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853. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

J’ai souvent pensé que la critique devait ressembler à une maîtresse de maison qui a du tact et qui sait placer ses convives, disant à ceux-là qui se pressent un peu trop autour d’elle et qui croient y rester : « Descendez plus bas… » vers la porte ; et à ceux qui, plus modestes, se tiennent dans les coins de la salle : « Montez plus haut… » à la place d’honneur et dans la lumière. […] Son livre, écrit du style d’un homme qui a agi sur la langue qu’il parle avec la même force qu’il a pensé sur elle, fourmille de faits et de rapprochements inattendus à enchanter les scholiastes et les bibliophiles ; mais, il faut bien que la critique le lui dise : ces détails, curieux pour des… curieux, n’apprennent, en somme, rien d’important et de nouveau et qui fasse trouée de boulet dans nos esprits et dans l’ordre de nos connaissances sur l’histoire de la comédie. […] J’ai dit ce que je pensais de ses résumés historiques dont le groupement rappelle la vaste manière de Macaulay, de ses jugements, à grands coups de scalpel à fond, sur ces immenses et ruminantes pécores orientales (la Chine et l’Inde) qui n’ont ni rire ni comédie, quoiqu’elles aient des spectacles ; mais je n’ai pas dit comme je le sais la force d’imagination et d’observation équilibrées qui distingue cette encyclopédie de facultés qu’on appelle Édelestand du Méril, car peut-être ne me croirait-on pas. […] Dans tous les cas, qu’importe à Taine que du Méril l’accuse de spinosisme en disant, avec une malice spirituelle, que « si Spinosa n’avait pas existé il n’aurait probablement pas pensé au spinosisme, et que, pour lui comme pour les autres, tout homme étant une généralité, il n’y a pas de biographie privée, mais une histoire infinie de l’humanité » ?

854. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

» donne à penser qu’elle-même n’eût pas été loin de céder s’il n’y avait eu toute une armée derrière elle, et si tout ne lui avait rappelé à chaque heure qu’elle était une Arnauld. […] L’éloquent avocat, qui allait bientôt devenir un solitaire et un pénitent des plus rigoureux, pensait alors à s’engager plus avant dans les liens du monde ; il était amoureux d’une belle et sage demoiselle, et il s’en était ouvert à la mère Agnès pour l’éprouver et se ménager sans doute son approbation. […] Il avait été, pensait-il, ramassé lui-même un jour par le bon pasteur comme il avait ramassé cet enfant.

855. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Le mélange, la combinaison de ce qui était observé et de ce qui était pensé était continuel et se corrigeait, se complétait dans une juste mesure. […] [NdA] Quelqu’un de très judicieux et de très respectable a dit sur M. de Tocqueville ce mot dont on rabattra ce qu’on voudra, mais dont il reste quelque chose de vrai : « Il a commencé à penser avant d’avoir rien appris ; ce qui fait qu’il a quelquefois pensé creux. » f.

856. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Ceux donc qui ont reçu en naissant la fermeté, la vénération, l’estime d’eux-mêmes, ces nobles et gouvernantes facultés que la nature, à ce que pensent les phrénologistes, aurait placées au sommet du front comme un diadème moral, ceux-là agissent avec suite, se maintiennent purs dans les vicissitudes, et opposent aux déchaînements les plus contraires une auguste permanence. […] Forcé de quitter le cardinal Acquaviva, il s’en était allé à tout hasard jusqu’à Constantinople avec une lettre de son éminence pour le renégat Bonneval, non plus en abbé, pensez-le bien, mais en officier de la noble République. […] Je n’aurai plus d’amants de ma vie ; mais je souhaite que tu ne penses pas m’imiter.

857. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

« Je juge le monde et le considère comme les ombres chinoises… Je pense au néant de la gloire… Je pense au néant de l’ambition. » Et la nuit descend, enveloppant le songeur ; les Tartares font rentrer leurs moutons ; une voix tombe du haut minaret : recueillant ses pensées, l’homme s’enfonce dans la nuit sur un cheval tartare611 . […] Cet échantillon suffit, je pense.

858. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Vous devinez que je pense à Taine et à Brunetière. […] Car nous sommes de ceux qui pensent qu’il y a, relativement à ces questions, une attitude scientifique possible. […] Nous aussi, quand nous cherchons à retrouver la vie sentimentale du XVIIIe siècle, ou les manières de penser de la Renaissance, nous poursuivons l’image d’un passé qui n’est plus.

859. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Mais qu’il ait desséché sa verve poétique (ce que nous ne pensons pas) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une éponge pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, sur-vidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, car il a dit les mots suprêmes sur le mal de la vie, ou de parler un autre langage. […] Ces pièces de vers, d’une saveur si exquisément étrange, renfermés dans des flacons si bien ciselés, ne lui coûtaient pas plus qu’à d’autres un lieu commun mal rimé… Avec ces idées, on pense bien que Baudelaire était pour l’autonomie absolue de l’art et qu’il n’admettait pas que la poésie eût d’autre but qu’elle-même et d’autre mission à remplir que d’exciter dans l’âme du lecteur la sensation du beau, dans le sens absolu du terme. […] En effet, il est surprenant de penser qu’on le conteste encore, que les critiques le dénaturent, que les anthologies le négligent, qu’on le tient tout au plus pour un poète étrange, malsain, stérile en tout cas.

860. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Ne le voyant que dans ses livres et dans ses monuments, dans sa pensée en un mot, nous sommes tentés de croire qu’on ne faisait alors que penser. […] un homme qui résume toute sa vie en ces mots : faire honnêtement fortune (et encore on pourrait croire qu’honnêtement n’est là qu’afin de la mieux faire), la dernière chose à laquelle il faudrait penser, une chose qui n’a quelque valeur qu’en tant que servant à une fin idéale ultérieure ! […] Ce qui importe, c’est d’avoir beaucoup pensé et beaucoup aimé ; c’est d’avoir levé un œil ferme sur toute chose, c’est en mourant de pouvoir critiquer la mort elle-même.

861. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Il s’est rencontré, je le crains, des orateurs politiques qui ont dit au peuple ou aux Chambres tout autre chose que ce qu’ils pensaient. […] Voltaire écrivait alors14 : « La plupart des livres ressemblent à ces conversations générales et gênées dans lesquelles on dit rarement ce que l’on pense. » Notre siècle a donc eu raison de ne pas négliger la biographie des auteurs. […] Les détails patiemment rassemblés de la sorte révèlent des façons habituelles de penser, de sentir et surtout de vouloir, ce qu’on appelle souvent du nom vague de caractère.

862. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Ne faut-il pas penser que c’est plutôt la complexité, l’hétérogénéité de ces phénomènes qui en rend l’analyse si difficile ? […] Nous verrons plus loin quelle est cette classification et ce qu’on peut en penser. […] C’est en se fondant sur ces apparences que des philosophes, même éminents, ont pensé qu’un sens particulier était nécessaire pour expliquer leur existence.

863. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Alors, mais alors seulement, on jugera si le poète fut « sincère » et s’il « pensa » ! […] On pensa le trouver dans notre Comédie Humaine ; on l’y trouva — mais il n’y était pas. […] Quiconque pensera formulera. » Et de là, la libération du vers, de l’inspiration, là, proclame pour tous le droit de créer, et selon soi-même.

864. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Et je pense aussi sa musette. […] Quelle grâce dans ce petit mot, je pense ! […] Il me semble que cela donnait bien autrement à penser.

865. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Ils nous engagent par le crédit qu’ils ont sur nous à penser comme eux. […] Quand nous remarquons des défauts dans un livre reconnu generalement pour un livre excellent, il ne faut donc pas penser que nous soïons les premiers dont les yeux aïent été ouverts. […] Ils ont conçu que le monde avoit raison de penser comme il pensoit depuis plusieurs siecles, que si la réputation des anciens pouvoit être affoiblie, il y avoit déja long-temps que le flambeau du temps l’auroit, pour ainsi dire, obscurcie ; en un mot que leur zele étoit un zele inconsideré.

866. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

II Ce point de vue supérieur, d’une unité grandiose, que l’auteur des Institutions politiques de l’ancienne France fait planer sur son histoire, et qui en contredit toutes les origines, c’est l’influence de l’Empire Romain sur le monde barbare, — c’est-à-dire tout le contraire de ce qu’on a pensé depuis des siècles. […] « Le latin — dit l’historien, qui pense à tout, — ne fut point relégué au second rang, comme en Angleterre le saxon, après la conquête normande. » Toujours les Mérovingiens voulurent être Romains. […] Et je dis contemporains, car, dans une époque confisquée par l’esprit moderne, il n’a pensé à prendre son histoire que dans les écrivains des six premiers siècles.

867. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Qu’on y pense un instant, on verra la différence. […] Non, sans doute, puisque nous n’y avions pas pensé. […] Quelles images nous feront le mieux penser au Printemps ? […] Il ne les imagine pas seulement, il les pense ; il pense aussi aux idées qu’il veut rendre ; et ce mouvement d’idées a forcément une influence sur le cours de sa rêverie. […] C’est les induire à penser que la beauté sculpturale est un mensonge.

868. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Mais le doute ne tarde pas à être éclairci par sa rougeur ou son air de contrariété, par son calme affecté ou sa triste préoccupation. » La Bruyère, sans entrer dans ces nuances un peu prolongées, avait dit vivement : « Une femme qui n’a jamais les yeux que sur une même personne, ou qui les en détourne toujours, fait penser d’elle la même chose. » Mais, dans bien des cas, on éprouve chez M. de Latena la satisfaction de rencontrer des pensées justes, exprimées avec une attention et une description circonstanciée qui montre qu’elles sont bien nées, en effet, dans l’esprit de l’auteur : son seul soin est d’être élégant d’expression en même temps que fidèle. […] — Je crois que moyennant deux ou trois corrections que je viens de faire et un ou deux mots où j’ai appuyé, il ne saurait y avoir de doute sur le sens de mon jugement : ce n’est point à titre de nouveau, comme quelques personnes l’ont pensé, que je recommandais ce que j’allais citer, c’est en prenant sur mon goût habituel et non en y cédant que je rendais justice à un moraliste estimableu, sans avoir d’ailleurs le moins du monde l’intention de le rapprocher de M. 

869. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

« Ne penses-tu pas que la connaissance ou le pressentiment du merveilleux est accordé à quelques-uns comme un sens particulier ? […] Les phénomènes singuliers et subtils dans lesquels se complaît le génie d’Hoffmann, lorsqu’il ne les tire pas d’un concours plus ou moins romanesque d’événements tout extérieurs, et lorsque la nature humaine et l’âme sont sur le premier plan, se rapportent plus particulièrement, comme on peut le penser, à ces âmes sensibles et maladives, à ces natures fébriles et souffrantes, qui peuvent en général se comprendre sous le nom d’artistes : ce sont elles qui font le sujet le plus fréquent et le plus heureux de ses expériences.

870. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

J’ai regretté l’autre jour, je l’avoue, de ne pas être un peu de l’opposition, afin d’être plus en droit de dire ce que je pensais après avoir lu l’excellent et spirituel discours que M. le comte de Persigny a prononcé à Montbrison ; mais enfin de ce qu’on a l’honneur d’être, par goût et par choix, le serviteur et l’ami des gens, ce n’est pas une raison pour éviter de dire d’eux le bien que l’on pense.

871. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Je ne sais s’il y a aucun obstacle qui s’oppose autant au progrès, quand on essaye d’apprendre à penser et à écrire. […] Ce serait un labeur insensé et inutile que de prétendre penser en homme du xixe  siècle et parler en homme du xviie .

872. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Et d’ailleurs si, dans l’appréciation des œuvres des poètes, il fallait tenir compte de leurs vertus civiques, Lamartine opposant son corps à l’émeute triomphante et la domptant par sa parole, ferait presque aussi bonne figure, je pense, que Victor Hugo au lendemain du coup d’Etat. […] Le poète de la Légende a souvent enchanté nos imaginations ; il a peu agi sur notre pensée, ayant peu pensé lui-même.

873. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

il se connaît si peu qu’il va jusqu’à repousser ce qui faisait le meilleur de son originalité. « On a semblé croire, dit-il, qu’une solitude forcée m’inspira de penser et d’écrire. » Eh oui ! […] On ne pensait plus guère à ses maximes limousines ; et si l’on s’occupe encore de lui, vous verrez que ce sera pour lui dire des choses désagréables.

874. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

Je ne crois pas qu’un prince ait jamais affirmé plus hautement ses devoirs et, parmi ses devoirs, celui auquel les princes pensent généralement le moins. […] Le jeune Empereur pense bien autrement.

875. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

D’ailleurs, ne seroit-il pas facile de prouver, par des exemples, à l’Auteur des Mélanges, que des vers aussi pensés qu’il le désire, ne pourroient être que des vers détestables ? […] Nous pensons que M.

876. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

On lui procura des pensions de la cour. […] On lui demande ce qu’il pense.

877. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Il dit qu’Addisson condamne avec des louanges affectées, qu’il approuve avec une politesse maligne ; qu’il ne raille point, mais qu’il excite à railler ; qu’il voudroit blesser, mais qu’il craint de frapper ; qu’il fait penser à la faute qu’il remarque, mais qu’il hésite à la condamner ; qu’également réservé dans sa critique & dans ses louanges, il est à la fois ennemi timide & ami peu sur. […] Son bourdonnement est l’effroi des belles & des hommes qui pensent.

878. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Racine suppose dans sa préface que l’âge seul de Junia Calvina l’empêcha d’être reçuë chez les vestales, puisqu’il pense avoir rendu sa reception dans leur college vrai-semblable, en lui faisant donner par le peuple une dispense d’âge, évenement ridicule par rapport à ce tems-là, où le peuple ne faisoit plus les loix. […] Je ne pense pas aussi qu’il fut permis à M. 

879. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

L’Italie elle-même, qui pense maintenant que les autres peuples ne sçachent en musique que ce qu’ils ont appris d’elle, faisoit venir ses musiciens de nos contrées avant le dernier siecle, et païoit alors le même tribut à l’art des ultramontains qu’elle prétend recevoir aujourd’hui de tous les peuples de l’Europe. […] Je ne pense pas qu’il demande d’autres preuves que le passage de Guichardin que j’ai cité.

880. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Dans ce monde chrétien qui l’avait dompté, une possession d’État avait été, bien avant Rousseau, octroyée à l’individualisme ; et c’est un autre homme que Rousseau, c’était Descartes, qui avait fait le coup, lorsqu’il avait mis dans sa philosophie le Cogito, ergo sum : « Je pense, donc je suis », dont il répondra devant Dieu ! […] Et le clapier de Rousseau, ce clapier qui vit et prospère, pense peut-être à la recommencer !

881. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

il n’est pas, dans tout cet inventaire, un livre dont le titre éveille l’esprit, l’attire et donne à penser qu’il y ait une idée derrière le titre. […] Quelque disposé que l’on soit à bien penser de son siècle et de son pays, que voulez-vous pourtant qu’on augure de la vitalité intellectuelle de la France au xixe  siècle en face de ces publications, dont les unes, comme ces nombreux traités de chimie, de physique, d’agriculture, d’hydraulique, de droit élémentaire, etc., etc., qui encombrent les catalogues de librairie, ne sont que de grossières spéculations faites sur l’ignorance qui veut se décrasser, et dont les autres… de quel nom les nommer, si ce n’est du leur, pour caractériser leur abjecte médiocrité ?

882. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Ce sont des républicains comme les autres, des paysans très vrais, très étudiés, très sus, — des terriens acharnés qui ne pensent qu’à la terre, heureusement pour eux et pour nous ! et qui, s’ils étaient républicains, penseraient à autre chose, mais ne seraient plus alors ces paysans que Cladel et moi nous adorons, et qu’il nous a peints d’une touche de flamme, avec tous les enthousiasmes et les bonheurs de l’adoration.

883. (1929) La société des grands esprits

Penser de cette façon abstraite à la divinité équivaut, pour lui, à n’y pas penser du tout, et il estime qu’un Être aussi pur est un pur néant. […] Son Dieu est une pensée pure, et l’homme lui ressemble d’autant plus qu’il pense davantage. […] À déjeuner, un voisin très aimable me demanda ce que je pensais de M.  […] On pense inévitablement à Renan et à la Prière sur l’Acropole. […] Acte étrange d’un protecteur de la liberté de penser !

884. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Il a pensé (peut-être à tort) que je la connaissais mieux que personne. […] — Y pensez-vous, Julie ? […] Alphonse… ( « … Quand on pensé que j’allais épouser ce pierrot-là !  […] Maintenant tu n’as plus le temps de penser à moi, tu as une jeune femme. […] N’est-ce pas Loulou qui disait un jour : « Moi, quand j’essaye de penser, ça m’en dort ? 

885. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

pensez à l’Académie !  […] Ma foi, pensais-je, tâtons le terrain… quel terrain ! […] Comme dans les prospectus des pensions. […] Non seulement je n’ai rien dit que ce que je pense ; chose bien plus rare et plus difficile, j’ai dit tout ce que je pense. […] Comme nous sommes dix-sept, vous pensez qu’il y a de la besogne.

886. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Le maréchal ne pensait faire là rien de sublime. […] Vous en penserez ce que vous voudrez. […] Le mariage est bien, je pense, une institution sociale, et cependant le mariage épure Julie. […] Qu’il l’ait écrit, on peut penser que cela était à peu près inévitable. […] Vous pensez que, pétris par Jean-Jacques, ils sont pour jamais sages et heureux.

887. (1896) Le livre des masques

Bien que très subjectif, ou à cause de cela, car penser à soi, c’est penser à soi tout entier, il est religieux. […] On pense bien que je ne m’amuserai pas à citer tels vers qui me paraissent mauvais ; et surtout je n’irai pas les chercher dans les poèmes de M.  […] Il pense. […] Comme alors je pensais à l’infini, en même temps qu’à ma faiblesse… Depuis que tu m’es apparu monarque des étangs et des marécages ! […] Ce n’est peut-être pas mensonge ; c’est plutôt incapacité de nature à se penser soi-même, à prendre conscience de soi en son propre cerveau et non dans les yeux et sur les lèvres d’autrui ; même quand elles écrivent ingénuement pour elles-mêmes en de petits cahiers secrets, les femmes pensent au dieu inconnu qui lit — peut-être — par dessus leur épaule.

888. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Ce sont les philosophes qui se trompent quand ils transportent dans le domaine de la spéculation une méthode de penser qui est faite pour l’action. […] L’intelligence n’est point faite pour penser l’évolution, au sens propre du mot, c’est-à-dire la continuité d’un changement qui serait mobilité pure. […] C’est dire qu’ici encore elle laisse échapper un aspect essentiel de la vie, comme si elle n’était point faite pour penser un tel objet. […] C’est en vain qu’on voudrait le noter en termes de représentation : ce fut sans doute, à l’origine, du senti plutôt que du pensé. […] Ne voit-on pas que penser ici à de l’intelligent, ou à de l’absolument intelligible, est revenir à la théorie aristotélicienne de la nature ?

889. (1902) Propos littéraires. Première série

Il ne pense plus qu’à lui-même. […] Jules Simon dans ces circonstances est mémorable, comme bien l’on pense, et M.  […] Son secret est bien simple : ne penser jamais qu’aux autres, penser à tous les autres. […] C’est un livre où il y a quelque chose et qui fait penser. […] Cette génération ne sait ni que vouloir, ni que penser, ni que sentir.

890. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Nous philosophons avec lui sur la nature humaine, et nous pensons, parce qu’il a pensé. […] La philosophie, qui nous les montre, nous conseille de n’y pas trop penser. […] allez, questionnez. —  Pensez-vous que vous pourrez m’aimer ? […] Mais peut-être ne pensez-vous pas que ce soit un péché. […] Peut-être n’est-ce pas un péché pour ceux qui pensent que ce n’en est pas un.

891. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Il ne faut penser à vous que pour penser à tous ; et vous, le plus souffrant de tous, devenir le consolateur et le soutien de tous. […] Non, je ne le pense pas. […] Entre vous deux, nous tâcherons de penser. […] Je pense qu’il est encore à naître. […] je tremble d’y penser ; mais il est parti.

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