. — Il y avait en Rabelais un moine défroqué par goût de l’action, chaleur de sang, et curiosité des aventures ; et de celui-là il a fait Frère Jean. — Il y avait en Rabelais un étudiant relaps et prolongé, basochien raillard, amateur plutôt que héros d’histoires grasses et de farces grosses ; et de celui-là, en le forçant et chargeant un peu (et ce n’est guère qu’avec celui-ci qu’il a eu un peu besoin d’imagination pour l’achever) il a fait Panurge. […] Le pardon et la charité envers les ennemis vaincus, l’horreur du sang versé, l’horreur des guerres de conquête, l’amour de la paix, l’horreur même du droit strict et de l’amour-propre puéril qu’on met à soutenir tout son droit, des sacrifices faits en ce sens à l’intérêt commun de l’humanité, voilà les traits essentiels de Grandgousier, Gargantua et Pantagruel. […] Les « libertins », c’est-à-dire les vieux patriotes génevois, qui avaient versé leur sang pour faire la patrie, trouvaient étranges ces Français, ces Froment, ces Farel, ces Calvin, qui, tout en assurant qu’ils n’étaient que des ministres de la religion, par leur influence dans les conseils de la cité, gouvernaient une ville qu’ils n’avaient nullement affranchie. […] Il les étouffa avec la dernière rigueur, et sans scrupule fit couler le sang. […] Elles sont même, très évidemment, les seules qu’il admette comme vraiment légitimes : S’il n’était question que de la servitude des corps, il vaudrait possible mieux quelquefois la porter patiemment que de mouvoir grandes séditions qui viennent jusqu’à l’effusion du sang… mais quand il est question de la ruine éternel le des aines nous ne devons estimer nulle paix si précieuse que pour la garder nous périssions à notre escient.
Le Chourineur, ce personnage affreux d’un roman où se pressent tant d’horribles personnages, ce type poétisé de l’assassin, explique à sa façon comment la soif du sang qui s’allume en lui est le fait de son tempérament et l’a fatalement poussé à l’homicide : « Le sang me portait toujours aux yeux… Quand, mon grand couteau à la main, j’avais autour de moi quinze ou vingt chevaux, tonnerre ! […] Les maîtres mêmes ne dédaignèrent pas de se parer des lambeaux de sa défroque, moitié souillée de boue, moitié tachée de sang. […] C’est le sang et la sueur du peuple qui ont cimenté leurs châteaux et engraissé leurs terres… C’est toujours l’argent du pauvre, puisqu’il lui a été extorqué parle pillage, la violence et la tyrannie229… » La propriété, c’est le vol, a dit un sophiste célèbre. […] « Job. — Du sang ! toujours du sang !
Les flaques de la place Dauphine furent rouges de sang. […] Toujours gais, ils supportent sans mauvaise humeur des étapes si dures que le sang empourpre leurs guêtres blanches. […] Cela d’ailleurs n’enlève rien à l’horreur que m’inspirent des entreprises violentes dont le premier résultat fut de répandre sur le pavé de Paris le sang innocent. […] Il s’ensuit toujours quelque effusion de sang. […] avez-vous lu, dans la Revue de Paris, cette nouvelle d’Anatole Le Braz, le Sang de la Sirène ?
Claudel croit deviner que son lecteur sue sang et eau pour déchiffrer ses vains rébus, inutile sueur ! […] Le sang lui coulait de l’épaule, le long du bras ; il a pris un verre, il y a fait couler du sang qu’il a mêlé à de l’absinthe et il a dit au jeune Marcel : « Bois ! » Le jeune Marcel a bu et, depuis lors, il a du sang de meurtrier fameux dans les veines. […] Je l’ai piochée, contre elle j’ai dormi ; de son pli je me suis élancé au jour de l’assaut et je l’ai pénétrée de mon sang. Oui, un peu de mon sang est déjà mêlé avec le vôtre, dans la terre éventrée que le temps refermera sur nos obscures semences.
» En sorte que le Génie est obligé de lui expliquer, avec beaucoup de bon sens, qu’on ne peut reprocher aux femmes « d’être de chair et, de sang, comme nous, et non d’ambroisie et de nectar ». […] je maudis dans leur cour, dans leur antre, Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu’au ventre ! […] La cruauté autrichienne et papale rassasiait sa soif de sang en fusillant ces braves, et se vengeait ainsi de ses frayeurs passées. […] « Mais les générations ainsi unies se rappelleront, pieuses et respectueuses, les massacres énormes, le sang, la valeur auxquels elles devront leur vie plus facile. […] Comme un avril éternel, — ton sourire m’invite toujours à chanter, — et fait, dans mon corps auquel il rend la vigueur, — bouillir les îlots de mon sang juvénile.
Vous parlez du réveil du peuple allemand et vous croyez que ce peuple ne se laissera plus arracher ce qu’il a conquis et ce qu’il a payé de son sang : la liberté. […] Et après les supplices que l’on endure, on n’est pas dédommagé par le plaisir que l’on éprouverait à voir la nature humaine et les caractères humains représentés avec exactitude ; il n’y a dans son livre ni nature ni vérité ; ses personnages principaux ne sont pas des êtres de chair et de sang, ce sont de misérables marionnettes, qu’il manie à son caprice, et auxquelles il fait faire toutes les contorsions et toutes les grimaces qui sont nécessaires aux effets qu’il veut produire. […] La moralité de ses œuvres lui importe peu ; au contraire, même une certaine originalité paradoxale, qui scandalise un peu les idées routinières en philosophie, en politique, en religion, ne lui déplaît pas ; c’est le sel du génie, c’est le sceau de sa supériorité sur le commun des hommes ; il se moque des larmes et du sang qu’il a fait couler par la contagion de son roman de Werther.
Généreux sang de la grappe, frère de celui qui coule dans les veines de l’homme ! […] … » — Toute une philosophie sociale va se mêler insensiblement à cet élan du poëte, et nous voilà bien loin de la gaieté. — M. de Laprade, à son tour, célébrant la Coupe, dans une pièce pleine de beaux vers, a dit : Des hautes voluptés nous que la soif altère, Fils de la Muse, au vin rendons un culte austère, Buvons-le chastement, comme le sang d’un Dieu.
Rouillé de n’avoir pas participé au traité de Vienne ; c’est pourquoi « on donne une pension de 6 000 livres à sa nièce, Mme de Castellane, et une autre de 10 000 à sa fille, Mme de Beuvron, fort riche » « M. de Puisieux jouit d’environ 76 ou 77 000 livres de rente des bienfaits du roi ; il est vrai qu’il a un bien considérable ; mais le revenu de ce bien est incertain, étant pour la plupart en vignes. » — « On vient de donner une pension de 10 000 livres à la marquise de Lède parce qu’elle a déplu à Madame Infante et pour qu’elle se retire. » — Les plus opulents tendent la main et prennent. « On a calculé que, la semaine dernière, il y eut pour 128 000 livres de pension données à des dames de la cour, tandis que depuis deux ans on n’a pas donné la moindre pension à des officiers : 8 000 livres à la duchesse de Chevreuse dont le mari a de 4 à 500 000 livres de rente, 12 000 livres à Mme de Luynes pour qu’elle ne soit pas jalouse, 10 000 à la duchesse de Brancas, 10 000 à la duchesse douairière de Brancas, mère de la précédente, etc. » En tête de ces sangsues sont les princes du sang. « Le roi vient de donner un million cinq cent mille livres à M. le prince de Conti pour payer ses dettes, dont un million sous prétexte de le dédommager du tort qu’on lui a fait par la vente d’Orange, et 500 000 livres de grâce. » « M. le duc d’Orléans avait ci-devant 50 000 écus de pension comme pauvre et en attendant la succession de son père. […] Une partie va s’avilir dans la servitude de cour ; l’autre se mélange à la canaille plumière qui change en encre le sang des sujets du roi ; l’autre périt étouffée par de viles robes, ignobles atomes de la poussière de cabinet qu’une charge tire de la crasse » ; et tout cela, parvenus d’ancienne ou de nouvelle race, fait une bande qui est la cour. — « La cour !
Puis les bœufs lents traînaient les chars aux lourdes tonnes, Et le sang des raisins ruisselait du pressoir ; Fêtes des derniers jours, allégresses d’automnes, Vous êtes un adieu comme l’azur du soir ! […] Malédiction, ô cher compagnon de mes jours de fatigues, à ceux qui t’ont laissé dix ans brouter déferré sur cette herbe sèche, et moi languir inutile dans cette masure presque démolie sur ma tête, pendant que le sang généreux de la force et de la liberté coulait encore, inutile, dans nos vieilles veines !
Pendant cette indécision, Murat se déclara, livra bataille aux Autrichiens, fut défait et se réfugia à Naples d’où il s’embarqua pour Toulon, puis pour la Calabre, où la mort l’attendait ; mort cruelle où un roi héroïque tombait sous la balle d’un roi à peine restauré ; tache de sang sur deux couronnes, qui tuait le vainqueur autant que le vaincu ! […] « Et d’abord je recommande humblement et chaleureusement mon âme au Seigneur très clément, en le priant, par les mérites de son divin Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui m’a racheté au prix immense de son très précieux sang, par l’intercession de la très sainte Vierge Marie et des Saints, mes patrons, de la conduire en un lieu de salut, et de me pardonner dans sa miséricorde infinie mes très graves péchés.
Si nous devions condamner absolument Byron sur ses paroles et sans vraiment le comprendre, il nous faudrait condamner absolument et Voltaire et Rousseau, et tout le Dix-Huitième Siècle, et toute la Révolution, qui ont éveillé la fièvre de son génie, et donné à son sang cette impulsion généreuse mais désordonnée. […] Goethe, dans ses Mémoires, s’est attaché avec un soin minutieux à expliquer comment il fit Werther avec sa propre vie, avec ses amours, avec ses douleurs, avec son sang pour ainsi dire.
L’étude et l’imitation des anciens. « Sans l’imitation des Grecz et des Romains, dit-il, nous ne pouvons donner à nostre langue l’excellence et lumière des aultres plus fameuses. » Et ailleurs : « Il est une forme de poésie beaucoup plus exquise, laquelle il fauldroit chercher en ces vieux Grecz et Latins, non point ès auteurs françois pour ce qu’en ceux-cy on ne sçauroit prendre la chair, les oz les nerfz et le sang. » Et ailleurs : « Ly donques et rely premièrement ô poète futur ! […] Certes, je les dirois du sang valerien100.
que le sang de tous les justes retombe sur les bourreaux, et sur leurs enfants, et sur les enfants de leurs enfants ! […] … Je vois s’enfler la voile au fond de l’estuaire ; Puis, derrière, au lointain, du côté de la plaine, Surgir, fondre et passer, l’ouragan pour haleine, Dans l’éclaboussement du sang crépusculaire, Et droits sur leurs chevaux cabrés qu’un rut enlève, Tes grands conquérants noirs, au profil surhumain, Qui, déployant leur geste avec l’éclair d’un glaive, Engouffrent dans la nuit leurs cavaliers d’airain.
En trois parties ainsi dénommées : Dire du Mieux — Dire des Sangs — Dire de la Loi. […] Ou, de passages réitérés, intervertis, harmoniquement ou inharmoniquement distants, de tous leurs points sonnants, — à toutes hauteurs et à tous mouvements de succession, en étendue et en directions diverses, ils exprimeront un idéal ondulement de la pensée et de la parole qui participera des ondes de l’univers : du valonnement des horizons et de l’ondulation des mers et du vent, aux pulsations des éphémères et de notre sang et de notre âme !
Son amant, un Américain nommé Peterson, tourmenté par le sang et qui n’a pris une maîtresse que sur ordonnance de médecin, la mène, comme unique distraction, tous les soirs, jouer aux dominos dans un café, avec toujours les mêmes figures de compatriotes. […] » Puis nous avons causé de l’idéal, ce ver rongeur du cerveau, « ce tableau que nous peignons avec notre sang », a dit Hoffmann.
On nous a fait, un long moment attendre, avant d’ouvrir une autre porte, et pendant ces minutes d’attente, tout notre courage s’en est allé, comme s’en va, goutte à goutte, le sang d’un blessé s’efforçant de rester debout. […] Le matin, son lit refait, sans se voir du tout mourir, soudainement elle s’en est allée dans un vomissement de sang qui a duré quelques secondes.
Les troubles, les impuissances, les folies, les crimes des villes italiennes pendant tout le Moyen Âge, de ces rivales les unes des autres, des factions qui se dévorèrent elles-mêmes quand elles n’eurent plus d’ennemis à dévorer, constituent un état de choses si profondément anormal et exceptionnel dans les annales du genre humain, qu’il est impénétrable à une intelligence simplement politique, et qu’il faut entrer plus avant que dans l’histoire pour l’expliquer… Malgré le sang et le fer qui brillent ; malgré le poison, le génie du mal en toutes choses, une richesse d’horreurs, d’abominations et de scélératesses comme on n’en vit chez aucun peuple, toutes ces villes, bourgades et campagnes d’Italie, ne méritent guère, après tout, que quelques lignes d’histoire, et encore le plus souvent c’est trop ! […] Ferrari aura écrit cette histoire si difficile à retrouver dans des chroniques oubliées, cette histoire par morceaux de l’Italie en morceaux, et qu’il aura taillé comme un diamant à mille facettes, ce caillot de sang et de boue !
, barbouillées de sang séché, avec cette dureté de crânes vides qui les fait nommer têtes de mort (c’est complet !). […] Il affirme, la main sur la poitrine, qu’il n’est pas un buveur de sang… (quelle fatuité !)
Fanny devait retourner à son mari, parce qu’il était son mari, voilà tout, par l’inévitable nature des choses, et nous n’avions pas besoin de cette goutte d’un sang corrompu pour l’expliquer. […] dans les bras de l’homme qui l’a séduite, avec la pesanteur engourdie de toute cette chair flamande et de tout ce sang qui lui gonfle les veines et qui lui porte, sans doute, au cerveau.
Lorsque je parlais, il y a quelques mois, dans Le Moniteur (20 avril 1857), des mémoires et Souvenirs du général Pelleport, je cherchais un nom, un type qui résumât avec gloire, aux yeux de tous, cette race d’hommes simples, purs, intrépides, obéissants et intelligents, les premiers du second ordre, les premiers lieutenants du général en chef, ses principaux exécutants et ses bras droits un jour d’action, et qui, tout entiers à l’honneur et au devoir, ne sont appliqués qu’à verser utilement leur sang et à bien servir.
Ce livre anathématisé par eux a eu la vogue, et il l’a due en grande partie, j’aime à le croire, à une situation vraie, poignante, saisie sur le vif, — oui, à la vie qui y palpitait et au sang qui circulait dans ses veines.
Sa vie publique, tout en dehors et pleine d’excitation, a, durant de longues années, fait sortir aux yeux de la France et du monde entier certains défauts et certaines dispositions intérieures, dont ses amis seuls avaient jusqu’alors le secret : toutes ses humeurs, ses splendeurs de bile et ses âcretés de sang si je puis dire, ont fait éruption.
Prix du sang qu’ils répandent.
Son Dernier Jour d’un Condamné proclama avec une saisissante éloquence, quoique d’un ton plus irrité peut-être qu’il n’eût convenu en matière de miséricorde, le respect pour la vie humaine, alors même qu’elle s’est souillée de sang.
Les mots de poison, de venimeux, vénéneux, envenimé, reviennent à tout propos avec une âcreté qu’on déplore : Misérable affranchi, carié d’esclavage, Je roule dans mon sang sa venimeuse image.
., etc… ; de l’autre, les familiers d’un prince du sang, qui ne combattaient les premiers que pour prendre leur place… ; en d’autres termes, deux entreprises rivales qui se disputaient la France à abrutir et à ruiner… Entre ces deux partis, Victorin ne pouvait pas hésiter ; il devait dire et il dit à l’instant : Ni l’un ni l’autre !
Était-il donc besoin, pour inspirer à Claire de l’amour pour Reinal, de recourir à cette opération presque fabuleuse de la transfusion du sang ?
L’amour du pouvoir (potentiæ cupido) suffit à lui seul pour expliquer toutes les révolutions de Rome, les dissensions des patriciens et des plébéiens, la turbulence des tribuns, la prépotence de consuls, le farouche Marius sorti des rangs du bas peuple (e plebe infima), Sylla le plus cruel des nobles, Pompée plus hypocrite qu’eux deux, et non pas meilleur ; enfin César, Antoine, Auguste, et tout le sang romain versé dans les champs de Pharsale et de Philippes.
Ô mère, silencieuse et endormie, que vous êtes calme et que vous êtes belle, et quelle sève immortelle de félicité et de force coule encore à travers votre être avec votre paisible sang !
Cette force, cette vigueur, ce sang chaud et bouillant, semblable à un vin ruineux, ne leur permet rien de rassis ni de modéré.
Sur-le-champ il ordonna que le cochon fût tué, que l’on fit des jambons, des saucisses, mortadelles, boudins, petit lard, avec le sang et les débris de l’insolent quadrupède.
Nous oublions que cela suppose le monde renversé, le climat de la Virginie et celui du Congo modifiés, le sang et la race de millions d’hommes changés, nos complications sociales ramenées à une simplicité chimérique, les stratifications politiques de l’Europe dérangées de leur ordre naturel.
Ma générosité dédaigneuse oubliera le Coppée actuel, le malade dont « la bonne souffrance » voit rouge, le prédicateur de militarisme et de sang.
Il a ce sang énorme dans les veines.
Il avait été frappé d’un coup de sang huit jours auparavant ; il avait perdu depuis lors la parole, mais il n’avait perdu que cela.
Où du sang des dieux même on vit le Xanthe teint.
Il est de fait que la liberté est une chose excellente : d’après cela, faut-il verser des torrents de sang pour l’établir chez un peuple, en tel degré que ce peuple ne la comporte pas ?
L’Angleterre, au reste, dans la révolution qui a appelé au trône Guillaume d’Orange, a solennellement protesté contre ce même système, système qui avait fait couler le sang de Charles Ier sur l’échafaud, système, chose bien plus étonnante !
Vous ne savez pas combien cela me rafraîchit agréablement le sang échauffé par cette terrible lecture des Soirées de cette asphyxiante Villa des Jasmins !