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814. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 266-268

parce que le premier de nos Satiriques l'aura tourné en ridicule ; parce que Chapelle & Bachaumont auront plaisanté avec esprit sur son Gouvernement de Notre-Dame de la Garde : il ne s'ensuit pas qu'on doive oublier tout le mérite qu'il avoit, à plusieurs égards.

815. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre premier. Que la poétique du Christianisme se divise en trois branches : Poésie, Beaux-arts, Littérature ; que les six livres de cette seconde partie traitent spécialement de la Poésie. »

En traitant du génie de cette religion, comment pourrions-nous oublier son influence sur les lettres et sur les arts ?

816. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Sur les exercices, des. Cadets russes. » pp. 549-546

« L’intention des chefs est qu’alors la gaieté des enfants soit sans entraves, et je n’ai pas de peine à croire que dans ces moments la discipline soit oubliée, qu’il se fasse mille espiègleries, qu’il y ait quelque dégât, que les gouverneurs soient inquiétés et tourmentés, qu’à la première issue qui se présente les élèves ne s’échappent de leurs yeux et ne se livrent à toutes leurs fantaisies.

817. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Si vous différez, vous oublierez de faire des fleurs et des animaux, et vous n’apprendrez point à faire de l’histoire et des hommes.

818. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Il oublie que Voiture, tant qu’il vécut, tint le dé en ce monde-là ; or, on sait, en fait d’esprit, mais aussi en fait de goût, ce qu’était Voiture. […] Enfin je ne veux pas qu’il en pense rien, sinon qu’il est de mes amis, et je vous prie de n’oublier non plus de lui ôter cela de la tête, si tant est qu’il l’ait, que j’ai oublié votre message. […] ) — Je ne veux pas oublier de vous dire que j’ai trouvé terriblement de l’esprit au comte de Saint-Paul. » Pour ajouter à l’intérêt de cette lettre, qu’on veuille bien se rappeler la situation précise : M. de Saint-Paul, fils de Mme de Longueville et probablement aussi de M. de La Rochefoucauld, venant voir Mme de La Fayette, qui passe pour l’objet d’une dernière passion tendre, et qui voudrait le voir détrompé… ou trompé là-dessus. — Le terriblement d’esprit du jeune prince allait droit, je pense, au cœur de Mme de Longueville, à qui le post-scriptum au moins, et le reste aussi sans doute, fut bien vite montré. […] Mais Versailles et la Poétique de Despréaux, et l’opéra de Lulli, et les gaietés sur la Marans sont toujours vite interrompus par cette misérable santé qui, avec sa fièvre tierce, ne permet pas qu’on l’oublie, et devient peu à peu l’occupation principale.

819. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Le poëte recherche les sentiers de traverse le plus souvent ; le romancier s’oublie au cercle du foyer, ou sur le banc du seuil devant, lequel il raconte. […] Les soirs même de dimanche, en cet Arsenal toujours gracieux et embelli, s’il s’oublie quelquefois, comme par mégarde, à causer et à rajeunir, si, debout à la cheminée, il s’engage en un attachant récit qui ne va plus cesser, à mesure que sa parole élégante et flexible se déroule, écoutez, assistez ! […] Pascal, à l’article V, demeure hautement accusé d’avoir pillé Montaigne ; son plagiat est même proclamé le plus évident et le plus manifestement intentionnel que l’on connaisse, et l’on oublie que Pascal, mort depuis plusieurs années lorsqu’on recueillit et qu’on publia ses Pensées, ne peut répondre des petits papiers qu’on y inséra et qui, pour lui, n’étaient que des notes dont il se réservait l’usage. […] On se néglige, il semble qu’on s’oublie, Et cependant on se possède mieux. […] Cette coulante doctrine de la facilité naturelle, cet épicuréisme de la diction, si bon à opposer en temps et lieu au stoïcisme guindé de l’art, a pourtant ses limites ; et quand l’auteur dit qu’en style tout effort est contraire au bien, il n’entend parler que de l’effort qui se trahit, il oublie celui qui se dérobe.

820. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

La beauté est la royauté de la nature, peu importe qu’elle soit née, comme Cléopâtre, sur un trône, ou, comme la Vénus antique, de l’écume de l’onde, ou, comme lady Hamilton, de la lie des vices ; dès qu’elle paraît elle règne ; dès qu’elle sourit elle enchaîne ; que l’on soit Phidias, Raphaël, Dante, Pétrarque, César, Nelson, lord Byron, Bonaparte, Chateaubriand, elle consume Phidias de la passion de reproduire le beau dans le marbre ; elle divinise Raphaël sous le regard de la Fornarina, et elle le fait mourir, comme le phénix, dans la flamme de deux beaux yeux ; elle allume à douze ans dans le Dante un foyer inextinguible d’un seul rayon de sa Béatrice ; elle sanctifie Pétrarque dans la mystique adoration de Laure ; elle arrête d’une caresse, en Égypte, ce César que ni l’Italie, ni la Grèce, ni l’Afrique, ni l’Espagne n’avaient la puissance d’arrêter ; elle corrompt Nelson dans les délices de Naples et contrebalance dans le cœur de son héros la gloire de Trafalgar ; elle fait oublier, à Ravenne, la poésie à lord Byron dans la contemplation de cette poésie vivante qu’on appelle la Guicioli ; elle fait oublier à Chateaubriand son ambition, son égoïsme et sa vieillesse dans le rayonnement déjà amorti de Juliette. […] Son costume faisait aux yeux partie de sa personne ; il ne la parait pas, il la vêtissait ; on voyait qu’elle n’y avait pas songé, ou, si elle y avait songé, elle n’avait eu en vue que de la faire entièrement oublier ou de la confondre avec elle-même dans un tel accord de forme et de couleurs que sa robe et elle ne fissent qu’un dans le regard. […] — Non, repris-je ; si je l’avais rencontrée je ne l’aurais jamais oubliée. […] Elle me protégea vivement, ainsi que la duchesse de Broglie, son amie, auprès des ministres d’alors pour obtenir mon premier poste diplomatique ; je ne l’ai jamais oublié, et j’ai eu une occasion de reconnaître tant de bonté dans une circonstance où il me fut donné d’être agréable à mon tour à sa famille1.

821. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Il n’avait pas assez respecté la majesté du génie au repos ni la sainteté de la vieillesse ; il avait oublié qu’il vieillirait lui-même un jour, et que la pire des insultes est de comparer sa force naissante à la faiblesse d’un homme hors de combat. […] La facilité du poète à oublier les amitiés et les services quand sa gloire ou quand sa fortune étaient en jeu n’éclata pas moins envers Mme de Montespan. […] non, reprit-il ; mais c’est toujours la première chose que j’oublie quand je la vois ! […] On rougit de voir la religion et le génie oublier ainsi jusqu’à la pudeur de la reconnaissance, et triompher avec ce qui s’élève, en secouant la poussière de leurs souliers sur ce qui tombe. […] Dans un lieu séparé de profanes témoins Je mets à les former mon étude et mes soins ; Et c’est là que, fuyant l’orgueil du diadème, Lasse de vains honneurs et me cherchant moi-même, Aux pieds de l’Éternel je viens m’humilier, Et goûter le plaisir de me faire oublier.

822. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Durantin, lequel l’agréa, sauf cette condition que son nom figurerait sur la brochure, car nous avions oublié la brochure qui ne pouvait pas paraître sans nom d’auteur. […] « Tant que l’astre projette ses feux puissants, il oublie le terme fatal et savoure l’éphémère allégresse, comme il boirait le Paradis éternel. […] As-tu donc oublié que j’ai failli mourir en lui donnant le jour ?  […] Jamais je n’oublierai l’expression de sévérité que prit la figure du commandant quand il ajouta, en me mettant la main sur l’épaule : “Vous commanderez un jour, jeune homme ! […] Pouvions-nous oublier le règne de Louis XIV et l’Europe subjuguée bien moins par nos armes que par notre langue, nos mœurs et notre génie ?

823. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Personne n’a remplacé un tel homme et ne fera oublier son œuvre. […] Pourrais-je oublier ces deux petits cyprès que j’ai vus aux environs d’Aubagne ? […] J’oubliais Chaumeix. […] Il n’oubliait jamais de répéter en s’en allant  : « Filons… historien juif ». […] Un soir, en se couchant, il se rappela qu’il avait oublié d’accomplir ce rite.

824. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Cervantes, que vous imitez, et Shakspeare, que vous rappelez, ont eu cette finesse, et l’ont peinte ; dans cette large moisson que vous rapportez à pleins bras, vous avez oublié les fleurs. […] Ils notent exactement les particularités de l’individu et les marquent d’une empreinte si précise que leur personnage devient un type que l’on n’oublie plus. […] Tout d’un coup il s’oubliait, se baissait, et enlevait dans sa main le soulier d’une dame. […] Vous l’entendrez blâmer un de ses amis d’avoir oublié le nom de Jésus-Christ, en récitant les grâces. […] Oubliez donc les contours, ils ne sont que des lignes ; le corps n’est ici que pour traduire l’esprit1099.

825. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Barasdine s’en saisit avec vivacité, et dit: « Celle-ci ne sera pas inutile ; le général est Français, et il n’a point oublié sa patrie ; les accents de votre voix suffiront seuls pour le bien disposer. […] quelles étaient ces spéculations séduisantes qui, au milieu des glaces du Nord, avaient eu le pouvoir de lui faire oublier jusqu’à sa patrie ? […] Mais le ministre oublie de lui en donner le titre officiel ; il s’embarque et arrive après des tempêtes. […] Je n’oublierai jamais que tu as marché nu-pieds jusqu’à la Rivière-Noire, pour demander la grâce d’une pauvre esclave fugitive. […] C’est qu’il avait oublié l’art, et écouté seul l’art des arts, c’est-à-dire la nature.

826. (1923) Nouvelles études et autres figures

On oublie la Collection des Histoires byzantines du P.  […] Son extérieur était de ceux qu’on n’oubliait pas. […] Son nom fut vite oublié, mais son œuvre n’avait pas été vaine. […] Édouard Estaunié n’a jamais oublié l’intérêt qu’il y prit. […] On oublie que les grandes écoles ne donnent réellement un « esprit » qu’à ceux qui n’en avaient pas.

827. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Qu’il est doux d’oublier la vérité ! […] Affublons Tartufe, Harpagon, les médecins, de gros ridicules ; le ridicule fera oublier le vice : ils feront plaisir au lieu de faire horreur. […] « Es-tu sûre que sir Rowland n’oubliera pas de venir, et qu’il ne mollira pas s’il vient ? […] Quoi de plus difficile, étant laid, que de faire oublier à une jeune fille qu’on est laid ? Il y a quelque chose de plus difficile, c’est de faire oublier à un créancier qu’on lui doit de l’argent.

828. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Sur un exemplaire de Vauquelin de la Fresnaie »

Parmi les joyaux destinés à faire briller ces enchères, et qui en formaient (pour ainsi dire) le bouquet, figurait, — les amateurs ne l’ont pas oublié, — un Vauquelin de la Fresnaie, ce livre, ce rare avis de la bibliophilie, sans lequel il n’y aurait pas de vraie vente à sensation, et dont on dit toujours, à chaque nouvel exemplaire qui en reparaît, qu’on n’en connaît que trois ou quatre au monde.

829. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fleury, Albert (1875-1911) »

Les vers libres qu’il lui offre sont gauches quelquefois, émus souvent, exquis toujours, et des leitmotivs de sa passion nous gardons de doux murmures : Rien qu’une fois, elle a passé dans le chemin, Elle a chanté de charmantes caresses, Elle a fait oublier l’ennui morne des heures.

830. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soumet, Alexandre (1788-1845) »

Alexandre Vinet Plus est grand le vice du sujet (La Divine Épopée), plus nous admirons la puissance du poète qui parvient presque à le faire oublier.

831. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462

Pouvoit-il oublier que ces Pensées ne sont que des éruptions intermittentes d’un esprit accoutumé à réfléchir profondément, & auxquelles les infirmités continuelles de l’Auteur n’ont pas permis de donner de la liaison & de la suite, comme il en avoit l’intention ?

832. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Dans ses autres Discours, il parle rarement au cœur ; jamais ou presque jamais de ces expressions vigoureuses, de ces images frappantes, de ces traits hardis qui supposent une ame fortement pénétrée de son sujet, & capable de maîtriser les autres ames Il a paru trop oublier que les hommes déferent moins à la raison qu’à leurs passions ; que ce n’est qu’en agitant leur cœur, qu’on parvient à les dominer ; que l’homme éloquent n’est pas celui qui raisonne avec justesse, mais celui qui rend avec énergie ce qu’il sent avec vivacité ; celui qui nous échauffe par la chaleur du sentiment & de l’imagination, non celui qui nous instruit & nous éclaire par la lumiere & la vérité de ses raisonnemens.

833. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Préface »

Gaston Paris, dont nous sommes tous les disciples, ce qui n’est pas une raison pour qu’il ait approuvé autre chose dans mon Esthétique que le soin avec lequel j’ai défendu les principes que m’ont donnés ses travaux ; c’est plutôt en manière de dédicace, et alors je n’oublierais pas M. 

834. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

mais il faut surtout ne pas oublier que M. de Meilhan avait été intendant général des armées sous le ministère de M. de Saint-Germain, et qu’il avait rêvé un grand avenir de ce côté. […] En comprenant si bien la Révolution par les surfaces qui touchaient à un monde frivole et sous son aspect de Fronde, M. de Meilhan (j’oublie à cet endroit si c’est Saint-Alban ou le président de Longueil qui parle) ne la diminue pas. […] Le président, cette fois, a trop fait entrer en ligne de compte sa sensation de contemporain, au lieu d’oser se dire avec le comte de Maistre, que la postérité est une ingrate qui profite et qui oublie.

835. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

L’abbé de Pons avait sur les langues une théorie qu’il développera ailleurs ; il aimait à les concevoir philosophiquement, dans leur annotation finale, abstraite, exacte, dans leur tendance rationnelle à devenir une algèbre ; il oubliait qu’elles avaient été primordialement une musique et une peinture. […] On cite de lui ce joli mot à quelqu’un qui l’abordait en croyant le reconnaître, et qui le prenait pour un autre : « Monsieur, je ne suis pas le bossu que vous croyez. » Et toutefois, dans la querelle présente, il ne devait pas tout à fait oublier qu’il lui était échappé, à lui tout le premier, d’appeler les érudits stupides ; et il avait beau dire qu’il ne l’avait fait qu’en général et sans application à personne, le pavé était gros, le compliment peu mince. — Convenons aussi que, sans être Gacon, il fallait se tenir à quatre dans ce débat pour ne pas dire de La Motte (ce qui était vrai au pied de la lettre) qu’il jugeait d’Homère comme un aveugle des couleurs. […] Il oubliait que le nombre et la mesure plaisent naturellement aux hommes, que la cadence est aussi un rythme intérieur de la pensée ; que le chant, dans quelques organisations prédestinées, est un don facile, involontaire, une source qui jaillit d’elle-même et se renouvelle sans cesse : Je chantais, mes amis, comme l’homme respire, Comme l’oiseau gémit, comme le vent soupire,     Comme l’eau murmure en coulant.

836. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Ces témoins d’un malheur qui n’est point oublié, Eux qui sur nos douleurs et sur notre misère     Ont souri sans pitié ! […] Laisse-nous oublier que nous avons vécu. […] (Ne pas oublier le Supplément donné en 1860.)

837. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Je fus si frappé de ce qu’il dit, que je ne l’ai jamais oublié… » Les phrases de lui que cite Malouet ne ressemblent à celles que je vois citées ailleurs que par le fond de la pensée ; la sténographie, on le sait, était encore dans l’enfance. […] Un homme qui n’en disait pas, André Chénier, adressa, par la presse, une lettre à Thomas Raynal, datée du lendemain 1er juin, dans laquelle il le prenait à partie et lui rendait la leçon que toute jeunesse généreuse qui se respecte a droit de renvoyer à la vieillesse inconsidérée qui s’oublie. […] Malouet. reprit la reine, n’oubliez jamais son nom. » — Ce mot mérite de rester attaché au nom de Malouet dans l’histoire.

838. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Mais n’oublions pas que nous en sommes en ce moment avec Du Bellay à dix ans en deçà, à l’âge des ambitions, des audaces et des espérances. […] Nous sommes à l’ombre de l’école, ne l’oublions pas, à la suite de Quintilien ou de Longin ; on n’en était pas encore à la théorie purement romantique des génies sombres et orageux, au front pâli sous l’éclair, ni à la théorie tout historique et plus vraie de ces autres génies éprouvés et aguerris, que le malheur forme et achève. […] C’est que le grand et primitif Roland était tout à fait oublié, et, grâce au Pulci, au Bojardo, à l’Arioste, ce noble et fier sujet, ce héros du Moyen Âge, était tombé en parodie ; tout comme Jeanne d’Arc après Voltaire (si j’ose bien faire ce rapprochement), il était gâté pour le sublime.

839. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Lorsqu’il lui arrive, par suite d’obstacles extérieurs, d’être obligé de s’arrêter, d’interrompre sur un point, il n’oublie rien, il amarre sa barque à l’endroit précis, et, s’il reprend ensuite sa marche, c’est sans avoir dérivé. […] C’est plaisir et douce surprise que de retrouver ces théories et ces œuvres nouvelles analysées, exposées, justifiées parfois, dans un langage courant et pur, avec accompagnement des réminiscences, des citations classiques que le critique y entremêle, et par lesquelles il les rattache sans effort à ce que souvent elles oubliaient. […] On prend un livre, on s’y enfonce, on s’y oublie ; on médite alentour, on y muse et s’y amuse, desipere in libro ; puis insensiblement la pensée se prend, une idée sourit, on veut l’étendre, l’achever : déjà la plume court, la déduction ingénieuse et industrieuse se poursuit, et, quand on s’y entend aussi aisément que M.

840. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Il veut qu’on oublie tout, excepté ce qui l’honore. […] Ce livre partage les esprits : la cabale l’admire, le reste du monde le trouve peu sérieux et peu digne d’un prêtre. » Il fut convenu à la cour qu’on ne prononcerait pas le titre devant le roi : il le crut oublié, parce qu’il l’oubliait lui-même.

841. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Si, comme elle croit, sa passion survit à l’absence, le père la rappellera près de lui : si, au contraire, Paul l’oublie, elle promet de se résigner. […] Il répondit amèrement : « Donne-moi donc plutôt un art d’oublier !  […] D’Estrigaud ne s’en relève que pour reprendre les mêmes fourberies ; son répertoire n’a pas varié d’une rubrique ; il n’a rien appris et rien oublié : c’est le voltigeur de l’intrigue.

842. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Elle lui rendait surtout, et utilement pour son talent d’artiste, les impressions et la fraîcheur du passé qu’il avait perdues dans sa vie un peu factice : « Mes souvenirs de jeunesse connaissent tout ce que tu me dis, lui écrivait-il ; cela me fait l’effet du lointain qu’on se rappelle tout à coup distinctement, quoiqu’on l’ait pendant longtemps oublié. » Il ne se prodigue pas pour elle, mais jamais il ne la rebute ; il lui donne la réplique tout juste assez pour qu’elle ne se décourage pas et qu’elle continue. […] Du premier jour qu’elle le vit à Vienne, en mai 1810, Bettina ressentit ce qu’elle avait senti pour Goethe : elle oublia l’univers. […] Ravi de sa façon d’écouter et de son approbation franche et naïve, il la reconduisit jusque chez elle, et il lui disait mille choses de l’art en chemin : Il parlait si haut et s’arrêtait si souvent, raconte-t-elle, qu’il fallait du courage pour rester à l’écouter ; mais ce qu’il disait était si inattendu, si passionné, que j’oubliais que nous étions dans la rue.

843. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Voilà des éloges qui donneraient une haute idée du personnage ; mais n’oublions pas que c’est dans une épître dédicatoire que Voltaire s’exprime de la sorte. […] Grâce à des mérites si réels et si divers, à Châtenay, à Sceaux, à Saint-Maur, on requérait que le facétieux abbé fût de toutes les fêtes champêtres et bucoliques : Parmi les dieux des bois, surtout n’oubliez pas Celui vêtu de noir qui porte des rabats. […] Rentrée à Sceaux après une rude épreuve d’humiliation et de disgrâce (1720), elle se remit peu à peu dans les conditions où elle avait d’abord vécu ; elle ne trouva plus de résistance et oublia qu’il y en avait pour elle à deux pas hors de son vallon.

844. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Choisy n’a garde de l’oublier, car, après Dieu et à côté de Dieu, le roi a tous les honneurs : « On respecte beaucoup Sa Majesté sur la terre, mais on l’aime bien sur mer », ajoute-t-il avec une sorte de tendresse qui n’est pas jouée. […] Choisy dut s’en excuser auprès du roi, qui lui dit pour toute parole : Cela suffit, et qui lui tourna brusquement le dos : « Je crus qu’il fallait laisser passer l’orage, ajoute le pauvre mortifié, et je m’en allai à Paris m’enfermer dans mon séminaire, où une demi-heure d’oraison devant le Saint-Sacrement me fit bientôt oublier tout ce qui venait de m’arriver. » Il ne fallait pas moins que cette oraison devant le Saint-Sacrement pour soulager l’abbé courtisan de la douleur d’avoir pu déplaire un instant à son maître, — à son autre maître. […] Point d’ambition, point de vues : plus attentive à songer à ce qu’elle aimait qu’à lui plaire ; toute renfermée en elle-même et dans sa passion, qui a été la seule de sa vie ; préférant l’honneur à toutes choses, et s’exposant plus d’une fois à mourir, plutôt qu’à laisser soupçonner sa fragilité ; l’humeur douce, libérale, timide ; n’ayant jamais oublié qu’elle faisait mal, espérant toujours rentrer dans le bon chemin ; sentiments chrétiens qui ont attiré sur elle tous les trésors de la miséricorde, en lui faisant passer une longue vie dans une joie solide, et même sensible, d’une pénitence austère.

845. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Mais n’oublions pas le moment de la société et le genre de difficultés auxquelles elle avait affaire. […] Cousin y a réussi sans peine, mais comme on n’avait pas eu l’idée ni la patience de le vérifier à ce degré avant lui, on s’assure que Mlle de Scudéry qui faisait flèche de tout bois, avait reçu de l’hôtel de Condé des documents que, moyennant un déguisement léger, elle introduisit au long dans son livre ; la bataille de Rocroi, celle de Lens, le siège de Dunkerque sous le nom de siège de Cumes, y sont décrits avec toutes leurs particularités ; elle imprima ses notes et pièces toutes vives : cela flattait les Condés, et cela lui épargnait à elle-même des frais d’invention, cela faisait de la copie pour l’imprimeur, sorte de considération qu’il ne faut jamais oublier quand on parle de Mlle de Scudéry. […] Car n’oublions jamais l’opinion des gens de goût du temps, et des plus délicats, sur ces ouvrages que nous prétendons réhabiliter, et demandons-nous quelquefois s’ils ne souriraient pas de notre excès de sérieux ?

846. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Je prends donc celui que j’appelle le premier Cosnac, et j’en veux donner une idée à nos lecteurs d’aujourd’hui, qui ont un peu oublié ce que c’était alors, pour un jeune abbé de qualité, que faire son chemin à la Cour et dans le monde. […] Sarasin, intendant du prince, ne paraît pas un comptable très exact ni très probe ; mais il a le secret de la faiblesse de son maître : dans les moments difficiles, il l’amuse par un conte, et tout est oublié. […] Remarquez qu’en homme habile et qui n’oublie rien, Cosnac, qui savait déjà ce que c’est qu’un journal, ne manque pas, durant toute la campagne, « d’envoyer à Renaudot (rédacteur de la Gazette) des mémoires exacts et avantageusement tournés des choses que Monsieur avait faites ; et Renaudot, sans y rien changer, les plaça toutes dans les Gazettes. » Malgré tous ces moyens employés pour lui élever le cœur, Monsieur restait ce que l’avaient fait la nature et la première éducation.

847. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

pourquoi se pencher au-dedans et fouiller dans son esprit pour y noter du doigt avec satisfaction je ne sais quel ressort interne, et qui, dans tous les cas, disparaît et s’oublie à cette heure d’émotion puissante ? […] l’honneur que vous avez reçu d’eux lorsqu’ils vous ont nommés députés vous fait-il oublier qu’ils sont vos frères et vos concitoyens ? […] Dans notre jeunesse, sous la Restauration, lorsqu’on voulait, par tous les moyens, combattre l’invasion politique d’un parti religieux, on exhuma ces livres déjà oubliés, on en multiplia les éditions, on leur refit une vogue qui ne fut qu’artificielle et d’un moment.

848. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Nous voulons seulement ajouter aux recherches connues, aux documents publiés, l’inconnu et l’inédit, nous réservant de raconter d’un bout à l’autre, de peindre en pied, les personnages oubliés ou dédaignés par l’histoire. […] Il ne faut pas oublier que Marie-Antoinette avait quinze ans et demi, lorsqu’elle arrive en France, lorsqu’elle tombe dans ce royaume du papillotage et du Plaisir, parmi cette génération de Françaises qui semblent représenter la Déraison, dans l’agitation fiévreuse de leurs existences futiles et vides. […] L’histoire sociale s’attachera à l’histoire qu’oublie ou dédaigne l’histoire politique.

849. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Dans ce point morbide de son organisation intellectuelle est la cause des disparates de son œuvre et de chacune de ses œuvres, la raison aussi pour laquelle ce sont les femmes et les jeunes gens qui sont le plus touchés par son génie, la cause de ses douleurs amoureuses si vite oubliées et si variables qu’on n’en connaît pas les objets, de ses gaietés subites, des hauts et des bas de son style, des sujets auxquels il s’est appliqué, de son originalité, qui se résume en l’alliage de tous les contraires. […] En politique, il fut républicain sous Frédéric-Guillaume IV, et l’on n’oubliera pas de sitôt en Prusse les morsures de ses satires. […] Il a passé ses dernières années à draper décemment autour de son pauvre corps les plis d’une tunique mortuaire, sans oublier jamais son rôle de malade spirituel, sans une lamentation, une demande de grâce, sans même la raideur théâtrale du stoïcien.

850. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Pour bien comprendre la question, il ne faut pas oublier qu’il y a deux sortes de sciences : les sciences d’observation et les sciences d’expérimentation. […] Quelle que soit d’ailleurs la solution que la science puisse donner plus tard au problème de la vie, n’oublions pas qu’elle ne peut compromettre en rien l’existence du principe immatériel que nous appelons l’âme pensante, car, si la vie se distingue des forces brutes par des caractères différents, l’âme pensante se distingue de la matière par des caractères opposés. […] L’homme vivant peut être une machine, l’homme pensant et voulant n’en est pas une : c’est un point qu’il ne faut pas oublier, si l’on veut garantir l’âme pensante des destinées plus ou moins incertaines de la force vitale.

851. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Voilà ce qu’on a trop oublié quand il s’est agi d’écrire l’histoire, et principalement de la Révolution française, l’immense événement moderne dont tous les esprits contemporains sont encore remplis et troublés. […] Je ne connais rien de plus frappant et de plus curieusement renseigné que ce chapitre, qui fait tomber, devant des notions qu’on avait oubliées ou qu’on n’avait jamais sues, une opinion largement assise dans tous les esprits. […] Il n’était pas homme à retenir les conseils hégéliens que Cousin, dans son Cours de 1828, donnait à la jeunesse de France qui maintenant écrit l’Histoire, et qui, malheureusement, elle, ne les a pas oubliés.

852. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Ce qu’on a toujours oublié, ce qu’on oublie toujours encore dans cette question de Galilée, c’est qu’il prétendait être théologien de par les mathématiques et enseigner ce que les docteurs en droit canon, et encore sous le regard ouvert de l’Église, ont seuls le droit d’enseigner. Ce qu’on oublie, c’est que Galilée en remontrait au Pape, ce qu’on lui défendit, mais en vain ; car il y persista par cent habiletés, furieux de ce qu’on ne lui laissait pas faire de la Tradition son grand compère !

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