Ceux qui touchent au plan général et commun sont à la portée de la main, ils sont persécutés ; ceux qui s’en élèvent à une grande distance ne sont pas apperçus, ils meurent oubliés et tranquilles.
L’attrait de l’émotion fait oublier les premiers principes de l’humanité aux nations les plus débonnaires, et il cache aux plus chrétiennes les maximes les plus évidentes de leur religion.
Dans cette ardeur qui fait oublier le péril, il voit, il délibere, et il prend son parti comme s’il étoit tranquille sous sa tente.
L’art ne consiste pas à contenter tous les goûts, en flattant les uns par ce qui choque les autres, mais à faire que les goûts les plus différents soient d’accord de la justesse d’une pensée, de la beauté d’une expression, de la vérité d’une peinture. » C’est fort bien dit ; mais Nisard oublie que La Bruyère n’était pas dupe et qu’en cette occasion surtout il ne parlait point par principe.
Bossuet avait un style de génie, dont les qualités créatrices éclatent à chaque ligne et font oublier toute espèce de défauts.
Je ne vois guères que l’auteur des Pensées pour avoir sur ce grand sujet, oublié par Bossuet, cette aperception suraiguë dans le regard, cette force dans la conception d’un ensemble, cette profondeur d’interprétation et cette majesté de langage, aux saveurs bibliques.
Nous ne l’oublions pas, Ernest Renan, lui, était un cérébral pur.
Pierson, empêché par une indisposition. » Hinzelin s’est assuré, dans Vouziers, qu’aucun contemporain n’a oublié le petit garçon qui, à l’école de la ville, exerçait déjà d’une telle manière sa volonté de labeur assidu.
Elles ont presque toutes, beauté, force, hardiesse et adresse, — des scrupules médiocrement, quoiqu’il y ait eu dans le nombre (ne l’oublions pas) deux vertueuses et une sainte. […] Je n’ai pas oublié que madame Geoffrin, dans son bon sens bourgeois aiguisé de malice, disait de lui : « Il est manqué de partout, guerrier manqué, ambassadeur manqué, homme dJaffaires manqué, et auteur manqué. » — « Non, reprenait Horace Walpole qui cite le mot, il n’est pas homme de naissance manqué. » — « Non, dirai-je à mon tour plus fermement encore après cette épreuve où on le verra en 93, il n’est pas un homme comme il faut manqué, puisqu’il sut rester tel, si convenable, si décent, si souriant, et prêt à devenir laborieux dans la mesure de ses forces, à demander à sa plume une ressource honnête, à l’heure de l’adversité extrême. » Nivernais, en son beau moment et avant que le siècle tournât décidément au sérieux, avait ses admirateurs et son école mondaine. […] Il intervint utilement, et de la seule manière dont il le pouvait, en tâchant de faire prolonger indéfiniment les procédures : « Car il ne faut pas se flatter, écrivait-il, de terminer cette affaire autrement que par insensible transpiration, et en la traînant si longtemps que cela la fasse oublier, ce qui n’est pas même fort aisé ; car quand une fois un livre est dénoncé ici, vous ne sauriez croire avec quelle ardeur quatre zélés et quatre mille hypocrites le poursuivent. » Il réussit pourtant à rendre à son illustre confrère ce bon office auquel se prêta la partie sage de la cour romaine. — Le duc de Nivernais avait auprès de lui, dans son ambassade de Rome, un homme d’esprit et de talent, La Bruere, auteur d’opéras et capable de mieux, et qui, s’il avait vécu, aurait appris au public à distinguer son nom de celui de son presque homonyme.
Messieurs, ce grand diocèse, cette grande province intellectuelle et rationnelle n’a pas de pasteur ni d’évêque, il est vrai, de président de consistoire (peu importe le titre), de chef qualifié qui soit autorisé à parler en son nom ; mais chaque membre, à son tour, a ce devoir lorsque l’occasion s’en présente, et il est tenu par conscience à remettre la vérité, la science, la libre recherche et ses droits sous les yeux de quiconque serait tenté de les oublier et de les méconnaître. […] Il était réservé à notre siècle de recevoir comme amie la seule nation que Dieu ait marquée d’un signe de réprobation, d’oublier la mort qu’elle a fait souffrir à Notre-Seigneur et les bienfaits que ce même Seigneur a toujours répandus sur la France, en faisant triompher ses ennemis et leur ouvrant avec joie notre sein. […] Pourquoi donc deux fois à cette tribune ce mot de cléricaux, quand vous n’avez ici que des collègues qui n’oublieront jamais ce qui vous est dû ?
Quand donc il y en avait un, au 131me de l’arme, qui se travaillait trop ostensiblement (à faire un mouvement), (à faire un mot), il y en avait toujours un autre qui disait froidement : Surtout n’oublie pas de respirer. Tous ceux qui ont fait quelque chose dans le monde sont des types qui n’ont pas oublié de respirer. Mais on n’a rien fait dans le monde uniquement parce qu’on s’était proposé de ne pas oublier de respirer.
Une autre circonstance que vos lecteurs ne doivent pas oublier, c’est que l’Angleterre, qui jusqu’à Cromwell avait eu une magnifique école nationale de musique, n’en a possédé aucune trace depuis la restauration de Charles II. […] Depuis l’arrivée de Haendel, ce malheureux pays a été en tout ce qui concerne la musique, sous la domination de l’étranger ; nos compositeurs ont oublié qu’un style national puisse être restitué et ils employent tout leur talent à imiter, plus ou moins directement, celui-ci Gounod, celui-là Wagner, cet autre Brahms, tel autre Mendelssohn, chacun en prenant bien soin d’assaisonner tous leurs efforts d’une forte sauce Handelienne. […] Il y a bon nombre d’autres noms qui ne devaient pas être oubliés dans une étude de la question Wagnérienne en Angleterre.
Très émus, ces derniers, et jusqu’à oublier presque leurs querelles. […] Il ne croyait pas dire aussi vrai quand il avouait « avoir oublié toute théorie en composant Tristan et Iseult et n’avoir senti que ce jour-là combien son essor créateur brisait les barrières de son système écrit. » Il faut le bien préciser : cette discussion est purement musicale et ne tend à prouver autre chose, sinon que, pour rendre l’amour en musique, il convient de s’en tenir aux « lieux communs de morale lubrique « dont parle Boileau. […] N’oublions pas la suave mélodie qui caractérise l’amour du ministre pour la Reine Mathilde ; voir le premier Mélodrame, le premier entracte, et le rêve de Struensée ; pendant que celui-ci murmure dans son sommeil le nom de la bien-aimée, et plus tard, au moment où il est réveillé.
Je me sens plus de courage que vous : je penserai toujours de même sur le compte des Philosophes ; &, quoi qu'il m'arrive de votre part, je n'oublierai jamais, que depuis dix ans vous m'avez jugé digne de vos bontés, malgré la Ratomanie & le Tableau philosophique de l'Esprit de M. […] Cette Brochure, sans doute oubliée, avoit pour titre, Problême Littéraire, & pour but de prouver que les Articles les moins foibles des Trois Siecles sont de la façon d'un Vicaire de Paroisse, mort fou il y a trois ans, & qui n'a pas laissé seulement un Prône digne d'être imprimé. […] Ses ennemis diront qu'il n'eût pas dû raisonner sur ce qu'il ne connoissoit pas à fond, ou du moins qu'il eût dû mieux choisir ses Faiseurs d'extraits ; mais je leur répondrai que Jupiter a eu ses foiblesses, & que si, pour s’être fait Taureau, il n’a point cessé d’être le Maître des Dieux, M. de Voltaire, pour s’être quelquefois oublié, n'a point cessé d’être Voltaire, c’est-à-dire, le Maître des Beaux-Esprits, des Savans, des Philosophes, des Poëtes, des Historiens, & des Littérateurs de toutes les especes.
Ils oublient cette continuité naturelle et cette fusion spontanée des images dont un jouet scientifique, le zootrope, suffirait à donner une preuve frappante. […] Spencer dit « qu’une conscience sans changement est une absence de conscience » ; soit, mais il oublie d’ajouter qu’une conscience sans quelque continuité, sans quelque identité, est encore bien plus une absence de conscience. […] Dans leurs discussions relatives à la ressemblance, à l’identité, à l’égalité, les platoniciens et kantiens sont dupes d’eux-mêmes : ils oublient ce qu’il y a de négatif dans ces notions, et comme leur contenu positif est difficile à différencier, puisqu’il est précisément l’absence de différence, ils en concluent qu’il est quelque chose de purement rationnel, a priori.
On pourrait faire pis que de les oublier. […] Nous ne pouvons oublier que la tête égarée, qui a écrit les énormités intellectuelles que voici, a failli être pour la France le poète que Gœthe et lord Byron sont pour l’Allemagne et l’Angleterre, et surtout nous nous rappellerons que M. […] Il n’en comprend et n’en reproduit que les bons chevaliers ou les tyrans, les pères, les enfants, les vieillards, des vieillards qui se ressemblent tous comme se ressemblent des armures, un même type (Onfroy, Eviradnus, Fabrice), mais le cerf, mais le prêtre, mais le moine, mais le saint, mais le grand évêque oublié par Walter Scott lui-même, mais enfin tout le personnel de cette société si savamment hiérarchisée, il le néglige, car il faudrait chanter ce que ses opinions actuelles lui défendent de chanter, sinon pour le maudire, et c’est ainsi que pour les motifs les moins littéraires il manque la hauteur dont il a dans l’aile la puissance, parce qu’il n’est jamais en accord parfait de sujet avec son génie !
Il y a du Scaliger dans Hugo, mais du Scaliger équivoque ; car je doute fort de la sûreté et de la pureté des bizarres connaissances qu’il étale, et qu’il a ramassées dans des livres oubliés, ténébreux et suspects. […] Cette charognade à la Baudelaire, que Baudelaire aurait faite plus courte, cette charognade, calquée à la vitre de la plus immonde réalité et avec des détails qu’un grand peintre aurait oubliés dans l’intérêt de sa peinture, voilà donc tout ce que peut nous donner à présent un homme qui se croit plus qu’un Michel-Ange et qui n’est pas même un Goya ! […] Cette scène, que j’accepterais sans bégueulerie si elle était passée aux flammes de la passion, purificatrices comme le feu, mais que j’accuse de la plus dégoûtante indécence, est surtout impossible par la raison que toute femme assez affolée pour, comme la femme de Putiphar, déchirer le manteau d’un homme, oublie tout, quand la terrible furie de ses sens l’emporte, ne songe point à parler alors, comme un vieux et froid faiseur d’éroticum, d’Amphitrite qui s’est livrée au cyclope, d’Urgèle qui s’est livrée à Bugryx, de Rhodope qui a aimé Phtah (l’homme à la tête de crocodile), de Penthésilée, d’Anne d’Autriche, de madame de Chevreuse, de madame de Longueville, et ne se livre pas, en ce moment décisif et décidé, au plaisir érudit de faire, qu’on me passe le mot !
Ces charmantes fleurs de politesse et de décence nous feront oublier ce charretier en habit brodé. — « Monseigneur, en entrant chez lui, trouva madame la duchesse de Chartres et madame la duchesse qui fumaient avec des pipes qu’elles avaient envoyé chercher au corps de garde suisse. […] N’oublions point surtout que demain matin il faut être à la messe et vu de madame de Maintenon, qu’à midi je dois faire ma cour à madame la duchesse de Bourgogne, qu’il sera prudent d’aller recevoir ensuite les rebuffades allemandes de Madame et les algarades seigneuriales de M. le Prince ; que je ferai sagement de louer la chimie dans l’antichambre de M. le duc d’Orléans, qu’il me faut assister au billard du roi, à sa promenade, à sa chasse, à son assemblée, que je dois être ravi en extase s’il me parle, pleurer de joie s’il me sourit, avoir le cœur brisé s’il me néglige, répandre devant lui, comme Lafeuillade et d’Aubin, les effusions de ma vénération et de ma tendresse, crier à Marly, comme l’abbé de Polignac, que la pluie de Marly ne mouille point ! […] À son avis cette déclaration réparait tout ; quatre ou cinq pages de conséquences étalent à flots pressés le magnifique torrent de bénédictions et de félicités qui vont couler sur la nation ; un bout de parchemin délivrait le peuple et relevait la monarchie ; rien n’était oublié, sinon cet autre bout de parchemin inévitable, publié par tout roi, huit jours après le premier, annulant le premier comme attentatoire aux droits de la couronne.
Non pas que Saint-Simon oublie ou méprise le peuple. […] Quiconque voudra étudier le mouvement religieux au xixe siècle devra ne pas oublier Ballanche. […] Il ne doit pas être oublié de nous. […] Il y avait là une immense bonne volonté, et, ne l’oublions pas, une touchante préoccupation patriotique. […] Quel devait-il en revenir, après Heidelberg, Herder, Creuzer, le Neckar, et Minna, qu’il ne faut pas oublier, puisqu’il ne l’oublia point, et, après de longues fiançailles, tout allemandes encore, l’associa à sa vie ?
Grenier a dans son style l’élégance racinienne ; il est un des rares survivants de l’école de Lamartine, mais il a plus de correction que le maître, et il rend quelque part un juste hommage à ce grand poète trop oublié. […] Régal perpétuel des oreilles et des yeux, son style est toujours en fête ; aucune ombre ne l’obscurcit ; jamais note mal en unisson avec les autres ne vient trahir une âme à qui l’émotion puisse faire oublier le juste rapport des sons musicaux. […] Loin de nous alarmer de cette invasion, nous nous sentions flattés de voir tant d’étrangers préférer notre pays au leur, et témoigner ainsi de la supériorité de notre sol et de notre société ; mais, on ne l’a point oublié, la guerre n’a pas plutôt éclaté que l’Allemagne a rappelé toute sa colonie. […] Évidemment la révolution romantique ne se préoccupait que de Boileau ; car elle a oublié ce qu’il y avait, au fond, de haute raison, non seulement dans un Sophocle, un Virgile, un Molière, mais encore dans un Dante, un Rabelais, un Shakespeare. […] On n’est jamais sûr de ne pas oublier quelque chose dans cette collection interminable, constamment renouvelée et accrue, qui compose l’œuvre de Lamartine.
Et si je pouvais les oublier un instant, je les retrouverais tout de suite en moi ! […] Mais c’est là, il faut bien le reconnaître, la marque de la sincérité de la passion de s’oublier sans cesse et de se recommencer sans s’en douter. […] Et voilà une belle page de plus à joindre au patrimoine littéraire de cette France que vous nous accusez d’oublier. […] Il n’y a rien à en apprendre, il y a beaucoup à en oublier, et le danger serait de généraliser d’après ce sujet exceptionnel. […] Nos bonnes sœurs, elles, ne l’ont point oublié.
Il signe le contrat de mariage de Silius avec sa femme, il déshérite son propre fils par une adoption ; quelquefois il oublie qui il est (TACIT. […] Sur ce propos, Agrippine conçoit la nécessité d’agir sans délai ; mais, par un ressentiment de femme, elle oublie, un moment son péril pour s’occuper de la perte de Domitia Lépida. […] On avait apparemment oublié les premières années de Claude, et l’on ne se souvenait que des dernières. […] « D’accord : ils auraient occasionné deux meurtres, et n’auraient pas empêché le premier ; mais la vertu songe au devoir, et oublie la vie. » La vertu songe à la vie, lorsque le devoir l’ordonne. […] XLIV), et surtout que ses instruments de musique ne soient pas oubliés.
Cela va si loin que nos sensations de couleur nous semblent détachées de nous ; nous ne remarquons plus qu’elles nous appartiennent ; elles nous semblent faire partie des objets ; nous croyons que la couleur verte, qui nous semble étendue à trois pieds de nous sur ce fauteuil, est une de ses propriétés ; nous oublions qu’elle n’existe que dans notre rétine ou plutôt dans les centres sensitifs qu’ébranle l’ébranlement de notre rétine. […] Partant, nous oublions ou nous négligeons de remarquer les intermédiaires par lesquels nous situons notre sensation ; ils sont pour nous comme s’ils n’existaient pas ; désormais nous croyons percevoir directement la couleur et l’objet coloré comme situés à telle distance. — Par suite, un contraste s’établit entre cette sensation et les autres. […] Quand on lui nommait celles qu’auparavant il avait connues par le toucher, il les regardait très attentivement pour les reconnaître ; mais, comme il avait trop de choses à apprendre à la fois, il en oubliait toujours beaucoup, apprenant et oubliant, comme il le disait lui-même, mille choses en un jour. Par exemple, ayant oublié souvent qui était le chat et qui était le chien, il avait honte de le demander. […] Mais, aussitôt après, nous avons oublié la signification musculaire que nous attachions à l’écartement de notre compas ; nous l’avons laissée derrière nous, en réserve ; nous n’avons plus dans l’esprit que cet écartement et ses multiples ; nous avons comparé directement une série d’écartements à une série d’écartements, une plus longue à une moins longue.
Plus j’étudie l’époque qui entoure l’an 1000, et plus j’y sens un souffle d’exaltation superbe, un renouveau ; ce qui nous semble, à nous, du désordre, était pour les gens d’alors un commencement de stabilité ; l’équilibre féodal s’ébauchait ; des intérêts communs groupaient des provinces, les unissaient contre le Sarrasin, esquissaient des nations ; quand nous estimons misérable la condition des vilains, nous oublions la relativité du bonheur ; surtout, nous méconnaissons la puissance de la foi nouvelle, qui n’est plus la nôtre, mais qui fut en son temps une lumière bienfaisante et miraculeuse ; elle nous semble déprimante ; en réalité elle fut une délivrance, et, grâce à elle, le monde se parait « d’une blanche robe d’églises neuves ». […] Pour établir, par la littérature, le bilan des idées de cette époque, il faut remarquer les traductions (Amyot), les adaptations (La Boétie), la fondation du Collège de France ; puis, à des titres fort divers (je cite les noms sans commentaire, mais en groupes par ordre déterminé) : Rabelais ; Marguerite de Navarre et Calvin ; Estienne et Pasquier ; Maigret ; Ronsard et Du Bellay ; sans oublier la querelle très significative sur le mérite des femmes. […] Toinet a dressé récemment la liste des « épopées » au xviie siècle ; ce travail est méritoire, bien qu’il ne mentionne que des œuvres oubliées à juste titre ; il montre l’étendue du mal. […] Nous préférons aujourd’hui la brièveté du drame, de la nouvelle ; n’oublions pas la relativité des goûts, et que même le théoricien Chapelain avouait se complaire à la lecture des vieux romans. […] Il serait dangereux de faire des prophéties ; en tout cas la question du prolétariat ne devrait nous faire oublier, dans nos prévisions, ni le principe international, ni le féminisme ; et ce sont là des possibilités de combinaisons d’un vaste avenir….
Sainte-Beuve aurait pu s’en tenir « aux parfums oubliés » ; cela suffisait. […] Tout à son affection, Amaury oublie les premiers engagements qu’il a formés et suit à Paris M. et Mme de Couaën. […] tu as oublié, peut-être, qu’il va s’éteindre à chaque souffle. […] La dernière étoile a lui, les cieux s’éteignent ; éteins donc avec toi ce rayon dans mon cœur, et n’oublie pas ce soir de dissiper d’un souffle cette vapeur de ma pensée. […] 134 » » Mais croyez-vous que Mob s’oublie ?
Il confond l’empereur, il l’écrase, il le foudroie : la force de son amour lui fait braver la mort : il oublie qu’il parle à un maître, à un tyran, pour se souvenir qu’il aime et qu’il est aimé. […] Euripide est plus simple, plus naïf : le père et la fille s’abandonnent et s’oublient ; dans le trouble qui les agite, ils ne songent guère à la régularité, à la précision, à la dignité tragique. […] Mais nous convînmes tous que c’était Aricie qui devait demander l’épreuve du temple de Trézène, d’autant plus que Thésée parle assez longtemps à cette princesse, qui oublie la seule chose qui pouvait éclairer le père et justifier le fils. […] Le sort d’Athalie est un mystère de la littérature ; il faut le croire, sans chercher à le comprendre : il est beaucoup plus étonnant que le prodigieux succès de quelques mauvaises pièces, aujourd’hui oubliées et méprisées. […] Un moderne eût pris ce vice au grave ; il eût fait d’un pareil sujet un drame pathétique et moral, où il eût prodigué les exclamations et les apostrophes, sans oublier le mot nature, qui dans chaque phrase eût admirablement roulé.
Son dessin n’est pas plus grand que le creux de la main, mais qui l’a vu une fois ne peut plus l’oublier. […] J’oubliais le chapeau Henri IV, le vrai chapeau de la noblesse aux États généraux. […] Il oublie tout, même ses raisons et sa raison, quand il s’agit de son art. […] Brouardel, ont trop oublié les règles essentielles de la critique scientifique. […] Les vers du poète seront à demi oubliés.
Or, l’autre, vous m’entendez bien, alors qu’il s’agit de ces astres que nous appelons les grands génies, c’est l’observation psychologique, morale, spiritualiste : rappelons-le à ceux qui pourraient l’oublier, ou croire que nous l’oublions. […] on oublie ce beau vers, on devient courtisan. — Bref, on n’écrit plus que deux ou trois Satires, — les deux dernières très faibles, en guise de pénitence ; — et on compose les Êpîtres. […] On le met aussi dans l’Art poétique, et, en rapprochant Louis d’Alexandre, on oublie que, dans les Satires, on avait qualifié durement celui-ci : Quoi donc ? […] Renan, dans sa Vie de Jésus, que tout le monde lit en ce moment avec un intérêt si passionné, n’a eu garde d’oublier ce doux Virgile, qui seul, parmi ce monde romain si dur, semble un des précurseurs de l’Évangile, « Le monde, dit-il, distrait par d’autres spectacles, n’a nulle connaissance de ce qui se passe en ce coin oublié de l’Orient ; les âmes au courant de leur siècle sont pourtant mieux avisées : le tendre et clairvoyant Virgile semble répondre, comme par un écho secret, au second Isaïe ; la naissance d’un enfant (Églogue IV) le jette dans des rêves de palingénésie universelle. » Stendhal appelle Virgile le Mozart des poètes. […] Le corps est oublié, enseveli, difforme ; on ne s’inquiète plus de cette guenille.
Montesquieu blâme cette conduite, qui remit sous les yeux des Romains César, qu’il fallait leur faire oublier. […] Mais cette menace hypocrite tomba d’elle-même, et fut oubliée dans les soins nombreux qui suivirent. […] On ne peut douter que beaucoup d’autres essais dramatiques, oubliés ou perdus, ne se soient succédé sans interruption depuis cette époque. […] Ces personnages, qui se rencontrent au hasard, disent des choses qu’on ne peut oublier. […] Milton, libre et oublié, poursuivit avec ardeur la composition de son sublime ouvrage.
Il oublia, dit-on, dans une armoire une plaque dont l’exposition avait été trop courte pour que l’image s’y fût développée, et sa surprise fut grande lorsqu’un jour il trouva la transformation accomplie. […] Il faut toujours se méfier de la tendance à régulariser après coup le processus psychique, les phénomènes qui n’y ont pas tenu une place essentielle sont aisément éliminés et oubliés par l’esprit. […] Un jour j’étais chez lui, dans son atelier… nous nous taisions et il avait oublié que j’étais là. […] Il ne faut pas oublier que l’originalité ainsi entendue n’est qu’une partie du génie. […] Il ne faut pas oublier cependant que le hasard, en tant qu’opposé à la finalité, se trouve aussi à l’intérieur comme j’ai eu déjà l’occasion de le dire et d’essayer de le faire voir.
Leur plus grand tort est de nous détourner des misères du début et de nous faire oublier les vrais gueux, ceux qui n’avaient pas une croûte à mettre sous la dent. […] Hégésippe Moreau6 On ne peut oublier le mystère à la fois vulgaire et douloureux de la naissance de Moreau ; il a pesé très lourdement sur sa destinée tout entière. […] Une île de cristal ne serait pas plus sonore… L’atmosphère a une telle pureté qu’on sent l’odeur des forêts qui brûlent en Suède ; et je n’oublierai jamais ma stupeur sous l’averse, quand j’aperçus tout à coup, au-delà des régions de la pluie, à l’horizon de la mer lisse et pâle, des fjells d’un rouge de cuivre où, sur leurs crêtes de feu, j’aurais pu discerner des ombres humaines. […] André Bellessort ne l’oublie jamais au cours de son ouvrage : « Le socialisme, écrit-il, parviendra peut-être, dans les colonies ouvrières, à substituer ses mirages aux extases des visionnaires et son tumulte à leurs convulsions. […] N’allons pas, par mégarde, oublier un nom que Verlaine prononçait alors avec un réel enthousiasme, celui de l’oublié ou, tout, au moins, du dédaigné Alfred de Vigny.
Zola, ayant inventé la recette, oublia de s’en servir. […] Et Villiers est-il oublié ? […] Liseur de livres oubliés, il trouve là de précieuses légendes qu’il transpose en courts poèmes, souvent de la longueur d’un sonnet. […] J’oublierai vite l’autre. […] C’était le génie orné et flamboyant, prêt à construire des architectures infiniment diverses et belles, à élever très haut des ogives nouvelles et des dômes inconnus ; — mais il avait oublié son manchon d’hiver et il mourut de froid, un jour de neige.
Pour bien juger du ton de cette correspondance, il ne faut pas oublier la position respective des deux personnages. […] » Je les ai quittées pour les affaires, sans les avoir oubliées, et je les retrouve avec plaisir.
Elle en réserve la perfection et l’exquise délicatesse pour les femmes qui ont su rester fidèles aux vertus de leur sexe, et pour les hommes qui savent le leur pardonner, mais qui, près d’elles et avec les années, y retrouvent leur compte : « Quand elles n’ont point usé leur cœur par les passions, leur amitié est tendre et touchante ; car il faut convenir, à la gloire ou à la honte des femmes, qu’il n’y a qu’elles qui savent tirer d’un sentiment tout ce qu’elles en tirent. » J’insiste sur cette espèce et cette qualité d’amitié que Montaigne a oubliée et qu’il semble avoir regardée d’avance comme impossible ; elle est le produit d’une culture sociale très perfectionnée. […] Depuis que la France a eu un Fénelon et que le trône est occupé par un descendant du duc de Bourgogne, son élève, il n’est point à craindre qu’on oublie Télémaque.
Qui ne voit (sans compter le hanap qu’il oublie) qu’il y a presque un faux sens dans ce mot négligemment jeté : quelques pierreries ? […] Le premier président de Mesmes ouvre la séance par un compliment au duc de Berry, qui oublie la réponse qu’il devait faire et qui reste court après avoir répété plusieurs fois : « Monsieur… Monsieur… » De là, à son retour à Versailles, une amère douleur du jeune prince qui s’en prend au duc de Beauvilliers, son gouverneur, et au roi, et qui accuse l’éducation qu’on lui a donnée : Ils n’ont songé, s’écrie-t-il, qu’à m’abêtir et à étouffer tout ce que je pouvais être.
Un autre aurait oublié ses dépêches un jour de plus, et serait resté à l’action. […] Si j’étais en ce moment plus soigneux de la renommée de d’Argenson que de la vérité, j’omettrais de dire que, tout en appelant L’Esprit des lois un « grand livre », il mettait bien au-dessus, pour la solidité du raisonnement, plus d’un ouvrage oublié de ce temps-là, par exemple un livre qu’on croyait alors traduit de l’anglais et qui était du maître des comptes Dangeul, intitulé Remarques sur les avantages et les désavantages de la France et de la Grande-Bretagne par rapport au commerce ; et même un livre bien autrement radical et qui nous ferait peur aujourd’hui, intitulé Code de la nature ou le véritable esprit des lois, qu’il croyait de Toussaint et qui est de Morelly : « Excellent livre, s’écriait d’Argenson (juin 1756), le livre des livres, autant au-dessus de L’Esprit des lois du président de Montesquieu, que La Bruyère est au-dessus de l’abbé Trublet, mais contre lequel il n’y aura jamais assez de soufre pour le brûler, etc. » Morelly, dans cet ouvrage, dénonce la propriété comme le principe de tous les maux et de tous les vices existants.
Mme de Castellane n’a rien oublié de tout cela ; elle se rappelle parfaitement ma mère et sa belle figure pâle, notre salon vert, et mille détails qui m’ont confondue de la part d’une personne qui a tant vécu dans le grand monde et tant vu de choses. […] Humble et patiente amitié, pensai-je, c’est ainsi qu’on t’oublie aux heures splendides de la jeunesse et de l’amour ; c’est ainsi que tu apparais, douce et consolatrice, vers le soir de la vie, quand la passion est morte et l’existence dénudée32.
En une grande tempête, l’une des plus assurées confiances que l’on peut avoir, c’est quand on sait que le pilote entend bien son état… Pour te le peindre d’un seul trait de pinceau, je te dis que c’est un grand roi de guerre, et je conseille à quiconque de ses voisins, qui se voudra jouer à lui de n’oublier hardiment rien à la maison. […] Les livrées des épousailles n’y étaient point oubliées ; chacune les portait à sa ceinture ou sur le haut de manche.
La taille petite et grêle du général en chef, son accent corse, que les orateurs des compagnies exagéraient pour amuser leurs camarades, rien ne fut oublié, pas même ses cheveux portés à l’incroyable ; néanmoins, nous nous préparâmes à combattre pour la gloire de la France et l’honneur de nos armes. […] Bonaparte se rendit à la grande mosquée, et assista au repas donné par le grand cheik : rien ne fut oublié pour persuader aux Égyptiens que l’armée avait la plus grande vénération pour le Prophète.