Il est rare de rencontrer dans un même Homme deux qualités qui semblent s’exclure l’une l’autre.
On vient de démolir l’archevêché, édifice d’un pauvre goût, le mal n’est pas grand ; mais tout en bloc avec l’archevêché on a démoli l’évêché, rare débris du quatorzième siècle que l’architecture démolisseur n’a pas su distinguer du reste.
Jules Laforgue Si malheureusement enlevé par la mort à une carrière où les bons lutteurs se font rares, étale dans ses Complaintes et son Imitation de Notre-Dame la Lune, une vision poétique toute spéciale et un humorisme tout personnel.
J’ai encore éprouvé une fois combien les émotions, dans ce qu’on appelle les occasions solennelles, sont rares pour moi ; à moins que ce ne soient pas là mes occasions solennelles. […] Il alla droit à une panoplie d’armes rares suspendue dans le cabinet de son ami, et il se munit d’un sabre, d’un fusil et de pistolets. […] « Il y a une audace et un abandon dans la confidence des mouvements d’un pareil cœur, bien rares en notre pays et qui annoncent le poëte.
Souvent même nous les employons contre nous, et il n’est pas rare de voir que l’on se donne plus de peine pour s’éloigner du but, qu’il n’en faudrait pour y atteindre. […] Il est rare que, dans le premier âge, on s’attache à lui faire connaître autre chose que la valeur des lettres et les résultats de leurs combinaisons. […] « Bien lire est talent plus rare qu’on ne pense ; « C’est le plus court chemin qui mène à l’éloquence.
Mais déjà, vers le temps de la Révolution, ils étaient devenus rares. […] Nulle race ne compte plus de morts par amour ; le suicide y est rare ; ce qui domine, c’est la lente consomption. […] L’avocat général montra du tact, et sans faire une dissertation sur un cas de rare physiologie amoureuse, il abandonna l’accusation.
L’émotion est ainsi un état très instable et très rare de l’esprit : elle est un rapide afflux d’images, de notions, un afflux si dense et tumultueux que l’âme n’en peut discerner les éléments, toute à sentir l’impression totale. […] La joie ou l’angoisse étreignent l’âme : c’est la triomphante extase de passion, l’extase fougueuse et brève que les amants connaissent, aux rares minutes de l’amour. […] Mais en général le public riche ne s’intéressait pas assez à l’entreprise ; excepté quelque rares amis isolés, c’étaient plutôt les moins fortunés qui témoignaient de leur zèle.
ce n’est plus là le poète (trop rare) de La Bataille d’Eylau du même volume, de cette bataille qui le fait sublime comme elle par la simplicité la grandeur sévère, la concision rapide, et cela par la raison qu’elle est une réalité qui lui prend l’âme et l’emplit toute, et qui ne lui permet pas, à cet homme de mots, un mot de trop. […] … Une petite pluie rare après l’orage. […] Et qui ne se frappe pas seulement, comme vous pourriez le croire, dans son pouvoir temporel, — idée commune, — mais dans son pouvoir spirituel, — idée plus rare ; un délicieux Pape, qui n’abdique pas seulement comme roi, ce double lâche !
Il savait, du reste, admirablement, par des comparaisons charmantes, exprimer les nuances les plus rares de ses sentiments. […] Il fallait songer à placer le jeune garçon dans un milieu où il pût satisfaire son goût pour l’étude et développer les rares qualités qu’il avait déjà manifestées. […] Ses rares qualités d’esprit, sa prodigieuse ardeur au travail, avaient mis Taine hors de pair. […] D’où lui venaient ces rares et séduisantes qualités ? […] Il ne travaillait jamais la nuit, et sauf en quelques rares occasions, se retirait pour dormir vers dix heures ou dix heures et demie du soir.
Ces événements n’étaient point alors de si rares exceptions. […] Cela est très rare et très difficile, sachez-le bien. […] C’est une berquinade très gaie, c’est-à-dire, après tout, une combinaison assez rare. […] Le trait est beau ; il est même rare. […] Je trouve, dans l’Amant de sa femme, quelque chose de bien plus rare et plus significatif.
Il a voulu agir de façon saisissante et rare et gagner l’admiration des hommes. […] , — la plus rare et la plus subtile intelligence. […] Je serais charmé que le grand succès du Plaisir de rompre fit connaître le rare mérite de M. […] Ce don de « s’aliéner » soi-même est, je crois, plus rare encore chez les comédiennes. […] D’un seul mot, c’est un « réaliste », un vrai, et cela est devenu très rare.
Mieux valait, à mon sens, le faire rare et interrompu, comme le tonnerre, que pressé et continu, comme la pluie. […] À présent que tous les jours deviennent meilleurs pour nos jeunes poètes, il reparaît ; mais, dans l’intervalle, il a eu la modestie bien rare de croire à la critique, et le courage plus rare encore de lui faire des sacrifices. […] Cette poésie exténuée où la pensée est si rare et les mots si abondants, et où M. […] Hugo, en le comparant aux grands écrivains de notre patrie, ces hommes-là sont assez rares pour qu’on déplore l’affaiblissement précoce de leur talent. […] Ce qui fait les enfants de génie, c’est une mémoire heureuse et une imagination précoce, dons rares, si, au lieu d’être des fruits tout d’abord, ce n’étaient que des fleurs.
Ni l’oubli ni le bruit ; une sorte de discrétion respectueuse jusque dans la célébrité, je ne sais quoi de rare, de fidèle et de solennel, c’était son voeu et aussi son ferme espoir. […] A cette heure de 1826, M. de Vigny, âgé de vingt-neuf ans, jouissait d’un rare bonheur et d’une perspective à souhait telle que l’imagination la peut rêver. […] Pendant plus de vingt-cinq ans, à qui l’observait bien, l’auteur de Stello et de Chatterton, retranché dans sa discrétion hautaine, put paraître un malade lui-même, d’un genre de maladie subtile et rare, propre aux choses précieuses. […] Molé, de l’homme d’une rare distinction, qui eut de son côté ce jour-là, comme cela lui arriva souvent, le véritable esprit français, le tact et le goût.
Poète, philosophe, citoyen, magistrat, consul, administrateur de provinces, modérateur de la république, idole et victime du peuple, théologien, jurisconsulte, orateur suprême, honnête homme surtout, il eut de plus le rare bonheur d’employer tous ces dons divers, tantôt à l’amélioration, au délassement et aux délices de son âme dans la solitude, tantôt au perfectionnement des arts de la parole par l’étude, tantôt au maniement du peuple, tantôt aux affaires publiques de sa patrie, qui étaient alors les affaires de l’univers, et d’appliquer ainsi ses dons, ses talents, son courage et ses vertus au bien de son pays, de l’humanité, et au culte de la Divinité, à mesure qu’il perfectionnait ces dons pour lui-même ! […] Il est rare que le génie soit isolé dans une famille ; il y montre presque toujours des germes avant d’y faire éclore un fruit consommé. […] Parvenu à l’âge de quarante et un ans, possesseur par ses héritages personnels et par la dot de Térentia, sa femme, d’une fortune qui ne fut jamais splendide (car il ne plaida jamais que gratuitement, pour la justice ou pour la gloire, jugeant que la parole était de trop haut prix pour être vendue) ; lié d’amitié avec les plus grands, les plus lettrés et les plus vertueux citoyens de la république, Hortensius, Caton, Brutus, Atticus, Pompée ; père d’un fils dans lequel il espérait revivre, d’une fille qu’il adorait comme la divinité de son amour ; n’employant son superflu qu’à l’acquisition de livres rares, que son ami, le riche et savant Atticus, lui envoyait d’Athènes ; distribuant son temps, entre les affaires publiques de Rome et ses loisirs d’été dans ses maisons de campagne à Arpinum, dans les montagnes de ses pères ; à Cumes, sur le bord de la mer de Naples ; à Tusculum, au pied des collines d’Albe, séjour caché et délicieux ; mesurant ses heures dans ces retraites comme un avare mesure son or ; donnant les unes à l’éloquence, les autres à la poésie, celles-ci à la philosophie, celles-là à l’entretien avec ses amis ou à ses correspondances, quelques-unes à la promenade sous les arbres qu’il avait plantés et parmi les statues qu’il avait recueillies, d’autres au repas, peu au sommeil ; n’en perdant aucune pour le travail, le plaisir d’esprit, la santé ; se couchant avec le soleil, se levant avant l’aurore pour recueillir sa pensée avant le bruit du jour dans toute sa force, sa santé se rétablissait, son corps reprenait l’apparence de la vigueur, sa voix ces accents mâles et cette vibration nerveuse que Démosthène faisait lutter avec le bruit des vagues de la mer, et plus nécessaires aux hommes qui doivent lutter avec les tumultes des multitudes. […] Qu’est-ce que le harangueur parlementaire d’aujourd’hui (sauf de rares exceptions) auprès de ces héros du discours ?
Une sorte de ressemblance entre nos caractères, une même façon de penser et de sentir (bien plus rare, bien plus remarquable chez lui, dont la vie était si différente de la mienne), un besoin mutuel de soulager nos cœurs du poids des mêmes passions, que fallait-il de plus pour nous unir bientôt d’une vive amitié ? […] Le très vif désir que j’éprouvais de mériter l’estime de cet homme rare donna tout-à-coup comme un nouveau ressort à mon esprit, et à mon intelligence une vivacité qui ne me laissait ni paix ni trêve, tant que je n’avais pas composé une œuvre qui fût ou me parût digne de lui. […] Il m’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très agréable ; des yeux très noirs et pleins d’une douce flamme, joints (chose rare) à une peau très blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un éclat dont il était difficile de ne pas demeurer frappé, et auquel on échappait malaisément. […] Ayant fini par m’apercevoir au bout de deux mois que c’était là la femme que je cherchais, puisque, loin de trouver chez elle, comme dans le vulgaire des femmes, un obstacle à la gloire littéraire, et de voir l’amour qu’elle m’inspirait me dégoûter des occupations utiles, et rapetisser, pour ainsi dire, mes pensées, j’y trouvais, au contraire, un aiguillon, un encouragement et un exemple pour tout ce qui était bien, j’appris à connaître, à apprécier un trésor si rare, et dès lors je me livrai éperdument à elle.
Les impropriétés n’y sont pas rares ; les vers prosaïques, si différents des vers familiers, y abondent ; la rime n’y obéit pas toujours, et où elle n’obéit pas elle commande. […] Pour vouloir être trop rare, Marivaux s’est perdu dans ses propres finesses. […] Le premier, c’est Diderot, qui a écrit tant de pages sans laisser un livre, et parlé de tant de choses sans rien dire de décisif sur quoi que ce soit ; écrivain auquel on peut d’ailleurs pardonner bien des torts pour le travers, si rare, d’avoir toujours été trop jeune. […] Je ne le trouve ni rare, ni varié, et je lui en veux d’exiger de moi plus d’esprit que je n’en ai.
« Un homme d’un vrai mérite, dit-il, est presque aussi rare dans un ministère qu’un sot à la tête d’un gouvernement républicain. » Et ailleurs : « Tout concourt à priver de justice et de raison un homme élevé pour commander aux autres. » S’agit-il des gouvernements en général, quelle qu’en soit la forme ? […] Quoique les vrais amis soient rares, il s’en trouve toujours un pour l’homme capable de l’être lui-même. […] Il est rare qu’elles soient pures de ce qu’on pourrait appeler l’élévation des cœurs médiocres, la déclamation. […] Il est bien rare que Rousseau nous y donne le plaisir de nous reconnaître.
Il écrit : « Ce talent, si essentiel et si rare, quoiqu’il paraisse à la portée de tous les artistes, c’est le sentiment. […] On peut signaler des cas plus rares et plus inattendus, des œuvres littéraires inspirées par un tableau ou une statue. […] Est-on en présence d’un manoir du moyen âge, perché sur une montagne comme un nid d’aigle, emprisonné dans une triple enceinte, formé de murs si épais qu’un réduit de plusieurs mètres carrés est parfois taillé dans leur épaisseur ; pénètre-t-on dans les hautes salles, froides et nues, où la lumière et les meubles étaient également rares ; on reconnait dès l’abord une demeure calculée en vue de la sécurité, adaptée aux besoins d’une société où la guerre sévissait partout et toujours ; on se représente aisément en ce château-fort une vie large, puissante, batailleuse, mais aussi triste, d’horizon court, peu élégante, où les plaisirs de l’esprit et les goûts délicats trouvent une place des plus restreintes. […] Elle amassa dans la fameuse chambre bleue où elle se tenait assise ou couchée quantité de choses rares, des fleurs et des meubles toujours à la dernière mode.
La duchesse d’Orléans, mère du Régent, écrivait en juillet 1699 : Rien n’est plus rare en France (il fallait dire : à la Cour) que la foi chrétienne ; il n’y a plus de vice ici dont on eût honte ; et, si le roi voulait punir tous ceux qui se rendent coupables des plus grands vices, il ne verrait plus autour de lui ni nobles, ni princes, ni serviteurs ; il n’y aurait même aucune maison de France qui ne fût en deuil. […] Cependant il pratiquait les vertus épiscopales, la charité, la tolérance très rare alors à cause des disputes si animées sur la Bulle.
Mais on y suit dans toutes ses traverses et ses épines cette vie laborieuse, morcelée, toujours en lutte, et qui n’eut que de rares éclaircies de soleil. […] Sa nature clémente vaut mieux que ces mots-là, qui sont rares.
L’amitié qu’il a pour moi va jusqu’à m’envoyer quelquefois des présents de ce qu’il y a de plus rare dans son pays, et il n’y a que huit jours qu’on m’en a apporté un de sa part assez galant et assez magnifique pour être présenté à une reine. […] Il n’est plus question de me reposer après le dîner ni de manger quand j’ai faim ; je suis trop heureuse de pouvoir faire un mauvais repas en courant, et encore est-il bien rare qu’on ne m’appelle pas dans le moment que je me mets à table.
Je vous soumettrai mon raisonnement à cet égard : qu’il vous suffise aujourd’hui de savoir que mes nouvelles sont honnêtes, et que je crains que le calcul et l’honnêteté leur nuisent et même m’en dégoûtent. » Lui-même il nous signale l’écueil de ses chansons trop travaillées ; et à cette époque, en effet, il était à bout de voie pour les chansons de sa première manière ; car le sentiment patriotique et antibourbonien était encore loin : il possédait, il est vrai, l’instrument complet, mais du moment qu’il s’interdisait la gaillardise, le motif était rare et faisait défaut. […] Son rare bon sens fut de comprendre nettement que, dès cette heure, son rôle de guerre était fini, que « Charles X et la Chanson étaient détrônés du même coup » ; sa probité fut de désarmer tout de bon, et sa force, de tenir ferme dans cette neutralité honorable.
Elle en fait quelque chose d’essentiellement à part et qui ne ressemble pas à ce que le commun des gens entend sous ce nom : car se résigner, après tout, n’est pas si rare ni si difficile, et il n’y a pas tant de mystère ; tous les hommes y viennent plus ou moins quand la nécessité est là ; mais Mme Swetchine se méfie de ce qui est trop simple et trop commun : « Ce qui me gâte un peu la résignation, avait-elle dit, c’est de la voir si conforme aux lois du bon sens : j’aimerais encore un peu plus de surnaturel dans l’exercice de ma plus chère vertu. » En conséquence elle s’est appliquée à y introduire le plus de surnaturel possible, et elle y a réussi. […] « J’ai souvent pensé, dit-elle, que c’était par le cœur qu’on ne s’ennuyait jamais, les deux héros de l’ennui, M. de Chateaubriand et Benjamin Constant, m’ayant mise sur la voie de cette vérité en démontrant sibien que ce n’est pas l’esprit qui sauve d’un tel mal. » On trouve son compte avec elle par bien des pensées de ce genre, même quand on ne la suit pas dans ses plus hautes régions Enfin, sans tant épiloguer sur les mots, ceux qui se livreront à cette lecture, dussent-ils comme moi rester à mi-chemin de la sympathie, y gagneront au moins une vue intéressante sur une nature de femme très rare et très distinguée, qui fait le plus grand honneur au monde aristocratique où elle a vécu.
Elle raconte avec bien de l’esprit ses rares et chétives distractions, processions, comédies, et les galanteries de la Semaine-Sainte, et le combat de taureaux qui lui fait horreur « dans sa terrible beauté, » et un autodafé, auquel elle ne peut se résigner à assister, et qu’il faut lire en détail dans la Relation du marquis. […] Il est bien plus large et bien plus long que le Pont-Neuf de Paris : et l’on ne peut s’empêcher de savoir bon gré à celui qui conseilla à ce prince de vendre ce pont ou d’acheter une rivière… » Ce Mançanarès tout poudreux est revenu fort à propos en idée au savant et délicat Boissonade dans je ne sais plus quel commentaire, pour lui servir à justifier une expression pareille qu’on rencontre chez les auteurs anciens et qui semblait invraisemblable ; ainsi, le pulverulenta flumina de Stace est vrai au pied de la lettre. — Un jour qu’un spirituel voyageur français (Dumas fils) était à Madrid, et que, mourant de soif, on lui apporta un verre d’eau, c’est-à-dire ce qu’on a de plus rare : « Allez porter cela au Mançanarès, dit-il, ça pourra lui faire plaisir.
Renan le rôle du critique, et qui nous attestent en même temps l’exquise et rare qualité de son esprit. […] Et lorsque le professeur s’est levé en terminant, on se lève avec lui en foule, on sort plein d’instruction, de vues neuves, de désirs d’explication, de besoins de réponse, de controverses animées et bruyantes qui se prolongent longtemps, mais en se félicitant tous que la liberté du haut enseignement, en tant qu’elle dépend de l’équité d’un auditoire, soit consacrée chez nous par un rare exemple et dans une de ses branches les plus élevées.
Il peut avoir un texte ou un fait particulier à alléguer à l’appui de chaque singularité ; les érudits peuvent affirmer qu’il n’a rien avancé d’incompatible et de contradictoire avec les rares données de la science punique à cette heure : ce sont de faibles garanties. […] le côté politique, le caractère des personnages, le génie du peuple, les aspects par lesquels l’histoire particulière de ce peuple navigateur, et civilisateur à sa manière, regarde l’histoire générale et intéresse le grand courant de la civilisation, sont sacrifiés ici ou entièrement subordonnés au côté descriptif exorbitant, à un dilettantisme qui, ne trouvant à s’appliquer qu’à de rares débris, est forcé de les exagérer.
On voyait en première ligne, en tête de ces partisans des rigueurs salutaires, un Bonald, à l’air respectable et doux, métaphysicien inflexible et qui prenait volontiers son point d’appui, non pas dans l’ancienne monarchie trop voisine encore à son gré, mais par-delà jusque dans la politique sacrée et dans la législation de Moïse : oracle du parti, tout ce qu’il proférait était chose sacro-sainte, et quiconque l’avait une fois contredit était rejeté à l’instant, répudié à jamais par les purs ; — un La Bourdonnaie, l’homme d’action et d’exécution, caractère absolu, dominateur, un peu le rival de Bonald en influence, mais non moins dur, et qui avec du talent, un tour d’indépendance, avec le goût et jusqu’à un certain point la pratique des principes parlementaires, a eu le malheur d’attacher à son nom l’inséparable souvenir de mesures acerbes et de classifications cruelles ; — un Salaberry, non moins ardent, et plus encore, s’il se pouvait ; pamphlétaire de plume comme de parole, d’un blanc écarlate ; — un Duplessis-Grenedan, celui même qui se faisait le champion de la potence et de la pendaison, atroce de langage dans ses motions de député, équitable ailleurs, par une de ces contradictions qui ne sont pas rares, et même assez éclairé, dit-on, comme magistrat sur son siège de justice ; — M. de Bouville, qui eut cela de particulier, entre tous, de se montrer le plus inconsolable de l’évasion de M. de Lavalette ; qui alla de sa personne en vérifier toutes les circonstances sur les lieux mêmes, et qui, au retour, dans sa fièvre de soupçon, cherchait de l’œil des complices en face de lui jusque sur le banc des ministres ; — et pour changer de gamme, tout à côté des précédents, cet onctueux et larmoyant Marcellus, toujours en deuil du trône et de l’autel, d’un ridicule ineffable, dont quelque chose a rejailli jusqu’à la fin sur son estimable fils ; — et un Piet, avocat pitoyable, qui, proposant anodinement la peine de mort pour remplacer celle de la déportation, disait, dans sa naïveté, qu’entre les deux la différence, après tout, se réduisait à bien peu de chose ; ce qui mettait l’Assemblée en belle humeur et n’empêchait pas le triste sire de devenir bientôt, par son salon commode, le centre et l’hôte avoué de tous les bien pensants ; — et un Laborie que j’ai bien connu, toujours en quête, en chuchotage, en petits billets illisibles, courtier de tout le monde, trottant de Talleyrand ou de Beugnot à Daunou, mêlé et tripotant dans les journaux, pas méchant, serviable même, mais trop l’agent d’un parti pour ne pas être inquiétant et parfois nuisible. […] Pasquier, tantôt prudent et mesuré rapporteur, tantôt, et le plus souvent, improvisateur habile et sensé, qui toujours prêt, toujours à propos, toujours pratique, ayant au plus haut degré le tact des situations et le sentiment du possible, parlant utilement (rare mérite !)
Michel Nicolas, je me suis adressé à lui-même pour avoir les moyens, à mon tour, de remonter directement aux sources ; j’ai questionné par lettres des membres de la famille de Jean-Bon qui avaient gardé des récits de tradition orale ; j’ai reçu, de Montauban, la communication de pièces originales et rares, difficiles à retrouver29. […] Envoyé bientôt à Brest avec le même Prieur (septembre 1793), il y prend le rôle qu’il ne quittera plus qu’à de rares instants, celui de délégué de la Convention auprès des armées navales, et chargé par elle de les réorganiser.
Dans toutes les parties de l’Amérique que j’ai parcourues, je n’ai pas trouvé un seul Anglais qui ne se trouvât Américain, pas un seul Français qui ne se trouvât étranger. » Après l’inclination et l’habitude, il relève l’intérêt, cet autre mobile tout-puissant, surtout dans un pays nouveau où « la grande affaire est incontestablement d’accroître sa fortune. » Et comment ne seraient-elles point encore de Talleyrand ces réflexions morales si justement conques, exprimées si nettement, sur l’égalité et la multiplicité des cultes, dont il a été témoin, sur cet esprit de religion qui, bien que sincère, est surtout un sentiment d’habitude et qui se neutralise dans ses diversités mêmes, subordonné qu’il est chez tous (sauf de rares exceptions) à l’ardeur dominante du moment, à la poursuite des moyens d’accroître promptement son bien-être ? […] Les choses du devant en souffrent : il n’y a pas de vraie grandeur possible avec cela, et on ne peut même, à ce prix, être un grand politique que par éclairs et dans de rares moments.
Le volume actuel est précédé d’une lettre-préface, dans laquelle le poëte, écrivant familièrement à l’un de ses amis, lui explique sa manière de travailler durant les courtes heures des rares saisons qu’il accorde désormais à la poésie. […] Un poëte, au contraire, qui, avec les hautes facultés et le renom de M. de Lamartine, arrivant à la politique (puisqu’il faut de la politique absolument), ne donnerait que des livres plus rares, mais venus à terme, et de plus en plus mûris par le goût, ne ferait qu’apporter à tout l’ensemble de sa conduite politique, dans l’opinion, un appui véritable et solide ; il finirait, en étant de plus en plus un poëte incontestable, bien économe et jaloux de sa gloire, par triompher plus aisément sur les autres terrains, et par forcer les dernières préventions de ses collègues les plus prosaïques, même dans les questions de budget et dans le pied-à-terre des chemins vicinaux.
Il possédait, dit M. de Vigny, une qualité bien rare, et que Mazarin exigeait de ceux qu’il employait : il était heureux. […] Une veine d’ironie pourtant, qui, au premier coup d’œil, peut sembler le contraire de l’admiration, s’est glissée dans tout ce talent pur, et serait capable d’en faire méconnaître la qualité poétique bien rare à qui ne l’a pas vu dans sa forme primitive : Moïse, Dolorida, Éloa, resteront de nobles fragments de l’art moderne, de blanches colonnes d’un temple qui n’a pas été bâti, et que, dans son incomplet même, nous saluerons toujours.
Et pourtant cet ouvrage contient quelque chose de rare dans la vie, et que le roman avait rejeté depuis Mme de la Fayette comme une pure idée de roman : il y a une grande passion, une passion qui absorbe deux êtres, dévorant leurs âmes et leurs existences. Mais les circonstances de cette passion, les actes des êtres qui en sont possédés, font de cette rare passion une réalité.
Marc Monnier a signalé — après les avoir résolues — les difficultés d’un enseignement aussi vaste que celui de la littérature comparée : « Mener toutes les littératures de front, a-t-il dit ; montrer à chaque pas l’action des unes sur les autres ; suivre ainsi, non plus seulement en deçà ou au-delà de telle frontière, mais partout à la fois, les mouvements de la pensée et de l’art, cela paraît ambitieux et difficile... » Il a pu ajouter : « On y arrive cependant, à force de vivre dans son sujet qui petit à petit se débrouille, s’allège, s’égaie... » Mais ce qu’il n’a pas dit, ce sont les rares qualités d’esprit qui lui ont permis d’accomplir un tel travail et de le perfectionner d’année en année : une érudition qui s’élargissait sans cesse ; un sens critique habile à choisir entre la masse des documents les plus propres à marquer la physionomie d’un homme ou d’une époque, ou à dégager les caractères essentiels d’une œuvre ; une intelligence si enjouée qu’elle a pu, pour conserver son expression, « égayer » cette grave étude de l’histoire littéraire, si alerte, que d’heureuses échappées dans tous les domaines, elle a su rapporter des œuvres également distinguées. […] Et à chaque instant, quand nous voulons exprimer dans toute sa force quelque sentiment qui nous préoccupe, ne le trouvons-nous pas formulé tel que nous l’éprouvons par un de ces hommes de génie qui ont possédé le don si rare de l’expression ?...
[Léon Bloy] Léon Bloy est un des rares écrivains et un des rares hommes de notre temps.
Ces lettres, pleines de sentiment, de grâce, de vive estime pour un mérite personnel si rare qu’outrageait la fortune, font honneur au cœur autant qu’à l’imagination de Chaulieu. […] Louis XIV, avec son principe de monarchie absolue asiatique, y est jugé sans illusion ; les diverses fautes de sa politique sont marquées avec un rare bon sens.
Venue à Paris pour s’y fixer, vers l’âge de douze ou treize ans (1758), à la suite d’un revers de fortune, elle y débuta sur le pied d’un petit prodige et d’une rare virtuose : musette, clavecin, viole, mandoline, guitare, elle jouait de tout à merveille, mais la harpe était de préférence son instrument. […] Les expressions qui ont quelque nouveauté et quelque fraîcheur sont très rares chez Mme de Genlis, et on ne les rencontrerait guère que dans quelques-uns de ses portraits de société, où elle est soutenue par la présence et la fidélité de ses souvenirs.
Mais le rôle et la fonction de Patru, à son heure, avait été d’une rare distinction. […] Quelques rares académiciens arrivèrent ; quelques autres manquèrent, et des meilleurs.
Tout ce qu’on appelle variétés littéraires était rare, en effet, chez lui ; il se permettait peu les distractions. […] C’est une double gloire que de se faire un grand nom à travers ces jours d’avilissement universel… Les hommes rares, ce ne sont pas ceux qui, avec beaucoup de millions, beaucoup de gendarmes, beaucoup de corruption, etc.
Nous y voyons pourtant le style de la maison dans les moments assez rares où on n’y rit pas. […] C’est alors, c’est dans cette situation désespérée, qu’il fit preuve d’énergie et d’une rare sérénité.