/ 3963
1103. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Elle a fait de Rome, vide de son pontife souverain, une seconde ville de France, un fief impérial pour un roi de Rome, un département français : dénomination humiliante et barbare qui rappelait ces temps où un marchand vénitien s’appelait duc d’Athènes ! […] Êtes-vous prêts à vous reconnaître esclaves, vous, prétendus hommes libres, qui n’avez jamais, depuis quelque temps, sur vos lèvres que le nom glorifié de vos tyrans ? […] De tout temps on a essayé de confondre ces deux natures dans les papes, de tout temps le bon sens a protesté ; à chacune de ces deux natures son attribut, voilà le vrai. […] Évidemment non ; dans votre droit moderne, cette souveraineté est purement temporelle, elle subit ou peut subir les vicissitudes des temps : son nom le dit, temporelle ! […] Si vous avez besoin d’une épée en attendant que la vôtre ait repris la trempe de vos temps héroïques, l’épée de la France est plus longue que celle de la maison de Savoie.

1104. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Examinons l’état de l’Europe à la minute juste où le temps et les événements nous ont porté. L’aiguille change de chiffre sur le cadran des temps, mais c’est toujours le même cadran. […] Un tel principe n’a duré pour les hommes pensants que le temps de l’analyser et de le maudire. […] C’est, selon moi, avant M. de Talleyrand, le plus grand diplomate des temps modernes. […] Le temps est lent, mais il est juste.

1105. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Le vrai cri du temps c’est un gouvernement tel quel ; le temps le changera quand il changera lui-même de nécessité et de mission. Le temps n’est-il pas la logique de Dieu ? […] On se croit capable de ce qu’on rêve, et ce que je rêvais n’était-il pas en effet le plus beau drame historique des temps connus ? […] Paris et Rome se ressemblent ; les temps répètent les temps, et la France, pour avoir laissé ses efforts vers la réforme du monde politique dégénérer en convulsions démagogiques, ne se retrouve plus de force pour faire de sa liberté, modérée par la règle, un gouvernement. […] Peu de temps après, je repartis de Paris pour Bessancourt, afin de compléter et d’éclaircir quelques autres circonstances du récit restées obscures dans mon esprit.

1106. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Peu de temps après, il reçut de M. de Talleyrand sa nomination au poste de ministre plénipotentiaire à Sion, bourgade des Alpes, capitale de la petite république du Valais. […] Il s’attacha à la plus belle femme du temps, madame Récamier. […] La correspondance entre elle et son infidèle adorateur fut quelque temps amère, puis froide, puis languissante, puis affectée. […] Dans un autre temps, c’eût été un événement national, mais le bruit qu’il avait trop adoré couvrit l’émotion publique par une émotion plus personnelle à la nation. […] L’Allemagne produisait dans ce même temps, dans le roman de Werther, par Gœthe, le roman du désespoir et du suicide.

1107. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Hommes de mon temps, où sont vos fêtes où le cœur des hommes bat en commun ? […] Nous aurions de la peine aujourd’hui à distinguer aussi nettement, de la poésie naturelle à notre temps, cette poésie de convention qui s’était placée à côté d’elle. […] « J’ai vu les mœurs de mon temps, et j’ai publié ce livre », écrivait Rousseau en tête de sa Nouvelle Héloïse. […] Le soleil, dans son cours, le gouverne ; sa vie dépend de ses rayons ; suivant le mois de l’année et le temps qu’il fait, il erre en furieux dans le ciel ou dans l’enfer. […] Faust ne parut pas précisément cette année ; mais Goethe le composait presque la même temps que Werther.

1108. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

J’attends son coup de sonnette, qui est pour moi celui d’un jury des assises rentrant en séance… « C’est fini, plus d’espoir, une question de temps. […] La porte s’entrouvre au bout de quelque temps, et il en sort une tête de garçon boucher, le brûle-gueule à la bouche : une tête où le belluaire se mêle au fossoyeur. […] Mais cette jeune fille était à peindre par Balzac, aux temps de la Restauration ou du règne de Louis-Philippe, — et plus en ces années, où le monde légitimiste n’appartient presque pas, on peut le dire, à la vie vivante du siècle. […] Dans la presse, en ces derniers temps, s’est produite une certaine opinion s’élevant contre l’effort d’écrire, opinion qui a amené un ébranlement dans quelques convictions mal affermies de notre petit monde. […] Quelques créatures de ce temps.

1109. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

La Normandie est une province qui, de tout temps et dès qu’elle s’est senti un passé, s’est volontiers occupée de ses antiquités et de ses grands hommes : elle n’a cessé de vivre d’une sorte de vie qui lui est propre et qui ne la rend que plus française. […] D’Aix il accompagna quelque temps son prince à Marseille, puis revint avec lui à Aix. […] Ce qu’on peut dire au point de vue du talent, c’est que tous ces retards, ces contrariétés qui barrèrent si longuement sa carrière, furent utiles à Malherbe : elles l’empêchèrent de se classer décidément comme poète avant l’heure voulue, et de débuter trop en public dans un temps où il aurait encore porté des restes de couleur de l’école poétique finissante. […] Celles-ci sont des derniers temps de sa vie ; car sa vieillesse est allée jusqu’au terme en s’affermissant et se perfectionnant. […] Jeune, il avait été attaché comme secrétaire à la reine Marguerite, la première femme de Henri IV, lorsqu’elle vint dans les derniers temps habiter à Paris.

1110. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

On s’est fort occupé depuis quelque temps du spirituel auteur, M.  […] C’est du critique seul que je m’occuperai aujourd’hui, et il le mérite bien par le caractère singulier, neuf, piquant, paradoxal, bien souvent sensé, qu’il nous offre encore, et qui frappa si vivement non pas le public, mais les gens du métier et les esprits attentifs de son temps. […] Beyle y apprend le premier à la France le nom de certains chefs-d’œuvre que notre nation mettra du temps à goûter ; il exprime à merveille, à propos des Cimarosa et des Mozart, la nature d’âme et la disposition qui sont le plus favorables au développement musical. […] Ce temps que vous perdez en vaines discussions compte dans votre vie ; la vieillesse arrive, vos beaux jours s’écoulent : Amiamo, or quando, etc. […] On commence à comprendre quel a été le rôle excitant de Beyle dans les discussions littéraires de ce temps-là.

1111. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Ernest Renan106, nous introduisait dans le docte ménage d’un professeur hollandais, et il rappelait à cette occasion les femmes célèbres qui, en Italie, depuis la renaissance des lettres jusqu’à des temps très rapprochés de nous, avaient occupé des chaires savantes, des chaires de droit, de mathématiques, de grec. […] Du temps de Gabriel Naudé, qui fait toute une énumération dans son Mascurat, on comptait plus de mille ou douze cents femmes qui avaient composé des livres. […] Son Florus fut imprimé dès l’année 1674, et depuis ce temps-là on a vu trois autres auteurs qu’elle a commentés pour M. le Dauphin, savoir Dictys Cretensis, Aurelius Victor et Eutrope. […] Ce n’est point pour nous, ne l’oublions pas, que Mme Dacier a traduit Anacréon, c’est pour le monde de son temps, et particulièrement pour les dames, qui ne pouvaient s’en faire une juste idée jusque-là. […] La querelle des anciens et des modernes, qui avait commencé du temps de Perrault, dut suggérer à Mme Dacier l’idée (si elle ne l’avait eue déjà) de faire connaître Homère, sur lequel on déraisonnait si étrangement ; après de longs efforts, elle fut prête en 1711, et publia l’Iliade.

1112. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Mais pour le coup je fus sage, et il en était temps à cinquante ans. […] « Ayant imaginé, Monsieur, qu’après avoir demeuré quelque temps où vous êtes, vous seriez peut-être bien aise de voir l’Angleterre et même de vous y établir, j’ai écrit à des gens propres à vous en rendre le séjour agréable, et particulièrement à M. Hume pour qui j’ai la plus grande admiration, en le prévenant d’une chose qu’il découvrira en peu de temps, c’est le désir qu’on sent, d’abord qu’on vous connaît, de vous être utile, et l’impossibilité de l’obtenir de vous. […] On lit tout haut ces autres mots d’une lettre de Jean-Jacques à Hume : Vous êtes un traître… Ces deux mots, traître et scélérat, dans un temps où ils n’étaient pas prodigués comme ils l’ont été depuis (c’est Garat qui parle), retentissent dans ce souper, et la nuit même dans une partie de la capitale, comme deux coups de tocsin. » Hume, quoiqu’ayant eu pour but d’informer le monde de Paris, ne s’était pas douté du retentissement soudain qu’aurait une lettre, vive, il est vrai, et non confidentielle, mais qui, d’après les probabilités ordinaires, devait mettre quelque temps à s’ébruiter ; il n’avait pas compté sur l’atmosphère inflammable de ce Paris oisif et passionné. […] Une absence, un voyage qu’elle avait fait vers ce temps aux eaux de Pougues retarda encore l’heure de l’explication.

1113. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Il s’agit donc de savoir si la monarchie et le monarque survivront à la tempête qui se prépare, ou si les fautes faites, et celles qu’on ne manquera pas de faire encore, nous engloutiront tous. » « Il s’arrêta là, comme pour me laisser le temps de dire quelque chose. […] On y sent à travers les déclamations et on y retrouve des fonds de mémoires exacts et neufs pour le temps, fort instructifs et intéressants en substance, sur l’origine et les vicissitudes des établissements européens dans les deux Indes. […] On a beaucoup dit dans le temps que lui, le grand abolitioniste, il avait réalisé des bénéfices sur un vaisseau négrier. […] Malouet fit observer qu’en Angleterre, à la Chambre des communes, le plus grand ordre régnait, et que cela était dû à la souveraine autorité dont était investi le speaker qui avait pouvoir, si un membre causait du désordre, de lui imposer silence, par manière de punition pour deux mois ou pour tout autre laps de temps déterminé. […] J’étais en ce temps-là rempli d’horreur pour l’esclavage dans les Indes occidentales et pour le commerce des esclaves, et l’Histoire de Haynal n’avait pas peu aidé à fortifier en moi ces sentiments ; mais, quand je vins à l’aborder sur ces sujets, il me parut si froid et si indifférent, que je conçus de lui une opinion tout à fait défavorable.

1114. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

L’enfant respira, à la maison paternelle, ce qu’il y avait de meilleur dans l’âme populaire du temps. […] Jamais il ne troubla par une taquinerie la vie religieuse des écoles, où l’on apprenait encore, de son temps, le catéchisme et l’histoire sainte. […] Puis il s’agit d’une de ces entreprises qui ont besoin du temps pour être consommées et pour porter leurs vrais fruits. […] D’un autre côté, une morale rationaliste, non assise sur des dogmes, non défendue par des terreurs et des espérances précises d’outre-tombe, fondée sur le sentiment de l’utilité commune, sur l’instinct social, sur l’égoïsme de l’espèce qui est altruisme chez l’individu et s’y épure et s’y élargit en charité, enfin sur ce que j’appellerai la tradition de la vertu simplement humaine à travers les âges, une telle morale ne peut que très lentement établir son règne dans les multitudes : il lui faut du temps, beaucoup de temps, pour revêtir aux yeux de tous les hommes un caractère impératif. […] La citation complète est : « … de gens qui ne sont ni de leur temps ni de leur pays ».

1115. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Cuvier ne perdait-il pas bien son temps quand il consumait à des rapports et à des soins d’administration, dont d’autres se fussent acquittés aussi bien que lui, des heures qu’il eût pu rendre si fructueuses ? […] Si je ne croyais que tout est saint, que tout importe à la poursuite du beau et du vrai, je regarderais comme perdu le temps donné à autre chose qu’à la recherche spéciale. […] En apparence, ces patients investigateurs perdent leur temps et leur peine. […] Quiconque, dans l’état actuel de la science, entreprendrait une histoire complète de la philosophie ou de la médecine arabe perdrait à la lettre son temps et sa peine : car il ne ferait que répéter ce qui est déjà connu. […] Dans l’état actuel, on peut dire qu’il y a des recherches inutiles, en ce sens qu’elles absorbent un temps qui serait mieux employé à des sujets plus sérieux.

1116. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Elle a été aimée du plus brillant guerrier de son temps ; elle a inspiré au plus grand poète d’alors sa plus touchante élégie. […] Adrienne joua quelque temps encore dans l’enceinte du Temple, sous la protection du grand prieur de Vendôme ; puis on sait qu’elle reçut des leçons du comédien Le Grand, et on la perd de vue. […] Oubliez, pendant un temps, que vous êtes sa mère, si cette qualité s’oppose aux bontés que je vous demande à genoux pour lui. […] Une fortune considérable pour le temps, et qui montait, dit-on, à plus de trois cent mille livres, lui procurait une honorable indépendance. […] Il avait essayé depuis quelque temps de se pousser du côté de la duchesse de Bouillon sans y réussir.

1117. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Il ne cessa, depuis lors, d’écrire et d’épier, dans cette vue, tout ce qu’il pourrait savoir, apercevoir et deviner des choses de son temps. […] Saint-Simon n’a jamais pu entrer avec utilité, a-t-on dit, dans le train des affaires de ce monde et dans le maniement des choses de son temps. […] Il commence dans l’introduction par se demander sérieusement, sincèrement, et avec une inquiétude presque naïve, s’il est permis d’écrire et de lire l’histoire, particulièrement celle de son temps. […] après Richelieu et sous Louis XIV, il rêvait pour elle un rôle législatif dans l’État, tel qu’elle eût pu l’avoir du temps de Clovis ou de Pépin. […] Saint-Simon aurait voulu l’impossible pour la noblesse de son temps, déjà si asservie et si décapitée ; il aurait voulu, comme Boulainvilliers, lui obtenir et lui rendre crédit, splendeur, indépendance, une part légitime dans l’exercice du pouvoir législatif et de la souveraineté.

1118. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Son Mercure britannique est une publication à consulter pour l’histoire du temps. […] Cet indiscret Garat, dans un épanchement qu’il adressait à Condorcet en 1792, écrivait, en se reportant aux scènes de la Constituante (de tels aveux sont bons à recueillir dans tous les temps) : Vous savez, monsieur, qu’à ces mêmes époques les séances de l’Assemblée nationale ; d’où tous les mouvements partaient et où tous venaient retentir et se répéter, étaient beaucoup moins des délibérations que des actions et des événements. […] Cependant, il entre dans les annales du temps de conserver avec les résolutions les motifs qui les ont déterminées, et le combat d’opinions au milieu duquel elles ont flotté… Les faits seuls racontés exactement, placés avec ordre, dégagés des longueurs inséparables de l’éloquence parlée, voilà ce que l’histoire consultera un jour, ce qu’attend le public et ce que nous lui devons. […] C’est le rôle que vous avez joué jusqu’à la dernière extrémité ; et certes quand vous avez quitté votre tribunal, il en était temps. » Dans une brochure qu’il écrivait à Bruxelles en 1793, et où il se séparait des émigrés violents et légers, parlant lui-même au nom des vrais royalistes : Plus d’une fois, disait Mallet du Pan, j’ai été leur organe, et ils ne m’ont jamais désavoué. […] Cet art est subordonné aux changements qui arrivent chez un peuple et à la situation dans laquelle il se trouve. » Je n’ai qu’un désir, c’est de présenter aux esprits qui me font l’honneur de me suivre quelques idées sérieuses qui ne soient pas étrangères à nos temps.

1119. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Il ne croyait plus, de nos temps, à des proscriptions possibles ni à des spoliations en masse. […] Il aurait eu besoin, je le répète, d’une révolution (ne fût-ce que d’une Fronde comme en vit Pascal) pour lui rafraîchir l’idée de la réalité humaine, cette idée qui se recouvre si aisément durant les temps calmes et civilisés. Machiavel, au contraire (ne l’oublions pas dans la comparaison des deux génies), vivait dans un temps et dans un pays où il y avait par jour, pour les individus comme pour les cités, plus de trente manières d’être détruit et de périr. […] « J’entends, disait l’illustre auteur, quelques frelons qui bourdonnent autour de moi ; mais, si les abeilles y cueillent un peu de miel, cela me suffit. » Montesquieu vécut six années encore : il était vieilli avant le temps. […] Dupin n’était pas l’auteur de cette réfutation, et qu’il la devait à un homme de lettres du temps.

1120. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

C’est vers ce temps qu’il vit le maréchal d’Ancre : Je lui gagnai le cœur, dit-il, et il fit quelque estime de moi dès la première fois qu’il m’aboucha. […] La haute fortune de Richelieu dut s’y prendre à deux fois avant de réussir : « Il y a des temps, dit-il énergiquement, où la fortune commence et ne peut achever son ouvrage. » La France, depuis la mort de Henri IV, était retombée du régime le plus florissant et le plus prospère dans la situation la plus misérable. […] Il était employé depuis quelque temps dans les négociations de confiance, et il avait été désigné en dernier lieu pour aller comme ambassadeur extraordinaire en Espagne. […] Richelieu, dans de très belles pages historiques et morales, en nous développant le caractère de ce maréchal qui était vain et présomptueux avant tout, et qui tenait à paraître puissant plutôt qu’à l’être en effet, a bien marqué en quoi ce ministère, qui passait pour être tout au favori, ne lui était point cependant inféodé, et on sent à merveille que, si Luynes ne fût venu à la traverse, et que si le maréchal eût vécu, la lutte se serait engagée dans un temps très court entre Richelieu et lui pour l’entière faveur de la reine mère. […] » Et à quelque temps de là, voyant quelqu’un auquel elle avait fait un mauvais office auprès de la reine, elle lui en demanda pardon, tant la véritable et humble honte qu’elle avait devant Dieu de l’avoir offensé lui ôtait parfaitement celle des hommes.

1121. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Cette sincérité d’attache distingue Arnault entre les hommes de lettres de son temps. […] Né à Paris, le 22 janvier 1766, d’une famille qui tenait à la riche bourgeoisie, il eut de bonne heure ce que de tout temps on trouve si aisément dans la bourgeoisie de Paris à tous les degrés, son franc-parler, de la malice, de la gaieté et de l’indépendance. […] Arnault était depuis quelque temps au quartier général en amateur, lorsque Bonaparte, selon son usage, l’essaya. […] Je leur laisse le temps de se convaincre que je puis faire sans eux ce que je veux faire avec eux. […] Vers ce temps, Arnault, âgé de trente-cinq ans environ et devenu administrateur, renonça à peu près au théâtre58.

1122. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

C’est une nature moderne, une de ces natures de nos derniers temps, malades, tant elles sont spirituelles ! […] Dans son temps, Milton, l’Homère anglais, fut le scribe de ce grossier brasseur qui brassa si bien l’Angleterre ! […] il y a toujours eu de ces philosophies dans le monde ; il y en avait, même en Allemagne, du temps de la jeunesse de Heine. […] c’est pour ce rire de satyre rieur — signe d’infirmité intellectuelle — que Henri Heine, l’un des plus grands poètes de ce temps, a été infidèle au génie de la poésie et des larmes ! […] ce fut dans un temps de démence générale que je revins à la raison.

1123. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

J’estime que le temps consacré à la réfutation, en philosophie, est généralement du temps perdu. […] J’entends par là qu’ils manifestent sûrement des lois, et qu’ils sont susceptibles, eux aussi, de se répéter indéfiniment dans le temps et dans l’espace. […] L’unique question, ici, est de savoir si l’événement a bien eu lieu à tel moment déterminé du temps, en tel point déterminé de l’espace, et comment il s’est produit. […] Il y a quelque temps, dans une réunion mondaine à laquelle j’assistais, la conversation tomba sur les phénomènes dont vous vous occupez. […] Cette nouvelle science aura vite fait de rattraper le temps perdu.

1124. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Voici venir ce génie, cependant ; et, sans avoir secoué tout à fait la poussière du temps, il réunira bien des vertus poétiques : il aura l’accent du drame et de la satire, comme celui de la poésie lyrique et de l’enthousiasme. […] Sa première forme était celle de son temps. […] L’ensemble de la Divine Comédie nous offrirait souvent des marques de ce progrès du temps et du génie, malgré les accessoires barbares qui s’y mêlent. […] Encore un peu de temps, et les dialectes vulgaires, à peine dégagés des ruines romaines, allaient s’emparer de cette thèse inépuisable, que la religion rendait présente aux cœurs de la foule, et que le beau ciel de l’Italie animait de sa lumière. […] La fille, en naissant, ne faisait pas peur au père, par l’idée de la fuite rapide du temps et de l’accroissement sans mesure de la dot.

1125. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

C’est alors que, son expérience du métier le rendant utile, et les circonstances extraordinaires poussant les hommes, Friant se vit en deux temps, chef de bataillon d’aborden 93, puis immédiatement général de brigade en 94. […] Il eut en grande partie la charge de poursuivre, d’exterminer Mourad Bey, l’Abdel-Kader de ce temps-là […] Lorsque vous vous serez reposé dans le sein de votre famille le temps que vous jugerez convenable, venez à Paris ; je vous y verrai avec le plus grand plaisir. […] Après avoir rempli quelque temps les fonctions d’inspecteur général de l’infanterie, Friant fut appelé au commandement d’une division qui se réunit au camp d’Ambleteuse et devint plus tard la 2e division du 3e corps d’armée, commandé par le maréchal Davout. […] La belle journée de récompense et d’honneur pour le général Friant fut à Witebsk, dans cette pause utile qu’y fit l’empereur en août 1812, et qui, par malheur, ne fut pas un temps d’arrêt assez long.

1126. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Par suite de ce démembrement et de ce développement sur tous les points, le poëte cessa d’être un organe indispensable et permanent, un précepteur social, un guide ; son individualité dut se creuser une place à part et se restreindre à un emploi plus spécial du talent ; il aborda, la plupart du temps, des genres curieux et délicats, qui réussirent auprès des lettrés, des oisifs ou des princes. […] Jean de Paris, en un mot, pour prendre le type le plus reconnaissable entre tant de figures picardes, beauceronnes ou champenoises, entre les autres Jean de Chartres, Reims ou Noyon, Jean de Paris, que Béranger a chansonné dans son dernier volume, est resté vrai après 89 comme devant, après Waterloo comme après les trois jours, du temps de Charlet comme du temps de Rabelais. […] Quant au dieu de Béranger, c’est un dieu indulgent, facile, laissant beaucoup dire, souriant aux treilles de l’abbaye de Thélème , n’excommuniant pas l’abbé Mathurin Regnier, pardonnant à l’auteur de Joconde, même avant son cilice ; c’est un dieu comme Franklin est venu s’en faire un en France, comme Voltaire le rêvait en ses meilleurs moments, lorsque, d’une âme émue, il écrivait : Si vous voulez que j’aime encore… Théologie, sensibilité, peinture extérieure, on voit donc que chez Béranger tout est vraiment marqué au coin gaulois : qu’on ajoute à cela un bon sens aussi net, aussi sûr, mais plus délié que dans Boileau, et l’on sentira quel poëte de pure race nous possédons, dans un temps où nos plus beaux génies ont inévitablement, ce semble, quelque teinte germanique ou espagnole, quelque réminiscence byronienne ou dantesque. Pour achever le contraste, tandis que les génies poétiques de ce temps trahissent, presque tous, en leurs vers une allure plus ou moins aristocratique, soit par culte de l’art, soit par prédilection du passé féodal, soit par mystérieuse chasteté d’idéal dans les sentiments du cœur, Béranger est le seul poëte qui, indépendamment même du choix des sujets, ait gardé la rondeur bourgeoise, l’accent familier, la tournure d’idées ouverte et plébéienne ; par où encore il semble descendre en droite ligne de cette forte lignée à tempérament républicain, qu’on suit, sans hésiter, dans les trois derniers siècles, et de laquelle étaient Étienne de La Boëtie, les auteurs de la Ménippèe, Gassendi, Guy Patin, Alceste un peu je le crois, et beaucoup d’autres. […] Quelques-unes de ces pièces, telles que le Juif errant, sont purement poétiques, artistiques ; l’inspiration de cette admirable ballade, en effet, c’est la perpétuité de la course maudite, la folle rage du tourbillon : la moralité n’y vient que d’une façon détournée et secondaire ; on n’a pas le temps de l’entendre.

1127. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Aux États-Unis d’Amérique, ç’a été le contraire : là-bas l’expérience mémorable, entamée en 1776, n’a pas été, à quatre ou cinq reprises, saccadée et tronquée : elle s’est déroulée laborieuse, mais ininterrompue, sur un vaste espace et à travers le temps. […] Appelons de tous nos efforts l’heure de cette majorité féconde et forte, plus conservatrice, plus morale, même dans les carrefours de nos grandes villes, que Jefferson ne paraissait le croire et qu’il n’y était autorisé de son temps ; agissons d’avance sur elle, attaquons-nous à elle pour qu’elle soit préparée. […] Nos adversaires politiques, débusqués de la légitimité, n’ont aucun principe valable à opposer à celui-ci ; ils n’ont, quand on les pousse à bout, que des raisons d’opportunité, de temps, de convenance actuelle, dont nous concevrions et admettrions même une partie : mais il en faudrait d’abord rabattre, comme Jefferson le disait de la faction monarchiste et anglomane, les sophismes des parasites, les fausses alarmes des timides et les clabauderies de la richesse. […] Je crois l’entendre (sauf la langue qui, dans ce temps-là, sera tout à fait détériorée) : « Et nous aussi nous sommes de la République ; mais il y a République et République ; il y a celle d’Hébert, il y a celle de Saint-Just, il y a celle dont M. de Chateaubriand aurait voulu être. […] Pasquier de ce temps-là… Mais d’ici à l’an deux mil nous avons peut-être la marge suffisante pour nous prémunir : jeunes gens, jeunes gens, lisons donc et relisons Jefferson !

1128. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Anatole France me fit, dans le Temps du 5 août dernier, une réponse du plus haut intérêt, mais où je ne trouvai pas la solution des problèmes littéraires que je lui soumettais, Ces problèmes eux-mêmes, il se défendait d’en être passionné ; avec un peu d’ironie — d’ailleurs d’excellent ton — il me traitait d’esthète : Vous êtes esthète et vous voulez bien me croire esthète. […] Comme ils ne font, à proprement parler, aucun héritage spirituel et ne subissent guère du temps d’autre atteinte que la dépravation d’une complication superficielle qui toutefois et déjà no leur permet plus de se complaire aux simplicités des premiers Ages, les peuples n’assument pas les graves soucis des générations antécédentes, et ces intelligences restées puériles voudraient toujours des refrains de berceau. […] Et puis, à un point de vue secondaire, et selon la scolie de Virgile, si « On se lasse do tout, excepté do comprendre », pourquoi ne donnerions-nous pas un peu de temps à disputer, comme vous dites, sur la nature du beau ? […] Ce fut l’apothèse longuement préparée par les dialecticiens scolastiques du moyen âge : les temps do la naïveté avaient été, ceux de la connaissance venaient, et les temps do la connaissance exaltaient les rigides lois d’une logique qui s’empruntait d’Aristote, à travers saint Thomas, pensant établir par les forces mêmes de la raison seulement humaine la vérité de la Révélation. […] Sans rien oublier des conquêtes naturalistes et romantiques, ceux qui viendront, pour mettre une âme dans un corps agissant, retourneront aux traditions spirituelles et classiques, avec cette importante nuance ; qu’ils sauront que le temps des idées générales est passé  Mais ici deux questions se dressent, une question de fond et une question de forme (comme on disait très jadis).

1129. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Peut-être craignait-il aussi d’être enveloppé dans les sévérités qu’on déployait à l’égard de Jean, et ne voulait-il pas s’exposer, en un temps où, vu le peu de célébrité qu’il avait, sa mort ne pouvait servir en rien au progrès de ses idées. […] Jésus s’enfuit dans la montagne et y resta quelque temps seul. […] Mettra-t-on tel homme médiocre de notre temps au-dessus d’un François d’Assise, d’un saint Bernard, d’une Jeanne d’Arc, d’un Luther, parce qu’il est exempt des erreurs que ces derniers ont professées ? […] Quand nous voulons aujourd’hui représenter le Christ de la conscience moderne, le consolateur, le juge des temps nouveaux, que faisons-nous ? […] Ce qui distingue, en effet, Jésus des agitateurs de son temps et de ceux de tous les siècles, c’est son parfait idéalisme.

1130. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Le succès d’Annunzio, plagiaire impuissant à ordonner ses vols en construction solide, d’Annunzio, lyrique écumant de toutes les démences aphrodisiaques et destructives, est une des grandes hontes de notre temps. […] Leur ridicule ne se révèle qu’avec le temps et, leur ridicule reconnu, elles tombent dans l’oubli. […] En peu de temps, les deux personnages intéressés aux gestes de Suzanne se laissent convaincre par elle. […] Tantôt il allègue la doctrine psychologique de l’influence contraire du temps et des circonstances sur l’esprit féminin et sur l’esprit masculin. Parfois il croit que Suzanne, pour anesthésier une souffrance trop grande, s’est enivrée de foi mais que, ses enfants vivants, le temps ni les circonstances n’auraient rien pu contre elle.

1131. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps Le Feuilleton de 1830 et années suivantes parlait souvent de la comédienne unique et charmante, mademoiselle Mars ; c’est qu’à entendre parler de cette femme adorée, le public, inconstant d’habitude, ne se lassait pas ! […] Ce sera l’honneur de la critique d’avoir protégé et défendu, obstinément, cette illustre artiste ; tant sur la fin de sa vie elle avait peine à se défendre contre les impatients qui se fatiguent d’entendre dire : — « Aristide est juste », — ou bien : « Mademoiselle Mars est la plus grande artiste de son temps !  […] C’est à proprement dire l’histoire de mademoiselle Mars, avec le parterre de ce temps-ci. […] Avouez ensuite que c’est là véritablement insulter les fleurs du bon Dieu que de les jeter sans respect, et sans pitié, sur les planches huileuses d’un théâtre ; enfin, ajoutez, pour tout dire, que la plupart du temps ces couronnes maladroites tombent sur la tête mal peignée de quelque brave claqueur. […] — À elle seule, cette femme, et grâce à cet instinct merveilleux qui ne l’a jamais trompée, elle a été renseignement universel de ce temps-ci ; elle a remplacé cette vieille société française que la révolution avait emportée dans un pan de sa robe sanglante ; elle a retrouvé l’élégance, la politesse, le bon goût, l’ajustement ; que dis-je ?

1132. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

La première, — par la date et par le talent — de ce temps, avant lequel il y eut bien des femmes qui écrivirent, mais où ce qu’on appelle le Bas-Bleuisme n’existait pas encore… Aussi, quand ce livre de Weymar et Coppet, qui n’a, d’ailleurs, de supériorité d’aucun genre, parut, il y a quelques années, il n’en attira pas moins l’attention de la Critique parce qu’il parlait de Mme de Staël. […] Pas de doute, pourtant, que cette femme, aux relations immenses, et plus Européenne encore que Française, qui touchait aux plus hautes sociétés de son temps et dont l’esprit, tout le temps qu’elle vécut, ressembla à l’urne penchée et bouillonnante d’un fleuve, n’ait laissé derrière elle d’autres lettres que celles qui ont donné sa goutte de vie à ce maigre livre de Weymar et Coppet, mort-né, sans ces lettres ! […] … Eh bien, c’est de cette édition, nécessaire et oubliée, que je voudrais donner l’idée aujourd’hui, en parlant de de Staël, — de cette adorable et admirable femme, à laquelle la littérature féminine n’a rien à comparer dans aucun temps, et surtout dans celui-ci, où les femmes qui se mêlent d’écrire se donnent des airs d’homme si prodigieusement ridicules, que c’est à nous faire prendre des jupons, à nous autres… pour ne pas leur ressembler ! […] Oui, c’est la faible qu’il faudrait montrer, la faible qui, par ses prières, sauva Norvins de l’échafaud ; la faible qui, ne croyant plus à l’amour, épousa Rocca par pitié ; la faible qui, dans un temps de luttes mortelles et de partis acharnés, resta les bras étendus entre les partis, comme la Sabine du tableau de David, entre les Romains et les Sabins, et qui les a toujours gardés étendus, dans cette intervention sublime, sans qu’elle ait senti fléchir jamais, un seul moment, ses bras lassés ! […] Et quel meilleur exemple à donner, du reste, aux insolences des femmes de ce temps, qui se croient des forces et qui, mettant des talons à leurs amours-propres comme elles en mettent à leurs bottines, veulent se jucher jusqu’au front des hommes, et les égaler en hauteur !

1133. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Mais qu’en se détournant des événements, qui se sont produits dans leur ordre de temps et d’espace, on se mette résolument à nous donner les propres considérations de son esprit sur des époques aussi complexes et aussi discutées encore que l’ancien Régime et la Révolution française, il faut se croire, pour le moins, de la race intellectuelle de Machiavel ou de Montesquieu. […] Nous venons de lire son livre avec le respect qu’inspirent les choses que le temps parfume et couronne de cette auréole de réflexion qui est la gloire de la sagesse, et, malgré notre profonde sympathie pour les œuvres lentement écrites et opiniâtrement élaborées, nous n’y avons pas trouvé ce que nous cherchions. […] Peu importait, du reste, dans un temps où le scepticisme politique se balançait mollement entre la notion du gouvernement parlementaire et la notion de la république. […] L’Amérique et sa démocratie sont à la veille de recevoir du temps le plus rude coup que le temps puisse porter aux vaines combinaisons des hommes. […] Depuis quelque temps, le pamphlet, qui allait droit autrefois, quand il y avait des talents qui savaient l’empenner, le pamphlet n’a plus allure de flèche.

1134. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Comme il veut l’éducation de tout le monde, en trois temps il transporte le Petit Journal dans la littérature, le Petit Journal, aimé des portiers et des cochers, et qui est leur catéchisme, sans bon Dieu. […] En écrivant cette histoire de la littérature anglaise, bourrée dans un volume à l’usage de ceux qui n’ont pas le temps de lire et qui sont endiablés de savoir, il a cru faire mieux balle démocratique contre nous. […] Saint Vincent de Paul fut, je crois, dans son temps, quelque peu utile ; mais sous la Commune on l’aurait très bien fusillé. […] L’auteur a écrit dans son titre : contemporaine, quoique ce fût l’histoire de toute la littérature anglaise à toutes les époques qu’il écrivait, parce que, pour lui, le démocrate et le socialiste moderne, l’important, c’est la littérature contemporaine, qui roule le socialisme, le matérialisme, le positivisme, et toutes les menaçantes horreurs de ce temps dans ses flots ! […] il prend au sérieux les prétentions du bas-bleuisme, cette grimace risible de la vanité féminine de ce temps.

1135. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Mais, par là même, nous jugerons mieux la nôtre et nous prémunirons notre temps, qui en a souffert beaucoup déjà, contre d’insidieux exemples de liberté pris dans des sociétés qui ne ressemblent en rien à notre société actuelle. L’examen de ces livres nous sera une bonne occasion de démontrer par les faits que les vrais exemples à suivre pour la politique des temps présents ne sauraient être invoqués que là où nous trouvons, soit en germe, soit développés, les deux principes de la société moderne : l’élévation des mœurs dans la famille, et la grandeur de la nationalité. […] Se faire Grec, rentrer dans le paganisme, retourner boire à l’outre épuisée, tel fut le mouvement furieux de ce temps, ivre et altéré d’Antiquité tout ensemble. […] Manquant, comme les démocrates grecs, du véritable instinct politique, méconnaissant la réalité de leur temps comme les Grecs méconnaissaient la réalité du leur, ils établissent entre les gouvernements et les nations modernes, et les gouvernements et les nations de l’antiquité, un rapport qui n’a jamais existé que d’eux seuls à cette partie de l’antiquité, morte ! […] Ils n’ont pas vu que si quelque chose devait influer, des civilisations antiques, sur la civilisation chrétienne de ce temps, ce n’était pas à la Grèce qu’il fallait demander ce quelque chose, mais à Rome, — ainsi que nous allons le prouver, du reste, en parlant du livre de Franz de Champagny.

1136. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Il ne nous indique point, avec l’étincelante netteté que doit avoir un titre, la Montmorency, héroïque ou charmante, qu’il s’en va tirer de la gloire de famille où elle est ensevelie et où, si fameuse en son temps, elle est maintenant trop oubliée ! […] Rambouillet et la Fronde sont sortis de ce temps. […] Renée est si littéraire qu’il semble regretter que madame de Montmorency n’ait pas été une des lionnes (c’est le mot de ce temps-là comme du nôtre) de l’hôtel de Rambouillet, et il écrit, pour s’en consoler : « Il est vrai que les beaux jours de cette société n’étaient pas venus encore, et que l’histoire s’est médiocrement occupée de ces premières années. » Ah ! […] Nous croyons, nous, qu’elle a gagné à ne pas porter ce reflet bleu du salon de Rambouillet sur la rougeur de sa joue chaste, et qu’on voit mieux ainsi la pureté divine de son type, bien au-dessus, par le calme et par la tendresse, des affectations de ce temps. […] Persécutée d’abord à cause du nom qu’elle portait, et des influences qu’on lui savait dans cette province du Languedoc que son mari avait gouvernée, elle ne sortit de prison, quand la persécution se détourna d’elle, que pour se retirer à Moulins, dans le couvent de Sainte-Marie, où elle garda pendant quelque temps sa maison.

1137. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Mais elle n’était presque pas, elle rasait la terre, on la voyait à peine, et voici que, depuis quelque temps, la rampante bête s’est redressée, qu’elle se nettoie comme elle peut, de ses origines, que l’aile lui pousse, cette aile de papier sur laquelle les sottises vont si loin, et qu’elle sera peut-être une hydre, un dragon à mille têtes sans cervelle, demain ! […] , mais c’était la déification de l’humanité par la femme ; et le culte de cette religion fut l’adoration de la femme, qui, dans un temps qu’on ne précisait pas, devait faire des enfants toute seule… Je me contenterai de ce léger détail pour donner une idée de cet Illuminé ténébreux et à tendresse pleurnicheuse, malgré ses mathématiques, à qui quelques vieilles femmes et quelques très jeunes gens firent une rente, mais dont le dévouement ne put le tirer du fond de son puits, où il resta ; — seul rapport qu’il eût jamais, le pauvre homme ! […] Mais encore une fois, aujourd’hui qu’il est mort, et bien mort, voilà qu’on l’en tire, et qu’après l’avoir bien lavé, épongé et essuyé de cette religion qui pourrait bien tout perdre, on le donne pour un immense philosophe, dont la philosophie doit être la seule religion des temps futurs. […] Tout cela, depuis des temps infinis, jonche, de la plus triste façon, le champ de la spéculation humaine ! […] C’est avec cela que vous vous appelez ou qu’on vous appelle le seul philosophe des temps futurs, le démonstrateur, le positiviste.

1138. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Le temps qui s’est écoulé depuis cette époque n’a pas diminué la joie d’avoir signalé l’un des premiers un ouvrage qui frappe et tient presque en échec (on le dirait, du moins, à leur silence,) les esprits le plus connus pour s’occuper des hautes spéculations de la pensée. […] … Le livre de l’abbé Gratry, ce traité de la Connaissance de Dieu d’un homme qui ne débute ni dans la science, ni dans la vie, et qui s’est préparé à dire sa pensée par une étude et une méditation inconnues aux hommes de ce temps, cet ouvrage, si largement tracé, et qui n’est pourtant que la façade du vaste système que l’auteur est près de démasquer comme on démasque, pan par pan, quelque majestueux édifice, peut-on le considérer, tout à la fois, comme une révélation et comme une promesse ? […] Pour nous, vu le temps où nous sommes et les singulières dominations de la pensée contemporaine, nous dirons que jamais peut-être meilleur service ne fut rendu à la cause de la vérité. […] Tels sont, indiqués d’une main bien rapide, les points culminants d’un travail qui rétablit la tradition philosophique interrompue et jette la première arche du pont qui doit unir, par-dessus les eaux troubles du xviiie  siècle, la philosophie du xviie  siècle et la philosophie de notre temps. […] L’avenir le prouvera… Mais, pour nous, il est temps de nous résumer.

1139. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Intermédiaire entre ceux qui écrivent et ceux qui lisent, mais avant tout marchande comme son époque, elle ne tient compte que des profits à faire et elle ne se préoccupe plus du côté élevé de sa fonction et de l’influence très légitime qu’elle pourrait exercer sur l’esprit de son temps et sur son expression, la littérature. […] … Est-il assez supérieur pour pouvoir attendre son succès, et son succès certain, dans un temps donné, — inévitable ? […] C’est cette double force, trop rare, il faut bien le dire, parmi les libraires de ce temps, que Didier a montrée en réimprimant le livre de Stendhal sur l’amour. […] Tout le temps qu’un homme est vivant, il peut y avoir un hasard ou une illusion dans sa gloire, un malheur dans son obscurité. […] Après lui, l’étude reste trop à faire de cet homme dont le caractère étrange double l’étrange talent, et qui n’eut que deux bornes à l’étendue de sa supériorité : n’être pas chrétien, et penser en politique comme Le Constitutionnel de son temps.

1140. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

il sera fait… La Critique sait trop bien la force des choses acquises et acceptées par l’opinion pour croire les arracher, en deux temps, à l’opinion, et les reprendre. […] C’est un conteur plus tranquille, plus désintéressé des passions du temps, plus bourgeois et plus honnête, mais d’une très petite honnêteté. […] Il est vrai qu’il n’avait point cette supériorité dont on eût pu faire, en ce temps-là, jaillir une théorie ; et c’est ainsi que sa gloire profita jusque des facultés qu’il n’avait pas. […] Il était ce qu’on appelait, en ce temps, un bon humaniste. […] Anatole France, qui est peut-être, plus qu’il ne croit, un démocrate littéraire de ce temps maudit, nous parle avec plaisir de l’effet que produisit Le Diable boiteux sur « le petit laquais de Boileau ».

1141. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Eugène Poitou nous peindrait Balzac tendant le chapeau à toutes les idées de son temps. […] On s’imagine l’avoir abaissé quand on l’a fait sortir de Rétif de la Bretonne, mais c’est un Rétif de la Bretonne sublimisé et mêlé à un Dante, — à un Dante romanesque et moderne, le Dante d’un temps qui a estropié toute grandeur ! […] Alchimiste de littérature, comme l’avaient été de leur temps Shakespeare et Molière, Balzac était le Balthazar Claës de sa Comédie. […] Au crible du Temps, les hommes sont rares ; ceux qui peuvent s’imposer comme tels. […] Poitou dépense-t-il tout son temps et tout son effort à chicaner stérilement les détails qui se heurtent, à ce qu’il semble, quand on les voit pièce à pièce, et qui se fondent et s’harmonisent, quand on les regarde de loin et de haut.

/ 3963