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1501. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Je reviens à l’Odéon, et en attendant que commence la répétition, je m’amuse à voir mettre en place le décor du corridor de l’Opéra, devant un machiniste en chef morose, accompagné en chacun de ses pas, par un bouledogue trapu, et comme écrasé sur les planches de la scène, — homme et bête à la silhouette fantastique. […] » Et après des embrassades des uns et des autres, on s’achemine chez Daudet, où l’on me donne la place du maître de la maison. […] Oh, la grande place à prendre pour un jeune lettré, spirituel, méchant avec talent, qui intitulerait un article, paraissant toutes les semaines : La critique de la critique, et ferait ressortir les trop fortes âneries de ces messieurs ! […] Cet après-dîner, pendant qu’à la nuit tombante, nous revenons sur l’espèce de dos d’âne de petits sentiers, s’élevant au travers des champs, que l’arrosement a inondés par place, Aubanel, au milieu des interruptions amenées par la difficulté du cheminement, me parle, me cause de son premier livre : La Miougrano. […] Les Arènes, un petit Colisée, où le noir des foules modernes, fait si bien, par place, sur l’orangé et le gris de la pierre effritée, et là dedans, çà et là, la luminosité douce d’une Arlésienne dans son costume : une merveille d’arrangement et d’harmonie.

1502. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Cependant, dans Le Mercure de France, Henri Albert maintient, même pendant la guerre, la place des « Lettres allemandes ». […] L’Allemagne, dont la place est très importante dans Action qui compte dans ses rangs plusieurs rédacteurs allemands ou germanophones, est à l’inverse celle de l’expressionnisme, du dadaïsme et de l’art moderne. […] A la terrasse du Vachette, ce café qui a cédé la place à une banque, un camelot lui hurlait au visage : — Je dis tout ! […] Il eut des infortunes de toutes sortes, il perdit sa place, il perdit Léonie, sa maîtresse, puis il fut frappé de la Grâce et ne quitta plus le ciel qui, après un court séjour dans un couvent de Barcelone, le recueillit définitivement en 1909. […] Ami de Kahnweiler, qui voit en Bébuquin une œuvre cubiste, il donne dans son ouvrage L’Art du xxe  siècle dont la première édition paraît en 1926 une place importante au cubisme.

1503. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Longtemps elle demeura à la même place sous le vestibule de sa chambre, retenue par la pudeur ; et elle revint de nouveau en arrière, et de nouveau elle se remit à sortir, et de nouveau elle rentra. […] Le cœur lui tomba de la poitrine, ses yeux se troublèrent d’un brouillard, une chaude rougeur saisit ses joues ; elle n’avait la force de lever les genoux pour faire un pas en avant ni en arrière, mais ses pieds restaient fichés sur place. […] Puis on verrait avec l’aurore le navire Argo, vainement poursuivi par les Colchidiens, sortir triomphant du Phase sous les coups de rame des héros, et Médée près de Jason, à la place d’honneur, glorieusement assise à la poupe sur la merveilleuse toison. […] Un seul et dernier trait : c’est au moment où elle se décide à fuir au milieu de la nuit : « … Elle baisa son lit et les deux côtés de la porte, elle embrassa jusqu’aux murailles, et, ayant coupé de ses mains une longue tresse, elle la laissa dans la chambre pour sa mère comme souvenir de sa virginité, et elle s’écria d’une voix gonflée de sanglots : « Cette longue mèche de mes cheveux, je te la laisse en ma place, ô ma mère !

1504. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Girod de Chantrans, ancien officier du génie, forcé de quitter Besançon par suite du décret qui interdisait aux ci-devant nobles le séjour dans les places de guerre, alla habiter Novilars, château à deux lieues de là ; il emmena le jeune Nodier avec lui. […] Il avait perdu sa place de bibliothécaire-adjoint ; son père l’envoya à Paris (vers 1800) pour y continuer ses études interrompues ; il y porta des romans déjà faits, et y contracta de nouvelles liaisons politiques. […] Son mouvement de style, aux places heureuses, est tout à fait tel, parfois rapide et plus souvent bercé. […] L’arrivée de Fouché comme gouverneur semblait devoir donner à sa fortune une face nouvelle ; la place de secrétaire-général de l’intendance d’Illyrie lui fut proposée ; il négligea ces avantages, et l’occasion rapide ne revint pas.

1505. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

L’Assemblée constituante avait bien fait de mettre à la place un clergé voué uniquement aux fonctions du culte, étranger aux délibérations de l’État, salarié au lieu d’être propriétaire ; mais c’était exiger beaucoup du Saint-Siège que de lui demander l’approbation de tels changements. […] Sans doute on y pouvait blâmer l’abus d’une belle imagination ; mais après Virgile, mais après Horace, il est resté dans la mémoire des hommes une place pour l’ingénieux Ovide, pour le brillant Lucain, et, seul peut-être parmi les livres de ce temps, le Génie du Christianisme vivra, fortement lié qu’il est à une époque mémorable ; il vivra, comme ces frises sculptées sur le marbre d’un édifice vivent avec le monument qui les porte. […] D’autres en ont donné des fragments d’une grande précision et d’un style peut-être supérieur comme couleur, mais aucun ne les a placés à leur jour et à leur place dans ce vaste et magnifique ensemble qui donne à chacun de ces événements, militaires ou civils, sa place, sa proportion, sa valeur historique et sa signification dans la destinée du monde.

1506. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Ses gants, aussi solides que ceux des gendarmes, lui duraient vingt mois, et, pour les conserver propres, il les posait sur le bord de son chapeau à la même place, par un geste méthodique. […] Depuis quinze ans, toutes les journées de la mère et de la fille s’étaient paisiblement écoulées à cette place, dans un travail constant, à compter du mois d’avril jusqu’au mois de novembre. […] dit-il à Nanon. » Grandet sort et vend pour 200 000 francs de ses vins en se promenant sur la place devant le café ; et les deux femmes vont par pitié et les pieds nus écouter à la porte du cousin les gémissements de sa douleur. […] Puis, la rente sur l’État étant à 90 alors, il place un million sur la rente, revenu net sans impôts, et le confie le matin à son fondé de pouvoirs.

1507. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Il fut l’élève du savant docteur Pierre d’Ailly ; son mérite transcendant le fit élire à sa place chancelier de l’Université, chanoine de Notre-Dame, comme Abeilard, puis doyen de l’église de Bruges par la faveur du duc de Bourgogne. […] D’autres occupent à présent leurs places, et je ne sais s’ils pensent seulement à eux. […] Mettez-vous toujours à la dernière place, et la première vous sera donnée, car ce qui est le plus élevé s’appuie sur ce qui est le plus bas. […] Est-ce la philosophie française du dix-huitième siècle, qui pour expliquer l’œuvre divine commence par nier le Créateur, et qui révèle à la place des fins dernières, avec Condorcet, la stupide théorie du progrès continu et indéfini ?

1508. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

C’est précisément à ce titre que nous regrettons de le voir représenter aujourd’hui dans une salle si défectueuse, où il n’est possible de bien entendre de nulle part, l’acoustique laissant fort à désirer ; où beaucoup de places sont mauvaises ; où les premières sont spécialement affectées aux exhibitions de toilettes et aux conversations mondaines ; où l’orchestre, enfin, manque d’ensemble… et d’un chef pour le conduire. […] Les revenus de la Fondation sont répartis, deux cinquièmes à l’acquisition de places aux Représentations, devant être données, un cinquième à des bourses de voyages à Bayreuth, et le reste à un fonds de réserve. […] Déjà, d’ailleurs, des bourses de voyages et des places aux Représentations de Bayreuth, ont été données, en 1883 et en 1884, spécialement par l’Association, à des artistes et amateurs, de toutes les nations. […] Le prix des places fut diminué de trente marks à vingt.

1509. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Là, les gens à tempérament amoureux, hommes et femmes, les femmes attifées de leur mieux dans leurs capotes grises, les hommes au bonnet de coton, posé sur la tête d’un air conquérant, prenaient leur place sur le premier rang de chaises du passage, où se promenait un infirmier, choisissant le côté, où ils ou elles pouvaient montrer un profil moins endommagé — car il y avait parmi eux beaucoup de scrofuleux, très avancés — et ainsi placés, chacun et chacune tenaient son livre de messe, de façon à faire voir le numéro de son lit, qui est inscrit dessus. Les places sur le passage, se payaient cinq sous. […] Quand je me réveille sur la place de la Concorde, sous un ciel d’un bleu noir, sans étoiles, et ou mortuairement brillent six ou huit flammes électriques, dans de hauts lampadaires, j’ai, une seconde, le sentiment de n’être plus vivant, et de suivre une Voie des Âmes, dont j’aurais lu la description dans Poe. […] » Et allant et venant, elle murmure : « Ce matin, c’est singulier… je ne pouvais pas rassembler mes idées… mais ça revient… oui, oui, elles rentrent en place. » Puis soudainement, et comme si elle trouvait sous ses pieds un trou, un précipice, elle se met à crier : « Ah !

1510. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Une destinée sur la terre, qui commence à sa naissance et qui finit à sa dernière respiration, à sa petite place sur ce petit atome en mouvement qu’on appelle le globe, destinée toute correspondante à cette matière dont nos sens, empruntés pour quelques jours à la terre, sont formés. […] La place n’est-elle pas prise ? […] Il se place à l’extrême bord des mystères chrétiens, il regarde au fond d’un œil effaré, il y prend le vertige, et il se parle à lui-même presque par monosyllabes. […] De toutes les places où un mortel peut monter sur la terre, la plus haute pour un homme de génie est incontestablement une chaire sacrée.

1511. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Il y a cinq manières principales d’exprimer sa pensée pour la communiquer aux hommes : La chaire sacrée qui parle aux hommes, dans les temples, de leurs premiers intérêts : la Divinité et la morale ; La tribune aux harangues qui parle aux hommes, dans les assemblées publiques, de leurs intérêts temporels de patrie, de liberté, de lois, de formes de gouvernement, d’aristocratie ou de démocratie, de monarchie ou de république, et qui remue leurs idées ou leurs passions par l’éloquence de discussion, l’éloquence parlementaire ; La place publique, où, dans les temps de tempête, de révolution, de sédition, le magistrat, le tribun, le citoyen monte sur la borne ou sur les marches du premier édifice qu’il rencontre, parle face à face et directement au peuple soulevé, le gourmande, l’attendrit, le persuade, le modère et fait tomber de ses mains les armes du crime pour lui faire reprendre les armes du patriotisme et des lois. […] Dans la première scène Esther raconte à sa confidente Élise comment Assuérus l’a choisie pour épouse, sans connaître sa race, à la place d’une première épouse ennemie des Juifs et disgraciée pour son orgueil. […] Peut-être on t’a conté la fameuse disgrâce De l’altière Vasthi dont j’occupe la place, Lorsque le roi, contre elle enflammé de dépit, La chassa de son trône ainsi que de son lit. […] Il élève Mardochée à sa place, il révoque l’ordre d’immoler la nation juive.

1512. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Ainsi donc, nulle loi, nulle liberté, nulle poésie nationale ; des gouvernemens despotiques soudoyant des sophistes étrangers pour la destruction du vieil esprit germanique ; une théologie fléchissant sous l’incrédulité et sous le sarcasme, et ne se défendant même plus ; et, pour toute philosophie, une espèce de frivolité dogmatique ne dictant plus que des épigrammes et des brochures de quelques pages à la place des in-folio, respectables témoignages de la vieille science théologique ; tel est l’état dans lequel Kant trouva l’Allemagne. […] Mais prenez chaque chapitre en lui-même, ici tout change : cet ordre en petit que doit renfermer un chapitre, n’y est point ; chaque idée est toujours exprimée avec la dernière précision, mais elle n’est pas toujours à la place où elle devrait être pour entrer aisément dans l’esprit du lecteur. […] Et il indique les argumens en faveur de l’existence de Dieu, de la liberté, de l’immortalité que donnait l’ancienne métaphysique, et ceux que la nouvelle mettra à leur place ; il soutient que la critique peut bien nuire au monopole de l’école, mais non pas à l’intérêt du genre humain, puisqu’elle-même répare les ruines qu’elle opère. […] Il n’a point remarqué qu’il n’avance pas malgré ses efforts, car il n’a aucun point d’appui pour se soutenir et transporter l’entendement hors de sa place naturelle.

1513. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

S’il reste, il périt à la place. […] Malgré l’attention de ne rien prononcer, d’être court et vague, d’après ce que j’ai dit vingt artistes feraient vingt tableaux où l’on trouverait les objets que j’ai indiqués, et à peu près aux places que je leur ai marquées, sans se ressembler entre eux ni à l’esquisse de Robert. […] Vernet distribue aussi des figures dans ses compositions, mais indépendamment de l’art qui les exigeait et de la place qu’il leur donne, voyez comme il les emploie. […] Que le peintre de ruines m’en montre un accroché à une grande hauteur, dans un endroit très-périlleux ; et qu’il en place deux autres au bas qui le regardent tranquillement.

1514. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

« Tu as créé toutes choses, donnant à chacune sa place, et les gouvernant toutes par ta providence. […] Tout en invoquant la Trinité sainte, Dieu le Père, la parole divine et l’Esprit-Saint, le poëte semble tenir à la doctrine de ces sectaires à peine chrétiens qui donnaient place dans leur cosmogonie à deux puissances allégoriques ou mystiques, l’Abîme et le Silence, Βυθὸς καὶ Σιγή. […] Son exemption du célibat, ses souvenirs de la philosophie, son amour de la poésie, devaient lui faire, dans la sévérité de l’orthodoxie croissante avec la victoire du christianisme, une place à part et douteuse. […] « Je resterai à ma place dans l’église ; je mettrai devant moi les vases sacrés ; j’embrasserai les colonnes du sanctuaire qui soutiennent la table sainte.

1515. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Quant à la peinture proprement dite et par le pinceau, ce ne fut que sur la fin du xviiie  siècle que de La Rive et, après lui, Töpffer le père, commencèrent à rendre le paysage suisse, savoyard, de la zone inférieure dans sa grâce et sa poésie familière ; « les masures de Savoie avec leur toiture délabrée et leur portail caduc ; les places de village où jouent les canards autour des flaques ; les fontaines de hameau où une fille hâlée mène les vaches boire ; les bouts de pré où paît solitaire, sous la garde d’un enfant en guenilles, un taureau redoutable » ; puis les marchés, les foires, les hôtelleries ; les attelages poudreux avec le chien noir qui court devant ; les rencontres de curés, de noces, de marchands forains ; les manants de l’endroit avinés et rieurs, « amusants de rusticité ». […] Malherbe avait dit : « J’apprends tout mon français à la place Maubert. » Lui, Töpffer, il veut qu’à deux siècles de distance cette parole bien comprise signifie : Je rapprends et je retrempe mon français chez les gens simples, restés fidèles aux vieilles mœurs, comme il en est encore dans la Suisse romande, en Valais, en Savoie, en dessus de Romont, à Liddes, à Saint-Branchier, au bourg Saint-Pierre.

1516. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Des deux côtés on avait construit un amphithéâtre avec gradins, et la décoration de la place était d’un effet très pittoresque. […] L’abbé Prévost a l’apologie persuasive : ici le cas était léger ; M. de Maurepas se laissa fléchir, et le fugitif, en retrouvant sa place auprès du prince de Conti, reprit sa même vie, ses mêmes sociétés faciles, et ses habitudes plus que jamais laborieuses.

1517. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

François Arago, né le 26 février 1786 dans la commune d’Estagel en Roussillon, d’une famille où le type méridional est expressivement marqué, suivit dans ses premières années le collège de la ville de Perpignan, où son père avait la place de trésorier de la monnaie. […] Arago, même lorsqu’elle choquait, une force qui vous tenait sur place et attentifs.

1518. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Dante y tient une grande place ; Ginguené l’analyse, l’explique, le loue ou le critique en toute connaissance de cause ; et, sans rompre ouvertement en visière avec la façon légère et irrévérente du xviiie  siècle, il tend à la détruire par l’exposé même des faits, et à nous transporter peu à peu et comme par une montée unie dans l’intelligence de ce difficile poète. […] Villemain, et le tout s’animait d’un enthousiasme général qui laissait place pour les réserves que l’admiration elle-même ne saurait s’empêcher de poser.

1519. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Saint-Amant, grâce à son ode, avait autrefois sa place assurée dans la bibliothèque de tout vieux château. […] La vraie critique, telle que je me la définis, consiste plus que jamais à étudier chaque être, c’est-à-dire chaque auteur, chaque talent, selon les conditions de sa nature, à en faire une vive et fidèle description, à charge toutefois de le classer ensuite et de le mettre à sa place dans l’ordre de l’art.

1520. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

En un mot, il ne se met jamais à la place du lecteur. […] je m’aperçois que je demande en ce moment à Guillaume Favre de faire ce qu’eût fait en sa place, sur un tel sujet, Ernest Renan, c’est-à-dire un savant doublé d’un artiste-écrivain. — Mais il aurait fallu pour cela dominer ses matériaux, les soumettre : Favre se borne à rassembler de merveilleux documents ; la maîtresse main s’y fait désirer.

1521. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Aucun de ceux qui ont connu et aimé M. de Lamennais, en ces années de passion douloureuse et de crise, à quelque point de vue qu’on se place, n’ont, ce me semble, à en rougir ni à s’en repentir. […] Mais voilà bien, en effet, des coins de paysage comme je les préfère ; c’est délicat, c’est senti, et c’est peint en même temps ; c’est peint de près, sur place, d’après nature, mais sans crudité.

1522. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

» À l’instant saisissant la statue, il la renversa sans effort, et montant sur le piédestal avec aussi peu d’agitation, il semblait prendre sa place plutôt qu’usurper celle d’autrui. […] Il voudrait bien pouvoir ne le reléguer que dans les dehors de la place, dans ce qu’on appelle humeur : « Mes malheurs, mon cher Coindet, n’ont point altéré mon caractère, mais ils ont altéré mon humeur et y ont mis une inégalité dont mes amis ont encore moins à souffrir que moi-même. » Avant d’en venir à se croire l’objet de cette conspiration générale qui paraît avoir été son idée fixe depuis 1764-1766, il avait passé par bien des degrés.

1523. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Guizot était là véritablement à sa place, et en pensant au bien qu’il a fait, à celui qu’il aurait pu faire, on se prend à regretter qu’il ne s’y soit point tenu. […] Guizot, préoccupé des dangers dont toutes les communions chrétiennes et le christianisme lui-même sont menacés par le redoublement d’efforts et d’attaques de la philosophie, estime que l’heure est venue de se comporter comme on ferait « dans une place assiégée », quand l’étranger et l’ennemi est aux portes : il conseille, en conséquence, à toutes les communions chrétiennes de s’unir pour la défense commune, en mettant de côté leurs querelles et leurs différends.

1524. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Le jeune homme lui offre une place dans son cabriolet ; M.  […] Puis le lendemain, son bienveillant introducteur et guide lui offre une place pour Paris : M. 

1525. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Il serait à souhaiter sans doute que tous les sujets d’un royaume fussent vertueux, et l’on ne saurait prendre de trop justes mesures pour qu’une bonne éducation les rende tels ; mais il suffit qu’il s’y trouve autant d’hommes versés dans les sciences qu’il en faut pour remplir les places. […] Je le suppose sur le trône et vivant son cours de nature : vingt ans s’écoulent ; la génération dont est Diderot s’élève et grandit, et l’on est en présence de cette armée de jeunes savants désœuvrés et travailleurs, qui, à chaque recommandation, à chaque sommation de se disperser et de se ranger, répondent et s’écrient par la bouche ardente de leur chef : « Je ne veux rien être dans la société ; je ne veux être ni homme en place, ni médecin, ni homme de loi… je ne veux être que le serviteur et l’artisan de l’intelligence humaine ! 

1526. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Il recommençait sa vie : il se revoyait à Brienne, à Toulon, au fort de l’Éguillette, sa première victoire ; puis, après une disgrâce passagère qui faillit faire de lui le plus bizarre en apparence et le plus homme à projets d’entre les officiers généraux non employés, et certainement le plus incommode des mécontents, il se montrait reprenant bientôt le vent de la fortune, consulté, mis à sa place et à même enfin de se produire tout entier, gravissant à vingt-sept ans comme général en chef ces rampes escarpées d’où l’on découvre tout d’un coup l’Italie, cette Italie de tout temps l’objet de ses méditations, Italiam ! […] En toutes choses il faut traiter les hommes de la sorte et leur supposer les vertus qu’on veut leur inspirer. » Je suis extrêmement frappé, dans ces paroles venues de Sainte-Hélène, du point de vue auquel se place invariablement Napoléon.

1527. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Leonora, belle, éblouissante, avide de sensations, ardente dans ses fantaisies, froide de cœur, n’a pas de peine à enlever le jeune et fragile artiste : ce n’est rien de lui avoir jeté son bouquet sur la scène, et son mouchoir par mé-garde avec le bouquet, comme dans un vrai délire d’enthousiasme, il faut voir comme ensuite, dans la visite qu’il lui fait, elle le pique au jeu, lui bat froid, le mortifie, lui tient la dragée haute, le tourne et le retourne à plaisir, comme elle fait tout, en un mot, pour le chauffer, l’enflammer ; elle lui met au cœur un de ces amours furieux, dévorants, à la Musset, qui vous tuent sur place, ou qui vous laissent, pour le restant de vos jours, n’en valant guère mieux. […] Sibylle, tout inexpérimentée qu’elle est en pareille matière, donne à la jeune femme, son amie, le seul conseil droit et sage : «  À votre place, ce que je ferais, le voici : je me confierais tout simplement à mon mari. » Blanche suit le conseil et s’en trouve bien.

1528. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Germond de Lavigne, s’est avisé (car toute cause trouve à la fin son avocat) de prendre en main la défense du continuateur anonyme de Don Quichotte, de celui qui avait essayé, dans l’intervalle des deux parties, de supplanter Cervantes et de se substituer en son lieu et place dans la faveur du public. […] G. de Lavigne que l’ouvrage du continuateur n’est nullement méprisable et qu’il n’est difficile à lire aujourd’hui que parce que la place est prise et que chaque lecteur a dans l’esprit la suite si agréable de Cervantes, c’est tout ce que vraiment on pourrait faire ; je viens, dans mon désir d’impartialité, d’essayer de lire quelques chapitres de ce Don Quichotte d’Avellaneda ; tout ce que j’en ai vu me paraît lent, logique et lourd ; on ne peut s’empêcher de dire à chaque instant : « Ah !

1529. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Zeller n’a rien à craindre : la vérité, la justesse, le bon esprit et le bon langage tiennent toujours leur place, et le génie qui les domine, qui les surpasse, qui les menace par moments, ne saurait les écraser. […] L’auteur s’est attaché à faire des principaux faits de l’histoire ancienne, fortement et nûment rapprochés, une contexture si étroite qu’il n’y a place dans l’intervalle pour aucune réflexion, et si unie qu’il ne se permet d’y broder aucun ornement, aucune fleur.

1530. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Armand Lefebvre dut échanger la position qu’il occupait à la direction politique contre la promesse, qui ne fut pas tenue, d’une place de secrétaire de légation. […] Il faisait comme un général habile et prudent qui, se sentant coupé ou débordé par des forces supérieures et hors d’état pour le moment de tenir campagne, occupe les points essentiels, quelques places fortes, et abandonne le reste du pays, sauf à rejoindre plus tard ses garnisons et à rétablir ses communications dès qu’il le pourra.

1531. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Le fermier général de l’ancien régime, avec son habit d’or et son ventre majestueux, y a la place d’honneur. […] Berchoux y est remis à sa place pour ce poëme trop vanté de la Gastronomie, qui semble avoir été « composé en face d’un verre d’eau sucrée. » Il n’y a guère, en effet, que la forme de gastronomique dans ce badinage.

1532. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Du reste, dans cette épopée, la partie d’imagination populaire serait remise à sa place ; elle pourrait se faire jour par endroits, ou circuler dans le tout avec art, mais sans masquer jamais les événements réels et les situations historiques. […] Ce qui constitue le mérite, la vie de ce poëme, ce qui place M.

1533. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Ce bonheur qu’ont certains poëtes d’atteindre, un matin, sans y viser, à quelque chose de bien venu, qui prend aussitôt place dans toutes les mémoires, mérite qu’on l’envie, et faisait dire dernièrement devant moi à l’un de nos chercheurs moins heureux : « Oh ! […] Il a sa place assurée pourtant dans l’histoire de la poésie française, et sa Chute des Feuilles en marque un moment.

1534. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens. […] Smith, dons son excellent ouvrage de la théorie des sentiments moraux, attribue la pitié à cette sympathie qui nous fait nous transporter dans la situation d’un autre, et supposer ce que nous éprouverions à sa place.

1535. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

D’ordinaire, les philosophes lui donnent la place principale et une place tout à fait distincte. « J’éprouve des sensations, disent-ils, j’ai des souvenirs, j’assemble des images et des idées, je perçois et conçois des objets extérieurs.

1536. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Nous la retirerons de cette place invariable où elle semblait confinée par un syllogisme, nous la porterons tantôt au milieu, tantôt au commencement, et nous la ferons voyager par toute la fable. […] Nous répéterons donc la même pensée sous toutes sortes de formes ; nous la reprendrons après l’avoir quittée ; nous la reproduirons encore une fois hors de sa place naturelle ; nous la répandrons partout, faute de savoir la concentrer.

1537. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

A la place, on a eu je ne sais quelle tristesse morne, sèche, accablante, l’impression singulière qui se dégage des livres de M.  […] Il était tout fier que ça vînt de Paris, ce brave père Azan. » Puis c’est la place d’Eyguières à deux heures de l’après-midi, la maison des vieux, le corridor… « Alors saint Irénée s’écria : Je suis le froment du Seigneur.

1538. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Pour nous, chères Marges, laissons la très illustre et respectable maison à sa place, très haut dans la hiérarchie sociale, et tout à fait en marge de ce qui nous occupe, je veux dire l’art, la poésie, etc… Louis Dumur En décadence, non, si l’on s’en tient aux principes qui ont toujours prévalu à l’Académie. […] Chacun sa place.

1539. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Si sa place dans l’État était nettement délimitée, il deviendrait immédiatement homme du monde, il ne permettrait même pas à un bourgeois riche de revendiquer sur lui cette pauvre supériorité des « manières », l’élégance qu’il donne à ses peintures ou à ses poèmes rehausserait immédiatement son attitude. […] Ce qui doit être, aux yeux du monde, le dernier mot extérieur d’une misère d’artiste, c’est un certain sourire détaché et suprême qui arrête sur place les commisérations et ne permette la fraternité qu’à ses pairs.

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