatitude de Faustus et de Stella était purement humaine, et j’ai triomphé là-dessus.
Cependant, l’esprit humain fut plus sage que les hommes ; durant cette longue campagne hivernale, il préparait le printemps là où chaque année il naît avec le soleil à l’est. […] mais il fut homme dans les limites du peuple juif ; car là il a trouvé l’être humain dans sa plus profonde misère et dans le désir le plus angoissé du salut. […] Ce Christ senti par l’âme humaine, c’est la foi. […] Dans une telle époque certes c’est par un miracle qu’un art peut encore exister ; l’art est le prophète d’une humanité idéale, mais il représente comme un idéal la plus noble image de la nature humaine. […] Dans Tristan l’éternelle souffrance de la nature humaine a été élevée à une manifestation de l’art idéal, mais dans Parsifal cette œuvre d’art idéale devient l’expression d’une religion purement humaine.
Cette époque-ci ne ressemble donc, quoi qu’on en dise, à aucune autre époque de l’esprit humain. […] Ne l’oublions point, le genre humain tout entier regrette aussi une patrie qu’il a perdue. […] Mais souvent il arrive que ce grand gémissement, ce gémissement général du genre humain se fait mieux entendre. […] Il ne croyait point à la religion de Jésus-Christ, qu’il regardait comme une institution humaine, et, à cause de cela, comme un édifice en ruine. Il voulait donc, et il était conséquent, faire rétrograder le genre humain vers les temps qui ont précédé le christianisme.
Mais c’est vraiment, après beaucoup d’orgueil pour l’intelligence humaine, un excès d’humilité. […] Faut-il s’en tenir à la représentation mécanistique que l’entendement nous en donnera toujours, représentation nécessairement artificielle et symbolique, puisqu’elle rétrécit l’activité totale de la vie à la forme d’une certaine activité humaine, laquelle n’est qu’une manifestation partielle et locale de la vie, un effet ou un résidu de l’opération vitale ? […] Sur d’autres voies, divergentes, se sont développées d’autres formes de la conscience, qui n’ont pas su se libérer des contraintes extérieures ni se reconquérir sur elles-mêmes, comme l’a fait l’intelligence humaine, mais qui n’en expriment pas moins, elles aussi, quelque chose d’immanent et d’essentiel au mouvement évolutif. […] Pour dépasser le point de vue de l’entendement, nous tâchons de reconstituer, dans notre second chapitre, les grandes lignes d’évolution que la vie a parcourues à côté de celle qui menait à l’intelligence humaine. […] Pour cela, un coup d’œil sur l’histoire des systèmes devenait nécessaire, en même temps qu’une analyse des deux grandes illusions auxquelles s’expose, dès qu’il spécule sur la réalité en général, l’entendement humain.
S’il y avait un homme aujourd’hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine ; ce serait le passé ressuscité au profit du présent ; ce serait l’histoire que nos pères ont faite confrontée avec l’histoire que nous faisons ; ce serait le mélange sur la scène de tout ce qui est mêlé dans la vie ; ce serait une émeute là et une causerie d’amour ici, et dans la causerie d’amour une leçon pour le peuple, et dans l’émeute un cri pour le cœur ; ce serait le rire ; ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand ! […] Jamais, dans ses travaux, il ne perd un seul instant de vue le peuple que le théâtre civilise, l’histoire que le théâtre explique, le cœur humain que le théâtre conseille.
Il jouit pleinement ce jour-là de son ivresse de carnage, et il appelait Titus les délices du genre humain. […] Le Colisée, vu ainsi, est la plus grande image qui soit sur la terre des honteuses vicissitudes de la gloire humaine. […] Non, la vie humaine n’est pas cela. […] Il est partout où sa logique s’est emparée des choses humaines, partout où la vie chrétienne a pénétré, c’est-à-dire dans tous les actes chrétiens. […] Car, si votre Cosmos matériel ne dit rien de ce qui est nécessaire à l’homme, il n’est pas humain, il n’est ni humain ni divin, il n’est rien.
Donc, le suprême législateur est celui qui a créé d’avance en nous l’écho préexistant de ses lois, la conscience, cet écho humain de la justice divine ! […] Voilà le législateur suprême et le véritable oracle humain ; dans la société spiritualiste, la législation est sacrée parce que son législateur est divin. […] En d’autres termes, la sociabilité humaine, qui ne peut exister sans souveraineté, n’est-elle pas une création de Dieu préexistant et coexistant avec l’homme sociable ? […] Les communistes sont donc tout innocemment les meurtriers en masse de la race humaine. […] Ô esprit humain !
La poésie est une des plus puissantes manifestations de l’âme humaine. […] il se fait humblement le frère quêteur du document humain, et mendie en son nom comme un pauvre d’église sous un porche ! […] Il faisait alors les siens en se fiant à son génie, et non en s’en défiant et en gueusant, à droite ou à gauche, des documents, humains ou non ! […] Quel sujet de roman qu’une telle créature, pour un romancier fort en nature humaine, et qui sait la brasser. […] Le document humain, c’est ici le désordre et l’anormalité dans l’humain.
La musique va être le langage du « sentiment humain » ; et Richard Wagner tâche maintenant à représenter, à expliquer ; par le langage de la musique, l’homme sensationnel qu’il était. […] J’approche au terme ; et déjà voici cette Gœtterdæmmerung, le plus véhément sinon le plus parfait effort humain vers la toute expression musicale. […] Il sentait en l’âme de l’univers, sous les milliers des cris humains, la féroce aspiration à l’idéal ; et avec des hurlements intellectuels il vivait l’universelle aspiration. […] Et voilà toutes ces âmes humaines actives à leur perte. […] Contemplons, d’une tristesse placide, cette magnitude d’effort humain, l’art créé par un Wagner.
J’appelle philosophie, l’investigation du principe de toutes les institutions politiques et religieuses, l’analyse des caractères et des événements historiques, enfin l’étude du cœur humain, et des droits naturels de l’homme. […] Les Italiens ont frayé les premiers pas dans la carrière où l’esprit humain a fait depuis de si immenses progrès ; mais ils ont été condamnés à ne point avancer dans la route qu’ils avaient ouverte. […] Après avoir affirmé que c’est dans les sciences seulement, que l’Italie a marché progressivement, et fourni son tribut aux lumières du genre humain, examinons dans chaque branche de l’entendement humain, dans la philosophie, dans l’éloquence et dans la poésie, les causes des succès et des défauts de la littérature italienne. […] Ces réflexions sont un des ouvrages où l’esprit humain a montré le plus de profondeur. […] Lorsque la littérature d’imagination a atteint dans une langue le plus haut degré de perfection dont elle est susceptible, il faut que le siècle suivant appartienne à la philosophie, pour que l’esprit humain ne cesse pas de faire des progrès.
L’éternité est divine ; le temps est purement humain. […] Mais ce n’est pas tout à fait ainsi que procède l’esprit humain. […] Sans la communion morale, la société humaine serait impossible. […] La loi morale, de quelque côté qu’on l’envisage, n’a donc rien d’humain quant à son origine. […] Aussi Aristote eut une mort humaine qui n’intéressa pas le sort futur de l’âme ni le Dieu de l’univers.
Trois principes fondamentaux Maintenant, afin d’éprouver si les propositions que nous avons présentées comme les éléments de la Science nouvelle, peuvent donner forme aux matériaux préparés dans la table chronologique, nous prions le lecteur de réfléchir à tout ce qu’on a jamais écrit sur les principes du savoir divin et humain des Gentils, et d’examiner s’il y trouvera rien qui contredise toutes ces propositions, ou plusieurs d’entre elles, ou même une seule ; chacune étant étroitement liée avec toutes les autres, en ébranler une, c’est les ébranler toutes. […] Mais dans cette nuit sombre dont est couverte à nos yeux l’antiquité la plus reculée, apparaît une lumière qui ne peut nous égarer ; je parle de cette vérité incontestable : le monde social est certainement l’ouvrage des hommes ; d’où il résulte que l’on en peut, que l’on en doit trouver les principes dans les modifications mêmes de l’intelligence humaine. […] Cette erreur est venue de l’infirmité de l’intelligence humaine : plongée et comme ensevelie dans le corps, elle est portée naturellement à percevoir les choses corporelles, et a besoin d’un grand travail, d’un grand effort pour se comprendre elle-même ; ainsi l’œil voit tous les objets extérieurs, et ne peut se voir lui-même que dans un miroir. […] Observons toutes les nations barbares ou policées, quelque éloignées qu’elles soient de temps ou de lieu ; elles sont fidèles à trois coutumes humaines : toutes ont une religion quelconque, toutes contractent des mariages solennels, toutes ensevelissent leurs morts. […] III Enfin pour apprécier l’importance du troisième principe de la civilisation, qu’on imagine un état dans lequel les cadavres humains resteraient sur la terre sans sépulture, pour servir de pâture aux chiens et aux oiseaux de proie.
Lâcher leur proie humaine et reployer leurs ailes ! […] L’Amour céleste répond à l’appel désespéré de l’amour humain. […] Ce qui nous touche, c’est l’humain, et M. de Laprade s’est trop attardé dans les régions surhumaines. […] Accident rare vraiment dans la vie humaine ! […] Au fond, nous ne pouvons rien connaître en dehors des catégories de l’entendement humain.
Je ne vois qu’un charmant sourire descendant d’une bouche bien humaine et bien éloquente. […] Schopenhauer et Hartmann, ces esprits de grotesque et lamentable ressource, n’ont rien trouvé de mieux que l’anéantissement sommaire du genre humain, — préalablement abêti par eux et par leurs œuvres, il n’avait plus besoin de mourir ! […] On est bien loin ici de tout sentiment vulgairement humain ! […] … Jamais de plus belles et de plus profondes paroles n’ont été écrites sur la destinée et la nature humaines. […] C’est, bien là l’ordre, dans ce monde désordonné, — dans ce monde du Sabbat humain, où, en toute chose, on dit la messe à la renverse.
Personne n’eut une plus belle armée pour faire la conquête des opinions humaines. […] Le suprême géomètre nous laisse apercevoir quelques rouages extérieurs de l’horloge humaine, et mène par des ressorts inconnus les réponses forcées de son cadran. […] Que le genre humain se trompe ou non, que la matière soit une chose réelle, ou une apparence illusoire, il n’y met point de différence. […] J’étudie la perception extérieure pour réfuter les sceptiques et discipliner l’esprit humain. […] Courons chez les savants, et que votre autorité les arrête sur le bord des funestes doctrines qui, insensiblement, goutte à goutte, vont faire couler la corruption dans le cœur humain.
Quelle est l’action de la souffrance sur l’âme humaine ? […] L’existence humaine bien conçue n’est autre chose que l’abdication de la Personnalité pour rentrer dans l’Ordre universel. […] On croit s’affranchir du joug des événements humains en se promettant de se tuer, si l’on n’atteint pas le but de ses désirs. […] Que la pitié, la plus profonde pitié soit accordée à celui qui le commet, mais que du moins l’orgueil humain ne s’y mêle pas ! […] La volonté toujours momentanée d’un être humain donnait-elle à son semblable le droit d’enfreindre les principes éternels de la justice et de l’humanité ?
C’est là un immense honneur ; et dans les annales de l’esprit humain, il n’y a qu’un peuple qui ait su le conquérir. […] Il a été donné à la Grèce de réunir en une harmonie et une beauté égales ces deux extrémités de l’intelligence humaine. […] Mais, il faut bien le remarquer : on a beau prétendre traiter de l’âme en général, c’est surtout de l’âme humaine qu’on s’occupera. […] Mais c’est bien mal comprendre la loi qui préside au développement de l’intelligence humaine. […] Maintenant, je le demande, si former ces croyances dans l’esprit humain, qui ne doit point vivre sans elles, c’est l’objet véritable de la philosophie ; si ces croyances sont bien le but supérieur que poursuit la pensée humaine, quelle valeur aura l’étude des faits de l’âme ?
Nature divine, poétique ou créatrice, héroïque, humaine et intelligente. […] Droits divin, héroïque, humain. […] Jurisprudence divine, qui se confondait avec la divination ; jurisprudence héroïque ou aristocratique, attachée rigoureusement aux formules ; jurisprudence humaine, dont la règle est l’équité naturelle. […] Jugements humains, ou discrétionnaires.
Enfin les sentiments humains sont des faits qui doivent avoir leur raison d’être et leur destination : le philosophe est tenu de les expliquer et par conséquent d’en tenir compte. […] Qui donc aurait le courage de prononcer ainsi l’interdiction du genre humain en masse, un seul homme excepté ? […] Il en est de même dans toutes les affaires humaines. […] Le surnaturel est le domaine sacré où la parole humaine doit se taire et la pensée s’humilier. […] Les instruments et les outils dont se sert l’industrie humaine n’ont pas atteint du premier coup la perfection qu’ils ont aujourd’hui.
En se bornant aux considérations humaines, Montesquieu a signalé la vraie route, la seule ouverte à la saine philosophie, et il a prouvé qu’elle était praticable en y marchant. […] Un pas de plus encore ; que cette force soit supposée émanée d’en haut, qu’elle ne soit que la voix humaine par laquelle se promulgue une volonté supérieure, l’instrument par lequel elle s’accomplit, et voilà que d’un seul coup on est transporté dans le système de Bossuet. Lui aussi ne voit dans une révolution qu’un acte unique et fatal régulièrement accompli en plusieurs temps marqués ; seulement, au lieu d’en mesurer la durée d’après la succession naturelle des passions humaines, il la mesure d’après la succession supposée des pensées divines. […] Encore une fois, la force des choses de l’historien philosophique, laquelle résulte principalement de la nature humaine et de ses lois, ne signifie en sens mystique, pour l’historien sacré, que l’enchaînement des moyens dont la providence dispose. […] Un philosophe, qui écrivait d’ailleurs dans le but évident de rabaisser la puissance humaine, a bien osé dire : « Un grain de sable placé dans l’urètre de Cromwell a décidé du sort de l’Europe.
La raison forte, l’éloquence mâle peuvent choisir, peuvent s’éclairer dans ces développements où le cœur humain se montre avec abandon. […] Le seul avantage des écrivains des derniers siècles sur les anciens, dans les ouvrages d’imagination, c’est le talent d’exprimer une sensibilité plus délicate, et de varier les situations et les caractères par la connaissance du cœur humain. […] Le plus grand pas qu’ait fait l’esprit humain, c’est de renoncer au hasard des systèmes, pour adopter une méthode susceptible de démonstration ; car il n’y a de conquis pour le bonheur général, que les vérités qui ont atteint l’évidence. […] La connaissance de la morale a dû se perfectionner avec les progrès de la raison humaine. […] Et c’est la plus grande, la plus noble, la plus fière des pensées humaines, la république, qui a prêté son ombre à ces forfaits exécrables !
Telle est donc la situation de l’esprit humain. […] Le sage n’a de colère contre personne, car il sait que la nature humaine ne se passionne que pour la vérité incomplète. […] Dans la vie humaine, l’âge mûr n’est pas le but de la jeunesse, la vieillesse n’est pas le but de l’âge mûr. […] Mais, tandis que cela sera impossible, il est important que la tradition de la belle vie humaine se maintienne dans l’élite. […] De tels sacrifices sont devenus impossibles maintenant ; car le prix de la vie humaine s’est élevé : on est trop regardant.
Enfin, à une certaine époque unique éclatent dans le même peuple la perfection du génie particulier de ce peuple, et la perfection de l’esprit humain. […] Nous l’aimons, parce qu’elle nous paraît la meilleure patrie pour l’homme en général ; nous voudrions y donner le droit de cité à tout le genre humain. […] Doit-on conclure de ces différences que seuls nous représentons l’esprit humain ? […] N’y a-t-il pas certaines erreurs de Platon qui n’honorent pas moins l’esprit humain que la raison d’un Descartes et d’un Pascal ? […] Partout où l’écrivain est en rapport d’idées avec le public, le public se subordonnât-il à l’écrivain, il y a un beau spectacle pour l’esprit humain.
Il faudra plus d’un siècle encore pour que la vraie Église chrétienne, celle qui a converti le monde, se dégage de cette petite secte des « saints du dernier jour », et devienne un cadre applicable à la société humaine tout entière. […] La même chose fût arrivée dans l’ordre de saint François, si cet ordre avait réussi dans sa prétention de devenir la règle de la société humaine tout entière. […] Jésus annonce à ceux qui veulent le suivre de grandes persécutions et la haine du genre humain. […] De tous les humains le plus intéressé, le plus orgueilleux, le plus dur, le plus attaché à la terre, un Louis XIV, par exemple, devait trouver des prêtres pour lui persuader, en dépit de l’Évangile, qu’il était chrétien. […] Son tempérament, excessivement passionné, le portait à chaque instant hors des bornes de la nature humaine.
II C’est Fontenelle, cette belle autorité religieuse et même littéraire, qui a écrit le mot fameux et qu’on cite toujours quand il est question de l’Imitation : « L’Imitation est le premier des livres humains, puisque l’Évangile n’est pas de main d’homme. » Seulement rappelons-nous que, quand il grava cette ingénieuse inscription lapidaire pour les rhétoriques des temps futurs, il s’agissait de la traduction de monsieur son oncle, le grand Corneille, et que, sans cette circonstance de famille, l’Imitation lui aurait paru moins sublime. […] L’imitation n’est point et ne saurait être le premier des livres humains, car il n’est pas humain de confondre la cité domestique et la cité monastique, comme le faisait le vieux Tyrcis, qui ne comprenait pas plus l’une que l’autre, et comme le feraient tous ceux, qui ne verraient pas que l’Imitation est une œuvre exclusivement monacale. […] Seulement, si nous n’entrons pas plus avant dans ce point de vue pratique, qu’il est impossible de ne pas ouvrir quand il s’agit d’un livre chrétien, il nous reste à connaître le côté littéraire de l’Imitation comme œuvre humaine, et nous allons l’examiner. […] Pour les âmes circoncises qui habitent la thébaïde des monastères, ce qui est dit dans l’Imitation de l’amour et des autres passions humaines peut sembler des découvertes terribles et le cœur humain montré jusque dans ses fondements, mais qui a passé par les vieilles civilisations, qui a lu les moralistes modernes n’est ni révolté ni surpris de cette balbutie. […] Pourvu que nous ne tombions pas dans le système rasé de bien près par les éditeurs, à la page 14 de leur Introduction, dans cette immense bourde allemande qui a décapité Homère et qui répugne à la constitution même de l’esprit humain, que nous importe de savoir si l’Imitation s’appelait A Kempis ou de toute autre réunion de syllabes.
On trouve dans le passé, on trouverait même aujourd’hui des sociétés humaines qui n’ont ni science, ni art, ni philosophie. […] On obtiendra une ombre active, agissante, capable d’influer sur les événements humains. […] Puérilités, monstruosités, la liste est interminable des pratiques inventées ici par la stupidité humaine. […] Jamais animation et intention ne frirent plus présentes à une action humaine. […] Elle était réelle, mais d’une réalité qui n’était pas sans dépendre de la volonté humaine.
L’Homme contre la Société, voilà le vrai titre de cet ouvrage, ouvrage d’autant plus funeste qu’en faisant de l’homme individu un être parfait, il fait de la société humaine, composée pour l’homme et par l’homme, le résumé de toutes les iniquités humaines ; livre qui ne peut inspirer qu’une passion, la passion de trouver en faute la société, de la renouveler et de la renverser, pour la refondre sur le type des rêves d’un écrivain de génie. […] Relisons-le pour y sympathiser avec une sensibilité pathétique qui n’existait pas au même degré dans les années tendres de l’écrivain, et qui semble en vieillissant participer davantage à cette mélancolie de l’espèce humaine, à cette tristesse des choses mortelles, à ce mentem mortalia tangunt , à ce sublime lacrimæ rerum de Virgile, qui, lui aussi, avait vu des révolutions, des proscriptions, des déceptions humaines. […] Puis, pour faire une part à la faiblesse humaine, Je ne sais quelle pente au combat me ramène. […] Voilà l’injustice de la société ; voilà une de ces mille et mille péripéties inhérentes à la vie humaine, où les membres vertueux, laborieux, pieux de la famille, sont en même temps les plus vertueux et les plus torturés de la société innocente. […] Premièrement, le poète calomnie involontairement la justice humaine de nos jours, en supposant qu’un jury, qu’on n’accuse pas, à coup sûr, d’excès de sévérité, condamne aux galères pour un morceau de pain, emprunté plutôt que volé, pour deux enfants qui n’ont plus de lait dans la mamelle de leur mère !
Je m’en tiendrai, parmi les vivants, à ceux qui, selon les lois de la nature humaine, semblent avoir accompli leur œuvre, et qui depuis longtemps en sont récompensés par l’admiration publique. […] Chacun s’évertuait, soit à retrouver les principes de la société humaine, soit à imaginer des ressorts nouveaux, comme si tous les anciens eussent été brisés, ou que les principaux ne se fussent pas redressés d’eux-mêmes dans la société conservée par la même providence qui conserve la vie humaine. Les livres nés de cette ambition sont de ceux où vont volontiers rêver, sur l’origine des sociétés humaines et sur les formes des gouvernements, les esprits touchés d’idéologie. […] La chimère de l’infaillibilité du témoignage humain, comme principe unique de la vérité religieuse, a rejoint la chimère de l’infaillibilité du peuple, comme fondement unique des gouvernements. […] Le progrès dont ce grand art est redevable à la politique, c’est la politique elle-même se faisant sa place dans l’histoire, et expliquant son œuvre dans la conduite des sociétés humaines.
La culture intensive, augmentant sans cesse le capital des connaissances de l’esprit humain, n’est pas la même chose que la culture extensive, répandant de plus en plus ces connaissances, pour le bien des innombrables individus humains qui existent. […] L’inégalité est écrite dans la nature ; elle est la conséquence de la liberté ; or la liberté de l’individu est un postulat nécessaire du progrès humain. […] Il se peut que tout le développement humain n’ait pas plus de conséquence que la mousse ou le lichen dont s’entoure toute surface humectée. […] Les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. […] En résumé, si, par l’incessant travail du XIXe siècle, la connaissance des faits s’est singulièrement augmentée, la destinée humaine est devenue plus obscure que jamais.
Rien ne perfectionne autant les connaissances humaines que d’examiner le chemin qu’elles ont déjà fait. […] Kant rechercha les règles que suit constamment l’intelligence humaine dans ses procédés. […] La démonstration est sans doute un grand moyen de contentement pour l’esprit humain. […] C’est de là que vient l’avantage de la religion sur la morale humaine. […] Cette séparation de la science humaine rabaissa beaucoup la philosophie.
ô toi qui enseignes la vertu et qui domptes le vice, que ferions-nous et que deviendrait le genre humain sans ton secours ? […] l’esprit humain n’a-t-il pas pénétré même dans le ciel ? […] Lisez-le tout entier : c’est Cicéron dieu après Cicéron homme ; la pensée humaine ne monte pas plus haut. […] Mais, si la terre te semble petite, comme elle l’est en effet, relève tes yeux vers ces régions célestes, méprise toutes les choses humaines. […] L’envie est l’ombre que les sommités humaines font au reste des hommes ; Cicéron est si grand que l’ombre de son nom nous offusque encore.
Le plus enraciné des édifices humains dans le sol, c’est un autel ; il faut, pour le saper, un tremblement de terre qui engloutit tout dans sa poussière. […] Rien ne survécut à cet accès de colère sacrée de l’esprit humain contre lui-même. […] Le génie humain couvait sourdement on ne sait quel fruit inconnu. […] Quelques-uns sont dignes d’en être exhumés, comme des monuments de force et de fécondité dans la pensée humaine. […] La lumière se réfléchit mieux que les ténèbres dans le miroir de l’esprit humain comme dans le miroir de l’Océan.
C’est de l’esprit humain agissant et organisé ; et l’esprit humain comprend ici et ne comprend pas là, protège ici et là sacrifie, a des entrailles un jour et n’en a pas le lendemain ! […] Il appela cela s’y abêtir, avec le cynisme de l’homme qui méprise les sciences humaines, et qui les insulte encore en abaissant tout ce qui l’en venge, tout ce qui l’en a consolé ! […] Les Destinées, quand elles parurent, frappèrent l’attention par un accent qui fit réfléchir les critiques de nature humaine. […] « Oui, tel est le siècle. — C’est que la raison humaine est arrivée en ces hommes et doit arriver en tous à la résignation de notre faiblesse et de notre ignorance. […] J’y tresse de la paille pour l’oublier quelquefois : là se réduisent tous les travaux humains.
Eh bien, par respect pour Shakespeare, je ne veux pas, moi, du Shakespeare qu’on a inventé au détriment de la nature humaine et de la morale éternelle ! […] Ils ont craché, pour faire des ronds, dans ce puits, dans ce magnifique puits de nature humaine et de génie. […] Ce grand génie de l’ordre humain, Shakespeare, à l’intuition sociale, ne croyait pas que la bâtardise fût un fait indifférent dans la vie d’un homme, un fait simplement mélancolique. […] C’est un type de magnanimité et de grâce humaine comme Richard III, Macbeth, Hamlet, Othello, le sont d’autre chose. […] Faudra-t-il donc que Shakespeare, ce puits de vérité humaine, ait son azur incessamment troublé par les petits crachats de François-Victor Hugo pour l’innocent plaisir d’y faire des ronds ?
Telle est la société humaine quand elle sort des mains de la nature. […] Mais il ne s’agit que d’un point particulier : la nature humaine en tant que prédisposée à une certaine forme sociale. […] Longtemps il avait été entendu qu’industrialisme et machinisme feraient le bonheur du genre humain. […] Tel était le corps humain. […] Elle prend son point d’appui dans le témoignage humain, toujours sujet à caution.
Lui qui tenait dans ses mains la malédiction des prophètes et la lançait au gré de sa haine ou de sa justice, il trouvera les accents les plus purs qui jamais aient retenti sur la lyre, pour porter jusqu’à Dieu la prière et l’espérance humaines. […] Quelle ode à la Fortune égale l’image et la leçon contenues dans ces vers : « Maintenant, ô mon fils, tu peux voir la coupe remplie de tous les biens pour lesquels se tourmente la race humaine. […] De même, il a donné aux grandeurs du monde un régulateur et un chef qui transfère à propos ces biens frivoles, d’un peuple à un autre et d’un sang à un autre sang, malgré tout l’effort des conseils humains. […] Jamais la pensée humaine n’osa si prodigieuse invention, et ce qui en est le défaut en est aussi la merveille : je veux dire la longueur de cette invention et l’inépuisable emploi de la même pensée, l’idéal de la grandeur divine et l’idéal de l’amour humain. […] De ce contraste même entre le poëme et l’homme, entre les contemplations de la pensée religieuse et les épreuves de la vie soufferte, de ce contraste sort le pathétique humain qui se mêle à cet idéal.
Au génie seul se révèlent ces nuances, qui sont autant de découvertes faites dans le cœur humain. […] Dans Racine, je vois non plus des héros, mais des types humains. […] Corneille la tire de ces grands cœurs où les faiblesses humaines n’arrivent que pour y susciter la suprême vertu. […] Ce ne sont pas des particularités du cœur humain, qu’on nous donne à croire sur la foi d’anecdotes. […] Les débats qu’elle soulève passent, et elle demeure ; et l’esprit humain est grand tant qu’il en conserve le sens.
Mais les problèmes moraux, toutes les passions humaines furent tour à tour soulevés et déchaînés. […] Les mille reflets bleus et verdâtres de l’azur et des plantes courent et recourent sur l’argile rose des chairs humaines. […] Pour un observateur matérialiste, en effet, le bloc humain n’est qu’un agrégat harmonieux et sculptural de cellules mouvantes. […] Il n’y a que la Légende des Siècles ou la Comédie humaine qui aient pu l’égaler. […] Dès lors, l’espoir se couvrait, malgré les plaies étalées, le noir tableau des hontes humaines.
Certes c’eût été là pour la douleur et la louange humaines, dans les amitiés ordinaires, une magnifique occasion de s’étendre en ces détails privés auxquels se prennent encore la curiosité et le désœuvrement de nos jours. […] Elevé tendrement au sein d’une famille où s’était conservée la tradition des liens d’une parenté patriarcale, il fut un de ceux qui appelèrent et réalisèrent avec le plus de ferveur la hiérarchie dans la grande parenté de l’espèce humaine ; il s’efforça d’harmoniser ce qu’il y a de religieux dans les sentiments de famille avec la dévotion à l’humanité nouvelle révélée par Saint-Simon. […] L’Éducation du genre humain par Lessing, qui termine ce volume, montrera que des philosophes avaient pu pressentir et rêver déjà ce que le révélateur a prédit et prêché, sur un nouvel évangile éternel, et ce que ces disciples travaillent à réaliser aujourd’hui. On y verra clairement jusqu’où peut aller, en aperçus ingénieux de l’avenir, la philosophie sans la foi, la sagesse sans la religion ; on se demandera quel bonheur il revient au genre humain d’une idée isolée, trouvée une fois lancée dans le monde pour le plus grand plaisir de quelques penseurs, et à laquelle toute une vie d’amour et de dévouement n’a pas été consacrée ; on admirera Lessing ; on saluera en passant, avec bienveillance et respect, la statue de marbre du sage, mais on se jettera en larmes dans les bras de Saint-Simon ; on se hâtera vers l’enceinte infinie où l’humanité nous convie par sa bouche, et où l’on conviera en lui l’humanité ; on courra aux pieds de l’autel aimant et vivant, dont il a posé, et dont il est lui-même la première pierre4. […] Lettres sur la religion et la politique, 1829 ; suivies de l’Éducation du genre humain ; traduit de l’allemand de Lessing.
C’est que pour faire toute l’œuvre immense des écrivains que j’ai cités, il suffit d’être un grand génie, et que pour prononcer une petite phrase humaine, il faut être une âme profonde. […] La fécondité est-elle une chose grave, magnifique, religieuse, humaine et solennelle ? […] Elle est humaine. […] Les instructions du grand Michelet, les mélodies de Lamartine, et les prophéties de Hugo étaient trop riantes, trop gaies, trop vagues, trop au-dessus de nos puissances humaines. […] J’y ai vu ce que peu de livres laissent transparaître : le souci de l’avenir des races, l’intérêt de leur ordre et de leur force, la passion d’un art plus humain et plus réel, le solennel amour de la vie harmonieuse, la pitié et la charité à toutes les pages.
Il n’y a pas de besogne plus large ni plus libre pour l’esprit humain. […] Chacune de ses découvertes est un élargissement de l’intelligence humaine. […] c’est la part de l’ordure humaine, aux heures de crise sociale. […] Des deux côtés, on montre la machine humaine en travail, pas davantage. […] Il est l’abîme humain, voilà ce que nous en savons.
Le poète disposait en même temps de la foi religieuse, et des passions humaines. […] Les grandes infortunes étonnaient encore l’espèce humaine ; on leur supposait une cause miraculeuse ; on les entourait de rêves mythologiques. […] Le contraste des vices et des vertus, les combats intérieurs, le mélange et l’opposition des sentiments qu’il faut peindre pour intéresser le cœur humain, étaient à peine indiqués. […] Le genre humain, en vieillissant, devient moins accessible à la pitié ; il a donc fallu creuser plus avant pour retrouver la source de l’émotion ; et le malheur isolé a eu besoin de recourir à une force intérieure plus agissante. […] Il arrive quelquefois que les dogmes mythologiques ajoutent, dans les ouvrages des anciens, à l’effet des situations touchantes ; mais plus souvent la puissance de ces dogmes dispense du besoin de convaincre, de remonter à la source des émotions de l’âme ; et les passions humaines ne sont plus alors ni développées, ni approfondies.
VI Pourquoi donc la science, dont les destinées tiennent de si près à celles de l’esprit humain, est-elle en général si mal comprise ? […] Les meilleurs juges reconnaissent que, de toutes les branches des études philologiques, l’Orient, l’Inde surtout, peuvent offrir pour l’histoire de l’esprit humain les plus précieuses données. […] Reconnaissons d’abord que l’enthousiasme de la science est beaucoup plus rare et plus difficile dans un siècle comme le nôtre, où toutes les branches de la connaissance humaine ont fait d’incontestables progrès, qu’à une époque où toutes les sciences étaient en voie de création. […] Il est clair que l’esprit humain, enchanté de la découverte de ces casiers réguliers de la pensée que révèle la dialectique, y attacha d’abord trop d’importance et crut naïvement que toute pensée pouvait avec avantage se mouler dans ces formes. […] Personne ne s’en offense chez les humanistes de la restauration carlovingienne, ni chez ceux de la Renaissance : il faut que l’esprit humain s’amuse d’abord quelque temps de ses découvertes et des résultats nouveaux qu’il introduit dans la science, qu’il s’en fasse un plaisir, quelquefois même un jouet, avant d’en faire un objet de méditation philosophique.
C’est là un fait en quelque sorte isolé, et la persistance des grandes religions orientales prouve avec quelle ténacité l’esprit humain reste attaché aux formes religieuses qu’il a une fois adoptées. […] La religion est un fait humain, comme la patrie, la famille, la sociabilité. […] On ne peut nier que l’affaiblissement de la force religieuse dans une société ne soit un affaiblissement pour l’âme humaine. […] Supposez toutes les religions disparaissant tout à coup, il se fera certainement un grand vide dans l’âme humaine, et il y aura, si j’ose le dire, une perte effroyable de force vive dans l’ordre moral ; ce que l’on gagnerait en lumière ne compenserait que très-imparfaitement ce que l’on perdrait en énergie et en vitalité morale. […] La religion est un fait humain, un acte primitif de la raison et du cœur, qui naît spontanément et qui s’organise spontanément, tout comme la société, la famille, l’art, le langage.
Bataille cette supériorité amère des années qui fait la connaissance du cœur humain, si nécessaire au romancier. […] Dans un roman d’observation humaine et sociale, vous ne pouvez pas faire abstraction de tout ce qui n’est pas l’objet même que vous devez peindre. La morale, la religion, la métaphysique, toutes les conditions de la nature humaine intellectuelle pèsent sur vous. […] La nature humaine en chute est si misérablement bâtie, que le dégoût ne sauve pas toujours du dégoûtant… Malgré l’ignominie des situations du livre de MM. […] A bien des places, il y a l’erreur ou l’ignorance de la nature humaine, l’inconséquence, la maladresse.
Comme les Dragons dont elles avaient la laideur, les Érynnies couvaient des trésors : les liens de la famille, le respect de la vie humaine, l’observation de la foi jurée. […] » — Et Prométhée leur répond : — « Les trois Parques et les Érynnies à la mémoire fidèle. » — Héraclite, cité par Plutarque, disait que « si le Soleil s’avisait de franchir les bornes qui lui sont proscrites, les Érynnies, agents de la Justice, sauraient bien lui faire rebrousser chemin. » — Dans l’Iliade, Xanthos, un des chevaux divins d’Achille, prend une voix humaine pour prédire sa mort au héros rentrant dans la guerre de Troie : mais les Érynnies, indignées de cette violation des lois naturelles, accourent aussitôt, et font taire impérieusement l’animal qui ose usurper la parole réservée aux hommes. […] Elles avaient charge du sang humain ; il criait vers elles sitôt répandu, et cette clameur n’était jamais vaine. […] Gardiennes de la vie humaine, protectrices des droits de la famille, de la foi jurée, du foyer des hôtes, les Érynnies semblaient mériter la reconnaissance due aux services ingrats strictement rendus. […] Or la conscience humaine, éclairée et améliorée, protestait contre les expiations barbares du passé ; l’idéal qu’elle se faisait de la vraie justice n’était plus d’accord avec les sauvages représailles personnifiées par les Érynnies.
aux yeux des créatures humaines, l’avenir est impénétrable. […] Non : ce baume vient de Dieu, il ne vient pas des passions humaines. […] Pourquoi exagérer encore ce qu’il y a de dur dans la condition humaine ? […] « — Ainsi vous renoncez, si jeune, à toute probité humaine ? […] De nos jours, le roman a mis ses héros, non au-dessus, mais en dehors de la nature humaine.
. — L’Épopée humaine : La Mort des Dieux (1866) ; la Mêlée des races (1874) ; la Genèse universelle (1890) ; le Premier Pontife (1890) ; les Races (1890) ; Premier cycle des civilisations : Sardanapale (1891) ; Deuxième cycle de la civilisation : Jésus (1899). — Charlemagne (1893). — La Pallas des peuples (1893). — Abeylar (1894). — La Loi de l’histoire (1894). — Jeanne d’Arc (1895). — Borgia (1896). — Jésus et l’Ère de la science (1896). — Philippe le Bel (1896). — Don Juan (1897). — Pascal et Descartes (1897). — Rabelais (1897). — La Religion de la science et l’Esprit pur (1897). — Ultimum Organum (1897). […] J. de Strada, hier encore inconnu, et génie entrant aujourd’hui vivant dans l’immortalité, nous offre les premiers fragments d’une œuvre géante, d’une épopée colossale qui sera pour notre pays le pendant de l’œuvre de Dante pour l’Italie du xive siècle, avec cette différence que la Divine comédie a seulement quinze mille vers, tandis que l’Épopée humaine en a déjà cent mille et en aura quatre fois autant. […] Remy de Gourmont L’Épopée humaine, de M. […] Et, pourtant, quel étrange et quel puissant génie que celui de l’auteur de l’Épopée humaine !
Comment le corps humain sort-il de la maladie ? […] Car rien n’est humain comme l’humanisme. […] La prolongation de la vie humaine pourrait être le critérium d’un progrès ; mais il est reconnu que l’industrialisme raccourcit le temps de la vie humaine. […] Elle a fait croire qu’il était beau de ravaler la dignité humaine. […] L’homme qui salit l’humain est un sale individu.
Elle veut le reprendre, car un de ses rêves est de « peser sur une destinée humaine ». […] Et je ne rappellerai pas que cette formule : « la religion de la souffrance humaine », est probablement de leur invention. […] Qui l’a mieux connue et exprimée que l’auteur de la Comédie humaine ou que l’auteur de Madame Bovary et de l’Éducation sentimentale ? […] Je me refuse d’ailleurs à admettre qu’ils soient nécessairement, par là, moins émouvants ou d’une moins riche substance humaine. […] Ils le sont encore par cette large sympathie humaine que nous croyons aujourd’hui découvrir chez les étrangers et qui, pourtant, a toujours été une de nos marques les plus éminentes.
Aux écrivains de génie, la gloire de marquer un progrès, de doter d’une conquête l’esprit humain. […] Je veux parler de la disposition qui nous a fait substituer, dans toutes les parties des connaissances humaines, la science à la croyance. […] Ce que Charron fit pour la morale universelle humaine, François de Sales le fit pour la morale chrétienne. […] C’est la première fois, en France, que la morale purement humaine était enseignée dogmatiquement. […] Mais ici ce n’est plus la sagesse humaine qui est la règle de la vie, c’est la religion.
Ce n’est pas seulement un accroissement de bien-être, c’est un accroissement de l’être moral ; c’est un gain pour la nature humaine. […] Non ; mais je suis protégé à la fois contre le pouvoir public et contre l’oppression particulière comme membre de la société humaine. […] Pourquoi, à mesure que les hommes devenaient individuellement plus humains, plus justes, plus tempérants, plus chastes, paraissaient-ils devenir chaque jour plus étrangers à toutes les vertus publiques ? […] L’inquiétude que celui-ci éprouvait sur la destinée humaine, Tocqueville la ressentait pour la destinée des sociétés. […] Les sociétés humaines, comme tous les objets de la nature, sont des phénomènes très-complexes, qui ne peuvent être la plupart du temps devinés à priori.
Shakespeare, Eschyle, Dante, sont de grands fleuves d’émotion humaine penchant au fond de leur antre l’urne des larmes. […] Plusieurs des particularités les plus étranges de l’âme humaine sont indiquées par lui. […] Il suffit de lire le premier vers venu d’Eschyle ou du Juvénal pour trouver cette escarboucle du cerveau humain. […] Cette école met sous clef les passions, les sentiments, le cœur humain, la réalité, l’idéal, la vie. […] Sur la terre, il faut que le divin soit humain.
Ce maniement de l’âme humaine semble une sorte d’égalité avec Dieu. […] De la création divine indirecte, c’est-à-dire de la création humaine, sortent d’autres Adams, les types. […] D’autres œuvres de l’esprit humain égalent Hamlet, aucune ne le surpasse. […] Ils se calmeraient dans la digestion du genre humain. […] Cette admirable création humaine, Lear, sert de support à cette ineffable création divine, Cordelia.
Cette vie en tumulte tombe dans un trou ; le genre humain poursuit sa route, laissant derrière lui ce néant. […] L’éblouissement du genre humain commence quand ce qui était un génie devient une âme. […] Shakespeare est un esprit humain ; c’est aussi un esprit anglais. […] Mais en même temps, insistons-y, car c’est par là qu’il est grand, oui, ce poëte anglais est un génie humain. […] Il est moins local et plus fraternel, moins gaulois et plus humain.
Le séminaire est, comme on le sait, une institution qui a pour but de transformer les êtres humains confiés à ses soins en êtres dénaturés. […] Il me semble oiseux de répéter que la pratique de l’amour physique est non moins essentiellement nécessaire à la santé et à l’équilibre humain, qu’à la connaissance de la vie et du monde. […] La famille humaine devrait fêter le retour de l’enfant prodigue, et pour celui qui déserte loyalement l’autel de mensonge pour le lit d’amour, faire entendre des acclamations. […] Il est temps, pour celui qui possède encore quelque lueur humaine, de s’interroger, de ressusciter sa volonté, et d’agir. […] La supériorité humaine consiste donc à s’abstraire de la nature, à se confiner dans une « vérité » exclusive, à ne vivre que par l’« âme ».
Lui, si habitué à lire dans la physionomie humaine, il se prit à pénétrer avec avidité dans ces physionomies d’une autre race, si énergiques et si fines, comme dans une langue nouvelle qu’il aurait apprise. […] » — « L’homme. » Gavarni se plaît à faire assister son Vireloque et à le faire applaudir aux jeux cruels des enfants, aux traits précoces de la méchanceté humaine. Ce Vireloque, au reste, comme il l’entend, exprime bien moins la haine des hommes que la haine de tous les mensonges humains. […] Gavarni entend si bien la physionomie humaine qu’il nous fait d’abord reconnaître la nation au visage. […] Son intelligence de la physionomie humaine est telle que rien qu’à voir un individu il lui arrive souvent de mettre sur son visage non seulement son caractère, mais sa profession.
Comme Don Quichotte, ils retrouvent partout l’image des vertus auxquelles ils rendent un culte… Ce dévouement continuel de l’héroïsme, ces illusions de la vertu, sont ce que l’histoire du genre humain nous présente de plus noble et de plus touchant ; c’est le thème de la haute poésie, qui n’est autre chose que le culte des sentiments désintéressés. […] Reconnaissons enfin, après plus de deux siècles d’injustice et d’erreur, dans toutes les proportions de sa gloire un grand homme qui fut un martyr ; qui tout le temps qu’il traversa cette terre resta étranger au bonheur ; dont le cœur fut pur de toute tache, à l’abri de ces petitesses dont souvent ne sont point exempts les grands écrivains ; dont le chef-d’œuvre porte à un si haut degré l’empreinte d’une nature si noble, si élevée et si humaine, et qui de tous les hommes est celui dont l’âme se montrerait le plus sensible à une réparation pour l’outrage fait à la portée de son génie. » Et moi je dis : Ainsi est fait l’esprit humain ; il a soif d’une légende morale ; il a un besoin perpétuel de refonte et de remaniement pour toutes ses figures. […] On peut de loin, à distance, et en envisageant l’ensemble d’une œuvre, en embrassant d’un coup d’œil les conséquences qu’elle a eues, l’influence qu’elle a exercée sur l’esprit humain à travers les siècles, en la rapprochant d’autres œuvres analogues ou contraires, on peut y reconnaître autre chose et plus que l’auteur tout le premier n’était tenté d’y voir, et plus, certainement, qu’il n’a songé à y mettre. […] Mais cette part légitime de pensées et de réflexions qu’ajoute incessamment l’esprit humain aux monuments de son héritage intellectuel, cette plus-value croissante qui a pourtant ses limites, doit être soigneusement distinguée de l’œuvre elle-même en soi, bien que celle-ci la porte et en soit le fond. […] Don Quichotte a eu le sort du petit nombre de ces livres privilégiés qui, par une singulière fortune, par un accord et un tempérament unique de la réalité individuelle et de la vérité générale, sont devenus le patrimoine du genre humain.
Il n’a aucun goût pour l’étude abstraite, pour l’idée en elle-même, séparée comme un fruit de sa tige et considérée isolément ; il n’a de confiance qu’en l’histoire, en l’histoire vue dans sa suite, dans son étendue, une véritable histoire humaine comparée. […] C’est ce qu’il appelle la conscience du genre humain, — une sorte de miroir supérieur et mobile où se réfléchissent et se concentrent les principaux rayons, les principaux traits du passé, et qu’à chaque époque le nombre plus ou moins grand des hommes qui pensent promène avec soi et transmet à ceux qui suivent. […] Telle est l’humanité : chaque nation, chaque forme intellectuelle, religieuse, morale, laisse après elle une courte expression qui en est comme le type abrégé et expressif, et qui demeure pour représenter les millions d’hommes à jamais oubliés qui ont vécu et qui sont morts groupés autour d’elle. » Cette conscience, cette mémoire du genre humain, c’est donc comme une Arche de Noë perpétuelle dans laquelle il ne peut entrer que les chefs de file de chaque race, de chaque série. […] Elle doit désirer que son œuvre du moins subsiste, que cette meilleure part d’elle-même où elle a mis le plus vif de sa pensée et toute sa flamme, entre dorénavant dans l’héritage commun, dans le résultat général du travail humain, dans la conscience de l’humanité : c’est par là qu’elle se rachète et qu’elle peut vivre. […] Renan porte un bien grand respect et une bien haute révérence à sa majesté l’esprit humain, Mais dans un pays comme la France, il importe qu’il vienne de temps en temps des intelligences élevées et sérieuses qui fassent contrepoids à l’esprit malin, moqueur, sceptique, incrédule, du fonds de la race ; et M.
Préférerois-tu une molle inaction à l’honneur même dangéreux de parler devant le genre humain ? […] Ami, ne te regarde pas comme une victime préparée pour le seul bonheur d’autrui : la Nature n’a pû te sauver les peines inévitables attachées à la condition humaine ; mais vois aussi toutes les qualités dont elle t’a doué avec une magnificence digne d’elle & de toi. […] Rien ne lui est étranger, tout ce que l’esprit humain a pensé vient se peindre à son esprit, son gout en devient plus étendu, & plus sûr, son intelligence plus nerveuse. […] Une premiere vérité l’enhardit à en connoître une seconde, & si sa vie n’étoit pas bornée, sans doute, tél homme de génié auroit embrassé le cercle des connoissances humaines. […] Oubliez-vous que si la malice humaine sourit quelquefois aux traits ingénieux de la Satyre, elle passe avec la foule interessée à le recevoir, & que l’équité proscrit bientôt cette petite vengeance en marquant du sçeau du mépris le jaloux censeur.
Au début, il est vrai, la nature humaine n’était pas aussi altruiste, ni aussi socialisée qu’elle l’est aujourd’hui. […] On entend par là l’individualisme qui proclame l’identité essentielle des individualités humaines comme êtres raisonnables et par suite leur égalité au point de vue du droit. […] Cet individualisme de la grandeur humaine ne nie plus tout idéal ; il suppose au contraire un idéal de culture progressive. Il représente, dans l’ordre intellectuel, un effort vers la plus grande science, dans l’ordre esthétique, un effort vers la plus grande beauté, dans l’ordre économique un effort vers la plus grande richesse considérée elle-même comme un moyen pour la plus grande puissance ; dans l’ordre politique, un effort vers la plus grande initiative et la plus grande responsabilité chez les maîtres et les créateurs de valeurs ; dans l’ordre moral, un effort vers une affirmation plus intense de la vie, de la grandeur humaine et de l’orgueil humain. […] L’individualisme aristocratique semble compatible au premier abord avec le souci d’une culture humaine et d’une civilisation progressive.
alors, la raison est double pour qu’il n’ait plus de prise du tout sur l’imagination humaine, cette grossière. […] Seulement, parce qu’il a fait son métier de prêtre, désintéressé de gloire humaine, et profond d’intention religieuse, est-ce une raison pour que nous, les critiques mondains, nous soyons dispensés de faire le nôtre, en ne portant pas la lumière sur ce qui est beau de la beauté humaine… et littéraire, la plus nette, la plus pathétique, la plus impérieusement incontestable, et cela indépendamment du sujet sur lequel s’est produite cette beauté inouïe et de l’explication surnaturelle qu’il faut en donner ? […] C’est de là qu’il entendait vibrer cette harpe humaine de l’extase, aux cordes tordues, qui, à chaque vibration, saignaient comme des veines coupées au couteau ! […] Suppléer au mutisme volontaire ou forcé de l’histoire, c’est déjà téméraire pour tout être qui a le respect de la vérité humaine : mais ajouter à l’Évangile, le continuer là où il s’arrête, cela peut être si facilement sacrilège pour qui doit avoir le respect chrétien de la vérité divine ! […] Mais elle a cela de commun avec son divin Maître, qu’elle a tant aimé et qui serait plus incompréhensible s’il était homme qu’il ne l’est certainement étant Dieu, — c’est que si, elle, l’extatique de Dulhmen, fut visitée de Dieu et éclairée d’en haut, elle est bien moins étonnante, bien moins phénoménale que si elle n’est qu’une vile maladie humaine, — une lèpre, — un pian, — un tétanos !
Mais l’esprit humain ne renonce pas facilement à ce dont il a fait sa nourriture pendant bien des siècles. […] Taine veut appliquer à l’étude, de l’activité humaine sous ses diverses formes, dans la littérature, dans l’art, dans l’histoire, les méthodes du naturaliste et du physicien. […] Il revient ainsi, implicitement, à la métaphysique ; mais il borne l’horizon de cette métaphysique à l’homme et aux choses humaines. […] Mais il renouvelle la signification de ces thèses, en les rapprochant des données de la science positive, et surtout en les faisant précéder d’une critique de l’entendement humain. […] Mais elle visera en outre — et c’est par là qu’elle se distingue de la science — à élargir de plus en plus les cadres de l’entendement, dût-elle briser tel ou tel d’entre eux, et à dilater indéfiniment la pensée humaine.
Dans le groupe humain qui créa les langues et la discipline aryennes, il y avait déjà des brachycéphales et des dolichocéphales. […] Ce qu’on appelle philologiquement et historiquement la race germanique est sûrement une famille bien distincte dans l’espèce humaine. […] L’histoire humaine diffère essentiellement de la zoologie. […] Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine. […] Ils avaient retrouvé, par leur commerce avec l’antiquité, le secret de l’éducation véritable de l’esprit humain, et ils s’y dévouaient corps et âme.
Les vérités littéraires sont nécessairement humaines ; elles ont rapport à la vie, aux sentiments, aux besoins de l’homme. Ce n’est pas à dire que les vérités scientifiques ne puissent entrer dans la littérature, mais c’est à la condition qu’elles se mêlent à des vérités humaines et qu’elles touchent à l’homme par quelques côtés, soit en lui exposant l’histoire de la terre, son domicile et son séjour, soit en lui décrivant le spectacle des astres, symbole et image du monde invisible dont son âme ressent l’éternel besoin, soit en lui peignant les mœurs des animaux, qui sont une image des mœurs humaines. […] Son objet, c’est l’idéal de la vie humaine dans tous les pays et dans tous les temps. Il résulte de ces principes que tout ce qui est mode, caprice, tournure particulière d’imagination, esprit d’un temps, imitation factice, que tous ces éléments étrangers au beau, qui l’imitent ou qui le masquent, doivent être écartés par la critique littéraire, celle-ci ne devant s’attacher qu’à ce qui est humain, général et vrai. […] Parce que c’est vrai, parce que c’est humain.
Augmenter de plus en plus la richesse publique, tel est, pour Jobez, le but véritablement social et la seule amélioration possible de la dure condition humaine. […] Soit pour la femme, soit pour l’enfant, ces deux racines, horizontale et verticale, qui attachent nos cœurs à la terre, disait Jean-Paul avec une expression inspirée, soit pour l’homme même qui les opprime, pour la créature humaine enfin, la douleur et la misère ont leur source là où aucune philosophie et nulle économie politique ne sauraient pénétrer jamais. […] Mère à qui la tendresse avait appris la vraie science, l’Église savait mieux que l’Économie politique de nos jours le mystère de la douleur humaine et ses profondes complexités. […] Ainsi, par exemple, un esprit qui aurait voulu voir, dès le début de son travail, jusqu’à quel point il devait aller et s’arrêter, se serait demandé si la Douleur, contre laquelle la sensibilité se révolte avec tant d’énergie, n’a pas sa raison d’être, sa nécessité profonde, et si tout le progrès humain, toute la civilisation du monde, consiste à de plus en plus la diminuer et l’effacer. […] Il a parfaitement compris que, pour la France, la meilleure source de prospérité était dans le développement de sa production agricole : « L’agriculture, — dit-il, — cet atelier inépuisable de toutes les productions essentielles, se détache sur le fond assombri de nos misères, et quand une fois on a sondé le gouffre des souffrances humaines, c’est en reportant les yeux sur la terre que l’on voit poindre l’espérance. » Brutus embrassa la terre et l’appela sa mère.
Pascal, l’homme au gouffre en toutes choses, cet épouvanté qui voyait partout l’abîme qu’il croyait à ses pieds ; Pascal, ce lycanthrope du jansénisme, devait haïr une forme de langage qui est dans le sentiment humain à une si grande profondeur. […] La critique, qui connaît son devoir et sa limite, n’a rien à opposer à la nature humaine et à l’individualité d’une œuvre. […] Car après le jugement sur la philosophie de l’écrivain il y a le jugement sur son œuvre, et c’est une loi de l’esprit humain que les chefs-d’œuvre littéraires diminuent d’autant de beautés qu’il s’y trouve de vérités méconnues. […] Les différentes civilisations successives ont si bien secoué l’âme humaine, que tout ce qui n’était qu’à la fleur de sa surface est tombé. […] Avant lui, il n’y a que les balbuties et les mouvements rudimentaires et déjà corrompus de la nature humaine.
La grande nation, l’aïeule du genre humain, malgré toutes ses chutes et son crime, exprime parfois dans quelques-uns de ses enfants les traits de sa primauté dans les annales du monde ; et Gotthold Éphraïm Lessing était une de ces créatures privilégiées. […] Et de fait, c’était un théâtre national que voulait Lessing, et Shakespeare est le théâtre humain, universel, le théâtre désemmailloté de tout préjugé, de toute coutume, de toute préconception, nationale ou non ! […] C’est l’âme humaine dans son action, dans son jaillissement, l’âme humaine frappant sur l’âme humaine sans autres moyens qu’elle-même ; car Shakespeare se souciait bien du décor, du costume, et de toutes ces recherches byzantines d’un art qui se fait savamment petit, depuis qu’il a cessé d’être grand ! L’exactitude historique, la seule chose qui soit peut-être à respecter de toutes les choses qui ne sont pas l’intérêt de l’émotion et l’intensité de la vie, Shakespeare y arrivait… mais c’était à force d’être humain !
C’était le culte des Scythes qui enfonçaient un couteau en terre, l’adoraient comme un Dieu, et immolaient ensuite une victime humaine. […] Les peuples y combattaient pro aris et focis, expression qui désignait tout l’ensemble des rapports sociaux, puisque toutes les choses humaines étaient considérées comme divines. […] Il n’est pas moins naturel qu’aux temps humains le droit devenu plus large et plus bienveillant, ne considère plus que ce qu’un juge impartial reconnaît être utile dans chaque cause (axiome 112) ; c’est alors qu’on peut l’appeler proprement le droit de la nature, fas naturæ, le droit de l’humanité raisonnable. Les jugements humains (discrétionnaires) ne sont point aveugles et inflexibles comme les jugements héroïques. […] Ils conviennent à l’esprit de franchise, qui caractérise les républiques populaires, ennemies des mystères dont l’aristocratie aime à s’envelopper ; elles conviennent encore plus à l’esprit généreux des monarchies : les monarques dans ces jugements se font gloire d’être supérieurs aux lois et de ne dépendre que de leur conscience et de Dieu. — Des jugements humains, tels que les modernes les pratiquent pendant la paix, sont sortis les trois systèmes du droit de la guerre que nous devons à Grotius, à Selden, et à Pufendorf.
Les âmes humaines s’ignorent les unes les autres et n’ont que de rares occasions de communiquer entre elles. […] Le trésor de ces drames héroïques et mystiques n’a pas grossi le patrimoine moral du genre humain. […] Ces sentiments constituent une manière de vivre, non pas, il est vrai, pour le vulgaire troupeau humain, mais pour l’élite humaine, — non pas encore pour les nations, mais pour les individus. […] Rarement la sagesse humaine s’est approchée plus près de la vérité sur ce point de l’éducation. […] Nul mieux que Sterne n’a pour ainsi dire vu l’invisible et saisi l’insaisissable, nul n’a mieux compris les mobiles bizarres et occultes des actions humaines et les mystérieux secrets du cœur humain.
Soit par exemple la représentation d’un visage humain. […] Tout n’est pas méprisable dans l’art humain. […] C’est leur enlever le respect de la forme humaine. […] De déterminer l’idéal de la beauté humaine. […] Le canon de la forme humaine a été fixé dans son ensemble.
Et puis, au bas de ce groupe qui jouit, qui possède et qui qui souffre, tantôt sombre, tantôt rayonnant, ne pas oublier l’envieux, ce témoin fatal, qui est toujours là, que la providence aposte au bas de toutes les sociétés, de toutes les hiérarchies, de toutes les prospérités, de toutes les passions humaines ; éternel ennemi de tout ce qui est en haut ; changeant de forme selon le temps et le lieu, mais au fond toujours le même ; espion à Venise, eunuque à Constantinople, pamphlétaire à Paris. […] Clouer toute cette souffrance humaine au revers du crucifix. […] Mêler dans cette œuvre, pour satisfaire ce besoin de l’esprit qui veut toujours sentir le passé dans le présent et le présent dans le passé, à l’élément éternel l’élément humain, à l’élément social, un élément historique. […] Il continuera donc fermement ; et, chaque fois qu’il croira nécessaire de faire bien voir à tous, dans ses moindres détails, une idée utile, une idée sociale, une idée humaine, il posera le théâtre dessus comme un verre grossissant.
Instituteurs du genre humain, voici que votre disciple en sait instinctivement plus que vous. […] Le génie et la tâche de ce siècle sont de retrouver et de réunir les titres de famille de l’intelligence humaine. […] La pensée humaine est affirmative sans doute, mais elle a ses heures d’arrêt et de réflexions. […] Le Beau n’est pas le serviteur du Vrai, car il contient la vérité divine et humaine. […] La création du poète est donc toute moderne sous un nom historique ou légendaire, et, par suite, elle est factice ; mais elle est humaine aussi, puisque rien n’est humain qui n’appartienne au dix-neuvième siècle, disent les personnes autorisées en matière de critique.
avant tout, avant le détail du martyre et de l’héroïsme de ces missionnaires toujours prêts à mourir, avant l’ascendant de ces Jésuites qui furent si près du triomphe, et puis qui s’en trouvèrent si loin, ce qui fait, cà nos yeux, l’intérêt suprême de ce livre, c’est que le Christianisme à la Chine n’a jamais été qu’une question, — une question dont la solution se voile encore aux yeux les plus pénétrants, quand on reste dans les simples probabilités humaines de l’histoire ! […] Pour que toujours, à toute époque, les choses se soient passées ainsi, ne faut-il pas qu’il y ait dans cette Chine, dont c’est là l’éternelle histoire, des faits d’un ordre providentiel, mystérieux et terrible, peu aperçus du commun des historiens, mais pourtant comme il s’en rencontre à certaines places dans les annales du genre humain… Pour les peuples, ainsi que pour les hommes, la grâce méprisée — longtemps et obstinément méprisée produit l’endurcissement, l’aveuglement, l’impénitence. […] Indépendamment de ce qui est commun à l’une et à l’autre, de cette résistance de la race bien plus que de l’individu qu’elles opposent au Christianisme toutes les deux, — car on n’a pas déformé la tête humaine pendant des milliers d’années dans des doctrines de perdition pour qu’elle se courbe, au premier mot, sous le signe sacré du baptême, et pour que la lumière de la vérité y pénètre tout à coup dans la douceur de son premier rayon, — la Chine, de son côté, qui ne le sait ? […] Une pareille pensée pourrait décourager d’autres hommes que nos missionnaires ; mais qu’importent les données de l’histoire, qu’importe la réalité humaine, et, dans un certain sens, le châtiment de Dieu sur des nations visiblement condamnées, à ces apôtres qui prêchent la folie de la croix et qui savent espérer contre toute espérance, spem contra spem ! Leur affaire, à ces hommes sublimes, à ces promoteurs du Saint-Esprit dans les âmes, c’est d’agir toujours en dehors de toute prévision naturelle et humaine, c’est de montrer Dieu même aux aveugles, c’est de le parler même à des sourds !
Saisset à la page xxv de son introduction) : « ceux qui nient la raison, la science et le progrès et veulent le retour de la théocratie du moyen âge, et ceux qui veulent, une reconstitution radicale de la société et de la vie humaine ». […] Saisset et comme je le crois, la question de la personnalité divine ; si, au terme où est arrivé l’esprit humain, il faut, de rigueur, être pour l’homme-Dieu tel que la religion de Jésus-Christ nous l’enseigne, ou pour le Dieu-homme tel que l’établit M. […] Comme les éclectiques, ces emprunteurs à tout le monde, il les doit, ces idées, à Descartes, à Leibnitz ou à Reid, et cela s’appelle : la progression des êtres, le grand optimisme, la liberté humaine, la Providence et l’étude des faits de conscience ; et voilà la valise faite de M. […] S’il était plus philosophe, il ne serait pas professeur… De plus, quand on vit eu intimité d’étude avec les grands esprits philosophiques, avec ces grands cerveaux, tous fausseurs ou corrupteurs, plus ou moins, de la tête humaine, si on leur arrache par la réflexion l’intégrité de sa pensée, on leur laisse de sa dignité par l’admiration qu’on ne leur arrache pas, et c’est ce qui est arrivé à M. […] Ce sont d’énormes poëtes abstraits, mais le moindre poëte vivant, avec la plus modeste des fleurs à la bouche, le moindre poëte d’expression vaut mieux que tout cela, et, je finirai par ce blasphème philosophique, fait plus véritablement que tous ces abstracteurs de quintessence pour l’avancement moral du genre humain.
Nous savons trop, pour nous en étonner, à quel ironique piquet de chèvre Dieu a attaché l’esprit humain, et ce qu’il lui donne de cette corde au bout de laquelle l’homme passe son temps à rêver l’infini ! […] prenez seulement le dictionnaire de Bayle, l’histoire de la philosophie de Brucker et le vocabulaire de Tennemann, et vous verrez quelle masse de rêveurs inutiles, de cracheurs dans les puits pour faire des ronds, se trouvent mêlés, pour l’encombrement de nos mémoires, aux quelques noms et aux quelques idées, très rares, très clairsemées, et pour les raisons providentielles les plus hautes, qui ont réellement allongé la corde de l’esprit humain et un peu étendu de la circonférence de ses efforts ! […] Il ne s’agit pas ici, bien entendu, des talents du gymnaste intellectuel que l’on appelle un philosophe, ni même de la dorure de bec de la Gloire, qui répète parfois et crie des noms, comme les perroquets, sans rien y comprendre, mais il s’agit des hommes qui représentent pour les avoir réellement exprimées le petit nombre de vérités nécessaires à la vie et à l’honneur de l’esprit humain. […] M. de Beauverger a pour Sieyès une admiration très logique et que l’on comprend très bien, venant d’un homme qui croit que la philosophie politique est une des grandes inventions de l’esprit humain, car Sieyès est l’expression la plus concentrée, la plus immobile et la plus dure de la philosophie politique. […] Aveugle méconnaissance de la réalité humaine !
Mais, en dehors du fond de la doctrine, qui n’est point de notre ressort, il est une maîtrise, Monsieur, où notre pratique de l’esprit humain nous donne le droit d’émettre un avis. […] Ils avaient changé les bases de la vie ; mais leur confiance dans l’esprit humain était absolue. […] Avec l’habitude que je peux avoir des choses de l’esprit humain, je suis amené à croire que M. […] Pauvre bonne conscience humaine ! […] Littré non plus n’a pas fait d’expériences ; mais vraiment il n’en pouvait pas faire ; son champ, c’était l’esprit humain, on ne fait pas d’expériences sur l’esprit humain, sur l’histoire.
Si quelqu’un me voit en ce moment, pensait-il, je remettrai… Mais nulle part ne se montra un visage humain. […] Par ce commerce avec la nature humaine profonde, infiniment fugace et variable, il est resté plein de compassion, s’abstenant également des conclusions optimistes et de la misanthropie, dans une humeur large et patiente, propice à lui laisser découvrir en tout acte et en tout caractère une part de fatalité, quelque chose d’inévitable méritant l’excuse. […] Tourguénef ne se fait pas d’illusions généreuses et banales sur la misère humaine, sur la fatigue et l’inanité de l’effort, sur le déchet des plus belles entreprises, sur cette part d’imperfection infinitésimale ou infinie toujours présente, qui corrompt ce que l’homme touche. […] Quand Litvinoff quitte, le cœur meurtri, la ville où son ancien amour renaquit et s’évanouit une seconde fois, c’est la philosophie même du romancier qu’il formule : « Fumée, fumée, répéta-t-il, et subitement tout lui sembla fumée, sa vie, la vie russe, tout ce qui est humain et principalement ce qui est russe. […] Après Shakespeare, après les Pensées, il ne peut échapper à la contradiction profondément humaine de redouter la mort et de médire de la vie.
Zola, comme tous les écrivains peu aptes à imaginer le mécanisme intérieur de la machine humaine, et comme aucun des romanciers psychologues, montre les actes de ses personnages de préférence à leurs raisonnements, les effets plutôt que les causes. […] Les quelques personnages loués dans ses romans sont bien constitués dans-leur corps et leur esprit, ont des membres sans tare et une raison sans fêlure, sont logiques, forts et humains. […] Tous les ensembles dans lesquels les caractères de force humaine, de luxure, de puissance, d’exubérance, peuvent èlre reconnus par association, sont exaltés par M. […] Zola ne mentionne aucune énergie matérielle ou humaine sans l’exagérer démesurément. […] Et si les plaintes sur l’inutilité, la tristesse et l’odieux de la vie humaine ne sont point constantes dans les livres de M.
Cela n’a-t-il été que mon « humain, trop humain » ? […] Nous ne savons pas du tout comment s’effectue l’action humaine. […] C’est croire à la beauté et à la noblesse de la race humaine. […] « Vrai, cela veut dire : qui élève le type humain. […] Il n’y a aucune identité des morales humaines.
Des travaux entrepris sans ce grand esprit peuvent même servir puissamment au travail de l’esprit humain, indépendamment des intentions plus ou moins mesquines de leurs auteurs. […] Quel fait immense dans l’histoire de l’esprit humain que l’initiation du monde latin à la connaissance de la littérature grecque ! […] Quand on pense que le travail intellectuel de siècles et de pays entiers, de l’Espagne, par exemple, s’est consumé lui-même, faute d’un objet substantiel, que des millions de volumes sont allés s’enfouir dans la poussière sans aucun résultat, on regrette vivement cette immense déperdition des forces humaines, qui a lieu par l’absence de direction et faute d’une conscience claire du but à atteindre. […] Il y a, je le sais, dans la curiosité des degrés divers ; il y a loin de cet instinct mesquin de collection, qui diffère à peine de l’attachement de l’enfant pour ses jouets, à cette forme plus élevée, où elle devient amour de savoir, c’est-à-dire instinct légitime de la nature humaine et peut constituer une très noble existence. […] Le seul moyen légitime de faire l’apologie de la science, c’est de l’envisager comme élément essentiel de la perfection humaine.
Délivré de la croyance en une vérité objective, on va maintenant considérer ces mêmes manifestations de l’activité humaine sous le jour de leur efficacité à procurer les fins où l’on voit que l’activité humaine aboutit. À vrai dire la destruction de l’idée du moi à laquelle avait conclu déjà l’une de ces analyses précédentes avait bien pour effet de rendre sans objet toute l’amertume que semblait devoir entraîner après elle la découverte du caractère illusoire inhérent à l’effort humain. […] Désintéressé des buts illusoires que s’obstine à convoiter une entité imaginaire, il est donc plus aisé de s’attacher, ainsi qu’on a résolu de le faire ici, aux phénomènes qui, parmi l’écoulement des individus, demeurent à travers la durée sur la scène du monde, à ces fins que réalise le désir humain détourné des objets chimériques pour lesquels il se consume : la vie de l’Espèce et la Connaissance. […] La croyance qu’ils peuvent agir sur eux-mêmes donne naissance à toutes ces complexités du monde moral que l’on a décrites en traitant une première fois de l’illusion du libre arbitre, et qui sont le sentiment du mérite et du démérite, celui de la responsabilité, celui du remords, toute cette floraison d’apparences psychologiques qui jettent tant de trouble et de violence dans les actes humains.
Ajoutant ainsi continuellement à son acquis, à son fonds de comparaisons et d’idées, assouplissant et gouvernant avec une dignité de plus en plus aisée sa noble manière, semblant justifier en lui cette définition, que le génie (une haute intelligence étant supposée comme condition première), c’est la patience, il est arrivé, sur les plus grands sujets qu’il soit donné à l’œil humain d’embrasser, à la plénitude de son talent de peintre et d’écrivain. […] Sévère jusqu’à l’injustice pour ces hommes de science positive, Buffon sensible au talent, au grandiose, à la réflexion humaine quand elle se projette à travers les vues physiques, fait plus de cas d’un Pline à l’esprit fier, triste et sublime, bien qu’il déprise toujours l’homme pour exalter la nature ; il ne parle de cet ancien qu’avec une impression de respect et en laissant sous le voile ses nombreux défauts. […] Ce qui est vrai, c’est que les grandes hypothèses de Buffon, ses tableaux des diverses époques de la nature, quelques phrases jetées çà et là sur l’unité primitive de dessein, phrases qui n’ont pas la portée qu’on leur donne, ont paru suffisantes au savant illustre, mais enthousiaste, pour voir en Buffon un précurseur de lui-même, un prophète de l’ordre de vues qu’il affectionne : il a donc salué en Buffon une sorte de dieu humain à peu près comme Lucrèce salue Épicure. […] Je faisais la même réflexion en voyant l’instant d’auparavant le buste de Bossuet : il n’y a rien d’exagéré dans toutes ces têtes sublimes, et le caractère humain est empreint dans celle de Buffon. […] Il n’y manque, pour la compléter, que ce que Buffon n’avait pas assez, il y manque le rayon, l’humble désir qui appelle la bénédiction d’en haut sur l’humaine sueur et qui fait demander le pain quotidien13.
On a pu dire avec une magnifique justesse, du précepteur d’Alexandre, que si quelqu’un a mérité d’être appelé l’instituteur du genre humain, c’est lui. […] Il pense « que c’est le fait de la faiblesse humaine que de chercher l’image et la forme de Dieu ». […] Ce n’est pas que je lui compte à titre de gloire un tel méfait, fût-il commis par nécessité, contre le genre humain : et il en est convenu lui-même, en ne donnant pas le chiffre du carnage des guerres civiles. […] Il va faisant un choix dans l’élite humaine et prélevant en chaque genre, comme il dit, la fleur des mortels . […] Pline, à l’exemple de son oncle, est partout rempli de sentiments humains, généreux, pacifiques et compatissants.
Mais le sujet était trop vivant et trop pathétique, il tenait de trop près aux sentiments qui se réveillaient alors dans tous les cœurs ; pour qu’un orateur comme Portalis n’en fît pas un texte de morale humaine et réconciliatrice. On sait, dans Virgile, ce touchant épisode du Grec naufragé, Achéménide, que les Troyens recueillent en abordant sur les côtes de Sicile où ils le trouvent errant, défiguré par la misère et ne présentant plus forme humaine. […] C’est une chose assez piquante que de voir proprement la nature humaine renaître et sortir du chaos de la servitude féodale. […] Cette manière de concevoir ce qui nous environne et qui nous touche n’est peut-être pas la plus philosophique ni la plus profonde, mais c’est la plus raisonnable, celle qui est la plus conforme au milieu humain. […] C’est là l’honneur et le néant de la métaphysique ; elle élève et agite l’esprit humain, en mettant en question ce que le commun des hommes accepte.
Ils ont à l’envi reculé les bornes du connu et repoussé la limite humaine. […] Nous le verrons, en 1804, combiner une refonte générale des connaissances humaines ; et ses derniers travaux sont un plan d’encyclopédie nouvelle. […] Ampère, par sa foi et son espoir constant en la pensée humaine, en la science et en ses conquêtes, est resté vraiment de 89. […] Ce serait une pièce de plus à ajouter à toutes celles qui attestent la sensibilité courageuse et l’élévation pure de l’âme humaine en ces extrémités. […] N’admirez-vous pas ici la contradiction inhérente à l’esprit humain, dans toute sa naïveté ?
La philosophie est la pensée du cœur humain, dont la littérature n’est que la parole ; la pensée est le fond de l’homme, la littérature n’est que la forme. […] Était-ce parce que les langues humaines leur paraissaient insuffisantes à contenir les vérités divines qu’ils annonçaient aux hommes ? […] Ses Dialogues ont été le perpétuel entretien de la Grèce : ils ont préparé l’esprit humain à la métaphysique de saint Paul et à l’école philosophique d’Alexandrie. […] Ce dialogue n’a pas l’accent de la langue d’ici-bas ; la race humaine, dont une main d’homme a pu écrire ces lignes, est immortelle : Phédon le sent. […] La philosophie humaine ne s’éleva jamais plus haut par la seule puissance du raisonnement.
Que Descartes démontre avec plus ou moins d’évidence l’existence de Dieu et de l’âme, et celle du moi humain : laquelle de ces vérités va être en péril ? […] De plus, Pascal pouvait s’étonner de l’obscurité et de la contrariété des témoignages humains dans les choses de la foi. […] Et pourtant nulle prière humaine n’a été plus assurée de monter jusqu’au trône de Dieu. […] L’exemple en eût-il été meilleur pour l’esprit humain et pour les lettres françaises ? […] Pascal a eu toutes les qualités et toutes les dispositions de l’esprit humain.
Comment tirer de là le genre humain ? […] Tous ces miracles tiennent plus de la bonté que de la puissance, et ne surprennent pas tant les spectateurs qu’ils les touchent dans le fond du cœur. » Quant à la doctrine, il la montre également humaine, appropriée, et tempérant la hauteur par la condescendance : « C’est du lait pour les enfants et tout ensemble du pain pour les forts. […] A force de poursuivre tous les perfectionnements qu’a apportés l’Évangile dans la vie humaine et de pousser à bout toutes les conséquences de Jésus-Christ telles qu’il les comprend et qu’il les aime, il excède et il sort de toutes les proportions de l’histoire ; il est dans le dogme, il entre dans les mystères mêmes de la vie future et des récompenses destinées aux élus. […] Bossuet y rentre dans les voies humaines et dans les explications par les causes particulières et secondes ; il a quelque peine à s’y remettre et à se dégager de cette vision des prophéties dont il nous a environnés, poursuivis si longtemps, et dont il était, tout le premier, ébloui. […] Ici il est humain ; il ne fera appel qu’au bon sens, à l’habileté, à la prudence.
Raffaëlli devient de mieux en mieux un peintre exact de types et d’expressions, un portraitiste de physionomies humaines. » — Or donc, n’est-ce rien que cela, s’écrie M. […] Si l’on se reporte pour la comprendre pleinement à l’étude sur le beau caractéristique qui se trouve à la tête du catalogue déjà cité, on verra qu’en somme M.Raffaëlli, à travers d’ailleurs bien des obscurités et des longueurs, écartant les désignations de classicisme, de réalisme, de romantisme et de naturalisme, posant en principe » qu’esthétiquement toute époque a une notion particulière du beau, que socialement notre époque est caractérisée par un épanouissement, complet de l’individualisme et de l’égalité, qu’ainsi l’unité humaine autonome et libre est le facteur principal de notre vie sociale, on arrive à cette page d’un grand souffle sur la nécessité où est la peinture de travailler à représenter l’homme et toutes sortes d’hommes. […] Raffaëlli, dominé d’une sympathie humaine qui est belle en soi et qui vivifie son grand talent, voudrait borner cet art à nous donner de notre race et de nos contemporains, une série d’effigies caractéristiques, propre à nous les faire connaître intimement et par conséquent aimer, admirer, ou haïr et ridiculiser. Étant donné que toute œuvre d’art ne vaut que par l’émotion qu’elle produit, ce peintre désire exciter la sympathie de ses spectateurs par l’exactitude minutieuse et il faut le dire, magistrale, avec laquelle il reproduit ses types ; par leur choix généralement excellent et notable ; par leurs occupations et manières d’être parfaitement appropriées à leur extérieur ; en d’autres termes, par sa pénétration dans une série de caractères, d’âmes, de natures humaines ; et par sa faculté de nous les faire pénétrer, de nous les révéler.
Il nous semble qu’on a vanté trop exclusivement son Petit Carême : l’auteur y montre, sans doute, une grande connaissance du cœur humain, des vues fines sur les vices des cours, des moralités écrites avec une élégance qui ne bannit pas la simplicité ; mais il y a certainement une éloquence plus pleine, un style plus hardi, des mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l’impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d’un avenir, sur la passion de Jésus-Christ. […] Le torrent des siècles qui entraîne tous les siècles, coule devant ses yeux, et il voit avec indignation de faibles mortels emportés par ce cours rapide l’insulter en passant. » L’exemple de la vanité des choses humaines, tiré du siècle de Louis XIV, qui venait de finir (et cité peut-être devant des vieillards qui en avaient vu la gloire), est bien pathétique ! […] Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.
Il désigne donc par ce mot le semblant visible d’une figure humaine. — Une pareille distinction est véritablement surprenante ; à cet âge, avec si peu de mots généraux et des notions si restreintes, distinguer l’apparence de la réalité, l’imitation visible de l’imitation tactile, la forme pure de la substance corporelle, cela est inattendu et donne la plus haute idée de la délicatesse et de la précocité de l’intelligence humaine. […] « Comment s’exécute cette œuvre spéciale de l’intelligence humaine, je veux dire la formation et le maniement des concepts ? […] Car d’une part l’analyse de toutes les langues connues nous ramène aux racines, et d’autre part l’expérience nous donne les interjections et les imitations comme le seul commencement imaginable de la parole humaine. […] L’érudit : commence et finit par ces types phonétiques ; s’il les méconnaît, ou s’il veut ramener les mots aux cris des animaux ou aux interjections humaines, c’est à ses propres risques. […] Il s’arrête au-dessous de l’échelon humain.
Si quelque chose prouve la force intime de spéculation qui est dans la nature humaine, c’est que, malgré la triste part faite jusqu’ici aux penseurs, il y ait eu des hommes capables de dévouer leur vie aux injures, à la persécution, à la pauvreté pour la recherche désintéressée du vrai. […] Ce seraient les mœurs des poèmes et des romans idéaux, où les sentiments humains se feraient jour dans toute leur naïveté première, sans air bourgeois ni raffiné. […] Le travail intellectuel n’a donc toute sa valeur que quand il est purement humain, c’est-à-dire quand il correspond à ce fait de la nature humaine : l’homme ne vit pas seulement de pain. […] Tout se réduit à ce fait de la nature humaine : l’homme en face du divin sort de lui-même, se suspend à un charme céleste, anéantit sa chétive personnalité, s’exalte, s’absorbe. […] Pour la grande majorité des hommes, le culte établi n’est que la part de l’idéal dans la vie humaine, et à ce titre il est souverainement respectable.
Le cœur humain fait son œuvre sur la terre, cela émeut les profondeurs. […] La suprême intelligence, qui est ici-bas le grand homme, quelle est la force qui l’évoque, l’incorpore et la réduit à la condition humaine ? […] Les conjectures tremblent, les doctrines frissonnent, les hypothèses flottent ; toute la philosophie humaine vacille à un souffle sombre devant cette ouverture. […] N’est-elle pas remplie à leur insu par de certains prédestinés, qui, momentanément et pendant leur passage humain, s’ignorent en partie eux-mêmes ? […] L’intelligence humaine se fait rayonnement, et, de proche en proche, gagne, conquiert et humanise la matière.
Et cette opinion, de plus en plus admise, s’est confirmée en nous, que tout, dans l’univers, est vibration, combinaisons de vibrations, formes de mouvement, nombre et séries, associations de rythmes ; que le monde entier n’est qu’une vaste orchestration de rythmes ; que nous-mêmes sommes un rythme dans le rythme intégral ou accomplissement universel, et que le rythme inhérent au verbe humain, le rythme, dans l’œuvre du poète, est le mouvement même de l’inspiration. […] Il faut le redire ici : il y a quelque chose de changé dans l’âme humaine. […] Le rôle, de la poésie ayant toujours été d’agrandir la conscience humaine au-delà même des vérités contrôlées, il ne nous est plus permis de tout ignorer de ce qui se passe autour de nous. […] L’idéal humain recule toujours, recule dans l’infini, mais dans l’infini, aujourd’hui, nous pouvons jeter beaucoup plus de lumières ! Et n’est-ce pas à ces fins que nous ont préparés tous nos glorieux devanciers, grands initiés de tous les âges, prophètes et voyants, grands émancipateurs de la conscience humaine, dont nous ne pouvons évoquer le souvenir sans une étreinte au cœur, mais dont le verbe puissant sonne si haut tout au fond de notre rêve, que nous levons la tête pour les suivre ?
Huc ne craint pas même d’exagérer la dignité, le sentiment humain de son droit, dans l’intérêt supérieur de l’idée chrétienne qu’il représente aux yeux des populations chinoises. […] Il monte ou plutôt il s’abaisse jusqu’à l’idéal de la lâcheté humaine, — de la lâcheté en soi. […] Mais ce qu’il n’a pas voulu écrire, nous savons, nous, qu’il le raconte quelquefois, et ces faits, pour lesquels il choisit avec prudence son auditoire, démontrent un tel ramollissement de la fibre humaine chez les Chinois que le premier boulet venu — qu’il soit lancé par un peuple étranger ou par une révolution ! […] Elle est moins fantastique, cette curiosité, moins falote, moins par-dessus les moulins qu’on ne croyait, mais elle est une réalité toujours intéressante pour ceux qui se préoccupent de l’artificiel et du tourmenté dans les formes humaines. […] Nous avons fait le compte de cette banqueroute humaine.
Jamais il ne choisit le type le plus caractéristique, le trait humain, la passion ordinaire. […] je suis homme, et j’aime les hommes humains. […] Même bien traduite, comme l’est le livre Humain, trop humain, par M. […] — À quelques-uns, aux êtres de même famille, qui ont besoin de correspondre, eux, au-dessus de la mêlée humaine. […] Certaines pages de Humain, trop humain l’eussent réconforté, s’il avait eu des doutes sur son œuvre.
Une idée générale est toujours une idée abstraite, et il n’existe pas d’idée abstraite qui ne soit abstraite d’une série d’expériences humaines. […] Aucune de ces idées n’aurait pu être formulée, si elle ne s’était exprimée tout d’abord en des actes et en des croyances, comme l’effet de la sensibilité de quelque collectivité humaine particulière. […] Transformées en vérités universelles, elles se sont réclamées, selon la maturité de l’esprit humain, de Dieu ou de la raison. Or, cette origine fictive, où disparaît leur caractère humain, leur donne accès dans l’esprit de tous les hommes. […] La principale et la plus avisée de ces attitudes est cet orgueil démesuré et tutélaire par lequel il se persuade que la plus haute forme de civilisation, la plus humaine et la plus morale a été réalisée par lui.
C’est cette raison humaine, philosophique, didactique, qui n’admet ou du moins ne veut admettre que ce qu’elle conçoit en elle-même ; c’est cette raison qu’il reconnaît, et qui fait la force, la beauté, la grandeur de histoire de Thucydide. […] La critique, il en soumet tous les matériaux, sans céder à aucune influence ni humaine, ni merveilleuse (lisez : religieuse), à l’idée générale à laquelle il en rapporter ensemble. — L’histoire, pour lui, — dit-il encore, — c’est le travail de l’intelligence examinant le monde des faits et s’y découvrant elle-même ». […] Faire, de système et de réflexion, acte négatif de raison en histoire au lieu de faire acte positif de compréhension historique, chicaner le fait mystérieux qui est à l’origine de tout, en histoire aussi bien qu’en nature humaine et quand la chicane qu’on en fait est impuissante, le supprimer d’autorité et passer outre, — comme Thucydide a passé outre sur les temps barbares de la Grèce, — est-ce là réellement le dernier mot du génie humain dans une race, et du génie d’un homme qui, dans cette race, à un moment donné, écrit l’histoire ? […] Il nous donne toujours la raison grecque de son faire, jamais la raison humaine, la raison profonde, la raison absolue… Et je le crois bien ! […] Girard comme l’idéal du génie même dans Thucydide, puisque le plus beau génie humain, c’est le génie grec, et le plus beau génie parmi les Grecs, Thucydide.
Excepté le fatalisme, qui n’a pas le droit d’enseigner et qui n’en saurait avoir la prétention sans inconséquence, il n’y a que trois philosophies qui veulent se partager l’empire de la nature humaine en l’expliquant. […] Rivarol disait, avec la belle voix d’or de son esprit : « La grandeur de nos facultés dépend de Dieu, mais de nous dépend leur harmonie. » Quel que soit donc celui des trois systèmes sur la nature humaine que l’on adopte, il est d’observation indéniable qu’il y a au fond de nous-mêmes une tendance prononcée à nous croire le centre de tout, à ne juger les choses que par rapport à nous, à traverser incessamment et dans tous les sens le plan de l’ordre avec mépris, et même les armes à la main. […] L’être humain existe, cependant, indépendamment de cette impulsion naturelle, fatale obstinée et sensible, que nous devons aider la famille et l’ordre à transformer en agissant avec une intrépide constance sur le ressort de notre liberté, comme le marin sur le gouvernail de son navire. […] Si c’est une nécessité, en effet, de purifier la nature humaine des souillures du vice originel, il ne s’agit pas de s’en faire accroire. […] Comme il est aisé de s’en convaincre après ce simple aperçu, l’excellente et intéressante madame d’Alonville est un peu inférieure, il faut l’avouer, à la catholique madame de Maintenon, cette grande femme qui éleva des filles et qui aurait pu élever des hommes, et même à la protestante madame Necker de Saussure, qui, du moins, toute protestante qu’elle fût, entendait la moralité humaine avec une certaine profondeur !
Il la trouve dans l’esprit humain et il ne veut point qu’on l’en arrache. […] Il en reconnaît la grandeur, quand la plupart des médecins modernes, métaphysiciens pourtant, mais malgré eux, et aveugles, l’insultent et la repoussent, comme un piège, plein de trahison, que l’esprit humain se tend à lui-même. […] En supposant que l’intelligence humaine soit un jour nettoyée de cette doctrine immonde, les médecins seront les derniers à en essuyer leur pensée. […] M. le docteur Tessier n’est pas uniquement préoccupé de spiritualiser l’instruction et de tenir compte de la magnifique duplicité humaine, même dans l’intérêt de l’observation physiologique ; il va plus loin et plus haut… « Le rationalisme dogmatique, dit-il, ne saurait coordonner les phénomènes physiologiques, et comprendre les rapports de la physiologie et de la médecine, mais, sur le terrain de la pathologie, ce rationalisme devient la négation de TOUTE vérité. » Ainsi, comme on le voit, l’enseignement n’est pas seulement matérialiste ; il est de plus arbitraire et antimédical, et l’habile écrivain le prouve avec une rigueur dont, certes, il n’avait pas besoin aux yeux de ceux qui savent jusqu’où peut porter une idée. […] Hippocrate, en effet, ce vieillard divin, — car l’Histoire, pour honorer ce grand observateur, n’a trouvé rien de mieux que de l’appeler comme le vieil Homère — avait reconnu l’immutabilité des maladies, quand il s’écriait avec le pressentiment d’une révélation : « Il y a là quelque chose de Dieu (quid divinum) », et quand aussi Démocrite, tenant de plus près la vérité, écrivait ce mot singulier : « L’homme tout entier est une maladie », comme s’il eût deviné ce dogme de la Chute, après lequel il n’y a plus rien à l’horizon de l’Histoire ni à l’horizon de l’esprit humain !
Publié au moment où la terre d’or découverte par Cook attire les regards et les convoitises de la vieille Europe, dont elle est peut-être la dernière rêverie, ce livre, intitulé, sans aucun éclat : Mémoires historiques sur l’Australie, et que l’abbé Falcimagne a enrichi au point de vue du renseignement et de la science purement humaine, sera pour tout le monde un de ces ouvrages qui saisissent la curiosité et qui la maîtrisent ; mais, pour nous, c’est bien davantage. […] Et de fait, c’est là l’idée humaine, l’idée raisonnable au sens philosophique du mot, que d’imputer à l’Église romaine des modes d’action, des combinaisons et des ressources semblables à ceux des autres gouvernements. Pour expliquer le miracle permanent de son influence sur le monde, et de ce pétrissage des cœurs dans sa main qu’on appelle ses prédications, la pensée humaine, déconcertée par les spectacles que lui offre l’Église, invente aussitôt, pour se remettre, des raisons légitimantes et vulgairement logiques d’accepter un succès si certain toujours, et si prodigieux. […] Elle est commune à tous les esprits sans exception qui n’ont pas scruté, à la lumière de la Foi, le mystère intime de la puissance de l’Église romaine, de ce phénomène historique sans analogue dans les annales du genre humain, et que l’on n’entend pas ou que l’on entend mal en l’expliquant par le génie des hommes ou la virtualité des constitutions. […] à ses prêtres, ils s’en vont devant eux sans aucune précaution humaine, montrant le Crucifié souvent pour tout langage, et en quelques jours des milliers de sauvages viennent s’abattre autour de cette fleur mystique de la Croix qui tend son cœur ouvert aux nations !
S’il est vrai que la Métaphysique soit une espece d’anatomie du cœur & de l’esprit humain, cet Académicien peut être regardé comme le Physiologiste le plus profond & le plus lumineux. Dans son Essai sur l’origine des connoissances humaines, dans son Traité des Sensations, &c. les idées les plus abstraites, les principes les plus subtils, les nuances les plus délicates sont mises à la portée de tous les esprits. […] C’est ainsi qu’il faudroit savoir penser & écrire, quand on entreprend de développer les mysteres de l’esprit humain.
Insensiblement le beau projet d’une histoire universelle des mœurs et de l’esprit des nations tourne à ce qu’il appelle lui-même un tableau des sottises humaines. Nous connaissons l’idéal de Voltaire en fait de société humaine. […] L’indulgence de Voltaire pour certains délits est moins de l’humanité qu’une complaisance, dont il ne s’excepte pas, pour ce qu’il appelle les faiblesses humaines. […] En demandant une loi pénale plus douce, on songeait moins à relever la nature humaine qu’à mettre l’individu plus à l’aise. […] Les genres sont sentis plutôt que définis, et leurs limites plutôt indiquées comme des convenances de l’esprit humain que jetées en travers des auteurs comme des barrières.
Mais deux choses n’ont pas changé : la nature et le cœur humain. […] Il n’y a pas une noble tendresse du cœur humain qui n’ait sa note sur le clavier d’Homère ; il ne charme pas, il n’émeut pas seulement, il pétrit le cœur humain de vertus naturelles. […] cessez de calomnier cette verte jeunesse de l’esprit humain dans l’antiquité ! […] Homère semble avoir assisté à tous les détails de la guerre comme à tous les mouvements du cœur humain. […] Ici Homère remonte au ciel pour y chercher la cause des événements humains.
L’arrêt même de l’élan créateur qui s’est traduit par l’apparition de notre espèce a donné avec l’intelligence humaine, à l’intérieur de l’intelligence humaine, la fonction fabulatrice qui élabore les religions. […] Elle porta la pensée humaine à son plus haut degré d’abstraction et de généralité. […] Ajoutons — et c’est peut-être, au fond, la même chose — qu’il n’a pas cru à l’efficacité de l’action humaine. […] Tout cela est de fabrication humaine. […] Ces questions, un mystique estimera qu’elles ne se posent même pas : illusions d’optique interne dues à la structure de l’intelligence humaine, elles s’effacent et disparaissent à mesure qu’on s’élève au-dessus du point de vue humain.
Toute la poésie de la nature est dans les cerveaux humains. […] On pourrait dire en renforçant la parole de Térence : Je ne m’intéresse qu’à ce qui est humain. […] La musique instrumentale, à son tour, n’est qu’un développement de la voix humaine. […] Ruskin et Sully-Prudhomme, l’industrie humaine deviendra de plus en plus incompatible avec l’art. […] Les Homère et les Shakespeare ont senti tressaillir en eux le fond éternel de la nature humaine.
Mais ce qui m’a soutenu, c’est la persuasion que notre Révolution ayant un grand but et un grand mobile, on doit s’estimer heureux toutes les fois qu’on se trouve pour quelque chose dans ce grand mouvement, surtout quand c’est de cette manière-là, où il ne s’agit ni de juger les humains, ni de les tuer. […] Au premier rang de ces cours les plus en vogue aux Écoles normales, il y avait celui de Garat, intitulé De l’analyse de l’entendement humain. […] Il les définit, il les raille, il les persifle même sur cette dextérité et cette adresse d’exposition dont leur doctrine a grand besoin ; il établit avec un haut et paisible dédain la différence profonde qu’on doit faire entre un Condillac et un Bacon, deux noms que l’on affectait toujours d’associer ; il replace celui-ci sur le trône de la science, parmi les princes légitimes de l’esprit humain. […] Selon lui, l’âme humaine, toute déchue et altérée qu’elle est, est le plus grand et le plus invincible témoin de Dieu ; elle est un témoin bien autrement parlant que la nature physique, tellement que le vrai athée (s’il y en a) est celui qui, portant ses regards sur l’âme humaine, en méconnaît la grandeur et en conteste l’immortelle spiritualité. […] Lorsque je vis le fils jeter de l’eau bénite sur le cercueil, je fus frappé jusqu’au vif du tableau de cette chaîne de bénédictions tantôt douces, tantôt déchirantes, qui lie toute la famille humaine et qui la liera jusqu’à la fin des choses.
Lui, ou son orateur du groupe des sages, dira sans rire après une explication théorique des plus hasardées : « Telle est la chaîne des idées que l’esprit humain avait déjà parcourue à une époque antérieure aux récits positifs de l’histoire. » Qu’en sait-il ? […] À ne considérer les religions qu’au moral et comme des vêtements nécessaires à la nudité humaine, comment croyait-il que l’homme pouvait subitement s’en passer ? […] Il méconnaît la sainteté, la vénération qui fait partie de l’âme humaine, toute cette race d’hommes pieux qui se personnifie, même en dehors du christianisme, dans les noms des Xénophon et des Numa. […] Il prétend (ce qui n’est pas) que le livre des Ruines « respire en général cet esprit de doute et d’incertitude qui lui paraît le plus convenable à la faiblesse de l’entendement humain ». […] On y trouvera une belle méditation, purement morale, et qui, en comprenant tout ce qu’il y a de triste dans la destinée humaine, ne se fixe pas aux images lugubres, mais s’en détache à temps : la consolation est au bout, et du côté seulement où elle peut être.
Un Mythe est sur la grève du temps, comme une de ces coquilles où l’on entend le bruit de la mer humaine. […] Fernand Gregh précise : — Oui, le nom rajeuni d’humanisme me paraît convenir, précisément, parce que, les nouveaux poètes veulent réaliser un art humain. […] « Le rôle de la poésie est d’agrandir la conscience humaine au-delà même des vérités contrôlées : la poésie réalisée est la forme transcendante du savoir. […] Épanouissement de la sensibilité dans les limites que nous tracent l’exemple du passé, les forces du présent, la logique du devenir humain et national. […] Sa morale fut haute comme son esthétique, elles étaient humaines dans le sens que la Grèce antique donnait à cette épithète, surhumaines par rapport à nous.
ce soi-disant Destin pour les nations modernes aurait pu périr, comme une chose humaine, sous une main forte qui l’eût saisi et étreint comme Hercule étreignit les serpents de son berceau. […] Chaque siècle a sa philosophie, comme il a ses passions personnelles ; et c’est même une loi de l’esprit humain que la philosophie d’un siècle doive rayonner dans tout ce que ce siècle a produit. […] Tout pour lui sort de l’âme humaine. […] En prouvant, comme il l’a fait pour la Révolution française, qu’elle n’avait aucun des caractères providentiel, fatal, philosophique qu’on lui donne, il ne restait plus pour elle qu’une origine : la volonté et l’intelligence humaines, l’une dépravée et l’autre aveugle. […] Du reste, ce qui manque principalement à tous ces chefs de la Révolution française, à des degrés différents, il est vrai, mais ce qui manque profondément à tous, c’est le meilleur de la personnalité humaine : c’est le génie, c’est la foi, c’est le caractère.
De la comédie grecque Les tragédies (si l’on en excepte quelques chefs-d’œuvre) exigent moins de connaissance du cœur humain que les comédies, l’imagination suffit pour peindre ce qui s’offre naturellement aux regards, l’expression de la douleur. […] Mais cette délicatesse de goût, cette philosophie supérieure, que Molière a montrée dans ses comédies, il faut des siècles pour y amener l’esprit humain ; et quand un génie égal à celui de Molière eût vécu dans Athènes, il n’aurait pu deviner la bonne comédie. […] L’art comique, tel qu’il était du temps des Grecs, ne pouvait se passer d’allusions : on n’avait pas assez approfondi le cœur humain dans ses passions secrètes, pour intéresser seulement en les peignant ; mais il était très aisé de plaire au peuple en tournant ses chefs en dérision. […] Les comédies de Ménandre et les caractères de Théophraste ont fait faire des progrès, l’un dans la décence théâtrale, l’autre dans l’observation du cœur humain ; parce que ces deux écrivains avaient sur Aristophane l’avantage d’un siècle de plus ; mais, en général, les auteurs se laissent aisément séduire dans les démocraties, par l’irrésistible attrait des applaudissements populaires.
C’est une immense époque pour la société humaine, mais c’est une immense époque pour l’art. […] Les révolutions, ces glorieux changements d’âge de l’humanité, les révolutions transforment tout, excepté le cœur humain. Le cœur humain est comme la terre ; on peut semer, on peut planter, on peut bâtir ce qu’on veut à sa surface ; mais il n’en continuera pas moins à produire ses verdures, ses fleurs, ses fruits naturels ; mais jamais pioches ni sondes ne le troubleront à de certaines profondeurs ; mais, de même qu’elle sera toujours la terre, il sera toujours le cœur humain ; la base de l’art, comme elle de la nature. Pour que l’art fût détruit, il faudrait donc commencer par détruire le cœur humain.
Elle nous pousse dans l’engrenage terrible de la souffrance humaine et de la responsabilité humaine. […] Elle est bien simple, la vie humaine. […] Les hommes du Réveil abdiquaient les prétentions humaines par raisons morales. […] Elle fait plus, elle arrive à nier la liberté humaine comme elle a nié Dieu. […] Mais le matérialisme n’est pas le dernier mot du genre humain.
Ils ont aussi quelque chose de plus cordial et de plus humain. […] Ces bêtes à face humaine font profession de n’obéir qu’aux fatalités de la matière. […] Le Père est dans le vrai, sauf une phrase qui dépasse certainement sa pensée, car on n’est pas nécessairement une « bête à face humaine » pour être en dehors de la foi catholique. […] Mais, dans les deux cas « une nouveauté si oppressive, si humiliante pour l’orgueil humain », aurait rencontré des résistances, et l’on pourrait, par suite, en fixer la date précise. […] Ici quelque chose de vraiment humain a amolli la voix de l’orateur : Un homme, c’est ce qu’il nous faut.
Chaque littérature merveilleuse a ses personnages de prédilection : êtres surnaturels ou êtres humains. […] Parfois même il fait payer à l’espèce humaine sans discernement le tort qu’un homme lui aura fait subir (v. […] Il y a chez les guinné comme chez les humains, pour ceux du moins qui vivent en société, une hiérarchie constituée. […] Les enfants nés de ces unions tiennent en général du guinné plus que de la race humaine. […] Les guinné adoptent volontiers des enfants de race humaine et les enlèvent à leurs parents dans cette intention.
On ne regarde pas trente ans impunément sous des mots pour voir ce qu’ils cachent, fût-on l’esprit le plus robuste, le plus capable d’entrer dans le courant de la grande observation humaine et de produire des livres vivants. […] … Mesure circonscrite d’une chose circonscrite, histoire de peu, qu’il devait écrire avec le sang-froid d’un homme calmé qui sait bien qu’il n’y a pas de quoi exciter le moindre enthousiasme dans cette besogne, car de toutes les histoires de l’esprit humain, toutes si tristes et si vite finies, la plus triste et la plus vite finie c’est encore celle-là ! […] pour ma part, je n’ai jamais été de ceux qui s’exagèrent à plaisir la puissance de l’esprit humain. […] C’est la mesure du fini humain. […] Mais l’historien impatient de naître, l’historien sortait vite de ces généralités fondamentales, et il recherchait alors les origines de la Comédie, non plus dans une des quatre manifestations nécessaires de l’esprit humain, mais dans les contingences et les différences des sociétés et des civilisations.
Comme le divin perce sous l’humain ! […] Qu’est-ce que la religion, sinon un sublime effort de la nature humaine pour lutter contre sa corruption originelle ? […] Enfin, ce que les contemporains racontent de son action, achève d’expliquer son succès, un des plus éclatants qu’ait obtenus la parole humaine. […] Le propre de leur morale est de se proportionner aux forces humaines. […] Il faut que cela s’écrive sur le tard, ou par un homme de génie qui a su dès sa jeunesse toute la vie humaine.
La plus modeste des religions a eu mille fois plus de sectateurs et a plus influé sur les destinées du genre humain que toutes les écoles réunies. […] Les habiles alors perdent la tête, la prudence humaine est aux abois. […] Guizot, qui ont pleine confiance dans la nature humaine. […] La base de notre morale, c’est l’excellence, l’autonomie parfaite de la nature humaine ; le fond de tout notre système philosophique et littéraire, c’est l’absolution de tout ce qui est humain. […] L’influence bienfaisante de l’homme sur ses semblables est le but de toute société humaine.
Il en résulte qu’il y a et qu’il doit y avoir eu toujours des écrivains correspondants à ces trois phases de la vie humaine. […] et je voudrais bien qu’Alfred de Musset eût reçu du ciel ce complément de la journée humaine qu’on appelle le soir. […] Il ne nous imitait pas, cela est vrai, mais la nature humaine, dans la première jeunesse, est tellement imitatrice qu’à son insu Alfred de Musset en imitait d’autres que nous. […] En conscience nous ne croyons pas que la nature humaine ait jamais réuni dans un seul homme, tant de talent, tant de légèreté, tant de poésie, tant de grâce à tant d’innocente perversité. […] Mais si l’on entend par caractère cette solidité de membres, cet aplomb de stature, cette énergie de pose qui font qu’un homme se tient debout contre les vents de la vie et qu’il marche droit à pas réguliers dans les sentiers difficiles, vers un but humain ou divin placé au bout de notre courte carrière humaine ; non, Alfred de Musset ne reçut pas de la nature et ne conquit pas par l’éducation ce caractère, seul lest qui empêche le navire de chavirer dans le roulis des vagues.
Il suit dans ces rapprochements sa division des âges divin, héroïque et humain. Il conclut en démontrant que c’est la Providence qui conduit les choses humaines, puisque dans tout gouvernement ce sont les meilleurs qui ont dominé. […] (Âge humain.) — Rome, n’étant arrêtée par aucun obstacle extérieur, a fourni toute la carrière politique que suivent les nations, passant de l’aristocratie à la démocratie, et de la démocratie à la monarchie. — Conformément aux principes de la Science nouvelle, on trouve aujourd’hui dans le monde beaucoup de monarchies, quelques démocraties, presque plus d’aristocraties.
tenons-nous là, pauvres humains, s’écriait-elle, tenons-nous à l’ancre immuable. […] Je ne sais si ce sont de bonnes prières que celles qu’on fait avec tant d’affection humaine, tant de vouloir sur le vouloir de Dieu. […] Toute consolation humaine est vide : que j’éprouve cruellement la vérité de ces paroles de L’Imitation ! […] Me faire un oreiller d’une poitrine humaine ? […] Elle se reproche presque les affections humaines qu’elle garde, elle est près de s’en accuser
Ce n’est pas celle des philosophes proprement dits, qui analysent la machine humaine, la démontent, la décomposent, se donnent le plaisir de la regarder en dedans et en dessous, de l’expliquer tant bien que mal, et puis n’en font rien. […] C’est à propos d’un pamphlet politique, le Dictionnaire des Girouettes, ouvrage satirique et dénigrant, composé d’ailleurs dans un sens bonapartiste, qu’il faisait ces remarques sur la nature humaine. […] Ceux (et j’en ai connu) qui, nourris dans les idées opposantes, croyaient à Napoléon moins d’estime pour la nature humaine, sont heureusement combattus et en partie réfutés par de telles pages, par de telles paroles empreintes à la fois de sérieux et d’indulgence. […] Napoléon meurt donc en chef d’État, en homme social, en civilisateur, non comme un philosophe qui scrute et décompose au fond de son cabinet les instincts et les mobiles de l’âme humaine : lui, il les accepte et les pratique en ce qui est de lui et de sa volonté jusqu’à la fin, même lorsqu’il n’avait plus à s’en servir chez autrui. […] Il n’y a que les choses humaines exposées dans leur vérité, c’est-à-dire avec leur grandeur, leur variété, leur inépuisable fécondité, qui aient le droit de retenir le lecteur et qui le retiennent en effet.
Il a acquis à cette connaissance de la vie, la dose de véracité qui est indispensable au roman moderne, la force, la précision, la richesse et le pittoresque du style, les moyens, en somme, l’outil lui permettant d’élaborer et de ; réaliser sa conception particulière de l’âme et de la destinée humaine. […] Huysmans se figure le mécanisme de l’âme humaine, exagère certaines facultés, amoindrit l’action de certaines autres, que ses romans tranchent sur leurs congénères, se sont nécessairement revêtus d’un style original et aboutissent à une philosophie générale déduite jusqu’en ses extrêmes conséquences. […] Huysmans, si l’on écarte les traits généraux de toute conduite humaine, on arrive à constater qu’ils s’emploient à subir, à accumuler et à faire revivre des perceptions, surtout des perceptions visuelles, et surtout encore des perceptions visuelles colorées ou lumineuses. […] Cette conception de l’âme humaine est, chez M. […] Ils sont convaincus de l’avortement fatal de l’effort humain, dénigrent ses succès nécessairement partiels, dénoncent toutes les institutions nationales, contestent la possibilité du progrès et aboutissent, quand ils formulent la théorie générale de leurs sentiments, aux anathèmes du catholicisme ou à ceux plus absolus et aussi peu fondés de Schopenhauer.
Conclusion La perfectibilité de l’espèce humaine est devenue l’objet des sourires indulgents et moqueurs de tous ceux qui regardent les occupations intellectuelles comme une sorte d’imbécillité de l’esprit, et ne considèrent que les facultés qui s’appliquent instantanément aux intérêts de la vie. […] L’on dit que les lumières et tout ce qui dérive d’elles, l’éloquence, la liberté politique, l’indépendance des opinions religieuses, troublent le repos et le bonheur de l’espèce humaine. […] Comment donc forcer l’esprit humain à rétrograder, et lors même qu’on aurait obtenu ce triste succès, comment prévenir toutes les circonstances qui pourront donner aux facultés morales une impulsion nouvelle ? […] L’on peut donc dire aux ennemis comme aux partisans des lumières, qu’il est un point sur lequel ils doivent également s’accorder, s’ils sont amis de l’humanité ; c’est sur l’impossibilité de contraindre le cours naturel de l’esprit humain, sans accabler les hommes de maux bien plus funestes encore que tous ceux dont on peut accuser les progrès des lumières. […] Dans cette imperfection, à laquelle la nature humaine est condamnée, des qualités fortes et généreuses font oublier des égarements terribles, pourvu que le caractère de la grandeur reste encore imprimé sur le front du coupable, que vous sentiez les vertus à travers les passions, que votre âme enfin se confie à ces hommes extraordinaires, souvent condamnables, souvent redoutés ; mais qui, néanmoins, fidèles à quelques nobles idées, n’ont jamais trahi le malheur, ni frémi devant le danger.
La folie des vœux humains et le libertinage des femmes romaines ont été pour lui l’occasion de triomphes éclatants. […] Si la nature est le dernier mot de l’art humain, Phidias et Raphaël sont bien au-dessous des figures de Curtius. […] Aussi ne prétend-elle pas comprendre dans ses tableaux la conscience humaine tout entière. […] n’est-ce pas l’élément humain ? […] C’est pour avoir annoncé sa venue qu’ils méritent d’être nommés dans les annales de l’intelligence humaine.
Il est donc possible que l’intelligence humaine, au lieu d’être un accident, une dérogation, ait été déterminée, dès l’origine, comme la main humaine, comme les pieds humains, comme les cheveux humains. […] Il y eut peu de découvertes plus importantes pour l’histoire des croyances humaines. […] Apollon est beau, parce qu’il est le mâle humain dans toute sa pureté. […] Ils connaissent la nature humaine, savent la puissance des préjugés. […] Douter de cela, c’est douter de la dignité humaine.
Idée générale de la seconde Partie J’ai suivi l’histoire de l’esprit humain depuis Homère jusqu’en 1789. […] Quoi qu’il en soit, cette seconde Partie contenant quelques idées générales sur les progrès de l’esprit humain, il peut être utile de développer ces idées, dussent-elles ne trouver leur application que dans un autre pays ou dans un autre siècle. […] Il est impossible de condamner la pensée à revenir sur ses pas, avec l’espérance de moins et les regrets de plus ; l’esprit humain, privé d’avenir, tomberait dans la dégradation la plus misérable. […] Si vous portez des talents supérieurs au milieu des passions humaines, vous vous persuaderez bientôt que ces talents mêmes ne sont qu’une malédiction du ciel ; mais vous les retrouverez comme des bienfaits, si vous pouvez croire encore au perfectionnement de la pensée, si vous entrevoyez de nouveaux rapports entre les idées et les sentiments, si vous pénétrez plus avant dans la connaissance des hommes, si vous pouvez ajouter un seul degré de force à la morale, si vous vous flattez enfin de réunir par l’éloquence les opinions éparses de tous les amis des vérités généreuses.
Quand il fut tout près du vieillard-aux-yeux-de-soleil, il reconnut quantité de crânes humains épars sur le sol. […] Tu serais cause de ma perte car les yébem, à leur retour, me tueraient sans pitié sitôt qu’ils auraient senti l’odeur de chair humaine dans leur case. » Sakaye qui savait que le guinné-aux-yeux-de-soleil ne pouvait rien contre lui, puisque le grigri l’empêchait de se mettre debout, entra précipitamment dans la case. […] Tu dois tenter de les reprendre car il est sans exemple qu’une yébem ait laissé ses ailes entre des mains humaines. » La jeune yébem, malgré sa frayeur, remonta dans la case et s’adressant à Sakaye : « Humain !
Ainsi Cecil a traversé toute l’échelle du développement humain. […] La poésie est là qui doit rayonner au Zénith de la pensée humaine. […] Les vrais poètes sont donc des guides sûrs pour l’espèce humaine. […] Fouillée dans ses belles études sur la liberté idée-force nous a permis de le concevoir, celui de la plus grande liberté humaine. […] Revenons à grands pas à la réalité, c’est-à-dire au fond immortel de l’esprit humain.
La beauté est la différence humaine, l’exception humaine sous sa forme la plus voyante, la plus glorieuse, la plus enviée, presque la plus agressive. […] Elle vaut uniquement comme moyen d’enseignement social et d’amélioration sociale. — Pour Guyau, la beauté se définit en fonction de la sympathie humaine. […] Il est le grand messager de paix, le musagète de la fraternité humaine. […] Les âmes sont trop différenciées pour que l’art qui est précisément le domaine où s’affirme le mieux cette différenciation en arrive jamais à produire l’uniformité de sentiments souhaitée par Tolstoï. — Quant à Guyau, il oublie que si l’art est, en un sens, un élément de sympathie humaine, il est aussi, en un autre sens, un ferment de rivalités et de discordes. […] Cette volonté d’indépendance, cette culture esthétique raffinée, si elle produit des exemplaires humains d’une singularité plus saisissante, est par contre funeste à la santé et à la force de l’organisme social.
Elle ne ressemble à aucune autre Lyre humaine : Hugo, est tour à tour épique, satirique et attendri. […] J’aime son âme ardente et tourmentée, son génie si humain. […] Mais pourquoi le feraient-ils, ceux qui, venus après tant d’expériences, savent que tout est vain, hors d’être humain en demeurant un artiste ? […] Verlaine nous révéla des frissons humains inconnus. […] Et peu m’importe qu’il y ait plus lyrique, ou plus historique, ou plus humain.
Dans Pindare, c’est l’imagination cultivée ; dans David, c’est le cœur humain inculte qui éclate. […] Si le cœur humain était devenu harpe, c’est ainsi qu’il aurait résonné ! […] Voilà David, ou plutôt voilà le cœur humain avec toutes les notes que Dieu a permis de rendre sur la terre à cet instrument de douleur, de larmes, de joie ou d’adoration ! […] Voilà le vase des parfums brisé sur le parvis du temple et répandant ses odeurs du cœur de David dans le cœur du genre humain presque tout entier ! […] Heureux l’homme à qui il a été donné de devenir ainsi l’hymne éternellement vivant, la prière ou le gémissement personnifié du genre humain !
Je n’y vois que cette crainte réfléchie qu’ils ont découverte, non dans les livres d’Aristote, mais dans le cœur humain. […] Les traditions religieuses, les fables même, par leur conformité avec le cœur humain, ont autant de réalité historique que les faits de l’histoire proprement dite. […] Ce que l’esprit humain tient pour vraisemblable, ce que le cœur humain tient pour vrai, voilà l’histoire. […] Il n’y a pas mis tout ce qu’il savait du cœur humain ; il ne pensait guère qu’à échanger avec ses contemporains du plaisir contre de la popularité. […] Le grand est le côté par lequel il voyait les choses humaines.
XI C’est donc comme une science ayant un objet distinct, savoir l’esprit humain, que l’on doit envisager la philologie ou l’étude des littératures anciennes. […] Pour nous, il nous semble que l’on place la philologie dans une sphère beaucoup plus élevée et plus sûre en lui donnant une valeur scientifique et philosophique pour l’histoire de l’esprit humain, qu’en la réduisant à n’être qu’un moyen d’éducation et de culture littéraire. […] Welcker traite avec beaucoup de mépris, et les œuvres de second ordre des littératures classiques, si elles servent moins à former le goût, offrent quelquefois plus d’intérêt philosophique et nous en apprennent plus sur l’histoire de l’esprit humain que les monuments accomplis des époques de perfection. […] Il serait possible, en prenant l’une après l’autre les langues de tous les pays où l’humanité a une histoire, d’y vérifier cette marche, qui est la marche même de l’esprit humain. […] L’analyse est quelque chose de plus avancé et correspond à un état plus scientifique de l’esprit humain.
De la famille composée des parents et des enfants, sans esclaves ni serviteurs Les héros sentirent, par l’instinct de la nature humaine, les deux vérités qui constituent toute la science économique, et que les Latins conservèrent dans les mots educere, educare, relatifs, l’un à l’éducation de l’âme, l’autre à celle du corps. […] Ainsi commença la croyance universelle de l’immortalité des âmes humaines, appelées dii manes, et dans la loi des douze tables, deivei parentum... […] Les premiers hommes qui fondèrent la civilisation avaient été conduits à la société par la religion et par l’instinct naturel de propager la race humaine, causes honorables qui produisirent le mariage, la première et la plus noble amitié du monde. […] Thésée fonde Athènes en élevant l’autel des malheureux, nom bien convenable à ceux qui erraient auparavant, dénués de tous les biens divins et humains que la société avait procurés aux hommes pieux. […] À ce droit héroïque Ulpien oppose le droit naturel des peuples civilisés (gentium humanarum) ; il les appelle civilisés ou humains, par opposition aux barbares des premiers temps ; et il ne peut entendre parler des barbares qui de son temps se trouvaient hors de l’Empire, et dont par conséquent le droit n’importait point aux jurisconsultes romains.
C’étoit peu de se pénétrer de l’esprit des Institutions humaines, de les considérer dans le but qu’elles se proposent, d’en calculer les inconvéniens & l’utilité : il falloit interroger les Législateurs eux-mêmes, se mettre à leur place, développer ce qu’ils ne laissoient qu’entrevoir, analyser les divers rapports que les Loix ont entre elles & avec tout ce qui tient à l’homme, expliquer enfin les motifs de leur établissement. […] Les causes de la grandeur & de l’abaissement des Romains se trouvent dans leur Histoire ; mais il n’y avoit qu’un homme de génie consommé dans la politique & la connoissance de l’esprit humain, qui pût les y découvrir, les lier ensemble, en former un tissu historique, qui prouve, d’une maniere lumineuse, ce qu’on s’est proposé de montrer. […] Ce même Ecrivain avoit dit auparavant, en parlant de l’Esprit des Loix : « Le genre humain avoit perdu ses titres ; Montesquieu les a retrouvés, & les lui a rendus ». […] Les principes du Christianisme, bien gravés dans le cœur, seroient infiniment plus forts que ce faux honneur des Monarchies, ces vertus humaines des Républiques, & cette crainte servile des Etats despotiques… Chose admirable, dit-il ailleurs, la Religion Chretienne, qui ne semble avoir d’objet que la félicité de l’autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci ».
et quel rêve absurde contre le genre humain ! […] et supprimez du même coup toute propriété de la terre pour d’autres familles humaines que la famille de Romulus armée contre tous ! […] la plus atroce tyrannie en masse qui ait jamais avili, possédé ou égorgé l’espèce humaine ! […] et, quand vous le voudriez, où est le genre humain qui le veuille une seconde fois ? […] Où est la force humaine qui fera cela ?
Du temps de Thérèse Raquin, il voyait rouge comme le Chourineur et il charcutait dans le crime et la chair humaine. […] Le drame humain qui se noue et se dénoue dans ce Ventre de Paris, où il n’y a, comme dans le ventre de l’homme, que des choses physiques, est d’une pauvreté psychologique qui fait pitié. […] Zola, qui voudrait retrancher la spiritualité humaine de la littérature et du monde, n’est, en définitive, qu’un singe de Balzac dans la crotte du matérialisme, écrivant pour les singes de M. […] Zola, mysticisme et idiotisme ne sont qu’une équation dans la tête humaine. […] Mais ceux-là que le matérialisme contemporain n’a point pénétrés savent bien que l’âme humaine et Dieu sont esthétiquement nécessaires, et que là où ils ne sont pas, il n’y a jamais de chef-d’œuvre !
On lira peu les auteurs de notre siècle ; mais, qu’ils s’en consolent, on en parlera beaucoup dans l’histoire de l’esprit humain. […] Soit, par exemple, l’histoire de la médecine, une des plus curieuses et des plus importantes pour l’histoire de l’esprit humain. […] Chacune de ces études n’a de valeur que par sa place dans le tout et par ses relations avec la science de l’esprit humain. […] De tout cela ne sortirait peut-être pas encore quelque chose de bien merveilleux ; car je fais assez peu de cas de la philosophie arabe ; mais n’en résulta-t-il qu’un atome pour l’histoire de l’esprit humain, mille vies humaines seraient bien employées à l’acquérir. […] Il est une foule d’autres cas où les questions les plus vitales pour l’esprit humain dépendent des plus menus détails philologiques.
Montesquieu accorde trop non seulement en dehors, mais en secret et dans sa propre pensée, au décorum de la nature humaine. […] Il aurait eu besoin, je le répète, d’une révolution (ne fût-ce que d’une Fronde comme en vit Pascal) pour lui rafraîchir l’idée de la réalité humaine, cette idée qui se recouvre si aisément durant les temps calmes et civilisés. […] Les événements où la prudence humaine n’eut que la plus petite part sont des époques plutôt que des conséquences. […] Il y a autant d’esprit que de connaissances pratiques. » Ce dernier point est devenu douteux pour nous : « Il n’y a aucun livre, a dit au contraire un critique anglais moderne, qu’on puisse citer comme ayant autant fait pour la race humaine dans le temps où il parut, et duquel un lecteur de nos jours puisse tirer si peu d’idées positives applicables. » Mais c’est là la destinée de presque tout ouvrage qui a fait marcher l’esprit humain. […] Le cercle des choses humaines, qui a tant de tours et de retours, et duquel on ne peut jamais dire qu’il est clos et terminé, a semblé déjà bien des fois donner tort ou raison à Montesquieu.
Mais, là où il le trouve incomparable, c’est dans l’art de dessiner des caractères, et de donner à tous ses personnages un air de vérité : Quel génie a pénétré jamais plus profondément dans tous les caractères et dans toutes les passions de la nature humaine ? […] Puisque le cercle des connaissances humaines est si borné, et qu’on ne peut guère se flatter de reculer les limites de l’esprit humain, qu’y a-t-il à faire pour un auteur philosophique qui veut encore intéresser ? […] Rousseau, dit Grimm, que l’espèce humaine soit maintenant dans l’âge de vieillesse qui répond à l’âge de soixante ou soixante-dix ans d’un individu, n’est-il pas évident qu’on ne peut pas faire un crime à un homme d’avoir soixante ans ? […] Quant à d’Holbach, ce furieux incrédule, et qui voulait convertir tout l’univers à son athéisme, il était tel de caractère qu’il croyait sur les choses de la vie tous ceux qu’il voyait : « Il ne sait jamais ce qu’il veut, et le dernier qui lui parle a toujours raison. » Voilà quelques-uns de ceux qui se posaient emphatiquement alors comme les professeurs du genre humain. […] Par je ne sais quel prestige, dont l’illusion se perpétue de génération en génération, nous regardons le temps de notre vie comme une époque favorable au genre humain et distinguée dans les annales du monde… Il me semble que le xviiie siècle a surpassé tous les autres dans les éloges qu’il s’est prodigués à lui-même… Peu s’en faut que même les meilleurs esprits ne se persuadent que l’empire doux et paisible de la philosophie va succéder aux longs orages de la déraison, et fixer pour jamais le repos, la tranquillité et le bonheur du genre humain… Mais le vrai philosophe a malheureusement des notions moins consolantes et plus justes… Je suis donc bien éloigné d’imaginer que nous touchons au siècle de la raison, et peu s’en faut que je ne croie l’Europe menacée de quelque révolution sinistre.
mais vous n’êtes pas encore descendu à la vie de tous, à cette vie humaine, vous n’êtes pas encore au roman ! […] Ainsi des autres caractères ; les poëtes adolescents, encore entiers, n’imaginent pas d’autre nature humaine que celle-là, double en général, et absolue, excessive dans chaque sens. […] Son Dernier Jour d’un Condamné proclama avec une saisissante éloquence, quoique d’un ton plus irrité peut-être qu’il n’eût convenu en matière de miséricorde, le respect pour la vie humaine, alors même qu’elle s’est souillée de sang. […] Tant qu’on reste en effet sur le terrain moyen des aventures humaines dans la zone mélangée des malheurs et des passions d’ici-bas, comme l’ont fait Le Sage et Fielding, on peut garder une neutralité insouciante ou moqueuse, et corriger les larmes qui voudraient naître par un trait mordant et un sourire ; mais dès qu’on gravit d’effort en effort, d’agonie en agonie, aux extrémités funèbres des plus poétiques destinées, le manque d’espérance au sommet accable, ce rien est trop, ce ciel d’airain brise le front et le brûle. […] On y trouve des points extrêmes de la nature humaine qui ne sont pas ramenés au degré possible de fusion et d’atténuissement.
Comme l’instinct de l’amour, qui par moments élève l’homme le plus vulgaire au-dessus de lui-même, se change parfois en perversion et en férocité ; ainsi cette divine faculté de la religion put longtemps sembler un chancre qu’il fallait extirper de l’espèce humaine, une cause d’erreurs et de crimes que les sages devaient chercher à supprimer. […] Jamais l’homme, en possession d’une idée claire, ne s’est amusé à la revêtir de symboles : c’est le plus souvent à la suite de longues réflexions, et par l’impossibilité où est l’esprit humain de se résigner à l’absurde, qu’on cherche des idées sous les vieilles images mystiques dont le sens est perdu. […] De bonne heure, ils annoncèrent des espérances illimitées, et quand le peuple, en partie victime de leurs conseils impolitiques, eut été écrasé par la puissance assyrienne, ils proclamèrent qu’un règne sans bornes lui était réservé, qu’un jour Jérusalem serait la capitale du monde entier et que le genre humain se ferait juif. […] Jusqu’au temps des Macchabées, le judaïsme, malgré sa persistance à annoncer qu’il serait un jour la religion du genre humain, avait eu le caractère de tous les autres cultes de l’antiquité : c’était un culte de famille et de tribu. […] Le Messie ne fut plus un roi à la façon de David et de Salomon, un Cyrus théocrate et mosaïste ; ce fut un « fils de l’homme » apparaissant dans la nue 94, un être surnaturel, revêtu de l’apparence humaine, chargé de juger le monde et de présider à l’âge d’or.
Plaçons donc au plus haut sommet de la grandeur humaine la personne de Jésus. […] Que la médecine ait des noms pour exprimer ces grands écarts de la nature humaine ; qu’elle soutienne que le génie est une maladie du cerveau ; qu’elle voie dans une certaine délicatesse de moralité un commencement d’étisie ; qu’elle classe l’enthousiasme et l’amour parmi les accidents nerveux, peu importe. […] L’histoire de l’esprit humain est pleine de synchronismes étranges, qui font que, sans avoir communiqué entre elles, des fractions fort éloignées de l’espèce humaine arrivent en même temps à des idées et à des imaginations presque identiques. […] Le commerce des idées dans l’espèce humaine ne s’opère pas seulement par les livres ou l’enseignement direct. […] La société juive offrait l’état intellectuel et moral le plus extraordinaire que l’espèce humaine ait jamais traversé.
Les grands hommes peuvent seuls comprendre ce dernier point des connaissances humaines, où l’on voit s’évanouir les trésors qu’on avait amassés, et où l’on se retrouve dans sa pauvreté originelle. […] Locke emploie les trois premiers chapitres du quatrième livre de son Essai sur l’entendement humain, à montrer les bornes de notre connaissance, qui sont réellement effrayantes, tant elles sont rapprochées de nous. […] Donnez-lui d’abord des notions claires de ses devoirs moraux et religieux ; enseignez-lui les lettres humaines et divines : ensuite, quand vous aurez donné les soins nécessaires à l’éducation du cœur de votre élève, quand son cerveau sera suffisamment rempli d’objets de comparaison et de principes certains, mettez-y de l’ordre, si vous le voulez, avec la géométrie. […] Qu’on ait des charrues plus légères, des machines plus parfaites pour les métiers, c’est un avantage ; mais croire que le génie et la sagesse humaine se renferment dans un cercle d’inventions mécaniques, c’est prodigieusement errer. […] Essai sur l’Origine des Connaissances humaines, tom.
Mais sa manière de comprendre le combattant donne la manière dont il comprend la nature humaine, et qui la comprend comprend tout. […] Il a toute sa vie trop touché à l’homme ; il l’a trop manié, trop commandé, surtout dans ces terribles moments où, sous la foudre du danger, il se déchire, s’entrouvre et se montre jusqu’aux racines de son être, pour ne pas le connaître à fond et pour ne pas appuyer sur cette connaissance impitoyable de la nature humaine un système de discipline qui doive la rendre héroïque, de lâche qu’elle est ordinairement devant la mort. […] Seulement, dans un temps où la philosophie émet sur la nature humaine les notions les plus orgueilleusement fausses et la pousse à toutes les indépendances et à toutes les révoltes, et où la philanthropie, à son tour, bave d’attendrissement sur l’homme et sur le bonheur qui lui a toujours manqué, à ce pauvre homme ! […] comme un outrage à cette magnifique nature humaine, qui est en train de remplacer Dieu, et, dans un siècle où toutes les législations s’énervent et où l’homme veut échapper à toutes les contraintes, paraîtra peut-être, aux ignorants contempteurs de l’histoire, quelque chose comme un stupide esclavage et comme un radotage affreux de la barbarie du passé ! […] Les mécaniques, les armes de précision, tous les tonnerres inventés par l’homme et ses sciences, ne viendront jamais à bout de cette chose, méprisée pour l’heure, qui s’appelle l’âme humaine, mais que des livres comme celui du colonel Ardant du Picq, s’il y en avait beaucoup, empêcheraient de mépriser.
Blaze de Bury, qui ne doit croire qu’à lui-même, comme tous les dandys de tous les temps, sacre dans sa personne la personnalité humaine. Il a la bonté grande de se généraliser au profit du genre humain. […] Le dilettante, le raisonneur, le psychologue, comme Blaze de Bury s’appelle, le chercheur du vrai humain plus que du vrai historique, n’a pas craint d’aller, qui sait ? […] Il y a, dans son livre, beaucoup de vrai historique, à côté de ce vrai humain dont il est si friand… Il sait évidemment — et très à fond — l’époque d’Auguste et les affreuses mœurs romaines, qui ne le troublent pas beaucoup, d’ailleurs, et contre lesquelles il ne fait jamais la moindre déclamation, le moindre petit signe de moralité indignée : les dandys n’étant, par état, ni des prudes ni des bégueules. […] Sans le souvenir de ce terrible buste, qui dit tout à qui peut lire dans la physionomie humaine, Suétone et Tacite disparaissaient dans l’atmosphère créée par Blaze de Bury, cet incantateur qui produit nos illusions avec les siennes, et l’on était emporté !
Je n’ai jamais admis non plus sa grandeur humaine. La grandeur humaine, c’est toujours du caractère ou du génie. […] Mais, si j’écarte la grandeur divine et humaine, j’ai très volontiers accepté Gœthe comme un cerveau d’une certaine force, comme doué jusqu’à un certain point d’imagination, de réflexion et de goût. […] Que Michel-Ange, qui ne l’était pas, lui, à quatre-vingts ans, l’eût été, rien d’étonnant, avec la fougue de ce génie qui devait tarir la force humaine, comme le soleil boit une flaque d’eau. […] Ou bien encore : « Shakespeare est un grand psychologue, et l’on apprend dans ses pièces à connaître le cœur humain (page 89). » Quelle nouveauté et quel renseignement !
Bien avant ce livre, du reste, et avant moi, en 1862, un écrivain catholique, que les hommes du monde appelleraient « un voyant » en matière humaine et littéraire, et les esprits religieux « un mystique » de surnaturelle pénétration, Ernest Hello, avait montré, dans un très beau et très touchant travail de critique, que Michelet était chrétien dans la racine même de son être, et comment le christianisme naturel qu’il avait tout fait pour s’arracher de l’âme aurait, s’il l’y avait laissé, donné à son talent toute la beauté de sa destinée. […] Mais le xviiie siècle, malgré le matérialisme de Diderot et la raillerie de Voltaire, malgré ce marteau et cette hache, n’avait pu venir tout à fait à bout de l’âme humaine ; et l’enthousiasme qu’il voulait éteindre reflamba dans l’amour de la patrie, qui remplaça l’amour de Dieu. […] C’est bien moins de leur génie militaire et de leurs hauts faits de bataille dont il se préoccupe que de ces vertus, qu’il croit humaines et qui sont chrétiennes ; car l’Antiquité, qui ne fut qu’humaine, n’a rien produit de comparable à de tels héros ! […] La vertu la plus rare, la plus étrange, et si étrange qu’on ne la conçoit même que surnaturelle, — parce que, dans l’ordre humain, elle n’existe pas, — l’humilité, est ici dans toute son incompréhensibilité, claire seulement pour Dieu et pour ceux qui y croient ! […] Il sait qu’il est dans la nécessité des choses humaines que les chefs, qui les conduisirent, héritent de la fortune des soldats.
Sous les mille arabesques du style, comme on dit maintenant et dont tant de gens sont capables avec de la bonne volonté, il y a dans le livre de M. de Beauvoir, comme au fond de la volute d’un coquillage, la perle, rayée ou malade, si l’on veut, mais la perle de la poésie, la goutte d’éther ou de lumière qui est peut-être une larme, teintée de rose par le sang de quelque souffrance, et qui est plus pour l’âme humaine que toute cette inerte poésie de camaïeu et de dessus de porte qu’on a déplacée et qu’on donne aujourd’hui pour des vers ! […] Lui, le byronien des anciens jours, n’a gardé de son byronisme que les nuances humaines qui appartiennent à toutes les âmes, car Byron, dont l’admiration a fait une manière, et à qui l’affectation en avait donné une, n’est plus qu’humain dans la partie vraiment supérieure de ses œuvres, dans la partie qui ne croulera pas. Chez l’auteur de Colombes et Couleuvres, cette poésie humaine et vraie, qui prend sa source dans les sentiments éternels et que chaque poète exprime avec une voix différente, a une fraîcheur d’accent que rien n’a flétrie, et à laquelle se joint une morbidesse qui relève encore le charme de cette étrange fraîcheur… Autrefois, sous cette Monarchie qui mettait de la force dans les institutions et de la poésie dans les mœurs, le deuil de la cour était noir et rose. […] Le Christianisme n’est pas seulement une civilisation qui renferme en soi toutes les civilisations possibles : c’est aussi le dernier mot de la nature humaine prise dans ce mystère de la vie qui l’étreint et qui la déchire. […] Ainsi encore les Lakistes et Wordsworth en Angleterre, s’ils manquent de vérité humaine, sont, au point de vue de la langue poétique, de très grands écrivains.
Le roman d’aventure est dans les conceptions de l’esprit humain comme le roman complet, le roman d’observation supérieure, car il y a dans l’esprit humain des choses petites à côté des choses grandes, et même il y en a beaucoup plus… Si je ne reconnaissais à M. […] Gil Blas est respecté non-seulement comme le chef-d’œuvre du roman et le génie du roman au dix-huitième siècle, mais comme un chef-d’œuvre de l’esprit humain, et une telle opinion ne m’étonne pas, venant, comme elle en vient, du dix-huitième siècle… Pour mon compte, cela ne m’étonne nullement que le siècle qui admira cette brillante canaille de Casanova, d’Aventuros Casanova, comme l’appelait le prince de Ligne, ait trouvé Gil Blas une œuvre charmante et sublime. […] Trop philosophe et trop libertin pour avoir le génie de la passion, cette source inépuisable du roman de grande nature humaine, le dix-huitième siècle, le siècle de l’abstraction littéraire comme de l’abstraction philosophique, qui n’eut ni la couleur locale ni aucune autre couleur, — qui ne peignit jamais rien en littérature, — car Rousseau, dans ses Promenades, n’est qu’un lavis, et Buffon dans ses plus belles pages qu’un dessin grandiose, — ce siècle, qui ne comprenait pas qu’on pût être Persan, dut trouver, le fin connaisseur qu’il était en mœurs étrangères ! […] Je le sais, et je ne m’en étonne pas ; mais qu’aujourd’hui, en plein dix-neuvième siècle, quand les passions et leur étude, et leurs beautés, et leurs laideurs, et jusqu’à leurs folies, ont pris dans la préoccupation générale la place qu’elles doivent occuper ; quand la littérature est devenue presque un art plastique, sans cesser d’être pour cela le grand art spirituel ; quand nous avons eu des creuseurs d’âme, des analyseurs de fibre humaine, des chirurgiens de cœur et de société, enfin qu’après Chateaubriand, Stendhal, Mérimée et Balzac, Balzac, le Christophe Colomb du roman, qui a découvert de nouveaux mondes, la vieille mystification continue et que la réputation de Gil Blas soit encore et toujours à l’état d’indéracinable préjugé classique, voilà ce qui doit étonner ! […] j’allais presque dire prostitué), il a parfois touché avec une main moderne, et qui n’est pas la gourde main de ce chiragre de Le Sage, à la passion, au sentiment, à l’idée, à toutes ces choses qu’on ne peut pas plus rejeter entièrement du roman que de l’âme humaine.
Qu’on se figure ces matinées rêveuses d’un lendemain de comédie pour le génie adolescent devant qui, dans la nouveauté de l’apparition, la vie humaine se déroulait déjà comme une scène perpétuelle. […] Il suivit, pour son noviciat, Louis XIII dans le voyage de Narbonne en 1641, et fut témoin, au retour, de l’exécution de Cinq-Mars et de De Thou : amère et sanglante dérision de la justice humaine. […] Ils ne gouvernent pas leur génie selon la plénitude et la suite de la liberté humaine. […] Mais lord Southampton lui fit ensuite remarquer son erreur, et lui expliqua comment le visage humain et proportionné de Shakspeare, qui frappait peut-être moins au premier abord, était pourtant le plus beau. […] La base humaine, sur laquelle les passions de ses personnages se relèvent et sont en jeu, ne semble pas la même entre le poëte et les spectateurs.
C’est un mauvais conducteur du genre humain que celui qui est athée. » Le vieux représentant du peuple ne répondit pas. « Il eut un tremblement. […] Toute religion est « un avortement du rêve humain » devant l’être et « devant le firmament ». […] » — Si les hommes sont semblables dans leur humaine essence, « d’où vient donc le deuil, d’où sort le vice ? […] il a glissé, il est tombé, c’est fini… Ô marche implacable des sociétés humaines ! […] Il ne concède pas à la loi humaine « je ne sais quel pouvoir de faire ou, si l’on veut, de constater des démons ».
La société est un système plus ou moins compliqué de relations sociales au sein desquelles un individu humain est appelé à vivre. […] Il n’est pas question davantage de poser en face de la société l’individualité humaine conçue à la manière de Kant et de Fichte comme une unité absolue, une essence spirituelle, identique chez tous les êtres humains.
La vérité est que j’en sais trop long sur la nature humaine. Quand vous aurez pioché votre cœur humain encore une vingtaine d’années, vous verrez quelle lassitude. […] Ces âmes-là sont celles qui éprouvent le plus ardent besoin d’une solution humaine de la vie humaine. […] La poésie épique et lyrique, celle qui aperçoit la vie humaine à travers le mirage d’une exaltation. […] Faut-il voir là simplement une preuve de l’inguérissable inquiétude qui pousse l’âme humaine à toujours changer ?
Il considère le tout du même œil impartialement humain. […] La pensée spiritualiste dans toutes ses branches n’accorde sa hautaine attention qu’aux sommets de la créature, qu’aux seules floraisons de l’être humain ; les racines semblent indignes de son attention et dépendent de la catégorie des choses basses. […] L’animal humain n’apparaît pas pour lui l’acteur isolé dans un site conventionnel, la terre et l’homme se communiquent la même chaude parole, échangent les mêmes fluides, participent au même souffle. […] Elle a nettement préféré aux documents humains l’idéal détaché de tout organisme ; elle a tenté de rompre ses liens avec le monde, attirée par les sommets spirituels. […] En niant les vieilles et profondes intuitions de la métaphysique, en n’apercevant pas le lien qui les unit aux jeunes découvertes de la physique (au sens large), il a brutalement dissocié l’être humain, et méconnu une part énorme de sa richesse.
Il y a dans l’esprit humain, comme dans les végétaux, des pensées mâles et des pensées femelles. […] Sa littérature façonnée est l’écrin de l’intelligence humaine. […] Le bon sens est : la moyenne rigoureuse de l’esprit humain dans tout l’univers et dans tous les temps. […] Voilà pourquoi nous ne plaçons, dans notre opinion personnelle, ce genre de littérature qu’à un degré inférieur dans les œuvres de l’esprit humain. […] Il fut un des fondateurs de cette monarchie du goût, qui fut d’abord française, et qui, grâce à l’unité de l’esprit humain qui se constitue de plus en plus en Europe, devient maintenant universelle.
Le visage humain ne nous paraît guère valoir la peine que personne tremble devant lui, et surtout un chrétien qui sait bien que tout ce limon s’en va retourner en poussière. […] Il fait de l’histoire passionnée comme en doivent faire les faibles créatures humaines qui aiment la vérité et la justice. […] Elles sont toutes permises peut-être, parce qu’il n’y en a plus de nouvelles à attendre de l’esprit humain affaibli. […] Il aurait produit une œuvre plus louable encore s’il avait opposé l’esprit du catholicisme, taillé sur les proportions de l’esprit humain, à la sécheresse indigente de l’esprit protestant. […] Les choses (comme disent les philosophes) importent assez peu à la marionnette humaine, laquelle a pris au sérieux le mot d’Épicure et ne fait estime que de ce qui est coulé dans le moule et les proportions de sa petitesse.
si cette religion ne fut faite que pour le bonheur des misérables, elle fut donc faite pour celui du genre humain ! […] Il y va de la vérité fondamentale de toute société humaine, du frein à imposer aux méchants qui se feraient une autorité de votre silence, et du repos des gens de bien qui en frémiraient. […] Ils ont trop aspiré aux choses humaines, ils ont fini par croire qu’il y avait quelque chose de plus beau que la vérité ; ils ont dit plus qu’ils ne sentaient. […] Que si l’on veut combattre ou défendre avec des raisonnements des choses qui surpassent la lumière de la raison humaine, c’est ce qui n’est pas possible. […] Tel est l’homme de lettres accompli, le traducteur de l’âme humaine.
La grandeur des masses, l’immensité de l’espace, la longueur infinie du temps sont autant de formes du sublime ; mais c’est surtout l’idée du génie humain — de Newton et d’Aristote, de Shakespeare et d’Homère — qui nous suggère cette émotion. « La puissance humaine est le sublime vrai et littéral, et il est le point de départ pour la sublimité de puissance dans toute autre chose. […] Il me semble cependant que sa grande préoccupation a été celle-ci : donner à la moralité un caractère purement humain. […] Il a visé, avant tout, à la fonder non sur une abstraction, mais sur un fait et un fait humain. […] Il faut les chercher dans l’esprit humain et non dans quelque chose d’extérieur à l’esprit humain.
Quelles que soient les réserves que l’on puisse faire au sujet de Montesquieu, il me semble que le premier hommage à lui rendre est tout d’abord de signaler son génie comme un des plus beaux qui honorent l’espèce humaine. […] Il est juste, libéral, humain, dès qu’il veut que tout le monde soit de même. […] L’homme à qui nous devons en quelque sorte un nouveau sentiment n’a-t-il pas fait un bien grand don à l’espèce humaine ? […] Je réponds : Il y a sans doute une mélancolie de décadence et de faiblesse, mais il y a aussi une mélancolie éternelle, très-convenable au cœur humain, composée à la fois, comme l’a très-bien défini M. […] C’est ainsi que doit se concilier le débat entre ces deux siècles, qui répondent à deux besoins éternels du cœur humain : le besoin du mouvement et du progrès, le besoin de la stabilité et de la conservation.
Il était si possédé de sa passion, qu’il l’apercevait en tout le monde et l’imposait au genre humain ; le fond de l’homme, à ses yeux, est la connaissance de la vérité morale. […] On prend courage, et on estime la raison humaine, quand on la voit si assidûment victorieuse, si assurée dans sa démarche, capable de surmonter tant de si grands obstacles, pourvue de tant de finesse, de rectitude, de solidité et d’attention. […] « Je ne comprends pas que, prenant le scepticisme corps à corps, on prétende démontrer que l’intelligence humaine voit réellement les choses telles qu’elles sont. Comment ne s’aperçoit-on pas que cette prétention n’est autre chose que celle de démontrer, l’intelligence humaine par l’intelligence humaine ? […] Priez un grammairien d’examiner ces mots : Faits moraux de la nature humaine, capacité sensible, personnalité qui ne gouverne plus, pouvoir qui garde la vertu de faire ; il n’y trouvera que des monstres.
Elle sert à cela dans l’ordre humain. […] Cela, c’est l’ordre humain. […] Dieu est l’instituteur du genre humain. […] Il connaissait la faiblesse de l’esprit humain. […] L’humanité a droit à la grandeur humaine.
Centres d’action et de passion, mesures de toutes valeurs et valeurs elles-mêmes absolues, nous posons les personnes humaines comme seules véritables causes et fins : à elles seules, par suite, les notions de devoir et de droit nous paraissent pouvoir s’appliquer, C’est pourquoi nous déclarons que les choses sont « utilisables », et les personnes « respectables » : la notion de à valeur des choses n’entraîne que celles de nos prétentions et de nos pouvoirs sur elles ; la notion de la valeur des personnes entraîne celles de nos devoirs envers elles. […] Sous les différences que maintiennent entre eux les sociétés particulières ou les races spéciales auxquelles ils appartiennent, il faut que nous ayons retrouvé leurs ressemblances, grâce auxquelles nous les posons comme faisant également partie de la société humaine, du genre humain. […] Le respect du genre humain ruine celui de la caste, mais non celui de la personnalité.
Les plaintes du poëte sont celles de toute âme humaine contristée, depuis Job : « Nous serions bien moins étonnés de souffrir, si nous savions combien la douleur est plus adaptée à notre nature que le plaisir. […] Pierre Simon d’écrire aussi quelque chose ; il ne le voulait point ; elle le pressa, il écrivit : « Cet ermitage rappelle assez bien les destinées humaines : resserré dans des bornes étroites, on y jouit d’une étendue immense. » N’est-ce point peu après ce pèlerinage au Mont-Cindre, que M. […] Ballanche ce qu’il a dit de la pensée humaine en général ; son idée s’émancipa de cette forme de la Restauration où elle avait voulu trouver asile, et, devenue plus libre, elle plana dans des cercles indéfinis. […] Ballanche, l’homme peut faire sa destinée ; mais il ne peut rien sur les destinées du genre humain ; Dieu, dans ses conseils éternels, saura bien se passer de vos pensées mûries avant le temps. […] Il est chrétien, c’est-à-dire il croit à la révélation apportée au monde une fois pour toutes par Jésus, à l’excellence divine de son précepte, à la destinée humaine qui se dirige à cette seule clarté au travers d’une vallée d’épreuve et d’exil ; il croit même au dogme un, à la lettre sacrée qui n’est pas à remanier.
Ces erreurs-là font une partie de la gloire de l’esprit humain, et provoquent incessamment la curiosité, ainsi que la recherche qui les engendre. […] La liberté humaine a toujours résisté à ces législateurs qui ont prétendu régler ses moindres mouvements. […] Il respecte la liberté humaine ; il ne veut ni tant de pouvoir dans le souverain, ni tant d’obéissance dans les sujets. […] Elle est séduisante comme une nouveauté qui n’engage personne, plutôt qu’imposante comme une loi qui oblige l’esprit humain. […] Fénelon se trompe, non par l’imperfection humaine, mais par excès de confiance en son sens propre.
Tous les commentateurs, les uns après les autres, se sont affligés de rencontrer dans un divin génie ces faiblesses humaines. […] Il faut croire que c’est une image bien naturelle à l’esprit humain, car on la trouve partout. […] Il était là, en effet, le dieu ; il parlait dans le silence sacré de l’espace infini et dans le silence plus sacré encore des tendresses humaines. […] Au sommet de la pyramide, une pastille à brûler, sa douce lueur, son parfum, vont figurer les prières de l’âme humaine qui montent vers le ciel. […] D’une voix grave et touchante, Lessing enseigne l’Éducation du genre humain par des révélations successives.
Or, le grand, le vrai et le beau sont à toutes les hauteurs de la vie humaine. […] Les problèmes discutés entre Port-Royal et ses adversaires sont avant tout des problèmes humains. […] C’est le rendre impropre, inégal au genre humain, qui, d’un christianisme ainsi fait, ne peut tirer aucun parti. […] La vie humaine ne peut s’organiser solidement sur un mensonge, ni prendre le vide pour point d’appui. […] Il constate, pour la société et pour la nature humaine, le besoin d’un rachat.
Il faut savoir regarder dans son ensemble et classer toute la flore des sentiments humains pour distinguer ceux que contient une œuvre littéraire. […] Victor Hugo mêle à la véhémence des colères politiques une pitié ardente pour tous ceux qui souffrent, depuis les parias de la société humaine jusqu’à l’araignée, à l’ortie, au crapaud, ces parias du règne animal et végétal. […] La sensibilité humaine a été s’augmentant et s’affinant de siècle en siècle ; et, les Goncourt l’ont quelque part remarqué, elle réserve encore bien des filons inexplorés à ceux qui essaient d’en rendre la complexité croissante. […] On cherchera la conception que l’auteur se faisait du monde extérieur, de la société humaine, de la vie, de l’art, de l’ensemble des choses. […] Il y a des auteurs qui étalent ce qu’ils pensent de la religion, de la politique, de la destinée humaine et dont les opinions forment un système fort bien lié : tel est Bossuet, par exemple, ou Montaigne.
Dans son magnifique langage, Bossuet aime à associer, à unir les plus grands noms, et à tisser en quelque sorte la chaîne d’or par laquelle l’entendement humain atteint au plus haut sommet. […] Ce qui porte Bossuet à Dieu, c’est plutôt le principe de la grandeur humaine que le sentiment de la misère. […] C’est par de telles pages, brûlantes, passionnées, et où respire dans l’amour divin la charité humaine, que Pascal a prise sur nous aujourd’hui plus qu’aucun apologiste de son temps. […] Le monde marche ; il se développe de plus en plus dans les voies qui semblent le plus opposées à celles de Pascal, dans le sens des intérêts positifs, de la nature physique travaillée et soumise, et du triomphe humain par l’industrie. […] La société humaine, et pour prendre un exemple plus net, la société française m’apparaît quelquefois comme un voyageur infatigable, qui fait son chemin et poursuit sa voie sous plus d’un costume, et en changeant de nom et d’habit bien souvent.
. — La Graine humaine (1899). […] Ce sont les Fleurs du bitume, les Poèmes ironiques, les Chansons de Paris et d’ailleurs, Corruptrice, le Froc, la Vache enragée, tant d’autres encore, jusqu’au livre qui s’appelle la Graine humaine, paru, ces jours récents, en librairie. […] Je retrouve, dans la Graine humaine, la verve robuste, l’art léger et sain, et l’imagination souriante qui constituent la physionomie littéraire de Goudeau et lui assignent une des places en vue parmi les écrivains de tradition française.
Le monde nouveau, la famille dans laquelle il entrait, le trouva singulièrement disposé à élever son libéralisme d’un cran si je puis dire, à lui trouver des raisons plus fines, plus neuves, plus distinguées, plus d’accord avec l’idée morale qu’on s’y faisait de la nature humaine. […] Autant qu’un autre, d’ailleurs, je sais que ce droit délicat et terrible, qui sommeille au pied de toutes les institutions humaines, comme leur triste et dernière garantie, ne doit pas être invoqué légèrement. […] En les proposant, M. de Broglie faisait évidemment violence à ses théories antérieures, à ses combinaisons constitutionnelles les plus chères, à ses vues bienveillantes de morale sociale et humaine ; mais cette fois, en face d’un forfait immense, il vit la réalité à nu, et, en homme de bien courageux, il n’hésita pas. […] Il était arrivé à ce jour où l’on reconnaît, bon gré, mal gré (et dût-on le lendemain tâcher de l’oublier encore), que la morale humaine n’est pas ce que les sages et les nobles esprits se la font dans les spéculations de l’étude et du loisir, au haut du cap Sunium ou dans les jardins de l’Académie. […] En le voyant tout à coup sombrer sous voiles, M. de Broglie a dû comprendre qu’il n’y a aucune portion de la théorie humaine qui puisse être assurée contre le naufrage, et sa pensée, qui n’est pas faite pour le scepticisme vulgaire, se sera plus que jamais tournée en haut du côté du port éternel.
L’originalité propre à Turgot et aussi à Condorcet est dans la nature et la mesure de progrès extrême et indéfini dont ils croient cette maturité du genre humain susceptible. […] Le dernier chapitre de l’Esquisse des progrès de l’esprit humain, par Condorcet, est l’exemple le plus frappant, chez un homme éclairé, des illusions et des chimères possibles en ce genre de raisonnement aride et sombre. […] Refaire le cœur humain à neuf, telle est la prétention exorbitante de cette école finale du xviiie siècle, issue de l’Encyclopédie, et dont Condorcet, je l’ai dit, est le produit extrême et comme le cerveau monstrueux. […] Le grand sophisme de Condorcet et son malheur, c’est de n’avoir pas senti en lui le cri du sens moral immédiat, et de s’être trop longtemps tenu pour absous de toutes les manœuvres de parti en vue du plus grand bonheur futur de l’espèce humaine. […] Condorcet avait, je l’accorde, la passion et la religion du bonheur du genre humain ; cela ne suffit pas.
Flaubert, qui voulait que « l’émotion et la pitié sortent s’il y a lieu des choses mêmes » et faire du roman un « miroir de l’âme humaine », s’est laissé illogiquement et doucement gagner à une technique plus émue. […] Henry Fouquier11, devaient nous dire les misères humaines, mais ne jamais s’attendrir sur elles, car l’émotion eût altéré la beauté de leur expression artistique. […] Mais, où les vit-on cruels, insensibles et dédaigneux des souffrances humaines ? […] Nous ne la suivrons pas sur ce terrain de pure esthétique, mais nous devions signaler ce dernier stade comme indispensable et requis : « Au théâtre, dans le roman, nous dit très finement le Dr Cabanès15… il est bon de nous donner des tranches de vie, mais à la condition de ne pas nous les servir toutes crues. » ⁂ Voici donc les naturalistes — affublés d’une impassibilité toute verbale — en quête du document humain.
Je me souviens qu’à mon entrée dans le monde, il n’y avait qu’une voix sur l’irrémédiable décadence, sur la mort accomplie et déjà froide de cette mystérieuse faculté de l’esprit humain. […] Tous ces hommes géométriques qui seuls avaient alors la parole et qui nous écrasaient, nous autres jeunes hommes, sous l’insolente tyrannie de leur triomphe, croyaient avoir desséché pour toujours en nous ce qu’ils étaient parvenus en effet à flétrir et à tuer en eux, toute la partie morale, divine, mélodieuse, de la pensée humaine. […] Les mathématiques étaient les chaînes de la pensée humaine. […] Rien ne nous avait préparés à cette musique de l’âme, dont chaque note est un sentiment ou un soupir du cœur humain, dans cette solitude, au fond des déserts, sortant ainsi des pierres muettes accumulées par les tremblements de terre, par les barbares et par le temps. […] Elle ne sera plus lyrique dans le sens où nous prenons ce mot ; elle n’a plus assez de jeunesse, de fraîcheur, de spontanéité d’impression pour chanter comme au premier réveil de la pensée humaine.
Il n’y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain. […] On rira d’un animal, mais parce qu’on aura surpris chez lui une attitude d’homme ou une expression humaine. […] Combien d’actions humaines résisteraient à une épreuve de ce genre ? […] Le résultat de la combinaison, ce sera évidemment l’idée d’une réglementation humaine se substituant aux lois mêmes de la nature. […] L’être vivant dont il s’agissait ici était un être humain, une personne.
Mais l’esprit humain est ainsi fait, qu’il ne peut saisir les objets que quand ils s’offrent à lui sous des formes déterminées, discontinues, quand ils présentent des caractères suffisamment tranchés. […] Et le milieu que traverse la correspondance humaine n’est pas confiné à la terre ni à sa surface. […] Ce progrès de la correspondance en spécialité amène, dans le cours du développement humain, le passage de la connaissance ordinaire à la science, de la prévision quantitative, qui est vague, à la prévision quantitative qui est précise. […] Ces associations ont une force invincible, parce qu’elles sont la conséquence des expériences enregistrées non seulement dans l’individu mais dans tous ses ancêtres humains et, pour quelques-unes, comme le temps, l’espace, dans tous les organismes animaux dont dérivent les organismes humains, suivant la théorie évolutionniste. […] Comte, et il y en aura un tant que la science humaine durera.
L’espèce humaine doit être affligée de grandes maladies morales, quand elle ne se confie plus qu’aux remèdes de l’avenir. […] Mais comment y parviendra-t-il sans l’intervention des intelligences célestes et amies de la nature humaine ? […] Plus une religion est mystérieuse, et plus elle est conforme à la nature humaine. […] Le christianisme a donné de nouveaux freins et de nouveaux aiguillons au cœur humain. […] De telles fables feront toujours les délices du genre humain.
Il semblait alors que l’intervention néfaste de ce pouvoir détournât sans cesse l’esprit humain d’atteindre un état de certitude, de perfection et de repos, qui semblait devoir être le but de tout effort et dans lequel semblaient devoir se résoudre, en une harmonie bienheureuse, toutes les divergences et toutes les oppositions où se manifeste le fait de l’existence phénoménale. Cet état que l’on convoitait et qui seul semblait digne de susciter et d’orienter l’aspiration humaine devait être procuré par la connaissance et la possession de la vérité. Dans la seconde partie de cette étude, poussant plus loin les premières analyses que l’on avait instituées, on en vint à découvrir que cette conception de la vérité dont on se réclamait pour décréter l’imperfection de la connaissance humaine, était elle-même un produit de cette aptitude de l’esprit à concevoir les choses autres qu’elles ne sont.
Une justice plus clémente, un Dieu plus tendre à la faiblesse humaine y accorde aux élus la grâce des réprouvés. […] c’est surtout aux évolutionnistes qu’il est impossible de se former une autre idée de la nature humaine. […] Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain. […] Admettons que, depuis le troisième ou le quatrième siècle, le christianisme se soit propagé, développé, soutenu par des moyens purement humains. […] Ce principe est si général et si naturel qu’il se montre à tout moment dans les moindres actes de la justice humaine.
On peut dire que c’était un bel esprit et un homme incorruptible… Avec cela doux, bon, humain, d’un accès facile et agréable, et, dans le particulier, ayant de la gaieté et de la plaisanterie salée, mais sans jamais blesser personne ; extrêmement sobre, poli sans orgueil, et noble sans la moindre avarice, naturellement paresseux, dont il lui était resté de la lenteur. […] D’Aguesseau est pour la raison humaine, et il lui fait en tout une juste part. […] D’Aguesseau, comme Platon, comme Cicéron, croit à une certaine idée naturelle de la justice, qui n’est pas l’intérêt ni l’utilité, mais le droit ; il croit, indépendamment de la révélation positive, au triomphe de cette idée dans les lois des grands législateurs et des grands peuples, à la conscience du genre humain. […] Le christianisme ajoute et confirme : mais, antérieurement au christianisme, selon eux, il y a une vraie et large base à la loi dans l’âme humaine. […] M. d’Aguesseau aurait préféré, nous dit son fils, rester dans la pure et véritable magistrature, et passer ses jours dans une charge de conseiller au Parlement de Paris, et il ajoute, en des termes qui rappellent l’hôtel Rambouillet plus subtilement qu’il ne convenait à un ami et à un disciple de Boileau : « Les maîtres des requêtes ressemblent aux désirs du cœur humain, ils aspirent à n’être plus ; c’est un état qu’on n’embrasse que pour le quitter… » Or, cette phrase étrange sur les maîtres des requêtes, comparés aux désirs du cœur qui aspirent à n’être plus, serait inexplicable chez un aussi bon esprit sans une phrase de saint Augustin qui dit cela, en effet, des désirs du cœur humain (sunt ut non sint).
Mais l’écart est énorme entre la manière dont les valeurs sont, en fait, estimées par l’individu ordinaire et cette échelle objective des valeurs humaines sur laquelle doivent, en principe, se régler nos jugements. […] Ces variations ne sont pas le produit de l’aveuglement humain ; elles sont fondées dans la nature des choses. […] Chaque groupe humain, à chaque moment de son histoire, a, pour la dignité humaine, un sentiment de respect d’une intensité donnée. […] Puisqu’ils varient avec les groupes humains ainsi que les systèmes de valeurs correspondants, ne s’ensuit-il pas que les uns et les autres doivent être d’origine collective ? […] Invoquera-t-on l’impersonnalité de la raison humaine ?
Mais quand il s’agit de déchirer l’âme humaine à travers la sienne, il est aussi résolu et aussi impassible que celui qui ne déchira que son corps, après une lecture de Platon. […] On a trouvé bon le vénéneux nectar, et l’on en a pris à si hautes doses que la nature humaine en craque et qu’un jour elle s’en dissout tout à fait. […] Son livre est un drame anonyme dont il est l’auteur universel, et voilà pourquoi il ne chicane ni avec l’horreur, ni avec le dégoût, ni avec rien de ce que peut produire de plus hideux la nature humaine corrompue. […] de savoir ce qui peut fleurir dans le fumier du cerveau humain, décomposé par nos vices. […] Il est le misanthrope de la vie coupable, et souvent on s’imagine, en le lisant, que si Timon d’Athènes avait eu le génie d’Archiloque, il aurait pu écrire ainsi sur la nature humaine et l’insulter en la racontant !
Naturaliste avant tout, M. de Humboldt n’a pas l’intelligence de ce qui dépasse les limites ordinaires de la nature humaine, et Christophe Colomb les dépassait. […] On ne savait pas qu’en s’approchant, en regardant de près, on trouvait dans l’imposant colosse un chef-d’œuvre de perfection humaine sous tous les aspects. […] Tout en maintenant la force supérieure de l’intelligence de Colomb, prise au sens humain, et qu’il aurait pu, ce nous semble, abandonner davantage, car, si l’esprit de Dieu est un homme, que fait le reste et qu’est-il besoin d’autre chose ? […] Il l’a grandie, il l’a élevée dans ses événements et dans son héros, mais il n’a pas empêché l’historien d’entrer dans ce que la critique de la philosophie appelle le positif et la réalité des choses humaines. […] Mais avant de conclure au surnaturel, l’auteur de Colomb avait attentivement interrogé le sens humain.
Telle la Conférence, qui, présentement, est en train de détrôner le livre et de noyer dans la salive humaine la littérature. […] Singulier rapport entre le prédicateur évangélique, qui se fait très doux, dans son livre, — mais un peu comme Rominagrobis, et qui pousse la bonté jusqu’à bien vouloir convenir de la grandeur et de la conscience de nos Papes, — et cet empereur affolé qui désirait que le genre humain n’eût qu’une tête, pour la lui couper. […] Seulement, la tête de l’Église n’est sur les épaules de personne, et la Papauté, qui dure plus que le Pape, est encore plus difficile à tuer d’un seul coup que le genre humain ! […] Car voilà le point central, voilà le point important de la discussion, dans une question qui n’est pas uniquement théologique, mais historique, mais ontologique, mais humaine. […] Ce sont des hommes d’ordre surnaturel, prêchant des doctrines surnaturelles, et y mêlant, quand ils sont des Massillon et des Bourdaloue, des torrents de notions sur le cœur humain, qu’ils tiennent et tordent dans leurs chirurgicales mains de confesseurs.
D’un autre côté, le simple oratorien, le simple savant, l’humble prêtre n’a pas si soif d’une gloire humaine qu’il faille la lui improviser. […] On a de moins les passions et les défaillances propres à toute action humaine, l’aveuglement et le tremblement de l’action même. […] Selon la manière dont on sait l’écrire, on peut — autant du moins qu’il est donné à la faible créature humaine, — empêcher l’histoire qui va naître de recommencer l’histoire de ce qui n’est plus, ou bien c’est l’y faire ressembler. […] Partout et toujours, dans leurs rapports avec les gouvernements les plus divers comme dans leur lutte avec le Jansénisme, ne les avait-on pas trouvés du côté de la liberté humaine telle que Dieu veut qu’elle soit réglée, et de la civilisation du monde ? […] Placés plus haut pour voir plus loin que les autres hommes, les Pouvoirs humains ne sont pas justifiés par la bêtise de leurs actes.
Quelle joliesse d’oiseau et quelle perversité de créature humaine charmante, quelle tournure de colibri et quels mouvements giratoires de couleuvre ! […] Ni Les Nuits du Père-Lachaise, où la nature humaine devient, comme les événements, par trop fantastique, — mais qui n’en sont pas moins ce que Léon Gozlan a produit de plus puissant dans l’outrance, comme Le Rêve d’un millionnaire est ce qu’il a fait de plus doux et de plus charmant (rappelez-vous cette tête suave de Reine Linon !) […] On a souvent reproché à Balzac de peindre un monde qui n’est pas le vrai et sur lequel le vrai a pris modèle, par ainsi de ne pas réfléchir les mœurs et la nature humaine réelles, mais de créer, par un coup de baguette de sa magie, une nature humaine et des mœurs qui n’ont existé que depuis qu’il les a montrées. […] Dans la plupart de ses livres, longs ou courts d’haleine, la nature humaine et les événements finissent, littéralement, par se casser, à force d’invraisemblances, de complications et d’intensité. […] Il avait plus piraté dans les connaissances humaines et les livres qu’il n’y avait fait des acquisitions régulières et légitimes, et cela se voit suffisamment quand, par exemple, dans Les Martyrs inconnus, il change de siècle et dresse son roman dans l’histoire, et cela se voit encore dans La Sœur grise, où son ignorance catholique est presque honteuse, et semble donner raison à ceux qui ont prétendu un instant qu’il n’avait pas été baptisé.
Si le poète n’a réuni à ces sentiments ni des maximes de morale ni des réflexions philosophiques, c’est qu’à cette époque l’esprit humain n’était point encore susceptible de l’abstraction nécessaire pour concevoir beaucoup de résultats. […] Il faut alors qu’il cherche dans le cœur humain les sources de l’émotion, qu’il fasse sortir d’une expression éloquente, d’un sentiment de l’âme, d’un remords solitaire, les fantômes effrayants qui doivent frapper l’imagination. […] La réformation est l’époque de l’histoire qui a le plus efficacement servi la perfectibilité de l’espèce humaine. […] Mais, je le demande aux penseurs éclairés, s’il existe un moyen de lier la morale à l’idée d’un Dieu, sans que jamais ce moyen puisse devenir un instrument de pouvoir dans la main des hommes ; une religion ainsi conçue ne serait-elle pas le plus grand bonheur que l’on pût assurer à la nature humaine ! à la nature humaine tous les jours plus aride, tous les jours plus à plaindre, et qui brise chaque jour quelques-uns des liens formés par la délicatesse, l’affection ou la bonté.
En second lieu, à cette recherche de la nature humaine, il unit l’étude de l’Écriture : elle est le texte qu’il lit, explique, commente, rejetant toutes les sommes et toutes les gloses dont on l’a obscurci, surchargé, étouffé. […] Pessimiste, parce que ce qu’il veut ne se retrouve guère dans ce qu’il voit, la foi lui rend compte de la corruption humaine et du remède : elle est lumière et règle. […] Ici encore il ouvre la voie, et non plus à la philosophie religieuse, à toute large et humaine philosophie. […] Calvin n’emploie-t-il pas quelque part 8 ou 9 pages184 à comparer l’Église des fidèles au corps humain, à y chercher ce qui est veines, nez, chair, mouvement, chaleur, main, pied, coude ? […] Je ne crois pas qu’il y ait eu chez lui d’amour-propre, ni d’ambition, au-delà de ce que comportent les actes humains, jusque dans le plus désintéressé dévouaient à l’idée.
Et cependant, quand on écrit l’histoire de la Satire, fût-ce en France, fût-ce au Moyen Âge, c’est-à-dire, après tout, dans un assez chétif fragment de l’espace et du temps, on n’écrit pas moins que l’histoire de l’esprit humain, — et de l’esprit humain par son côté le plus varié, le plus profond, le plus mystérieux, car le rire est plus difficile à expliquer que les larmes, dont la source est si large en nous qu’on n’a pas besoin de la chercher ! […] L’Histoire de la Satire, en d’autres termes, l’Histoire de la comédie humaine, n’était-ce pas par une déchirante analyse du rire et de ses causes (les causes du rire, grand Dieu !) […] Il n’a jamais pensé à chercher dans la nature de l’homme la racine de cette singulière plante, empoisonnée peut-être, qui fleurit en éclatant sur les lèvres humaines ! […] la bourgeoisie s’en servit, ce n’est pas douteux, de cette arme à toute main, de cette force humaine ; mais ne la voir que là, ne pas aller la chercher plus avant que là, dans cette société qu’on ne connaît… que comme le thème des systèmes les plus opposés, c’est être un par trop bon élève des Guizot et des Thierry, c’est par trop mériter le prix (y en a-t-il un ?)
Lacombe a signalé les changements profonds introduits par le Christianisme dans la vie générale des peuples et dans la condition humaine. […] En effet, le droit municipal des anciens (municipes) n’était qu’un droit d’émancipation personnelle en ces temps d’inégalité, tandis que le droit communal des modernes est le droit de tous à la communion sociale, en vertu de l’égalité humaine. […] Profondément catholique, préservé par une étude supérieure de l’abaissement général des esprits, l’auteur de l’Organisation générale du travail ne devait-il pas nettement repousser, au nom même de la transmission du sang humain, au nom de la famille et de la propriété, les théories de ces penseurs qui agitent le monde à cette heure avec leurs chimères, et qui croyaient le féconder ? […] Nous ne voulons en aucune façon nier l’amélioration que le temps doit toujours apporter dans la condition humaine. […] Qu’on rétablisse les assemblées corporatives, dans lesquelles l’activité humaine trouvera une légitime expansion, et du même coup, sans déchirement, sans violence, on aura supprimé les dangers des clubs.
L’imperfection humaine, qui fait qu’on abuse de ses avantages, ne s’accommode point de la perfection de ce système. […] Elle n’a rien de spécial au fait de la perception, elle s’appliquerait de la même manière à tout autre fait de l’esprit humain. […] L’analyse s’y arrête comme à une loi primitive de la croyance humaine. […] Loin d’avoir prêché le cagotisme, il a enseigné les vérités les plus hautes auxquelles puisse s’élever l’intelligence humaine. […] Les mathématiques étaient les chaînes de la pensée humaine.
La malignité humaine a besoin d’une revanche. […] Humaine, elle l’est encore par le souffle de fraternité qui circule dans tous les romans de George Sand. […] Mais qui donc oserait faire un crime à ce loyal esprit d’un excès de confiance dans la nature humaine ? […] Pourtant c’est un des traits les plus généraux de l’existence humaine. […] Voici la première rencontre de ces deux êtres surnaturels et pourtant si humains, si reconnaissables (t.
Ils vous apprendront mieux que tous les enseignements à discerner le bien et le mal, le faux et le vrai, le néant et la grandeur dans les travaux de l’esprit humain. […] Nous chercherons, son flambeau à la main, à distinguer ce qui est digne de blâme ou d’admiration parmi les travaux de l’esprit humain. […] Ne sera-ce pas pour nous une étude d’un haut intérêt que celle du cœur humain prise dans ses plus nobles acceptions ? […] Dans les lettres notre intérêt va plus loin : les contrastes ou les rapports qui existent entre l’homme et ses ouvrages forment l’étude la plus attachante du cœur humain. […] L’instrument est de création divine, l’usage est d’invention humaine.
ô fragilité de la condition humaine ! […] Le temps, cependant, ne nous a pas tout conservé de ces monuments de l’esprit humain. […] Il écrit le code de la raison humaine ; Platon n’en écrit que le poème. […] La première roule sur la mort, ce grand mystère de l’esprit, ce grand achoppement à toute félicité humaine. […] Quel désordre et quelle anarchie dans l’espèce humaine !
. — L’idéal social et l’idéal humain, ou Corneille et Racine, comparés avec Shakespeare, Dante, Byron etc. — Exposition. […] Était-ce ce grand idéal humain qui plus tard inspira Byron et Goethe, cet idéal à travers lequel les grands génies de tous les âges ont plongé leurs regards jusque dans le cœur de l’homme, cet idéal qui n’a que deux pôles : l’âme humaine et Dieu ? […] Telle est l’excuse de Corneille, s’il fut moins grand, moins humain, que son génie l’eut sans doute porté à l’être. […] Les mathématiques étaient les chaînes de la pensée humaine. […] La fée immortelle a trouvé au-dessus d’elle une loi humaine qui la modère et la dirige.
En voyant cet Auteur remonter à la source de tous les systêmes, développer la progression des idées humaines, produire, si l’on peut s’exprimer de la sorte, la généalogie des vérités & des erreurs, on ne peut s’empêcher de convenir que la Philosophie moderne n’a fait que répéter ce qui avoit été dit & redit dans tous les siecles & presque chez tous les peuples. […] Toutes ces sciences sont suivies, examinées dans leurs différens progrès ; & cette seule exposition suffit pour prouver que les Modernes ont réellement ajouté peu de lumieres à ces divers objets de la curiosité humaine. […] Toutes les classes d’esprits y apprendront à régler, les uns leurs prétentions, les autres leur enthousiasme ; ceux qui s’érigent en maîtres, à ne pas sacrifier la reconnoissance à la vanité, à savoir rendre hommage à leurs prédécesseurs, à ne pas regarder comme un bien propre & personnel ce qu’ils ont recueilli sur des fonds étrangers ; ceux qui les admirent trop facilement, comprendront qu’il est essentiel de ne pas croire sur parole, de se tenir en garde contre les manéges de la présomption, & de s’instruire avant de vouloir assigner les rangs & fixer les réputations ; le vrai Philosophe enfin en tirera de nouveaux motifs de s’éclairer & d’être modeste, en apprenant que le cercle des idées humaines est étroit, & que l’agiter sans cesse, n’est ni l’étendre, ni le renouveler.
On ignore quel est le moine qui écrivit cette partie évidemment détournée du sujet de l’ouvrage, qui était humain et nullement cénobitique. Gerson, appelé dans toutes les éditions du temps auteur de l’Imitation, n’écrivit jamais pour une secte, mais pour le genre humain. […] À l’exception de ses théories monacales, suicide de l’homme, qui furent aussi l’exagération et le suicide de l’Inde, jamais philosophe ne serra plus tendrement le cœur humain sur son propre cœur. […] C’est pourquoi l’homme devrait s’affermir tellement en Dieu, qu’il n’eût pas besoin de chercher tant de consolations humaines. […] Ô stupidité et dureté du cœur humain, qui ne pense qu’au présent et ne prévoit pas l’avenir !
» disait Grégoire au moment de partir pour Constantinople ou pour l’exil, « toi qui es tous les biens pour les humains que tu as sauvés ! […] La piété même, le regret du bien à faire ; de la foi à défendre, venaient au secours des faiblesses de l’orgueil humain et s’y mêlaient pour les couvrir, s’il en restait encore dans cette âme enthousiaste et candide. […] De deux vases différents, la destinée verse la vie aux humains. […] Sur le dogme, il devient adversaire zélé de la secte arienne : il adore le Fils coéternel au Père, et divin Rédempteur des fautes et des souffrances humaines. […] Voyageur chez les humains, tu as plongé jusqu’au Tartare, où la mort tenait sous sa loi des multitudes d’âmes.
Tout être humain est artiste, nécessairement, naturellement. […] Depuis l’origine des sociétés humaines, celle-ci n’a pas fait un pas en avant. […] Généralement, c’est là l’histoire de tous les chefs-d’œuvre de l’esprit humain. […] Très nettement, Nietzsche établit son point de vue à l’égard du romantisme, dans l’avant-propos du second volume de Choses humaines par trop humaines (1877). […] Au même moment il avait dû recevoir, envoyé par moi, mon livre Choses humaines par trop humaines — et dès lors la clarté était faite, mais ce fut aussi la fin.
Moïse, redescendant des hauteurs du Sinaï, avait, en promulguant le Décalogue, établi le dogme de l’unité du Dieu vivant et réglé les prescriptions sévères qui s’y rattachent ; il avait déclaré et imposé « les premiers principes du culte de Dieu et de la société humaine ». […] Que vient-on nous parler de mythe, de réalisation plus ou moins instinctive ou philosophique de la conscience humaine se réfléchissant dans un être qui n’aurait fourni que le prétexte et qui aurait à peine existé ? […] On a recueilli des passages de textes où est recommandée cette « charité envers le genre humain » ; et c’est pour de semblables pensées sans doute qu’Érasme penchait fort à croire l’âme de Cicéron sauvée et à la mettre avec les bienheureux dans le Ciel. […] — Et en effet, pour quiconque, même sans trop de science, le considère et le contemple en lui-même et dans ce qui sort immédiatement et directement de lui, le Christ est et demeure celui en qui et à l’occasion duquel s’est offerte aux yeux des hommes la manifestation la plus parfaite du sentiment, divin uni à la pitié et à la componction humaine. […] sans doute, il est à bien des égards vénérable, et il porte en soi bien des choses, humaines ou divines, qui ne se sauraient assez ménager.
De l’amour de la gloire De toutes les passions dont le cœur humain est susceptible, il n’en est point qui ait un caractère aussi imposant que l’amour de la gloire ; on peut trouver la trace de ses mouvements dans la nature primitive de l’homme, mais ce n’est qu’au milieu de la société que ce sentiment acquiert sa véritable force. […] Le genre humain hérite du génie, et les véritables grands hommes sont ceux qui ont rendu leurs pareils moins nécessaires aux générations suivantes. […] Les plus nobles devoirs s’accomplissent en parcourant la route qui conduit à la gloire ; et le genre humain serait resté sans bienfaiteurs, si cette émulation sublime n’eût pas encouragé leurs efforts ! […] ce bien dont la nature céleste est seule en disparate avec toute la destinée humaine ; aimer ! […] Mais, poursuivant le projet que j’ai embrassé, je ne cherche point à détourner l’homme de génie de répandre ses bienfaits sur le genre humain ; mais je voudrais retrancher des motifs qui l’animent, le besoin des récompenses de l’opinion ; je voudrais retrancher ce qui est l’essence des passions, l’asservissement à la puissance des autres.
La vérité humaine n’est que dans les nuances subordonnées à une couleur générale et dans la complexité subordonnée à une tendance maîtresse qui fait l’unité du personnage. […] Dans les personnages de Balzac, déjà un peu trop ; dans ceux de Zola, extraordinairement et misérablement, l’être humain est réduit à une seule passion et cette passion à une manie et cette manie à un tic. […] On croit sentir chez Zola une manière de rancune amère contre une société, contre un genre humain plutôt, qui ne lui a pas fait tout de suite la place de premier rang à laquelle il avait droit comme de plain-pied. […] Il définit l’œuvre de Zola « une épopée pessimiste de l’animalité humaine », et c’était bien marquer avec douceur la limite au-dessus de laquelle Zola ne pouvait pas s’élever et dénoncer avec discrétion la prétention injustifiée d’un auteur qui prétendait bien écrire l’épopée de l’humanité elle-même. […] Il se construisit, pour soutenir et étayer ses nouvelles tendances, une philosophie très sommaire, faite de croyance en la science considérée comme devant renouveler l’essence morale de l’humanité et devant mener le genre humain à la moralité et au bonheur.
Il y a trente ans, l’orgueil humain écrivait par la plume d’un philosophe fourvoyé : « Comment les dogmes finissent » ; — et le dogme dont il annonçait la fin vit encore. […] Vous paraît-elle moins essentielle et moins sainte, moins divine et moins humaine ? […] Il en raconte des choses admirables ; car le digne homme s’en est donné pour son remords, et Sémiramis lui a paru une des merveilles de l’esprit humain. […] Qu’on ne parle plus, après cela, de dignité, de liberté, de progrès, de droits réclamés en faveur de l’intelligence humaine ! […] Par quel trait ces épreuves et ces périls du christianisme, auxquels eût succombé une institution humaine, marquent-ils sa divinité ?
Parmi les guerriers, on n’en voyait pas de plus enviables et de plus grandement famés que les Turenne ou les Catinat ; et dans l’ordre des productions de l’esprit, la supériorité admise et admirée ne dépassait jamais le cercle des facultés humaines ; c’en était le couronnement et la fleur, flos et honos, l’enchantement, la décoration et la grâce. […] Au xviiie siècle, la royauté, la noblesse, la religion, pâlissent, et l’esprit humain, dans la personne de ses chefs, pousse sa conquëte et aspire à régner. […] Les quatre ou cinq grands chefs qui servirent à cette époque l’esprit humain dans son immortelle entreprise, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Buffon, Diderot et autres, n’abusèrent pas trop à leur profit de la popularité qu’ils acquirent et des acclamations confuses par lesquelles on les salua libérateurs. […] Bien des jugements faux, inexacts, légers et passionnés, outrageux pour d’anciens bienfaiteurs du genre humain, ont été portés par eux, et ont longtemps altéré l’opinion, qui s’en affranchit à peine d’aujourd’hui ; mais le but moral, bien que souvent poursuivi à faux, leur demeura toujours présent ; la commune pensée humaine, la sympathie fraternelle, fut religieusement maintenue. […] A Montesquieu, l’histoire renouvelée ; à Voltaire, la propagation du déisme, du bon sens et de la tolérance ; à Diderot, le résumé encyclopédique des connaissances humaines ; à Jean-Jacques, la restauration du sentiment religieux, des droits de l’homme, tant individuel que social, et le grand principe de la souveraineté démocratique : tels sont les titres généraux que leur reconnaît M.
Discerner les étapes de l’humanité, leurs conditions, leur succession, ce serait deviner un peu le rythme de l’intelligence humaine et nous mettre en garde contre le gaspillage insensé de nos vies. […] C’est un critère psychologique, à la fois précis et souple, qui coordonne les phénomènes littéraires en les rattachant aux conditions politiques et sociales d’un moment déterminé et d’un certain groupe humain. […] Chaque principe étant une partie de la vérité totale, il implique virtuellement cette vérité, et ne saurait se réaliser intégralement qu’avec cette vérité ; or cela est impossible, vu la relativité des groupes, des temps, de la connaissance et de la puissance humaines. […] Créature périssable, soumise aux innombrables contingences de son temps, l’artiste pénètre en martyr volontaire jusqu’au fond de sa douleur ; il y trouve l’humaine fraternité. […] Il nous suffit de constater qu’ils sont, dans le marbre comme dans le verbe, l’expression la plus brève et la plus haute de l’effort humain.
Il faut éviter ici la confusion, l’entortillement, les digressions, ne point remonter trop haut, ni descendre trop bas ; ne rien omettre qui ait rapport à la cause ; enfin tout ce que j’ai dit pour la brièveté trouve aussi son application ici… La vraisemblance consiste à donner au récit tous les caractères de la réalité ; à observer la dignité des personnages ; à montrer les causes des événements ; à faire voir qu’on a eu le moyen, l’occasion, le temps, de faire ce qu’on a fait ; que le lieu aussi convenait à l’exécution de la chose ; que cette chose même n’a rien qui choque le caractère de ceux qui l’ont faite, ou la nature humaine ou l’opinion des auditeurs. […] L’esprit humain est toujours curieux des causes et des effets. […] Qu’est-ce au fond que l’expérience, que la connaissance du cœur humain, sinon avoir établi un rapport de cause à effet entre les phénomènes observés ? […] Rien n’est plus faux que certain rationalisme dans la critique religieuse, et c’est une puérile entreprise que de ramener les légendes merveilleuses des mythologies aux proportions des événements purement humains. C’est par trop simplifier les questions, et, sans parler de Dieu, c’est par trop méconnaître l’infinie fécondité de la nature humaine, inépuisable source de phénomènes, subtile créatrice de merveilleux sans miracle, que de donner tous les fondateurs de religions et tous les prêtres pour des charlatans et pour des fous, tous les fidèles et dévots pour des dupes et pour des sots.
Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain Dans l’ordre naturel des idées, ce chapitre ainsi que le précédent devraient se trouver après celui où je me propose de développer la théorie de la parole ; mais il faut que j’intervertisse cet ordre naturel des idées, pour me soumettre à un plan non moins impérieux, qui consiste à mettre de suite tout ce qui peut amener à comprendre le caractère de l’âge actuel. […] Je sais tout ce qu’il y a d’inévitable dans la succession des idées, et, j’oserais le dire, tout ce qu’il y a de fatal dans les progrès de l’esprit humain. […] La parole écrite a été une première matérialisation de la pensée, car l’écriture hiéroglyphique avait laissé à la pensée humaine toute son énergie primitive et toute son élasticité, si l’on peut parler ainsi ; mais l’imprimerie a achevé la matérialisation. […] Tout livre, dans cette période des sociétés humaines, était soumis aux maîtres de la science, pour être approuvé ou rejeté par eux. […] Il n’y a pas de l’ignorance à n’employer, à un âge de l’esprit humain, ou dans une sphère d’idées, que les directions applicables à cet âge, ou en harmonie avec cet ordre de choses.
Il n’était d’aucune façon assez poète pour toucher à cet homme-poème ; il n’était d’aucune façon assez fort en nature humaine pour toucher à cet homme-roman. […] Il fallait y mettre un désintéressement fier, et y rencontrer l’expression juste d’un esprit qui n’étudie plus que l’intensité de la nature humaine dans les héros. […] rien ne serre plus le cœur de l’historien que cela, rien ne serre plus le cœur qui étudie cette grande âme partagée, que de voir Nelson, frappé d’un dernier coup à Trafalgar, expirant dans sa cabine devenue une boucherie humaine, magnifique de pitié pour ses matelots auxquels il renvoie son chirurgien, magnifique d’amitié pour son camarade de bataille, le capitaine Hardy, qui, entre deux coups de canon, vient lui donner des détails sur sa victoire, magnifique de commandement, car son avant-dernier mot est un mot de commandement : « Faites tomber les ancres ! […] V Tel il fut Nelson et tel fut sa vie, mélange inouï des deux infinis, dont parle Pascal, — le bien et le mal, — dont est fait cet autre infini qu’on appelle la nature humaine. […] Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale, aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté, et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes, borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie, cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité.
Il n’était d’aucune façon assez poète pour toucher à cet homme-poème ; il n’était d’aucune façon assez fort en nature humaine pour toucher à cet homme-roman. […] Il fallait y mettre un désintéressement fier et y rencontrer l’expression juste d’un esprit qui n’étudie plus que l’intensité de la nature humaine dans les héros. […] rien ne serre plus le cœur de l’historien que cela, rien ne serre plus le cœur qui étudie cette grande âme partagée que de voir Nelson, frappé d’un dernier coup, à Trafalgar, expirant dans sa cabine devenue une boucherie humaine, magnifique de pitié pour ses matelots auxquels il renvoie son chirurgien, magnifique d’amitié pour son camarade de bataille, le capitaine Hardy, qui entre deux coups de canon vient lui donner des détails sur sa victoire, magnifique de commandement, car son avant-dernier mot est un mot de commandement : « Faites tomber les ancres ! […] V Tel il fut, Nelson, et tel fut sa vie, mélange inouï des deux infinis, dont parle Pascal, — le bien et le mal, — dont est fait cet autre infini qu’on appelle la nature humaine. […] Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes : borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité.
Le railleur continuait : « Il n’y a pas d’histoire humaine qui ne s’arrête à une époque où l’Inde florissante jouissait de tout le superflu de la société perfectionnée. […] Arriver au point juste en toutes choses, diminuer l’hyperbole, diminuer le quelque chose d’énorme que Diderot nous donnait pour la définition de la poésie, et qui n’est la poésie que pour des enfants ou pour Diderot tombé en enfance sous la pression de son matérialisme grossier ; voir clair, — expression charmante pour dire la seule chose utile et digne de l’esprit humain, tout cela n’est, certes ! […] On sent bien en elle quelque chose de dépaysé, d’étranger, quelque chose qui n’est pas de l’Inde, mais qui sert à faire mieux comprendre que sans remonter jusqu’aux chefs-d’œuvre enfantés par la civilisation chrétienne, le premier poème venu de nos climats, imprégné de Christianisme, la première vie des Saints de nos plus humbles légendes, sont plus purement et plus profondément poétiques que tous les épisodes mis ensemble de la singulière épopée que l’on nous donne pour la gloire de l’esprit humain ! […] de passage pareil, pour l’émotion, la main plongée au cœur, le secret de la passion, l’empire enfin sur la sensibilité humaine, vous n’en trouverez pas dans tout le long poème de Valmiki, lequel peut bien être un mystagogue, un fakir, un thériaki, tout ce qu’il y a de plus prisé et de plus estimé aux Indes, mais qui n’est pas un poète, du moins dans le sens inspiré que les hommes, depuis qu’on chante leur bonheur, leur gloire et leur misère, ont donné à ce titre-là. […] Esprits d’une civilisation si complètement différente avec des habitudes et des mœurs qui pénètrent jusque dans ce que l’intelligence a de plus impersonnel et de plus intime, nous ne pouvons chercher dans les livres comme celui-ci que ce qui est universel par le sentiment humain et par la beauté.
La philosophie, la négation, l’incrédulité, après s’être beaucoup remuées dans les limites des facultés humaines, auxquelles elles tiennent comme le rayon de la roue tient à son moyeu, sont revenues à leur point de départ en faisant un circuit immense, s’imaginant avoir progressé, comme l’animal qui paît l’herbe croit s’être avancé pour avoir péniblement tendu la corde du grossier piquet qui l’attache au sol. […] C’est là une grande raison, il semble, pour que la vérité, qui ne change point, la vérité immortelle, ne se croie pas obligée, devant les insolentes exigences de l’esprit humain, de revêtir des formes nouvelles qui la feraient mieux accepter de ce Balthazar ennuyé à la dernière heure de son orgie. […] Jésus, le Dieu qui a crucifié l’orgueil et la volupté humaine, qui est venu apporter au monde païen deux choses qui, pour la première fois, descendaient du ciel : l’humilité et la charité, n’est plus maintenant qu’un philosophe qui a dit aux peuples d’une voix plus douce, mais qui a dit comme les Gracques ou comme tous les souleveurs de plèbe : « Comptez vos maux et comptez-vous ! […] On verra s’il peut y avoir quelque chose de commun entre le Rédempteur des hommes qui nous a relevé de la chute et ceux qui, repoussant l’idée de la chute comme une calomnie à la nature humaine, nient que le monde eût besoin d’être relevé ; entre Celui qui a dit : « Bienheureux ceux qui souffrent ! […] Autant qu’il est possible de comparer l’œuvre directement et immédiatement inspirée de Dieu à des œuvres simplement humaines, le commentaire est digne du texte.
Ce serait une énigme que ce misanthrope, si clairement humain que, depuis Molière, on dit un Alceste pour un misanthrope ? […] II Elle y est, en effet, cette manie, un des derniers gestes de la décrépitude d’une société tout à la fois curieuse et blasée… Vieux de race, hébétés de civilisation, énervés, blasés, ennuyés, dégoûtés, ayant besoin pour nous secouer d’une originalité dont nous n’avons plus la puissance, nous ne comprenons plus rien à la beauté de la ligne droite dans les choses humaines, et nous la courbons, nous la tordons, nous la recroquevillons en grimaçantes arabesques, pour qu’elle puisse donner une sensation nouvelle à nos cerveaux et à nos organes épuisés… La simplicité du génie et de ses procédés nous échappe. […] Il y a celui qui fait rire et celui-là qui ne fait que sourire, et c’est celui qui ne fait que sourire qui est le comique supérieur, aussi humain, aussi réel que l’autre, mais idéalisé et donnant un plaisir plus noble et plus profond que le comique qui fait rire. […] Le Misanthrope de Molière, cette perfection du comique élevé, n’a eu besoin, pour être, que de la nature humaine surprise par un homme de génie dans ses contradictions, ses passions, ses travers et ses ridicules éternels. […] Ce sont les vers : … Il me prend des mouvements soudains De fuir dans un désert l’approche des humains… …………………………………………………………….
Mais quand il s’agit de déchirer l’âme humaine à travers la sienne, il est aussi résolu et aussi impassible que celui qui ne déchira que son corps, après une lecture de Platon. […] On a trouvé bon le vénéneux nectar, et l’on en a pris à si haute dose, que la nature humaine en craque et qu’un jour elle s’en dissout tout à fait. […] Son livre actuel est un drame anonyme dont il est l’auteur universel, et voilà pourquoi il ne chicane ni avec l’horreur, ni avec le dégoût, ni avec rien de ce que peut produire de hideux la nature humaine corrompue. […] de savoir ce qui peut fleurir dans le fumier du cerveau humain, décomposé par nos vices. […] Il est le misanthrope de la vie coupable, et souvent on s’imagine, en le lisant, que si Timon d’Athènes avait eu le génie d’Archiloque, il aurait pu écrire ainsi sur la nature humaine et l’insulter en la racontant !
Assurément, celle de Lamartine a sur la poésie de Virgile la supériorité des choses infinies sur les choses finies, des choses divines sur les choses humaines. […] Cela n’est que de la vie humaine, les premières impressions d’une âme charmante dans des milieux charmants, et qui les dit comme il les éprouve. […] Il était une équation superbe entre l’âme humaine et l’Absolu, à laquelle ceux qui ne sont pas au courant de la mathématique de l’Absolu et de l’âme ne comprennent et ne comprendront jamais rien, l’ai entendu quelquefois dire aux abjects de ce temps abject, qui ne regardent que la terre où ils mettent leurs pieds de devant comme ils y mettent leurs pieds de derrière, que le naturel divin de Lamartine n’était pas du naturel. […] Lamartine avait le sens de la réalité humaine tout autant que Chateaubriand, mais en passant par sa grande âme, la réalité grandissait. […] Seulement, elle ne fut pas de force à monter avec le poète jusqu’à la hauteur de ses Harmonies, et comme, plus tard, il devait rester au plafond où il avait voulu siéger seul, le poète resta seul aussi dans son ciel… Ce qu’il y avait d’amour humain dans ses Méditations avait saisi toutes les âmes et touché tous les cœurs, mais l’amour de Dieu est d’une grandeur et d’une beauté plus incompréhensibles à la majorité des hommes.
« La nature humaine se transforme-t-elle ainsi de fond en comble et tout à fait ? […] Les tentatives d’évasion de Jean Valjean, successives et obstinées, suffiraient à prouver cet étrange travail fait par la loi sur l’âme humaine. […] « Il y a des oiseaux dans les nuées, de même qu’il y a des anges au-dessus des détresses humaines, mais que peuvent-ils pour lui ? […] C’est véritablement l’héroïsme de la vertu, le martyre nécessaire, mais mortel, de tout ce qui est humain dans l’homme, contre tout ce qui est divin, la vérité, aux dépens de la vie. […] Mais comment ce chef-d’œuvre de vertu humaine est-il réservé à un aussi vil scélérat que ce Valjean ?
Elle a la même propriété pour les humains, ainsi que l’aunée. […] En effet, la viande humaine qu’il dévorait s’assimilait plus facilement à son organisme humain. […] C’est elle qui fait les individus, crée les différences entre humains. […] Ceci est humain, au moins. […] Quoi de plus humain ?
De là pour les vraies supériorités humaines, poétiques, philosophiques, politiques et religieuses, cet acharnement de leurs ennemis qui ne pardonnent qu’à la mort. […] J’ai touché avec lui au fond de l’abîme humain. […] Qu’est-ce qu’un drame composé d’un événement purement humain, auprès du drame ineffable de Faust, de Méphistophélès, de Marguerite ? […] L’homme qui s’est appelé Goethe dans Faust et dans Werther a joué du cœur humain comme d’un instrument sacré devant l’autel de Dieu ; Voltaire n’a joué que de l’esprit humain pour amuser les hommes de bon sens. […] Aucun œil humain ne peut le voir d’avance ; aucune force humaine ne pourrait rapprocher ce temps et faire naître cette occasion.
L’imagination humaine a fait un plus grand prodige en tirant d’un bâton le type de Prométhée. […] La date de ce jour, si elle était connue, serait celle de l’avènement du genre humain à la royauté de la Création. […] L’industrie humaine saisit cet indice ; on frotta longtemps deux branches sèches l’une contre l’autre, la flamme en jaillit. […] Ils appliquèrent à la baguette qui le constituait un canon de plans et d’espaces correspondant aux parties qui divisent le corps humain. […] On sait avec quelle précision pénétrante ils étudiaient l’organisme humain dans tous ses ressorts.
Car il gardera la plupart de ses idées ; seulement, dans ses futurs ouvrages, il ne les rendra pas de même, il les réfléchira autrement et ne parlera qu’avec sérieux, sentant de plus en plus la grandeur de l’invention sociale et désirant l’ennoblissement de la nature humaine. […] Montesquieu, à mesure qu’il se dégagera de l’ironie des Lettres persanes, entrera de plus en plus dans cette voie respectueuse pour les objets de la conscience et de la vénération humaine : je ne crois pas qu’il y soit entré pour cela plus intimement. […] Très bon dans le particulier, naturel et simple, il mérita d’être aimé de tout ce qui l’entourait autant qu’un génie peut l’être ; mais, même dans ses parties les plus humaines, on retrouverait ce côté ferme, indifférent, une équité bienveillante et supérieure plutôt que la tendresse de l’âme. […] Dans cette vue que je me suis permise sur la nature morale de Montesquieu, et à laquelle a donné jour sa définition de la justice dans les Lettres persanes, loin de moi l’idée de diminuer la beauté sévère et humaine du caractère ! […] Les hommes n’y sont vus que de loin ; l’étoffe humaine, dont la politique est faite, disparaît trop chez Montesquieu.
L’auteur des Horizons prochains est évidemment une âme active, plus active que contemplative, quoiqu’il y ait de la contemplation dans tout peintre de la nature et de l’âme humaine. […] Pour ma part, j’ai vu peu de choses sentimentalement aussi belles, J’ai peu vu de ces langages, inouïs d’ardeur, de mouvement, d’aspiration, d’expression inspirée, poignante, navrée ou héroïque dans la douleur et dans l’amour ; j’en ai peu vu de pareils, même dans les livres, religieux ou profanes, qui passent pour les plus passionnés, pour les plus chauffés au feu des brûlantes larmes humaines. […] L’auteur des Horizons célestes, en transbordant la vie de la terre et de la mémoire dans les délices du sein de Dieu, l’auteur des Horizons célestes nous a donné un livre de la sensibilité humaine et même chrétienne la plus profonde et la plus tendre ; un livre dont tous ceux qui aimèrent voudraient partager l’illusion, s’il y a illusion, et qui leur rapprendra les larmes. […] Personne n’a mieux fait qu’elle l’histoire ironique et vraie pourtant de la consolation humaine ; personne n’a levé une empreinte plus poignante du cœur déchiré par la mort et resté seul dans la vie. […] La beauté humaine cède ici devant la beauté surnaturelle, et on a jugé par le contraste entre une religion qui produit des Saintes comme sainte Thérèse et celle qui ne fait d’une âme, naturellement propre à tout ce qu’il y a de plus grand, rien de plus peut-être que la femme la plus méritante du protestantisme contemporain, et certainement le cœur le plus vaillant qui y ait jamais palpité !
Elles ont droit sans doute à l’attention de l’historien, de l’archéologue et même du philosophe ; elles doivent prendre leur rang dans les archives nationales, dans les registres biographiques de la pensée humaine. […] Il est certain, si l’on veut se mettre au point de vue de l’esprit orthodoxe, que le rire humain est intimement lié à l’accident d’une chute ancienne, d’une dégradation physique et morale. […] Aussi comme il rit, comme il rit, se comparant sans cesse aux chenilles humaines, lui si fort, si intelligent, lui pour qui une partie des lois conditionnelles de l’humanité, physiques et intellectuelles, n’existent plus ! […] Le rire est satanique, il est donc profondément humain. […] Or, l’orgueil humain, qui prend toujours le dessus, et qui est la cause naturelle du rire dans le cas du comique, devient aussi cause naturelle du rire dans le cas du grotesque, qui est une création mêlée d’une certaine faculté imitatrice d’éléments préexistants dans la nature.
Sans doute, en le lisant, il est bien vrai qu’on sent naître en soi une idée de nécessité qui subjugue ; dans l’entraînement du récit on a peine à concevoir que les événements aient pu tourner d’une autre façon, et à leur imaginer un cours plus vraisemblable, ou même des catastrophes mieux motivées ; la nature humaine, ce semble, voulait que les choses se passassent dans cet ordre, que les partis se succédassent dans cette génération ; étant donnée chaque crise nouvelle, on dirait qu’on en déduit presque irrésistiblement la suivante, et qu’on procède à chaque instant par voie de conclusion, du présent à l’avenir : non pas, au moins, que dans sa manière purement narrative ; M. […] Mais d’ordinaire tant de causes nous échappent dans les événements humains ; et de celles que nous entrevoyons, un si grand nombre sont inappréciables de leur nature, que leur liaison avec les effets reste nécessairement indéterminée ; que d’un fait à un autre on ne peut assigner souvent d’autre rapport que celui d’être venu avant ou après, et qu’alors ce qu’a de mieux à faire l’historien est de s’en tenir scrupuleusement à l’empirisme d’une narration authentique. […] Et qu’on ne dise pas que c’est là imaginer un pur système, et soumettre la nature humaine à des calculs auxquels elle ne se plie pas. […] Dès lors, qu’on ne s’en étonne pas, les forces humaines, égarées de leur sphère, se manifestent sous des formes inaccoutumées, et semblent emprunter aux forces physiques quelques-uns de leurs caractères : comme elles, sourdes, aveugles, inflexibles, accomplissant jusqu’au bout leur loi sans la comprendre.
Oui, les divers types de l’animal humain vivant en société, et ses rapports cachés ou visibles avec le milieu où il se développe, sont curieux à étudier ; mais c’est bien long, Balzac. […] Mais on a l’impression que, dans ces deux états si différents, la valeur morale de don Juan reste pareille : c’est la même créature humaine, ici débridée, là terrorisée. […] Et, si je ne devais m’en tenir aux récits rassemblés dans ce volume, combien d’autres où il paraît se complaire dans la peinture ou plutôt dans la notation tranquille de la stupidité, de la férocité et de la misère humaines ! […] Mérimée aime à voir se développer librement, bonne ou mauvaise, la bête humaine ; et quand elle est belle, il n’est pas éloigné de lui croire tout permis.
Le but de la société est la réalisation large et complète de toutes les faces de la vie humaine. […] L’État doit subvenir à la science comme à la religion, puisque la science, comme la religion, est de la nature humaine. Il le doit même à un titre plus élevé ; car la religion, bien qu’éternelle dans sa base psychologique, a dans sa forme quelque chose de transitoire ; elle n’est pas comme la science tout entière de la nature humaine. […] Un million vaut un ou deux hommes de génie, en ce sens qu’avec un million bien employé on peut faire autant pour le progrès de l’esprit humain que feraient un ou deux hommes de premier ordre, réduits aux seules forces de l’esprit.
C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, Des évolutions de groupes monstrueux, De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ; Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles, Des antres où siégeaient des heureux, des puissants, Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens, Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ; Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ; Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis, Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ; Chaque assise avait l’air vaguement animée ; Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée Pétrifiée avec le chef qui la conduit Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ; Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ; C’était une muraille et c’était une foule ; Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet, La poussière pleurait et l’argile saignait, Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine. […] La muraille semblait par le vent remuée ; C’étaient des croisements de flamme et de nuée, Des jeux mystérieux de clartés, des renvois D’ombre d’un siècle à l’autre et du sceptre aux pavois, Où l’Inde finissait par être l’Allemagne, Où Salomon avait pour reflet Charlemagne ; Tout le prodige humain, noir, vague, illimité ; La liberté brisant l’immuabilité ; L’Horeb aux flancs brûlés, le Pinde aux pentes vertes ; Hicétas précédant Newton, les découvertes Secouant leurs flambeaux jusqu’au fond de la mer, Jason sur le dromon, Fulton sur le steamer ; La Marseillaise, Eschyle, et l’ange après le spectre ; Capanée est debout sur la porte d’Électre, Bonaparte est debout sur le pont de Lodi ; Christ expire non loin de Néron applaudi. […] * De l’empreinte profonde et grave qu’a laissée Ce chaos de la vie à ma sombre pensée, De cette vision du mouvant genre humain, Ce livre, où près d’hier on entrevoit demain, Est sorti, reflétant de poëme en poëme Toute cette clarté vertigineuse et blême ; Pendant que mon cerveau douloureux le couvait, La légende est parfois venue à mon chevet, Mystérieuse sœur de l’histoire sinistre ; Et toutes deux ont mis leur doigt sur ce registre. […] C’est la tradition tombée à la secousse Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ; Ce qui demeure après que la terre a tremblé ; Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ; C’est la construction des hommes, la masure Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure, L’affreux charnier-palais en ruine, habité Par la mort et bâti par la fatalité, Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent, De la façon dont l’aile et le rayon se posent, La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ; C’est l’incommensurable et tragique monceau, Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères Et les dragons, avant de rentrer aux repaires, Et la nuée avant de remonter au ciel ; Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ; C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice, Fier jadis, dominant les lointains horizons, Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons, Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ; C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée.
Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu depuis l’antiquité ; qui, à dix-neuf, réduisit en machine une science qui existe tout entière dans l’entendement ; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air, et détruisit une des grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine de naître, ayant achevé de parcourir le cercle des sciences humaines, s’aperçut de leur néant, et tourna ses pensées vers la religion ; qui, depuis ce moment jusqu’à sa mort, arrivée dans sa trente-neuvième année, toujours infirme et souffrant, fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine, donna le modèle de la plus parfaite plaisanterie, comme du raisonnement le plus fort ; enfin qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut, par abstraction, un des plus hauts problèmes de géométrie, et jeta sur le papier des pensées qui tiennent autant du Dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal. […] S’il considère la nature humaine en général, il en fait cette peinture si connue et si étonnante : « La première chose qui s’offre à l’homme, quand il se regarde, c’est son corps, etc. » Et ailleurs : « L’homme n’est qu’un roseau pensant, etc. » Nous demandons si, dans tout cela, Pascal s’est montré un faible penseur ? […] Les insultes que nous avons prodiguées par philosophie à la nature humaine ont été plus ou moins puisées dans les écrits de Pascal. […] Quand leurs ouvrages ne prouveraient pas qu’ils ont eu des idées philosophiques, pourrait-on croire que ces grands hommes n’ont pas été frappés des abus qui se glissent partout, et qu’ils ne connaissaient pas le faible et le fort des affaires humaines ?
Il ne saurait être discutable un instant que nous nous trouvons aujourd’hui à un grand tournant de l’histoire humaine. […] Le désordre des conventions d’ordre pratique humaines ne témoigne donc nullement d’une manifestation instinctive. […] Ils confondent visiblement dans leur système métaphysique l’absolu avec le relatif humain. […] Ce sont de tous les humains les dadas qui apprécient le mieux la découverte de l’imprimerie. […] Il ressemble physiquement aux humains et peut se confondre avec eux, mais son âme pacifique, logique, humaine, se débat au milieu des absurdités qui sont la trame même de la vie guerrière.
Il n’y avait plus que cela qui vécût, pour l’honneur de l’âme humaine pervertie ! […] Dans cette Révolution dont les partis ont écrit l’histoire, il y a pis que de fausses idées et de fausses doctrines… et, il faut bien le dire enfin, il y a un outrage fait à la nature humaine, plus sanglant encore que l’outrage fait à l’esprit humain. […] On a chassé impitoyablement le sentiment humain de l’Histoire. […] Lui, l’historien suprêmement politique, a fait mieux ici que de l’histoire politique ; il a fait de l’histoire humaine, écrite pour qui a cœur et esprit d’homme. Seulement, en faisant de l’histoire humaine, il n’en a pas moins fait de l’histoire politique.
Barrière, personne, en revanche, n’a mieux attrapé de notre temps les cris de la bête humaine. […] C’est l’étude intime et réelle de l’âme humaine et de la vie humaine. […] Chez lui, les ardeurs sensuelles du tigre humain deviennent jeux de jeune chat. […] Phidias n’a pas trouvé dans la nature cette physionomie presque humaine et ce regard qui est presque un langage. […] Aucun d’eux n’aborde d’emblée la nature humaine générale, n’entre droit dans l’âme humaine, et ne cherche à peindre un tableau qui en fasse apparaître une large image.
Mais c’est la raison cartésienne, dominatrice et directrice de l’âme humaine, dont elle règle toutes les facultés sans en empêcher aucune : c’est celle qui, par essence, distingue le vrai du faux. […] Les uns, romanciers à grands sentiments ou tragiques doucereux, inventaient des modes de penser et de sentir que l’âme humaine n’avait jamais éprouvés, un héroïsme plus héroïque, un amour plus amoureux que tout ce qu’on voit dans la vie. […] Même dans l’églogue il n’accorde guère de place à l’élément descriptif et champêtre, et c’est toujours à la peinture des sentiments humains, à celle, par exemple, des plaisirs de l’amour, qu’il ramène le poète : la psychologie règne jusque dans le genre pastoral. […] Mais quand la matière de l’œuvre d’art est l’âme humaine, on ne peut plus faire abstraction de l’histoire. […] La comédie, enfin, n’imitera que les mœurs de cour et de salon, ce qu’il y a de plus convenu, extérieur et accidentel, ce qu’il y a de moins humain dans l’homme.
L’autre pensée s’ajouta à la philosophie du livre : dans le progrès de l’esprit humain, que Voltaire se proposait de peindre, il voyait et voulait montrer comme agent principal un homme, le despote éclairé. Le siècle de Louis XIV était une des grandes époques de l’esprit humain, et ce grand siècle était essentiellement l’œuvre personnelle de Louis XIV : c’est le sens de la fameuse lettre à Milord Hervey. […] Enfin, cinq ou six chapitres, étalant la grandeur de l’esprit humain dans les lettres et les arts, couronnaient magnifiquement l’ouvrage. […] Faire éclater l’absence d’une intelligence divine dans le tissu des événements humains, expliquer les faits par des liaisons mécaniques et fatales, mettre en lumière la puissance des petites causes, la souveraineté du hasard, voilà le dessein de Voltaire. […] Il essaie réellement de faire l’histoire générale de l’esprit humain.
Dès l’enfance on le prend, on l’isole du grand troupeau humain, on plie son corps et son âme aux pratiques religieuses. […] Il arrive même que les deux sentiments se rencontrent chez lui à la fois, et c’est ce qui rend souvent si énigmatique, aux yeux de ceux qui ne sont pas avertis, la conduite de certains « oints du Seigneur » dans les affaires humaines. […] Mon oreille a de singulières finesses pour entendre vibrer Dieu au fond de la voix humaine. […] L’Église souffre ce qu’elle ne peut empêcher : elle consent que les fidèles, qui ne sont que le troupeau, se composent un mélange de morale humaine et de morale chrétienne ; elle ne leur demande que d’accepter ses dogmes en bloc et d’observer certaines pratiques. […] Il a, comme le poète de la Comédie humaine, des stupéfactions devant les êtres qu’il crée.
. — Conjectures diverses sur les rencontres et les imitations du génie humain. — L’ode hébraïque. […] » Tel devait être, ce semble, à l’origine du genre humain, à l’envoi de ce spectateur et de ce maître sur la terre, le premier élan de la poésie : elle remontait à Dieu et lui présentait l’offrande du monde. À travers des obscurités que la science moderne n’éclaircit pas toujours, deux contrées de l’Orient, habitées de bonne heure par l’espèce humaine, semblent avoir de temps immémorial conçu et répété de tels accents religieux. […] Et, chose extraordinaire, en même temps qu’elle conserve au plus haut degré l’empreinte d’une race particulière et séparée, elle est, par la force et la vérité des mouvements, par l’abondance de la passion, le langage qui parle le mieux au plus grand nombre des âmes humaines. […] L’âme humaine, par son origine et sa destinée, est capable d’extase, mais pour un moment : elle y atteint, elle n’y reste pas.
Le citoyen, l’homme libre, faisait son apparition dans les choses humaines. […] Il y devina, « derrière la légende humaine, la majesté des choses naturelles ». […] Chacun de ses ouvrages est un sondage dans le sol mouvant et composite de l’histoire humaine. […] Ces hommes ont été confinés par elle aux infimes échelons de la grande hiérarchie humaine. […] Il faut être sensuel pour être humain.
L’amant est tout naturellement l’ennemi du genre humain. […] Il n’y a presque aucune tendresse humaine dans la morale de Platon. […] Elle part de la connaissance de l’âme humaine et elle a pour objet le perfectionnement de l’âme humaine. […] Le beau humain, c’est le bien. […] L’État est une nécessité humaine.
Elle ne se contente pas de marquer ce qui est inconnu à l’intelligence humaine. […] Au fond, ce qui l’intéresse vraiment dans l’histoire, c’est le « moi » humain. […] Flaubert n’a pas échappé à cette loi essentielle de l’intelligence humaine. […] Taine attribue à l’hérédité une influence prédominante sur les actions humaines. […] La créature humaine est naturellement belle à contempler sous ce ciel pur.
Gabriele d’Annunzio faisait un jour cet aveu naïf et typique à un rédacteur du New-York Hérald : « Je suis un pur Latin et chez tout individu de race différente j’aperçois un côté barbare. » Le Français dirait volontiers, lui aussi : « Je suis un pur Français, et tout ce qui n’est pas semblable à moi m’apparaît inférieur. » C’est l’inverse, on le voit, de la parole du personnage de Térence : Homo sum… L’individualisme national exclusif paraît être la plus forte vertu du Français qui, de bonne foi, se croit généralement d’une essence plus pure que les vulgaires humains. Il y aurait là, suivant son intime sentiment, une sorte de prédestination divine ou fatale, que nulle force humaine ne pourra contrarier. […] A les entendre nous ne serions presque que de vulgaires humains, non plus des Français dignes de ce nom, c’est-à-dire des fils de la race élue. […] Si vous insinuez timidement devant l’un d’eux, que l’étranger « a du bon » à certains égard, que diverses pratiques sont supérieures aux nôtres au-delà de nos frontières, que la France n’exerce peut-être plus toute sa suprématie d’antan dans toutes les branches de l’activité humaine, vous avez des chances pour paraître ou scélérat ou imbécile. […] Il nous faudrait un office permanent d’enquêtes sur toutes les branches de l’activité humaine, pour connaître à fond la vie politique et sociale des autres peuples, leurs expériences, leurs pratiques, leurs fautes, leurs succès, leurs innovations ; leurs découvertes et leurs applications scientifiques ; leur administration, leur industrie, leur production, leur commerce ; leur art et leurs traditions ; en un mot leur existence exacte.
Je veux bien qu’un mouvement d’idées qui a compté dans la trie spirituelle du genre humain ou d’une portion du genre humain soit appelé un événement, et qu’on dise, par exemple, que le christianisme, le protestantisme, la scolastique, l’humanisme, la libre pensée, le socialisme ont été d’immenses événements. […] Ce sont les sublimes objets de la pensée humaine et de l’amour humain qui constituent la vraie poésie pure et Henri Brémond l’entend comme nous. […] Et, quoi qu’en pense chacun, il faudrait être bien peu humain pour s’en moquer. […] Je me rends compte néanmoins qu’on ne saurait l’être plus que Moussorgsky, et cela du côté le plus sympathique, le plus humain. […] Leur sensibilité à l’humain en général est souvent courte, banale.
Le réalisme doit reproduire ces deux faces de la vie humaine, sans quoi il n’est pas le réalisme. […] Quel travail s’est fait depuis dans la conscience humaine ! […] De là vient que le romantisme, dans ses élans les plus humains, ne sort pas de la poésie intime. […] Laurent-Pichat s’inspire de préférence du spectacle de la vie et des désolations humaines. […] Maxime Du Camp a su faire vibrer avec une réelle puissance les cordes les plus émues de l’âme humaine.
Ses comédies, trop locales pour être vraiment humaines, ne sont que des satires empreintes d’un caractère d’actualité transitoire258. […] Il a étudié la nature humaine d’après une méthode plus arrêtée et plus philosophique263. […] Elles ne pénètrent pas dans les tortueux replis de l’âme humaine, et de l’âme compliquée par la société269.
Quoique des esprits différents aient pu, sans aucune communication, comme le montre souvent l’histoire de l’esprit humain, arriver séparément à des conceptions analogues en s’occupant d’une même classe de travaux, je devais néanmoins insister sur l’antériorité réelle d’un ouvrage peu connu du public, afin qu’on ne suppose pas que j’ai puisé le germe de certaines idées dans des écrits qui sont, au contraire, plus récents. […] Je me bornerai donc, dans cet avertissement, à déclarer que j’emploie le mot philosophie dans l’acception que lui donnaient les anciens, et particulièrement Aristote, comme désignant le système général des conceptions humaines ; et, en ajoutant le mot positive, j’annonce que je considère cette manière spéciale de philosopher qui consiste à envisager les théories, dans quelque ordre d’idées que ce soit, comme ayant pour objet la coordination des faits observés, ce qui constitue le troisième et dernier état de la philosophie générale, primitivement théologique et ensuite métaphysique, ainsi que je l’explique dès la première leçon. […] Mais je n’ai pas dû choisir cette dernière dénomination, non plus que celle de philosophie des sciences, qui serait peut-être encore plus précise, parce que l’une et l’autre ne s’entendent pas encore de tous les ordres de phénomènes, tandis que la philosophie positive, dans laquelle je comprends l’étude des phénomènes sociaux aussi bien que de tous les autres, désigne une manière uniforme de raisonner applicable à tous les sujets sur lesquels l’esprit humain peut s’exercer.
Point de croyance humaine à laquelle ne corresponde une conception particulière de la vie ; point, de conception particulière de la vie à laquelle ne corresponde une forme particulière de l’art. […] Chacun d’eux exprime un des côtés de la vie humaine, qui chez beaucoup d’êtres humains peut devenir dominant, presque exclusif, et qui a le droit d’animer aussi plus ou moins exclusivement certaines œuvres d’art. […] Et ce développement a lieu le plus souvent dans le sens de la logique, car l’esprit humain, étant plus conscient et plus réfléchi que la nature, est aussi plus raisonné, plus systématique. […] Non, le romancier a toujours pris pour sujet, sinon le cerveau, du moins le cœur, c’est-à-dire l’ensemble des émotions et des sentiments humains ; le romancier, qu’il le veuille ou non, sera toujours un psychologue ; seulement, il peut faire de la psychologie complète ou incomplète, il peut rapetisser le cœur humain ou le voir de grandeur naturelle. […] La destinée humaine tout entière est aussi présente dans toutes les descriptions saillantes de Chateaubriand, de Victor Hugo, de Flaubert, de Zola.
Ce n’est rien moins que toute la vie humaine qu’il encadre dans chacun de ses romans. […] Il a considéré des âmes humaines parfaitement en dehors de quelque temps et de quelque lieu que ce fût, mais qui étaient bien des âmes humaines, et qu’il regardait de très près. […] Une nation n’est pas poussière humaine, avec un trône au milieu. […] — Croit-il au libre arbitre humain ou à la fatalité ? […] laissons aux humains la crainte et l’espérance !
La poésie lyrique elle-même a besoin de relever l’excès de son subjectivisme par quelque chose de général et d’humain. […] bipède humain », privé de toute espérance, affranchi de toute terreur sacrée, n’aura qu’en elle-même son encouragement. […] Père de la personne humaine ! […] Le troupeau humain ne fait, en somme, que suivre. […] Bien fou l’individu qui oserait opposer sa petite opinion personnelle au jugement unanime du genre humain !
Si le système est vrai, celui qui l’a découvert est le plus sublime des génies et le plus grand serviteur du genre humain : donc, s’il y a parmi nous des êtres supérieurs revêtus de la forme humaine, l’auteur est un de ces êtres. […] À chaque page vous embrassez toute la comédie humaine. […] Il n’y a plus rien d’humain en sa nature ; il exploite tout et il foule tout. […] Il prit en pitié la condition humaine et, chercha un remède à de si grands maux. […] Voilà le grand sentiment qui, dans notre continent, a renouvelé la volonté humaine.
Dans les produits simples de l’art plastique, dans la poésie de mots, le plaisir paraît dépendre immédiatement de l’excitation ; seules les œuvres dramatiques, parce que leur matériel est l’action humaine, appellent nécessairement un cortège d’émotions ordinaires, pénibles ou joyeuses, qui n’y prennent cependant, pour parler la langue de M. […] Relisant le livre, évoquant le tableau, faisant résonner à son esprit le développement sonore de la symphonie, l’analyste, considérant ces ensembles comme tels, les restaurant entiers, les reprenant et les subissant, devra en exprimer la perception vivante qui résulte du heurt de ces centres de force contre l’organisme humain charnel, touché, passionné et saisi4. » Et enfin (p. 217), « saisissant ainsi des intelligences telles quelles, les analysant avec une précision et une netteté considérables et les replaçant ensuite par une minutieuse synthèse dans leurs familles, leurs patries, leurs milieux, l’esthopsychologie, un ensemble d’études particulières de cette science, sont appelés à vérifier les plus importantes théories de ce temps sur la dépendance mutuelle des hommes, sur l’hérédité individuelle, sur l’influence de l’entourage physique et social ». […] Il admet avec lui « un principe d’individuation, qui crée à mesure les types humains, et, entre autres, les types des artistes et des héros, — et un principe de répétition qui agrège et soulève l’humanité à ces protagonistes, principe qui se ramène, il y insiste, à une constatation ressentie de ressemblance entre les exemplaires et les adhérents ». […] Tarde une généralisation plus haute encore ; on pourra remarquer que tous ces principes de ressemblance, de l’hérédité à l’adhésion, sont des ressemblances actives, des ressemblances de force, des ressemblances de vibration ; le type de tout le développement animal, humain et social, sera donc la vibration et la consonance qui, l’une, naît, l’autre, répète et perpétue. » Je note, sans la discuter (on ne peut le faire en quelques lignes), cette idée maîtresse de l’ouvrage. […] Suit ce paragraphe extraordinaire (p. 168 et sq.) : « Le livre sera reproduit ainsi comme un objet de lecture réelle sur lequel se seront fixés des yeux humains froids, souriants, émerveillés, hagards, ou à demi clos d’une douleur qui se contient, yeux d’hommes, las de vrais spectacles, limpides ou cruels yeux de femme, yeux ternes des oisifs, yeux lumineux d’adolescent qui, se durcissant aux fictions, s’accoutument à la vie.
Triste condition de cette femmelette que l’on appelle l’esprit humain ! […] Le Moyen Âge a cela de particulièrement colossal qu’il s’appuie, dans ses articulations les plus profondes, sur ce que l’âme humaine a de plus indomptable et de plus fier. […] C’est la conscience et l’orgueil de la liberté humaine, se posant envers et contre tous, et, si cela lui plaît, même contre Dieu ! […] Il avait organisé des duels splendides au premier et au dernier sang, élargissant devant la mort la personnalité humaine, et entraînant des tourbillons d’amis dans un cercle chevaleresque de dévouements et de dangers. […] Grandement compris, excusé en ce qu’il a de vrai, saisi sur le vif de la nature humaine elle-même, le point d’honneur, cette opinion plus forte que les institutions au Moyen Âge, aurait mis sa lumière au sein des faits incohérents.
Après avoir lu ce mâle début de Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là — non pas entièrement venu, mais très apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critiqué la lui donne. […] L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que le high life est la vie des classes supérieures, qui valent mieux que les autres de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] aussi bien dans les peintures que sait oser une imagination si sauvagement amoureuse de l’énergie que dans la conception des autres personnages de ce roman, de si grande proportion humaine, et qui mêlent leur destinée à celle de Guy Livingstone. […] Il y a deux femmes, en effet, dans Guy Livingstone, les deux femmes éternelles qui sont partout, dans toutes les œuvres humaines, quelque nom qu’elles portent ; les deux types primitifs, dont les autres femmes ne sont jamais, plus ou moins, que les divers mélanges ou les dégradations… Il y a la Provocante terrible, le démon charmant, l’Astarté, et en vis-à-vis, pour le combat qui doit la tuer, la Pudeur fière, l’Amour profond, celle qui presque toujours, dans sa lutte contre l’autre, doit mourir… L’auteur de Guy Livingstone n’a pas inventé, en fait de femmes, quelque combinaison nouvelle de caractère ; mais son invention, c’est son intensité. Les deux femmes qui créent, par l’antagonisme de leurs sentiments, le drame de son livre, il en a monté les qualités et les défauts jusqu’à cette note suraiguë qu’il appelle l’outrance, cette outrance que vous retrouvez jusque dans le dénoûment si peu attendu d’un pareil livre, où un colosse de l’énergie et de l’orgueil de Guy Livingstone finit par se transformer jusqu’à subir patiemment et sublimement le plus cruel outrage, sous l’empire des sentiments les plus nobles et les plus doux de la nature humaine : le respect de la parole donnée, le repentir et la fidélité dans l’amour.
Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là, — non pas entièrement venu, mais très-apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critique la lui donne. […] L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal, parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que la high life est la vie des classes supérieures qui valent mieux que les autres, de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] aussi bien dans les peintures que sait oser une imagination si sauvagement amoureuse de l’énergie que dans la conception des autres personnages de ce roman, de si grande proportion humaine, et qui mêlent leur destinée à celle de Guy Livingstone. […] Il y a deux femmes, en effet, dans Guy Livingstone, les deux femmes éternelles qui sont partout, dans toutes les œuvres humaines, quelque nom qu’elles portent ; les deux types primitifs, dont les autres femmes ne sont jamais, plus ou moins, que les divers mélanges ou les dégradations… Il y a la Provocante terrible, le démon charmant, l’Astarté, et en vis-à-vis, pour le combat qui doit la tuer, la Pudeur fière, l’Amour profond, celle qui presque toujours, dans sa lutte contre l’autre, doit mourir… L’auteur de Guy Livingstone n’a pas inventé, en fait de femmes, quelque combinaison nouvelle de caractère ; mais son invention, c’est son intensité. Les deux femmes qui créent, par l’antagonisme de leurs sentiments, le drame de son livre, il en a monté les qualités et les défauts jusqu’à cette note suraiguë qu’il appelle l’outrance, cette outrance que TOUS retrouvez jusque dans le dénoûment si peu attendu d’un pareil livre, où un colosse de l’énergie et de l’orgueil de Guy Livingstone finit par se transformer jusqu’à subir patiemment et sublimement le plus cruel outrage sous l’empire des sentiments les plus nobles et les plus doux de la nature humaine : le respect de la parole donnée, le repentir et la fidélité dans l’amour.
On ne mutilait pas arbitrairement la nature, au grand détriment de la grandeur de la patrie et de l’espèce humaine. […] Nous ferons des hommes, et non plus des rouages humains. […] Nous n’en parlerons pas en ce moment : ils forment des volumes ; ils sont restés monuments de l’esprit humain. […] Mais y a-t-il une seule des adversités humaines qui ne soit accumulée dans la mienne ? […] Cicéron montait plus haut, aussi haut que l’invocation humaine peut monter.
Nous mesurons ainsi la valeur humaine individuelle : La Matière, la Vie, tendent à se conserver (Instinct de conservation. […] Je devais ainsi, opérant la scission d’avec la poésie égotiste pour renouer des traditions lointaines et nouvellement humaines, selon mes possibilités vouloir toute l’humanité et tout le rêve d’une œuvre, et cette triple orientation. Œuvre où continuement avec la pensée évolutionniste partout présente et vivante en elle, s’établissent, non plus des analogies, mais des rapports essentiels entre tous les actes de l’univers de ses origines à ses fins, et de ceux-ci aux actes humains. Le détail se réfère continuellement à l’ensemble, et tout phénomène naturel ou humain, de rapports en rapports, se rattache, d’élargissement en le sens universel, aux diverses séries évolutives. […] Son originalité profonde a reporté le sentiment poétique sur l’universalité des faits, groupés dans l’ensemble harmonieux des lois du savoir humain.
Assurément il est faux de croire que le réalisme se distingue de l’idéalisme soit classique, soit romantique, exclusivement en ce qu’il donne de la nature et de la nature humaine une représentation plus exacte en chacune des scènes et des individus qu’il représente. […] Il s’applique ainsi à susciter des sentiments d’élévation, de plaisir, d’admiration, de complaisance en soi qui viennent de la vue d’un type humain supérieur dans un sens où il serait bon que la race tout entière le fût. […] Le voilà donc forcé par métier de scruter et de s’assimiler toutes les calamités humaines, d’essayer sur sa propre âme les peines aiguës qu’il va faire ressentir obtuses et presque suaves. […] En leur vieillesse, ces âmes impassibles, tantôt déchirées, tantôt exultantes, parviennent à la sérénité ; elles résolvent en une synthèse supérieure, les deux contradictoires de la morale humaine, et arrivent à connaître scientifiquement, c’est-à-dire indifféremment, le mal et le bien, comme les deux termes d’une évolution inqualifiable. […] La sympathie, la pitié, l’horreur de la souffrance humaine, l’altruisme, en un mot, qui met dans l’âme de chacun un reflet de la douleur et de la joie de tous, sont les sentiments qui conduiront nécessairement à la reforme de la vie sociale.
Les poètes indiens chantent les aventures humaines ou divines de Rama ou de Chrisna ; Ferdousi, celles de Rustem et des héros de la Perse ; Homère, celles d’Achille ; Virgile, celles d’Énée ; le Tasse, celles des croisés ; Milton, celles du premier homme et de la première femme ; Klopstock, celles du Christ, revêtant la forme humaine pour subir la mort en satisfaction des crimes de la terre. […] Je l’ai traduit, non pour ses hideux détails de supplice, mais pour quelques cris profondément humains que la torture arrache aux victimes. […] Le beau dans la douleur ; le pathétique, le serrement de cœur par la pitié au spectacle de la douleur d’autrui ; la consonance sublime entre le sanglot d’autrui et notre propre sanglotement intérieur ; la jouissance douloureuse, mais enfin la jouissance morale, de notre sympathie humaine pour la peine d’un être humain comme nous, l’ homo sum, humani nihil a me alienum du poète latin ; cette sympathie désintéressée qui fait à la fois la nature, la vertu et la dignité de l’être humain, sont partout dans cette scène poétique. […] Le beau moral, le beau humain égale dans ce récit l’horreur pathétique. […] » Des accents pathétiques interrompent çà et là, par un contrecoup donné au cœur humain, les visions surnaturelles et souvent apocalyptiques de ses chants.
L’église ancienne est humaine, soit, et parce qu’il faut retrancher tout, ce qui s’est mêlé d’humain à Dieu, il faut la proscrire ; mais l’église nouvelle est humaine aussi, et le même raisonnement va s’appliquer à elle. […] Le Dieu des Juifs est un Dieu national et un Dieu humain. […] Que la faiblesse humaine est étrange en cela ! […] La race humaine, c’était lui. L’espèce humaine paraissant dans le monde se montrait vicieuse.
Non qu’il n’y ait de grands traits, de belles et larges comparaisons, et aussi de ces plaintes toujours vraies et toujours émouvantes sur la vie humaine si traversée et si misérable en elle-même, et où il a fallu, dit-il, que Dieu mît de l’adresse et de l’artifice pour nous en cacher les misères : Et toutefois, ô aveuglement de l’esprit humain ! […] Montaigne (il le nomme en chaire) a beau dire, il a beau tenir en échec la foi, rabaisser la nature humaine, et la comparer aux bêtes en lui donnant souvent le dessous : Mais dites-moi, subtil philosophe, qui vous riez si finement de l’homme qui s’imagine être quelque chose, compterez-vous encore pour rien de connaître Dieu ? […] La raison de cette préférence d’une argumentation froide sur une éloquence sublime est dans la nature des choses humaines. […] De là vient que nous admirons dans ses admirables Épîtres une certaine vertu plus qu’humaine qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant qu’elle captive les entendements ; qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur. […] Il recherche par les exemples d’un Néron ou d’un Nabuchodonosor « ce que peut faire dans le cœur humain cette terrible pensée de ne voir rien sur sa tête.
Quelques-uns de ces caractères ne laissent pas d’étonner au premier abord : en effet Charron s’y montre plus sceptique dans l’exposé de certaines vérités naturelles qu’on ne s’y attendrait d’après son rôle public de théologien, et il nous est possible, sans trop de difficulté, de retrouver le lien qui unit ses ouvrages de religion et d’apologétique à celui qu’il composera bientôt à un point de vue tout philosophique, comme disciple de Montaigne, et sous le titre humain De la Sagesse. […] C’est ainsi que dans la démonstration de la première vérité, qui est l’existence de Dieu, avec les attributs principaux qui en achèvent l’idée, Charron, au lieu de s’appuyer sur le sens commun, sur le sentiment général humain si d’accord avec cette croyance, insiste bien plutôt d’abord sur les difficultés et les impossibilités de concevoir dans sa grandeur propre cette idée infinie ; il dit avant Pascal, et en termes encore plus formels, qu’il y a une sorte de négation absolue non seulement du Dieu-Providence, mais de la cause première, qui ne se peut loger « que dans une âme extrêmement forte et hardie » ; il est vrai qu’il ajoute aussitôt : en une âme « forcenée et maniaque ». […] Même lorsqu’il traite des dogmes et qu’il se livre à un enseignement théologique, ainsi qu’il l’a fait dans son traité des Trois Vérités (1594), et dans ses Discours chrétiens (1600), Charron est sceptique de méthode, c’est-à-dire qu’il insiste avec un certain plaisir et une assez grande force de logique sur les preuves de la faiblesse et de l’incapacité humaine : douter, balancer, surseoir, tant qu’on n’a pas reçu de lumières suffisantes, est l’état favori qu’il propose à quiconque veut devenir sage ; et néanmoins son avis se distingue, à ce qu’il prétend, de celui des purs pyrrhoniens, « bien qu’il en ait l’air et l’odeur », en ce qu’il admet qu’on se soumette en attendant et que l’on consente à ce qui paraît meilleur et plus vraisemblable. […] Et comment voulez-vous que Charron, dans sa controverse chrétienne et dans les discours religieux qu’on a de lui, ait touché au vif la fibre humaine, lorsqu’au fond il a en tel mépris ceux qu’il appelle dogmatises et qui affirment, c’est-à-dire qui n’osent se maintenir dans cet état de balance parfaite où il place le bonheur et la sagesse ? […] Les trois livres dont se compose l’ouvrage roulent : 1° sur l’homme, sa misère, ses faiblesses, ses passions ; sur la vie humaine, ses fluctuations et sa brièveté ; sur les différents états, conditions et genres de vie qui distinguent les hommes ; 2° sur la manière de s’affranchir des erreurs, de l’opinion ou des passions ; 3° enfin, sur les quatre vertus de prudence, justice, force et tempérance.
Pourquoi traduire partout en un calcul sec et ne présenter qu’après dépouillement et analyse ce qui est souvent le fruit vivant, et non cueilli encore, de l’organisation humaine, variée à l’infini et portant ses rameaux jusque vers les cieux ? […] Les grandes choses, et qui sont simples à la fois, ont été dites de bonne heure : les anciens moralistes et poètes ont dessiné et saisi la nature humaine dans ses principaux et larges traits ; il semble qu’ils n’aient laissé aux modernes que la découverte des détails et la grâce des raffinements. […] Leur spiritualisme, tel même qu’ils le définissent et le circonscrivent, outrepasse déjà la nature humaine et en donne une idée plus spécieuse que vraie, et à bien des égards décevante. […] Je voudrais obliger tout le genre humain, et surtout les honnêtes gens ; mais il n’y a presque personne à qui je voulusse avoir obligation. […] Rien ne serait plus sot et plus déplacé ; mais j’ai appris à connaître les hommes en vieillissant, et je crois que le meilleur est de se passer d’eux sans faire l’entendu… Cette rareté de bonnes gens est la honte du genre humain.
Magnin, va plus loin : dans ses ingénieuses recherches sur les origines du Théâtre moderne, il tendrait à admettre qu’il y a eu aussi peu d’interruption que possible dans l’exercice de cette faculté dramatique qui est inhérente à l’esprit humain, et il en recueille partout des vestiges. […] Mais la première condition de l’esprit critique bien entendu est (sans cependant tout niveler dans son estime) de reprendre, chaque grand fleuve à sa source, chaque grande production et végétation humaine à sa racine, et de la suivre dans son vrai sens et comme de droit fil pour la bien posséder tout entière et être ensuite à même d’en juger tout à fait pertinemment, par comparaison avec d’autres, et en pleine connaissance de cause. […] Comme toutes les facultés humaines y trouvaient à la fois leur compte ; et que l’on conçoit bien que les saint Bernard, les saint Bonaventure et toutes ces âmes mystiques et ardentes qui nous sont personnifiées sous de tels noms, y trouvassent leur fête et leur complet rassasiement ! […] Insistant avec Adam en particulier sur la félicité qui, lui est destinée, et lui montrant le jardin du Paradis, Dieu y introduit lui-même le couple humain. […] Cela complète la série des faits humains, sans que le trésor de l’esprit humain en soit augmenté.
Il en est ainsi d’un bout à l’autre de l’histoire ; chaque siècle, avec des circonstances qui lui sont propres, produit des sentiments et des beautés qui lui sont propres ; et à mesure que la race humaine avance, elle laisse derrière elle des formes de société et des sortes de perfection qu’elle ne rencontre plus. […] L’esprit humain coule avec les événements comme un fleuve. […] Si vous nous transportez en idée dans des régimes entièrement différents, je ne sais plus que dire, bien que je croie toujours à la permanence d’une certaine délicatesse, une fois acquise, dans l’âme humaine, dans l’esprit des hommes ou des femmes. […] « L’esprit humain, dites-vous, coule avec les événements comme un fleuve. » Je répondrai oui et non. Mais je dirai hardiment non en ce sens qu’à la différence d’un fleuve l’esprit humain n’est point composé d’une quantité de gouttes semblables.
La Grèce peut ainsi séparer ses habitants les uns des autres par des limites naturelles ; mais en même temps ces rapprochements et ces contrastes, en mettant en rapports fréquents les pâtres des montagnes, les agriculteurs des vallées et les marins du rivage, ont l’avantage de multiplier les échanges et les idées, et de provoquer l’activité humaine dans les directions les plus opposées. […] Marc-Aurèle couronne ce siècle unique dans l’histoire par sa sagesse et par ses vertus : il est le plus philosophe et le plus humain de tous ceux qui ont jamais régné. […] » On arrive à ce même dégoût par tous les chemins ; il suffit d’avoir longtemps vécu et d’avoir eu à se démêler de trop près avec l’espèce humaine. En ce qui est de Marc-Aurèle en particulier, une remarque ressort de l’étude de sa vie et de la lecture de ses Pensées : il ne faut pas être trop sage pour réussir en ce monde et pour enlever le genre humain. […] Marc-Aurèle n’avait à offrir que la patience, la résignation, la conscience du devoir accompli, la satisfaction interne sobre et austère, les palliatifs de la sagesse, les moyens humains : il n’a parlé, il ne parle encore qu’à quelques-uns.
A cette époque, en effet, on avait le goût de la plus haute généralité possible dans l’interprétation des faits humains. […] Il n’en est pas ainsi : la démocratie est un fait humain, et, comme tous les faits humains, mélangé de bien et de mal. […] Si les classes les plus élevées perdent quelque chose de leur élégance, les plus basses perdent de leur grossièreté ; un esprit de cordialité et de familiarité, plus vulgaire, mais plus humain, remplace la politesse des anciens temps ; les mœurs deviennent plus douces et plus fraternelles. La sympathie pour les misères humaines et pour tout ce qui touche l’humanité, la curiosité et la compassion pour les races lointaines opprimées, persécutées, l’horreur pour tout ce qui fait souffrir inutilement les hommes, le scrupule dans le choix et la mesure des peines, tels sont les traits les plus nobles et les plus relevés des sociétés démocratiques. […] Avant lui, beaucoup d’autres avaient dit déjà que nul pouvoir humain ne doit être absolu, que la toute-puissance est en soi une chose mauvaise et dangereuse, au-dessus des forces de l’homme, que la démocratie a une tendance naturelle à devenir despotique, et qu’il faut par conséquent la tempérer, la limiter, la contenir par les lois.
Toutes les hautes têtes du siècle sont ses rejetons, et, parmi celles-ci, quelques-unes sont au nombre des plus hautes qu’ait produites l’espèce humaine C’est que la nouvelle semence est tombée sur le terrain qui lui convient, je veux dire dans la patrie de l’esprit classique. […] Rien d’étrange si vous les trouvez habiles pour apprêter la parole humaine, pour en exprimer tout le suc et pour en distiller tout l’agrément. […] Une philosophie complète, une théologie en dix tomes, une science abstraite, une bibliothèque spéciale, une grande branche de l’érudition, de l’expérience ou de l’invention humaine se réduit ainsi sous sa main à une phrase ou à un vers. […] Mais quel attrait pour des Français, pour des gens du monde, et quel lecteur s’abstiendra d’un livre où tout le savoir humain est rassemblé en mots piquants Car c’est bien tout le savoir humain, et je ne vois pas quelle idée importante manquerait à un homme qui aurait pour bréviaire les Dialogues, le Dictionnaire et les Romans. […] Brusquement, d’une main sûre et sans avoir l’air d’y toucher, il enlève le voile qui couvre un abus, un préjugé, une sottise, bref quelqu’une des idoles humaines.
C’est un lieu de communion humaine. […] Un roi a bêtement volé l’esprit humain. […] Elle est encore à cette heure une des capitales de la pensée humaine. […] Une page se déchirait brusquement dans le livre humain. […] Toute une façade de l’esprit humain à demi écroulée, voilà l’antiquité.
C’est l’attitude naturelle de l’animal humain devant le danger physique. […] Et comme tous les moyens humains échouaient, on eut recours à la magie. […] Les esprits politiques de notre temps qu’on appelle « avancé », les collectivistes, par exemple, ont cet air enfantin, à cause de leur croyance, d’origine religieuse, qu’on peut changer la nature humaine, en changeant les lois humaines. […] Cette faiblesse nous prive de considérations piquantes sur l’état présent des mœurs et aussi sur la nature humaine. […] La comparaison de l’organisme social au corps humain, c’est encore du Platon.
Ce n’est plus le critique qui ne voyait que la beauté dans les choses humaines, esthétique par-dessus tout ; que le piquant, le neuf, l’inattendu réjouissait et enthousiasmait dans les œuvres de la pensée, et qui se moquait bien du reste ! […] Lui qui avait de la réalité à côté de l’imagination dans la tête, qui avait de l’observation, de la netteté dans le regard, et de la raillerie au service de tout ce qui était hypocrite, pédant et niais, croit à la perfectibilité du genre humain comme le plus simple épicier de cette grande époque, dont c’est l’opinion. […] Mais je prendrai Balzac à part, parce que Balzac, incomparable à tous les autres, grandeur intellectuelle aussi absolue que le peut être la grandeur humaine, est le plus renversant exemple de l’égarement de la pensée de Chasles, toqué et tiqué de moralité. […] Du temps de Balzac, on lui a craché cette accusation facile et hypocrite d’immoralité, et il y a répondu, dans l’immortelle préface de la Comédie humaine, de manière à faire taire tous ces susurrements de reptiles. […] sait mieux pleurer sur les misères humaines.
L’Essai de Locke sur l’entendement humain, traduit en quatre vol. […] Ces trois morceaux sont dignes d’un Philosophe, qui connoît toute la marche de l’esprit humain. […] Exposer l’ordre & l’enchaînement des connoissances humaines, présenter sur chaque science & sur chaque art, soit libéral, soit méchanique, les principes généraux qui en sont la base, & les détails les plus essentiels qui en sont le corps & la substance ; c’est-là le vaste, le magnifique projet des auteurs de l’Encyclopédie. […] Ce grand homme nous a laissé un arbre encyclopédique, où se trouve la division générale de la science humaine en histoire, Poésie & Philosophie, selon les trois facultés de l’entendement, mémoire, imagination & raison.
je le dis avec une conviction qui n’emprunte rien au patriotisme et rien à l’illusion, pendant que la grande littérature, l’expression de l’esprit humain par la parole, baisse depuis quelques années en Europe, elle monte en France. […] Voilà pourquoi nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître dans la littérature française les trois grands caractères qui finissent par dominer un monde et une ère de l’esprit humain. […] La langue lui doit en précision sentie tout ce qu’il fait perdre de droits et de bon sens à la raison humaine. […] Ce sont des orateurs humains ; l’orateur divin, c’est Bossuet. […] « Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine !
On ne sortirait pas de ce doute, si l’on s’en tenait à une conception étroite de la vie humaine. […] Le succès lui semblait aussi vain que les autres vanités humaines ; pourtant, il voulut tirer parti de son talent. […] Importance de la vie humaine. […] Il n’a pas vu Dieu se former dans la conscience humaine. […] Lemaître ne retient que ce qu’il y a d’humain et apparaît ainsi manifestement dépourvu de génie métaphysique.
Les dieux des anciens partageant nos vices et nos vertus, ayant, comme nous, des corps sujets à la douleur, des passions irritables comme les nôtres, se mêlant à la race humaine, et laissant ici-bas une mortelle postérité ; ces dieux ne sont qu’une espèce d’hommes supérieurs qu’on est libre de faire agir comme les autres hommes. […] Le Dieu qui régit les mondes, qui crée l’univers et la lumière, qui embrasse et comprend tous les temps, qui lit dans les plus secrets replis du cœur humain : ce Dieu peut-il être comparé à un dieu qui se promène sur un char, qui habite un palais d’or sur une montagne, et qui ne prévoit pas même clairement l’avenir ? Il n’y a pas jusqu’au faible avantage de la différence des sexes et de la forme visible, que nos divinités ne partagent avec celles de la Grèce, puisque nous avons des saintes et des vierges, et que les anges, dans l’Écriture, empruntent souvent la figure humaine.
Il n’a que trop bien accompli ce rôle ; il a ajourné l’esprit humain de trois siècles. […] Histoire, poésie, philosophie, romans, théâtres, journaux, libelles : c’était un véritable pillage de l’esprit humain. […] Ils étaient aussi inconnus que ceux des pèlerins qui essuient leur sueur sur le bord du chemin de ces saints de la gloire humaine ! […] Il brûlait parce qu’il était brûlé ; son feu était sans mélange d’éléments humains. […] Il est un de ces deux ou trois hommes par siècle qui ont les pieds sur cette fange, le cœur dans ce peuple, mais qui ont la tête au-dessus des brouillards humains !
« La plante humaine y naît plus forte qu’ailleurs. » On y aime véhémentement, et on y tue par amour cordialement. […] Jamais la société humaine ne s’y conforme entièrement, mais, et précisément pour cela, l’homme l’éprouve toujours. […] Encore une sottise humaine, une déclamation, un sophisme, un lieu commun vide » ; et ils souhaitent que ce ne soit pas autre chose. […] C’est une des misères de la condition humaine que ce qui devrait mener à une conviction empêche presque nécessairement d’en avoir une. […] Ils commencent par étudier le premier sujet humain qu’ils trouvent sous leur regard, à savoir eux-mêmes.
On peut le comparer à une contraction violente qui a infléchi l’attitude primitive de l’âme humaine. […] Une pensée qui pour nous est presque nulle, parce qu’elle est d’un autre âge et appartient à un autre moment de l’esprit humain. […] L’association humaine, si lâche dans l’Iliade et dans l’Odyssée, resserre ses mailles. […] Pourtant nous en devinons assez pour comprendre ce qu’une pareille culture peut fournir aux arts qui figurent le corps humain. […] Aux beaux siècles de la statuaire, cet arrière-fond perçait encore visiblement sous la figure humaine et précise par laquelle la légende l’avait traduit.
Quelle rieuse vendange au milieu de cet automne de la race humaine ! […] Comme en pareil lieu on se détache vite des choses humaines ! […] Pour s’affiner, il s’est détraqué ; il a opposé le surnaturel à la nature, et l’épuration de la conscience humaine au développement de l’animal humain. […] Bref, il philosophait sur la condition humaine : rien n’attriste davantage. […] Point de parenté étroite entre ses figures ; il n’a pas créé de type humain qu’on reconnaisse d’abord et qui lui soit propre.
Celles-ci étaient de fabrication humaine. […] Et ce serait pour l’esprit humain une libération. […] La manière humaine de penser. […] Les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain. […] Telle est la vie humaine.
C’était la première fois que, dans cette enceinte, on entendait un cri de pitié humaine. […] Il manipule avec une plus grande dextérité le mécanisme compliqué des actions et des passions humaines. […] Car tout est énorme, passionné, et tout intellectuel — et cependant humain — en M. […] … Est-ce donc possible qu’un être humain puisse en venir à une telle sauvagerie, à une telle laideur, et cela froidement ? […] Mais où donc as-tu vu que les rêveurs n’aient point apporté leur part de bien au progrès humain ?
de chaque groupe humain qu’il étudie. […] Ces contradictions de la nature humaine ne sont pas une découverte moderne. […] Dans des œuvres moins géniales, cette valeur historique l’emporte sur la valeur humaine. […] Si toute activité humaine n’est qu’un moment de l’Être éternel, n’est-ce pas s’associer à cet Être que de la comprendre ? […] » Ce besoin qu’il y ait un sens humain à la vie humaine, cette certitude que l’obscurité actuelle où nous nous débattons s’éclairera d’une lumière consolatrice, et que nous possédons déjà des signes et des traces de cette lumière, — c’est tout Pascal.
On n’a jamais fait, que je sache, une histoire complète de l’art dramatique ; autant vaudrait entreprendre l’histoire universelle du genre humain. […] — Et le voilà, appartenant à qui veut l’écrire, ce livre de morale, d’histoire, et de philosophie où se doit rencontrer, à la longue, le poème universel du genre humain ! […] En revanche, s’il n’y a pas d’esprits forts, il y a les hommes forts, il y a les disciples de Danton, de Robespierre, de Marat, d’honnêtes sans-culottes, bien vêtus qui ne voudraient pas tuer une mouche, et qui désirent, tout haut, que le genre humain n’ait qu’une tête… Oui, Suzon soyez-en sûre, ils couperaient la tête du genre humain ! […] Vous régnez du droit despotique de votre jeunesse et vous voilà, de prime abord, au niveau de toutes les adorations humaines, au-dessus de tous les blâmes ! […] Heureusement la critique est plus humaine que le public.
de qui le poing ramasse nos siècles… Après lui, qui, entre les quatre vents de l’esprit, suprêmement réalise les généralités de l’âme humaine et naturelle, et de qui l’amplitude occidentale nous couve : ne devait-on point se sentir averti. […] Elle manquait ainsi qu’en toute notre Poésie, malgré ses émouvantes phrases humaines à travers le Moi du poète, qui ne put davantage de ses Inspirés tenir une œuvre-une pleine de la volonté pensante et pesante d’une vie. […] Et, si l’on ne peut assentir au dire de Schumann, que « tous les instruments sont des voix humaines », il est permis d’émettre en axiome que les Voix sont des instruments, et plus. […] L’instrument de la voix humaine est, à note variée, une anche, — complétée d’un résonnateur à résonnance variée. […] L’expression de la voix humaine se ramène essentiellement à trois éléments : d’émotivité instinctive, d’imitation (phonétique, graphique, colorée) des phénomènes extérieurs, — et de sentiment et de pensée.
De l’émulation Parmi les moyens de perfectionner les productions de l’esprit humain, il faut compter pour beaucoup la nature et la grandeur du but que peuvent se promettre ceux qui se consacrent aux études intellectuelles. […] Dans la langue adoptée par la coalition de certains hommes, connaître le cœur humain, c’est ne se laisser jamais guider dans son aversion ni dans ses choix par l’indignation du vice, ni par l’enthousiasme de la vertu ; posséder la science des affaires, c’est ne jamais faire entrer dans ses décisions aucun motif généreux ou philosophique. […] La philosophie ne rend impropre qu’à gouverner arbitrairement, despotiquement, et d’une manière méprisante pour l’espèce humaine. […] Il faut, pour le bonheur du genre humain, que les grands hommes chargés de sa destinée possèdent presque également un certain nombre de qualités très différentes ; un seul genre de supériorité ne suffit pas pour captiver les diverses classes d’opinions et d’estime ; un seul genre de supériorité ne personnifie point assez, si je puis m’exprimer ainsi, l’idée qu’on aime à se faire d’un homme célèbre. […] Rien n’anime et ne régularise les méditations intellectuelles, comme l’espoir de les rendre immédiatement utiles à l’espèce humaine.
Ce fut l’apothèse longuement préparée par les dialecticiens scolastiques du moyen âge : les temps do la naïveté avaient été, ceux de la connaissance venaient, et les temps do la connaissance exaltaient les rigides lois d’une logique qui s’empruntait d’Aristote, à travers saint Thomas, pensant établir par les forces mêmes de la raison seulement humaine la vérité de la Révélation. Sans doute le sentiment de la couleur et de l’harmonie sommeillait et sans doute, à maintenir si longtemps dans cette pénible attitude doctorale l’esprit humain, on risquait de le paralyser, de le dessécher, de lui faire oublier la grâce de gestes plus vivants : le XVIIIe siècle, cette mare, puis ce torrent, est le loyer dont nous payâmes le XVIIe Le Romantisme n’eut point d’autre fonction que de rappeler l’art français au souci du monde extérieur : sur l’Ame de Bossuet et de Racine, Hugo et Gautier jetèrent leur draperie splendide. […] Mais Classiques et Romantiques avaient également négligé une part importante de composé humain : le corps organisé. […] Mis à part des génies tout puissants comme Pascal et Balzac qui reflétèrent dans le flot profond de leur pensée tout l’art et toute la vie, et des esprits infiniment subtils et délicieux comme Joubert et Stendhal qui se datèrent de l’avenir, tous nos grands ancêtres ont donc coopéré à cette vaste analyse humaine qu’enfin voilà conclue. […] L’autre question est celle-ci : les procédés qui ont suffi à l’analyse du composé humain suffiront-ils à la synthèse ?