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1124. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Les premiers hommes, fixés sur les hauteurs, près des sources vives, perdirent par une vie plus douce la taille des géants.

1125. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Point de mots vifs, de réquisitoires violents, d’éloges empressés, de railleries perçantes. […] Aucune sorte de talent ne pénètre le lecteur d’impressions plus vives et plus contraires. […] L’émotion trop vive l’empêche de douter quand il compose ; l’émotion trop vive l’empêche d’être clair quand il écrit. […] Leur battement d’ailes est si vif que l’œil ne le perçoit pas ; l’oiseau-mouche semble immobile, tout à fait sans action. […] Non seulement il en avait de trop vives, mais encore il en avait trop.

1126. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin que vieux, intimidé, paisible, et qui ne l’ont connu que comme un érudit ingénieux et patient, ne sauraient se faire idée de ce qu’il était alors dans le vif et le dégagé de sa polémique. […] Magnin, dans le même journal, fit une guerre qui put paraître un instant vive et piquante, qui (à parler franc) me sembla toujours mesquine, au roi Louis-Philippe au sujet des légers changements pratiqués dans le jardin des Tuileries. […] Face à face et de vive voix, il valait moins qu’avec la plume (je ne parle pas de la conversation privée, où il était fort aimable).

1127. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Le sentier ruisselait de verdure et d’eau vive, Tournait autour des houx que l’eau froide ravive ; Leurs grains rouges semblaient des grappes de corail. […] Cet escalier tournant qui descendait plus sombre, Les chants de ce bouvreuil dans ce bois effeuillé, Les eaux vives courant sur le caillou mouillé, Cette gorge sonore où la brise apaisée Accompagnait si bien le rêve ou la pensée, Cette marche en avant comme un pas aux combats, Ce haut isolement des tumultes d’en bas, Ce grand cloître des bois propice à la lecture Et la libre amitié dans la libre nature... […] XX Je parlerai surtout bientôt d’un autre hasard ou plutôt d’un autre bonheur de génie, dans une rencontre qui nous a donné et qui donnera probablement à l’Angleterre, à la France, à l’Europe, d’étranges étonnements et de vives admirations quand l’heure sera venue.

1128. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Je cherchai à me souvenir juste de l’air qu’Hyeronimo et moi nous avions composé ensemble, et petit à petit, note après note, dans nos soirées d’été du dimanche sous la grotte, et qui imitait tantôt le roucoulement des ramiers au printemps sur les branches, tantôt les gazouillements argentins des gouttes d’eau tombant de la rigole dans le bassin du rocher, tantôt les fines haleines du vent de nuit qui se tamise, en se coupant sur les lames des joncs de la fontaine, aiguisées comme le tranchant de la faux de mon père ; tantôt le bruit des envolées subites des couples de merles bleus, quand ils se lèvent tout à coup du fourré, avec des cris vifs et précipités, moitié peur, moitié joie, pour aller s’abattre sur le nid où ils s’aiment et où ils se taisent pour qu’on ne puisse plus les découvrir sous la feuille. […] Pour toute réponse, je ramassai l’instrument de musique à terre, et je jouai une seconde fois l’air d’Hyeronimo et de Fior d’Aliza ; mais je le jouai d’un mouvement plus vif, plus pressé, plus joyeux, avec des doigts qui avaient la fièvre et qui communiquaient aux sons le délire de mon contentement d’avoir découvert mon cousin. […] En me voyant ainsi, tout habillée de si bon matin et faisant si dévotement ma prière (elle le crut ainsi du moins), la brave créature conçut encore, à ce qu’elle m’a dit depuis, une meilleure idée du petit pifferaro et une plus vive compassion de mon isolement dans cette grande ville de Lucques.

1129. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Sa vive imagination s’éveillait alors, et, comme il arrive d’ordinaire aux vieillards, c’étaient les souvenirs d’enfance qui lui revenaient le plus souvent à l’esprit. […] Le sentiment dont nous parlons ne tue que celui qui l’éprouve, et voilà pourquoi la race bretonne est une race facilement chaste ; par son imagination vive et fine, elle se crée un monde aérien qui lui suffit. […] Au moment du plus vif embarras, — la fille apparaît : « Ah !

1130. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Je retrouve en moi son regard vif, ardent, varié comme un foyer d’étincelles. […] Faisons donc, comme il convient, des œuvres françaises, vives et nettes, jaillies de nous seuls, mais rappelons que le théâtre n’est pas un lieu de concert et, si nous l’abordons, soumettons-nous résolument à la logique théâtrale. […] « J’ai lu et relu, continue-t-il, cette page étrange ; je l’ai écoutée avec l’attention la plus profonde et un vif désir d’en découvrir le sens ; eh bien, il faut l’avouer, je n’ai pas encore la moindre idée de ce que l’auteur a voulu faire… » Berlioz ne pouvait cependant méconnaître absolument la valeur de ce prélude : « Ce compte-rendu sincère, dit-il, met assez en évidence les grandes qualités musicales de Wagner.

1131. (1894) Critique de combat

Elles crient volontiers : « Vive la vie !  […] Vive au contraire l’Amérique ! […] Parfois cependant, sous le coup d’une émotion vive, il rencontre le trait pittoresque. […] Nous touchons là au vif de la question sociale. […] Il s’y trouve des personnages pris sur le vif et alertement dessinés en quelques coups de crayon.

1132. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Pourtant elles ont perdu leurs vives couleurs. […] Eaux vives ! […] » À ce mot, ils crièrent tous d’une seule voix : « Vive l’empereur ! […] Elles sont d’une couleur vive, d’un goût hardi, d’un bel effet et d’un grand sens. […] L’œil est vif, la bouche moqueuse, la physionomie charmante.

1133. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

De vives critiques et de mordantes railleries ne sont pas incompatibles avec une réelle admiration. […] Le succès en fut prodigieusement vif. […] Il supporte tout, pourvu qu’il vive. […] Julien Benda non seulement avec le plus vif plaisir, mais encore avec une sorte de passion. […] Histrions est un peu vif.

1134. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Levallois est un écrivain qui pense par lui-même et qui, par conséquent, ne craint pas de contredire à la rencontre quelques idées reçues ; et ici l’affinité de son sujet l’a conduit à des jugements plus vifs qu’on n’en a d’ordinaire sur ces querelles d’autrefois. […] Il n’est point de lecteur, au reste, qui n’ait lieu d’être amplement satisfait d’un travail si plein, si net, et où l’on est à tout moment dans le vif. […] Je ne doute point pourtant que dans cette Rome émancipée et où les patriciennes avaient jeté le voile, au temps d’Ovide, le poète n’ait dû bien des succès et des bonnes fortunes à ses vers ; mais ce n’est point les bonnes fortunes que nous demandons pour l’auteur et le poète, c’est un sentiment pur, vif, dévoué, durable, indépendant de la jeunesse et du temps. […] Mme de Verdelin ne se rendit pas aux raisons de Rousseau : elle se retrancha dans un sentiment plus vif de ses devoirs envers ses filles, et s’arma contre elle-même des promesses qu’elle avait faites à leur père au lit de mort.

1135. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Il faut donc que cet écrivain prédestiné à devenir prophète naisse et vive dans l’éloignement ; il faut de plus qu’il naisse et qu’il vive dans un temps de grande dissension de l’esprit humain, époque où chaque parti a besoin de champions éclatants pour embrasser, fortifier, diviniser sa cause. […] Ce que je puis vous dire, c’est que je me suis avancé dans la confiance du général, car en sortant il dit au chambellan qui l’accompagnait : Je suis vif ; si par hasard j’ai dit quelque chose qui ait pu affliger le comte de Maistre, dites-lui que j’en suis fâché. […] « Au reste, quoique je connaisse les formes et que je sois très résolu à m’y soumettre, quoique j’aie la plus grande idée des ministres français et que la confiance qu’ils ont méritée les recommande suffisamment à celle de tout le monde, néanmoins je dois répéter ici à M. le général Savary ce que j’ai eu l’honneur de lui dire de vive voix : c’est que mon ambition principale, en me rendant à Paris, serait, après avoir rempli toutes les formes d’usage, d’avoir l’honneur d’entretenir en particulier Sa Majesté l’Empereur des Français.

1136. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Montesquieu a loué, comme un des récits les plus vifs qu’on ait jamais écrits, la retraite du général Shulenburg. […] Une source d’eau vive, un jardin, un bois tout près, la solitude, et dans la maison la place pour quelques amis, tel est le château de Gil Blas. […] « Le goût, dit-il, est un discernement délicat, vif, net et précis de toute la beauté, la vérité et la justesse des pensées et des expressions qui entrent dans un discours. » N’est-ce que cela ? […] Vient enfin Marmontel, définisseur par profession, qui voit dans le goût « un sentiment vif et prompt des finesses de l’art, de ses délicatesses, de ses beautés les plus exquises, et de même, de ses défauts les plus imperceptibles et les plus séduisants. » C’est bien raffiné pour être un sentiment, et le raffinement est trompeur : témoin Marmontel, qui, pour en avoir trop mis dans ses jugements littéraires, en vint à dire du mal de Boileau, et, qui pis est, à le dire en vers, prouvant, contre sa propre théorie, qu’il ne savait voir ni les beautés chez les autres, ni les défauts chez lui.

1137. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Là il assistait à une conversation ; là le dialogue est vif, coupé ; l’attaque et la riposte s’y succèdent comme les coups dans un duel. […] Il les faut espiègles, alertes, vifs, pour ces artifices de scène où il ne peut y avoir de naturel que leur talent. […] Lisette surtout, quand je la vois aux trousses du Méchant, me rappelle Dorine aux trousses de Tartufe ; par le bon sens, la riposte leste, le mot vif et heureux, elle en est par moments la digne fille. […] Plus loin, Beaumarchais s’écrie : « Plus de comédies avec les pointes et cocardes du comique : plus de ces dialogues qui ne sont que deux longs monologues qui se croisent ; au lieu de cela, le dialogue vif, pressé, coupé, tumultueux, où chacun ne parle que le temps qui lui est laissé par l’impatience de l’interlocuteur.

1138. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Il y a toutefois pour ces gens qui ne connaissent la Révolution que d’après Ponsard, une certaine stupeur devant cette Révolution de vérité et d’histoire sur le vif. […] Une verve grosse mais qui va toujours, des ripostes qui sabrent tout, sans souci de la politesse, un aplomb qui touche à l’insolence, et qui en donne à sa parole toutes les bonnes fortunes ; par là-dessus, une amertume cruelle… mais incontestablement un esprit bien personnel, un esprit mordant, coupant, emporte-pièce, que je trouve supérieur à l’esprit que l’auteur dramatique met dans ses pièces, par sa qualité de concision et de taille à arêtes vives, qu’il a, cet esprit, dans sa première spontanéité ! […] Elle est généralement, à ce moment, matinalement gaie, vive avec un éveil de santé, volontiers plaisantante, fouettée par les lettres reçues, par les lettres écrites, par les nouvelles de la presse. […] * * * — L’idéal du roman : c’est de donner avec l’art, la plus vive impression du vrai humain, quel qu’il soit.

1139. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Chez Tolstoï, dont la foi religieuse bien que fort vive n’est pas à proprement parler mystique, puisque sa religion est un système rationnel et qu’il croit à un triomphe sur terre, ou peut cependant ramener clairement l’origine des pensées qui le lui ont fait adopter à une prédominance graduelle de la sensibilité sur les facultés de perception, qui pourtant étaient chez lui énormes, et sur les facultés d’idéation qui étaient plus faibles. […] Un système sensoriel délicat, qui implique la prédominance d’impressions très vives, est cause d’un excès de sensations pénibles, les excitations ressenties comme faibles et agréables par des nerfs obtus, devenant excessives et pénibles en des nerfs hypéresthésiés. […] Cet auteur presque parfait mais moyen, a rencontré de vives amitiés parmi les écrivains de l’époque impériale ; il n’a guère influé sur aucun d’eux, sauf, peut-être Prosper Mérimée, auquel il put apprendre dans une certaine mesure à modifier la forme de sa nouvelle, à passer du récit compassé de ses premières œuvres à une ordonnance plus libre. […] Les romantiques par la description à laquelle ils s’astreignaient de tout ce monde extérieur qui provoque de si vifs mouvements d’âme, par le souci de trouve une forme d’expression qui rendît ces puissantes passions qu’ils voulaient montrer, furent des stylistes ; ils se tirent, avec mille peines, une langue nouvelle, compliquée et riche, que leurs successeurs travaillèrent encore.

1140. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Une intelligence juste, vive et fine, un cœur ouvert, large et bienveillant sont les deux conditions nécessaires à un peuple ou à un homme pour avoir ce qu’on appelle de l’esprit. […] plutôt, sans ce nom, dont la vive lumière Donne un lustre éclatant à leur veine grossière, Ils verraient leurs écrits, honte de l’univers, Pourrir dans la poussière à la merci des vers ! […] Vérité, clarté, propriété, sobriété saine, sens spirituel et juste dans une image naturelle et proportionnée au sens, harmonie des vers sans mollesse, brièveté de la phrase poétique qui ajoute à sa vigueur, trait inattendu qui frappe avant d’avoir averti, peu d’élan, mais une marche vive et sûre qui va droit au but et qui ne trébuche jamais ; en un mot toutes les qualités, non d’un grand poète, mais d’un grand manieur de la langue poétique, voilà ce qui distingua à l’instant ce jeune homme et qui donna à sa jeunesse l’autorité d’un âge avancé. […] Par la première il comprima, autant qu’il était en lui, les originalités, les témérités, les audaces, les enthousiasmes poétiques de la France littéraire, et il la condamna à se calquer servilement sur l’antique, c’est-à-dire à calquer le vif sur le mort.

1141. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

… Quand le jeune Audin eut passé sa licence, il se détourna tout à coup du barreau, « obéissant, a dit un de ses biographes, à cette timidité naturelle, venant d’une modestie extrême, qu’il conserva jusqu’à sa mort, et qui, même après tous ses succès, paralysait cet esprit si vif, si pénétrant, devant des étrangers, étonnés qu’on pût ignorer ainsi sa propre valeur ». […] Il y montra beaucoup de largeur et un sentiment très vif de son sujet. […] La civilisation chrétienne périssant sous la civilisation païenne, ressortie de ses ruines depuis le xve  siècle, le mort revenant tuer le vif, la tradition coupée comme une corde de harpe, les ancêtres niés, les langues retardées dans leur développement par ce latin qui n’était plus le robuste latin des moines dans lequel palpitaient l’âme et le génie du Moyen Âge, mais un latin qui singeait l’antique et qui puait la tombe sous ses élégances comme les momies sous leur rouge ; l’imitation substituée à l’originalité et l’empêchant même de naître, tel fut, en quelques mots, le crime intellectuel de la Renaissance, et ce crime, dont nous portions la peine, s’était épuisé dans des littératures qui n’avaient plus une goutte de sang dans les veines. […] Quant à la vérité complète, qui sera peut-être dite un jour par un écrivain assez fier pour se soucier peu d’être impopulaire, elle est, d’une part, dans cette furie incoercible du peuple, victime des protestants depuis plusieurs années déjà, — attaqué et périssant dans ses œuvres vives ; — mais elle est aussi dans la tentative du gouvernement de cette époque pour s’emparer du mouvement populaire, pour le diriger et en assurer le résultat.

1142. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

a sur Madame toute la supériorité d’une nature de génie faite exprès pour sonder et pour fouiller dans les cœurs, pour en rapporter des descriptions toutes vives, qu’il nous rend présentes en traits de flamme. […] Toute passion vive devient aisément cruelle quand elle se trouve en face de l’objet qui la gêne ou qui la brave.

1143. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Les conseils de Fénelon sont donnés en des termes appropriés et vifs, qui deviennent autant de traits à recueillir pour un portrait fidèle de ce bon duc : J’ai souvent remarqué que vous êtes toujours pressé de passer d’une occupation à une autre, et que cependant chacune en particulier vous mène trop loin. […] Si quelque chose pouvait être nécessaire pour convaincre de la profonde sincérité chrétienne de Fénelon et de sa haute rectitude morale, cette correspondance avec le duc de Bourgogne ou à son sujet suffirait à en donner la preuve ; car, au point de vue humain et à celui de la Cour, il n’est rien de plus vif, de plus désobligeant, de plus blessant même ni de plus âpre en fait de vérité : il n’y a rien là qui tende à ménager et à prolonger le crédit par aucune flatterie ni louange.

1144. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Sur Parny, par exemple, on lit : « Le chevalier de Parny est grand, mince, le teint brun, les yeux noirs enfoncés et fort vifs. […] Une part de factice peut se mêler bientôt et s’introduire dans l’exécution des longues œuvres, cela se voit trop souvent ; mais si elles sont élevées et si elles ont été puissamment émouvantes, il faut que l’inspiration première du moins ait été vive, et qu’il y ait eu un foyer.

1145. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Sur la fin de l’année 1543, M. de Botières, qui commandait un peu mollement en Piémont, fut remplacé par le comte d’Enghien, jeune prince de qui l’on attendait beaucoup et qui rendit à l’armée de vives espérances. […] Toute cette scène est racontée par celui-ci d’une manière vive et charmante.

1146. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Il a beaucoup d’expressions de cette sorte, fraîches ou fortes, et presque toujours vives, dont il nourrit et anime sa diction ; il dira, parlant des enfants : « Il faut leur grossir le cœur d’ingénuité, de franchise, d’amour, de vertu et d’honneur. » Il dira, parlant de la ditférence trop souvent profonde et de l’abîme qu’il y a, — qu’il y avait alors, — entre le sage et le savant : « Qui est fort savant n’est guère sage, et qui est sage n’est pas savant. […] Mais cela est bien plus aisé à pratiquer lorsqu’on n’a qu’une élite et un choix d’élèves, comme c’était le cas pour les écoles de Port-Royal, que lorsqu’on en a toute une armée comme dans les collèges ; le très grand nombre permet peu cette coopération de vive voix de tous à leur propre enseignement.

1147. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Le mouvement de l’amour-propre nous est si naturel, que le plus souvent nous ne le sentons pas, et que nous croyons agir par d’autres principes. » La Rochefoucauld, de même, a dit avec plus de grandeur : « L’orgueil, comme lassé de ses artifices et de ses différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel, et se découvre par sa fierté ; de sorte qu’à proprement parler, la fierté est l’éclat et la déclaration de l’orgueil. » Un des hommes qui ont le mieux connu les hommes et qui ont su le mieux démêler leur fibre secrète pour les gouverner, Napoléon, a fait un jour de La Rochefoucauld un vif et effrayant commentaire. […] Certes, il ne se peut concevoir de dissection plus vive, plus pénétrante dans le sens de La Rochefoucauld, ni venant d’une main plus ferme et plus souveraine.

1148. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Richelieu, tout vif qu’il est sur la religion, montre qu’il n’était pas loin de l’entendre ainsi en idée ; mais, de part et d’autre, qu’on était neuf pour ce nouvel état ! […] Le choc fut fort rude. » On se battit dans les rues de Morbegno, qu’on prit de vive force.

1149. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

L’adversité a cela de particulier, qu’elle donne à Frédéric le sentiment du droit, qu’il n’a pas toujours eu très présent et très vif en toutes les circonstances de sa vie : en cette crise d’alors, il se considère comme iniquement assailli et traqué, lui le champion d’une grande et juste cause, le soutien de la liberté de l’Allemagne et de l’indépendance protestante : « L’Allemagne est à présent dans une terrible crise : je suis obligé de défendre seul ses libertés, ses privilèges et sa religion ; si je succombe, pour le coup, c’en sera fait. » Il ajoute ces remarquables paroles, qui ont dans sa bouche une singulière autorité et dont il paraît s’être mal souvenu dans d’autres temps : A-t-on jamais vu que trois grands princes complotent ensemble pour en détruire un quatrième qui ne leur a rien fait ? […] Certainement ce don lyrique, entre ses dons divers, il ne l’avait pas ; poète charmant, vif, inimitable dans la raillerie, pathétique même par accès et sensible par éclairs, il n’avait ni la splendeur des images, ni la magnificence du ton, ni ce que l’antique Pindare a appelé « la pure clarté des muses sonores ».

1150. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Quoi qu’il en soit de ces distinctions qui m’échappent un peu, Bonstetten resta toujours, en tant qu’écrivain français, vif, rapide, naturel, un causeur qui trouve son expression et qui ne la cherche jamais : en quoi il diffère du tout au tout des autres écrivains bernois, du respectable et savant Stapfer, par exemple, qui ne put jamais désenchevêtrer sa phrase française, et qui, avant d’écrire une seule ligne, se demandait toujours dans un embarras inextricable : N’est-ce pas un germanisme ? […] là-bas, disait Matthisson, c’est mieux encore : un cours paisible suivi d’un vif entraînement. — Ce sera joli, lui dis-je ; et plus loin, vois-tu ces chutes d’eau sur de durs cailloux ?

1151. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

En lisant son Journal, on ne saurait lui accorder que des qualités solides, du sens, de la droiture, du jugement, une parfaite sincérité ; mais il a l’esprit peu éclairé (accessible aux superstitions, aux dires populaires), il a peu d’esprit dans l’acception vive du mot ; jamais un trait ne lui échappe, jamais une étincelle ; et de plus son goût, quoique sain et sobre en soi, ne l’empêche pas de trouver merveilleux les amphigouris métaphoriques de M.  […] Ce que vous m’écrivez même de la sédition qui a failli plusieurs fois s’exciter à Angers est une preuve du bien que causait le seul nom et la seule autorité de cet incomparable ministre… Dix-huit mois environ après que cette lettre était écrite, le cardinal Mazarin, que d’Ormesson nous montre, la première fois qu’il le voit au conseil, « grand, de bonne mine, bel homme, le poil châtain, un œil vif et d’esprit, avec un grande douceur dans le visage », avait si bien fait son chemin et assuré son crédit auprès de la reine, qu’il avait la Cour à ses pieds. « Les pièces de médisance commençaient à courir (décembre 1644), et l’on se plaignait du gouvernement : on regrettait celui du cardinal de Richelieu.

1152. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Et c’est cette parole, vive et jaillissante, qu'elle a retrouvée, grâce à son fidèle interprète. […] Le reste n’est qu’anecdotes, mais anecdotes bien vives, bien contées, et qui tranchent assez agréablement sur le fond connu d’horreurs.

1153. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

On conjecture que, né dans un village près de Dourdan, il fut élevé à la campagne ; car il garda toujours de la nature une impression vive qu’il a exprimée avec bonheur, et il porte à l’homme des champs, pour l’avoir vu de près à la peine, un sentiment de compassion et d’humanité qu’il a rendu d’une manière poignante. […] Lorsqu’on s’est une fois familiarisé avec lui et avec sa manière, on l’aime bien mieux, ce me semble, hors de ces morceaux de montre et d’apprêt, dans les esquisses plus particulières d’originaux, surtout dans les remarques soudaines, dans les traits vifs et courts, dans les observations pénétrantes qu’il a logées partout et qui sortent de tous les coins de son œuvre.

1154. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

« Nous autres, anciens, nous nous sommes usés à traîner le boulet dans les galères de la Restauration. » Il redira la même chose en vingt images plus vives les unes que les autres ; c’est de la menue monnaie de poëte, mais le bon sens est là-dessous. […] Chaque fête, chaque anniversaire, toutes les circonstances joyeuses où il se trouve, la moindre occasion qui prête à railler et à rire, même au milieu des malheurs et des embarras, amène sur sa lèvre des couplets bons ou mauvais, grivois ou satiriques : « vive le scandale pour la chanson ! 

1155. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Dans tous ces morceaux, à côté de l’agréable, à côté du vif et du pimpant, je sens une pointe de prétentieux. […] Ma première pensée, à cette nouvelle si peu prévue, fut de me rappeler le vers du poëte : Vive pius, moriere tamen… !

1156. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Quand il veut faire le vif et le léger, il est moins heureux. […] Il a le mérite, qui devient rare, d’écrire des comédies en vers, et dans une versification svelte, vive, limpide, élégante.

1157. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Quant à la personne même qui les a écrites, Saint-Simon, si sévère, si injuste pour l’illustre maréchal, son fils, a tracé d’elle, dans sa vieillesse, un portrait unique : « Cette marquise, nous dit-il, était une bonne petite femme sèche, vive, méchante comme un serpent, de l’esprit comme un démon, d’excellente compagnie, qui avait passé sa vie jusqu’au dernier bout dans les meilleures et les plus choisies de la Cour et du grand monde, et qui conseillait toujours « son fils de ne point donner de scènes au monde sur sa femme, de se vanter au roi tant qu’il pourrait, mais de jamais ne parler de soi à personne. […] Le travail de la cabale continuait, et la camarera-mayor avait, depuis Burgos, imprimé de plus en plus dans l’esprit du roi cette idée que « la reine étant une personne jeune et vive, élevée dans les manières libres de France, entièrement opposées à la sévérité d’Espagne », il convenait de redoubler les formalités et de bien établir au début les barrières.

1158. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

La liane y suspend dans l’air ses belles cloches Où les frelons, gorgés de miel, dorment blottis ; Un rideau d’aloès en défend les approches ; Et l’eau vive qui germe aux fissures des roches Y fait tinter l’écho de son clair cliquetis. […] Mais l’âme s’en pénètre ; elle se plonge, entière, Dans l’heureuse beauté de ce monde charmant ; Elle se sent oiseau, fleur, eau vive et lumière.

1159. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Je suppose qu’une ou deux de ces grandes séries aient paru, non pas arrangées, non pas triées et écourtées, mais telles quelles, par une de ces indiscrétions et de ces imprudences heureuses dont tout le monde profite ; que cette âme vive, émue, expansive, passionnée et généreuse, magnanime, pour tout dire, cette intelligence avide, empressée, ouverte de toutes parts, divinatrice et sympathique, touchant au génie, se soit montrée et comme versée devant tous dans une multitude de lettres familières, affectueuses, éloquentes, inachevées chacune, mais s’achevant l’une l’autre : les nouvelles générations auraient fait connaissance avec elle plus directement encore que par les livres ; elle ne serait pas restée une gloire aristocratique, la plus haute renommée de salon, mais s’y renfermant ; elle balancerait Chateaubriand non seulement de mérite et de nom, mais de fait ; elle serait lue et encore présente au milieu de nous ; on la discuterait. […] Sismondi, un autre habitué de Coppet, moins vif que Bonstetten quoique bien plus jeune, et plus tout d’une pièce, Sismondi n’était pas satisfait tous les jours de ce que plus tard il regrettera avec larmes.

1160. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Qu’on mette en regard de cette lettre de Racine le moindre billet de ce brillant et libertin célibataire, si vif, si sensé, si occupé du genre humain, si dévoué aux intérêts de tous dans l’avenir, si guerroyant contre les préjugés, si infatigable jusqu’au dernier soupir, — Voltaire, — on aura une idée des deux natures d’hommes, des deux genres de vie, et aussi de deux siècles et de deux mondes. […] Ce sont les lettres à sa femme, écrites avant et depuis son mariage, qu’on publie aujourd’hui ; elles sont convenables et ce qu’elles doivent être ; mais il n’y a rien de bien vif ; jamais une vraie gaieté, une vraie grâce.

1161. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Cependant les idiomes modernes, tels quels, étaient nés, ils étaient sortis de leurs langes et faisaient de toutes parts leurs vives et gaies enfances, leurs premières jeunesses ; le commun des gens, le peuple, avait besoin de drames à lui, avait faim de spectacles également dévotieux et émouvants, qu’il entendît, dans lesquels il intervînt et eût sa large part. […] Je veux te parler… » C’est assez vif, c’est sobre et assez fin : cela ne manque ni de grâce ni d’une naïveté assez heureuse.

1162. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Cela ne veut pas dire qu’il ne faille traiter que des sujets de son temps ; mais, en prenant même des sujets éloignés, il faut qu’il y ait communication vive et réverbération d’une époque à l’autre. […] Peignez-le, ce vrai, tel quel, au vif et même crûment ; mais ce qu’on a le droit de désirer, c’est que vous n’alliez pas choisir exprès le pire et le préférer à tout.

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