Un moment, elle regarde de mon côté, sans me voir, et je retrouve la vie ardente de son œil, mêlée à cette ironie diabolique, indéfinissable chez cette femme honnête. […] Elle était charmante, toute blanche, avec un trait dans l’œil, ce qui est assez commun chez nous. […] Tout à coup, la femme tourne vers lui ses grands yeux, des yeux immenses, relevés à la chinoise… Alors il ne sait comment ça s’est fait, mais, dans le moment la femme a été sur lui et à lui… Il a conservé le souvenir d’un choc de dents, du contact de ses lèvres froides comme la glace, de la chaleur de fournaise de tout le bas de son corps. […] Et mes yeux cherchaient, malgré moi, dans cette féronnerie cruelle, la rouille qui fut autrefois du sang. […] C’est un garçon tout maigre, tout noir, tout barbu, avec une inquiétante fixité dans ses yeux caves.
On voit les machinistes, qui n’ont pas terminé leur service, se hâter avec des gestes hagards, les yeux fixés sur la porte de sortie. […] Alors pendant que, la tête basse, les yeux roulant des larmes, je tracassais, de mon bâton, les cailloux, j’entendais de Béhaine, éclater en un long sanglot. […] J’ai vu rarement un appel à la braguette, avec une telle cochonnerie de l’œil, une telle appétence suceuse des lèvres. […] J’étais devenu un jeunet sérieux, très peu remuant, presque triste, et qui, couchant dans la bibliothèque, passait ses nuits à lire les éditions stéréotypées avec les bons yeux de l’enfance, passait ses journées à rêvasser. […] Le teint un peu orangé, un œil qui a la couleur grise d’un œil d’oiseau, et dans les moments d’attention, sur son front, au-dessus du nez, des rides dessinant comme un if lumineux.
Un document curieux existe, je l’ai sous les yeux, et j’en puis parler en toute connaissance de cause : il nous livre l’état vrai, et trop vrai, des opinions, des croyances et de l’âme de Chateaubriand à la date de 1798, quelques mois seulement avant sa conversion et avant la conception première du Génie du christianisme. […] Sur Parny, par exemple, on lit : « Le chevalier de Parny est grand, mince, le teint brun, les yeux noirs enfoncés et fort vifs. […] Ses yeux sont âpres, ses tempes chauves, sa taille élevée, il est maigre, pâle, et, quand il récite son Exegi monumentum, on croirait entendre Pindare aux jeux Olympiques… » Il n’est pas malaisé d’y surprendre des particularités qui convainquent les Mémoires d’outre-tombe de légère inexactitude. […] Vous m’embrassez les larmes aux yeux, dites-vous. […] Il savait que j’aimais mes parents, et que là était ma vanité : il m’en a privé afin que j’élevasse les yeux vers lui.
Les femmes manquent toujours leur vocation quand elles veulent sortir des soins du ménage, de l’aiguille et du fuseau. » Dans ces dispositions si naturelles et si sincères, on conçoit l’embarras de Léopold Robert pour mettre un éclair au front de sa Corinne idéale ; de guerre lasse, il s’en était tenu à copier, en l’arrangeant pour ce rôle, une des belles brigandes de Sonnino, lorsqu’il se décida enfin, pour plus de sécurité, à effacer de sa toile la fausse muse, et il y substitua selon son cœur un Improvisateur populaire, qu’il avait vu et bien vu de ses yeux (1822). […] Navez ces paroles tout empreintes d’affection amicale et d’esprit de famille : Il est vrai que tu as tout pour te trouver heureux d’être au monde : tu te trouves dans ta patrie, honoré et considéré pour ton talent brillant ; estimé, aimé par toutes les personnes qui te connaissent ; regardé par la Fortune de son œil le plus favorable ; heureux époux, heureux père. […] Et parlant d’un de ses derniers tableaux ou projets de tableaux (une Sainte Famille en Égypte), qu’Ingres, passant à Venise, avait vu et loué, il écrivait : Il m’a fait des éloges de l’ébauche : mais, entre nous, je crois pouvoir vous dire que tout ce que je fais n’a pas à ses yeux le cachet qu’il désire et qu’il prêche. […] J’ignore si en effet cette comparaison dont parle Léopold Robert a pu froisser un instant l’illustre artiste qui avait le sentiment de sa valeur, de sa force, et le secret de cette fécondité croissante que se réservait sa maturité sans vieillesse, fécondité qui a si peu perdu pour attendre et qui éclate aujourd’hui à tous les yeux. […] Il veut introduire dans ses tableaux de la pensée et de ce qui donne à réfléchir ; il n’est pas pour la peinture qui parle moins au cœur qu’aux yeux.
On l’a critiqué : malheur à qui ne verrait la nature que de l’œil de ses critiques ! […] Voyageant en Suisse dans le canton de Zurich, il avait remarqué que, dans la plupart des maisons, une piété domestique patriarcale tenait à conserver les images des pères, les portraits de ceux que la famille avait perdus et qui étaient représentés sur leur lit de mort, les yeux fermés, tels qu’ils étaient lorsqu’on les avait vus pour la dernière fois après le dernier soupir : Ces tristes images, ajoutait-il, qui paraîtraient si hideuses à un Français qui ménage son cœur comme un enfant gâté, et qui fuit avec soin tout ce qui pourrait l’émouvoir fortement, sont ici un objet consolant pour des hommes qui savent aimer et ne craignent rien de l’amour, pas même ses peines. […] Souvent c’est par elle seule que l’œil est averti de leur hauteur respectable ; car, trompé dans l’estimation des élévations et des distances, il confondrait ces monts avec tout ce qui, par sa forme et sa situation, copie la grandeur, si cette espèce de lueur céleste n’annonçait que leur cime habite la région de la sérénité. […] Il excelle à rendre cette couleur presque indescriptible des hauts lieux, ces rayons d’un soleil sans nuages, mais sans ardeur ; ces caractères des glaciers que l’œil exercé distingue de loin et que l’amant des hauteurs désire, cette teinte bleuâtre, cette coupure nette, ces fentes à vive arête qui le réjouissent, et de près, lorsqu’on y marche, lorsque le bâton et les crampons n’y mordent qu’à peine, « la couleur de ce bleu de ciel qui est l’ombre des glaciers ». […] Jamais rien de pareil ne s’était offert à mes yeux.
L’amitié qui unit à l’instant ces deux hommes, l’un déjà si distingué et l’autre tout à l’heure illustre, cette alliance presque sacrée qu’ils se jurèrent et dont une correspondance publiée en allemand a immortalisé le souvenir, avait quelque chose de solennel et de théâtral qui est bien du temps ; mais elle garde, aux yeux même d’une postérité plus froide, de l’élévation, de la grandeur, une vraie beauté morale, je ne sais quoi d’antique, un cachet de Pline le Jeune et de Tacite avec une teinte de l’enthousiasme du Nord. […] Si au contraire, au lieu de te traîner lentement sur la route du bonheur et de la gloire, chargé d’un lourd costume d’avoyer, et escorté d’une troupe d’huissiers à baguette, tu veux, dans toute la vigueur de ton esprit, cursu contingere metam, cesse de regarder derrière toi, à droite, à gauche, en haut, en bas, et tiens constamment les yeux fixés sur le but qui t’est offert. […] Le déjeuner, jusque-là, avait été sérieux ; Mlle Necker, qui avait essayé quelque espièglerie avec son père, et qui avait dû se borner à des clins d’œil, était visiblement contenue par la présence de sa mère qui lui imposait et qui même la grondait : elle craignait sa mère autant qu’elle adorait son père. […] Nous ne disons que les légèretés, mais il y avait l’observateur sérieux chez Bonstetten et qui jugeait très sainement et sans trouble des choses considérables, des événements définitifs qui se passaient sous ses yeux. […] À propos de cet aveuglement si remarquable alors chez ceux qui auraient dû voir de plus haut, Rivarol disait une belle parole de royaliste irrité : « Autrefois les rois avaient leur couronne sur le front, ils l’ont aujourd’hui sur les yeux. » Bonstetten n’a jamais de ces mots qui gravent ; mais il a le crayon fin, juste et léger.
disait-il en prévenant les objections ; quelque précieux que soit à nos yeux l’état civil que nous venons d’obtenir et qui influe à divers égards sur notre état religieux, nos temples restent encore ensevelis sous leurs ruines. […] Jean-Bon n’avait pas été de ceux que les électeurs envoyèrent tout d’abord à l’Assemblée constituante ; il est possible que s’il avait été membre de cette première Assemblée comme le fut son collègue dans le ministère pastoral, l’estimable Rabaut Saint-Étienne, et s’il avait vu les choses de plus près, il se fût mûri, assagi, et que, son premier feu jeté, il eût bientôt jugé les événements d’un autre œil. […] La question de guerre primait tout à ses yeux ; il la voulait active, brûlante, offensive, conforme au génie français. […] J’ai sous les yeux copie du portrait de Jean-Bon par David, à cet âge de quarante-cinq ans environ. […] J’ai sous les yeux une lettre de Jean-Bon, datée de Castres, du 17 mai 1787, dans laquelle, s’adressant à sa sœur et à son beau-frère, il leur parle de ce jeune enfant, et en toute cordialité : « Tu sais combien j’ai été enchanté de ton petit bonhomme ; je me nourris de l’espoir de lui être un jour utile, et de contribuer peut-être à en faire un honnête homme.
Il est impertinent de parler d’âge et de date à une femme, mais il est permis d’exiger ce compte exact de l’historien : la chronologie, avec la géographie, est un des yeux de l’histoire. […] La pâleur des joues donnait plus d’éclat au bleu des yeux. […] Les yeux grands, bleu de ciel, d’une coupe d’orbite ovale aux angles et relevée au sommet, lumineux, étincelants, humides, avaient de la franchise… Le coloris sain et la fraîcheur vive de l’adolescence teignaient le visage. […] C’est ainsi que les choses ont dû se passer, ou peu s’en faut, et que M. de Lamartine les recompose pour leur faire rendre tout leur effet aux yeux des générations nouvelles. […] Il détaille à l’excès la personne et le physique des gens ; il va jusqu’à poursuivre les moindres reflets aux angles des yeux et au front : on n’a jamais vu tant de choses dans un visage.
Il a l’œil du chasseur à l’affût, l’oreille du laquais et de l’espion, et la prestesse de plume de Figaro écrivant, un genou en terre, sa chanson sur son autre genou ! […] Leur manière et leur talent ressemblent à cette « verge couverte d’yeux » à laquelle Amelot de la Houssaye comparait la République de Venise. Ils ont les yeux, beaucoup ; mais ils ont moins la verge. […] Fervaques et Bachaumont ont voulu, pour plus d’intérêt aux yeux du public, donner à leur livre une forme romanesque ; mais, pour eux, au fond, la grande affaire était de peindre la société des dernières années de l’Empire. […] il se trouve que le chroniqueur nous amène sous les yeux le même monde que le romancier.
On l’y distingue en y appliquant l’œil et en tâtonnant un peu. […] L’autre Mounet, dans la salle, couvait des yeux son cadet et frissonnait d’admiration et d’orgueil. […] Je regrette tout cela ; je regrette les habitudes de mes yeux. […] Seulement il trouve le temps long et, malgré lui, ses yeux se portent sur le verre… Ah ça ! […] Elle a présenté à nos yeux de vives et brillantes images de paix et de fraternité humaine.
Dès qu’il doute de la fidélité de sa maîtresse, il cherche à s’étourdir, il essaye de fermer les yeux à l’évidence. […] La fidélité de Manon ne court plus aucun danger ; elle n’a plus sous les yeux le spectacle de la richesse. […] Le roman, en effet, tel que nous le voyons se multiplier sous nos yeux, semble n’avoir d’autre but que de tromper l’ennui. […] L’imitation ingénieuse d’André Chénier, de Shakespeare et de Tite-Live n’a pu faire illusion qu’aux yeux mal exercés. […] À mes yeux, la tragédie nouvelle ne vaut pas moins que Lucrèce.
Mais cette poussière est éclatante et dorée, elle reluit au soleil et amuse les yeux. […] Or, à nos yeux, M. […] Non seulement il n’a pas idéalisé la réalité qu’il avait sous les yeux, mais il n’a pas représenté la réalité complète. […] Il embrasse de son regard un champ immense, mais il n’oublie pas les lignes du paysage que ses yeux ont déjà parcourues. […] Le doute qui se hasarderait jusqu’à l’interrogation serait à ses yeux une faute impardonnable.
Une série de caricatures amusantes par le changement de place du nez, de la bouche, des yeux. […] Deux lapins, un lapin jaune à l’oeil noir, un lapin blanc à l’oeil rouge. […] Les yeux émerillonnés, le nez en as de trèfle, la bouche entr’ouverte de poisson cuit de la laveuse, ça ne peut se dire ! […] Il est aussi de mode de dessiner les yeux ainsi (et ce sont des dessins d’yeux avec un point noir au milieu), mais je n’aime pas plus ces yeux que les nez. […] Il avait les yeux comme un faucon et la barbe couleur d’or.
Jamais lunettes d’or ne chaussèrent un nez plus simple pour éclairer des yeux plus candides. […] Elle a des cheveux blonds, tout bouffants, avec d’épais sourcils et des yeux noirs. […] Lorsqu’il paraissait devant ses juges, elle le regardait avec des yeux baignés de larmes. […] Peut-être 3, 6, 5, qui corresponde l’œil nocturne d’Osiris. […] L’œil est vif, la bouche moqueuse, la physionomie charmante.
C’est que ce sentiment sublime, chauffé selon certaines conditions, transformera sous vos yeux la créature dégradée ; c’est que l’être petit deviendra grand ; c’est que l’être difforme deviendra beau. […] Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d’une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux. […] À ses yeux, il y a beaucoup de questions sociales dans les questions littéraires, et toute œuvre est une action.
Ils se laissent aller aux impressions que fait sur eux l’endroit du poëme qui est sous leurs yeux. […] Le plaisir actuel qui domine les hommes avec tant d’empire qu’il leur fait oublier les maux passez et qu’il leur cache les maux à venir, peut bien nous faire oublier les fautes d’un poëme qui nous ont choquez davantage, dès qu’elles ne sont plus sous nos yeux. […] Enfin si le charme du coloris est si puissant qu’il nous fasse aimer les tableaux du Bassan, nonobstant les fautes énormes contre l’ordonnance et le dessein, contre la vrai-semblance poëtique et pittoresque dont ils sont remplis, si le charme du coloris nous les fait vanter, bien que ces fautes soient actuellement sous nos yeux lorsque nous les loüons, on peut aisément concevoir comment les charmes de la poesie du stile nous font oublier dans la lecture d’un poeme les fautes que nous y avons apperçues.
Ainsi Dieu, qui a soin de vostre royauté, A fait (miracle grand) naistre votre beauté Sur le bord estranger, comme chose laissée Non pour nos yeux, hélas ! […] Ce conseil, de plus, ne pouvait qu’être bien accueilli par une jeune reine dont le cœur devait précéder la main, car le jeune Darnley, à la fleur de son adolescence, était un des plus beaux gentilshommes qui pussent captiver par les grâces de leur figure et de leur personne les yeux et le cour d’une jeune reine. […] XII Darnley parut à Holyrood et enleva tous les yeux par son incomparable beauté. […] Cet impossible fut dépassé par la promptitude avec laquelle Marie Stuart séduisit, reconquit et posséda plus que jamais les yeux et le cœur de son jeune époux. […] En apprenant sa blessure, Marie monta à cheval, courut d’une seule course jusqu’à l’ermitage où l’on avait transporté Bothwell, s’assura par ses yeux de son état, et revint le même jour à Holyrood. « M. le comte de Bothwell est hors de danger, écrit, à cette date, l’ambassadeur de France à Catherine de Médicis ; de quoi la reine est fort aise ; ce ne lui eût pas été de peu de perte que de le perdre !
L’idéal est un œil que la science crève ! […] quels yeux fixes ouverts Dans les cailloux profonds, oubliettes des âmes ! […] Hugo écrit ces barbaries de langage, qui n’ont pas même la force brutale de la Barbarie, sautent aux yeux du connaisseur le moins avisé. […] Voilà ce qui a frappé cet œil de chair, ce sens raccourci ? […] Certainement, malgré les taches qui déparent encore à nos yeux le meilleur de ses livres, M.
Il y avait l’œil, comme il dit, il y mettait de la suite, et arrivait avec un peu de temps à tout bien savoir et à bonne fin. […] L’étude des belles lettres, qui l’occupait d’abord et où il excellait, se subordonna d’elle-même dans sa pensée dès qu’il eut jeté les yeux sur la Bible, ce qui lui arriva dans son année de seconde ou de rhétorique : ce moment où il rencontra et lut pour la première fois une Bible latine, et l’impression de joie et de lumière qu’il en ressentit, lui restèrent toujours présents, et il en parlait encore dans ses derniers jours ; il en fut comme révélé à lui-même ; il devint l’enfant et bientôt l’homme de l’Écriture et de la parole sainte. […] Maître de toutes les pensées présentes à son esprit, il fixait dans sa mémoire jusqu’aux expressions dont il voulait se servir, puis, se recueillant l’après-dînée, il repassait son discours dans sa tête, le lisant des yeux de l’esprit, comme s’il eût été sur le papier ; y changeant, ajoutant et retranchant comme l’on fait la plume à la main. […] Il n’écrit pas pour écrire, il n’a nulle démangeaison d’être imprimé ; il n’écrit généralement que forcé par quelque motif d’utilité publique, pour instruire ou pour réfuter, et si le motif cesse, il supprime ou du moins il met dans le tiroir son écrit. « Il n’y avait de grand à ses yeux que la défense de l’Église et de la religion. » Tel il nous apparaît de plus en plus dans le tableau de l’abbé Le Dieu, et tel il sera jusqu’à sa mort. […] C’est là son Hoc erat in votis, et en vieillissant il n’admettra pas de diversion à cette occupation finale, et à ses yeux la seule digne du sanctuaire.
Et je sais bien que, il n’y a guère plus d’un siècle, des magistrats lettrés, et qui peut-être composaient de petits vers, faisaient « questionner » des misérables sous leurs yeux ; que l’on venait en foule voir « rouer » en place de Grève ; qu’aujourd’hui encore, des chevaux éventrés par un taureau, lui-même tout ruisselant sous les flèches des banderilles, forment un spectacle délicieux pour des gens qui sont cependant nos frères, et qu’enfin il se rencontre des personnes distinguées pour aller voir guillotiner sans y être obligées professionnellement. […] ; les gladiateurs faisaient bonne figure devant la mort évidente, pour ne pas avouer une faiblesse sous les yeux d’une foule assemblée. […] PONTICUS Oui, laisse dans tes yeux parler ton cœur charmant. […] BLANDINE, lui mettant une main devant les yeux. […] Quant à vous, femmes, répandez vos cheveux sur vos épaules, afin que les amis de Pedanius puissent, s’ils le désirent, essuyer leurs mains. » — Les auteurs ont voulu nous mettre sous les yeux la vie élégante sous Néron, et la vie néronienne elle-même.
Cependant, malgré le peu que cela rapporte, il est des esprits qui noblement s’obstinent à montrer ce qu’on ne veut pas voir… Un de ces prêtres précisément, qui font leur métier en traduisant des Saints, a continué de faire le sien, en traduisant la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ et la Vie de la Sainte Vierge, comme il nous avait déjà traduit la Douloureuse Passion de la sœur Emmerich ; et les yeux sur plus haut que la gloire, le voilà qui, son œuvre faite, s’est soumis tranquillement aux chances de l’oubli ! […] … Cette Sœur Emmerich, que l’Église placera peut-être un jour entre les Brigitte et les Thérèse, aurait passé de l’extase au ciel, laissant dans les quelques yeux défiants, envieux, épouvantés, de ceux qui la virent, l’impression, ensevelie maintenant avec eux, d’un spectacle incompréhensible ! […] Oui, pour rester inconnue, excepté de Dieu, il ne s’en est fallu que de la mince épaisseur de l’homme qui admira, sans réserve et sans peur, le spectacle qu’elle faisait à elle seule et qui était d’une sublimité si déconcertante que les cœurs les plus forts en tremblaient, et que les esprits les plus ouverts aux choses de la foi se fermaient presque au témoignage de leurs yeux qui le contemplaient. […] Intensité de la couleur, mais intensité fulgurante, netteté coupante des lignes du dessin, inattendu et délié du détail, se dentelant et se détachant dans la transparence du récit, comme se dentellent et se détachent les rebords déchiquetés d’un édifice délicat et hardi dans la transparence de l’éther : voilà ce qui frappe d’abord dans les récits de cette visionnaire à l’œil perçant et clair qui a de l’aigle et du lynx, qui y voit grand, qui y voit petit, qui y voit pur, qui y voit tout ! […] » Et vraiment pour nous qui les admirons aujourd’hui comme l’originalité la plus extraordinaire et la plus puissante, le plus incroyable à nos yeux n’est pas d’avoir créé dans l’histoire ou vu ce qui, de fait, n’y est pas (car c’est la même chose), mais c’est de n’avoir pas brouillé les lignes en écrivant dans l’entre-deux ; c’est de n’avoir pas faussé l’histoire connue, en y ajoutant ; c’est d’avoir pu, par exemple, l’Évangile étant donné, l’Évangile qu’on peut, même sans être chrétien, sans avoir l’âme bien haute, sans être Jean-Jacques, trouver le plus beau livre qui ait jamais paru parmi les hommes, ajouter aux faits qu’il renferme ; à son esprit, à son langage, et cela sans que l’imagination se soulève avertie et dise précisément comme on dit du Père Lacordaire sur la Madeleine : « Prenons garde !
» Ironie robuste et de haut relief à crever les yeux, qui pourtant n’a pas toujours été comprise. […] Ses yeux noirs éclataient d’un feu ardent ; sa voix était forte, sonore et comme métallique. […] Du reste, même à nos yeux humains, si débiles, la justice de cette fatalité-là se fait entrevoir. […] Il y est de toute éternité contre ceux que de toute éternité il réprouve ; seulement sa colère éclate a ix yeux des hommes à tel moment. […] Blond aux yeux bleus, élancé et souple, élégant, joli causeur, danseur charmant, il avait devant lui une admirable carrière d’homme inutile.
Comme s’il fallait aller si loin pour trouver ces choses-là, et comme si tous les jours on n’en avait pas sous les yeux, on n’en sentait pas, on n’en disait pas de pareilles ! […] Depuis que je sais comment on courbe les arcs, je courbe les miens ; ils lancent mieux et sont aussi plus jolis à l’œil. […] Je ne jetai qu’un coup d’œil sur tous ces trésors ; je n’avais d’yeux que pour mon arc. […] — Je m’en suis occupé avec goût depuis mon enfance, et pour elles mes yeux et mes oreilles ont toujours été ouverts. […] » Les gamins me regardèrent avec de grands yeux, tout étonnés de mon audace, et ils ne me l’ont depuis jamais pardonnée !
Nous les suivons de l’œil, pendant quelque temps, sur cette mer où nous les avons embarqués dans le meilleur vaisseau possible : ce vaisseau disparaît à nos yeux, et nous les accompagnons de nos vœux, du fond de nos tristes retraites qu’ils oublient aisément. […] Toutes les lettres à Talma respirent un enthousiasme presque continu : « Ma tête est un peu échauffée ; je vais la laisser reposer quelques jours, puis je la remettrai sur ma nouvelle tragédie, où je vous ai, pendant mon travail, dans l’âme, dans l’oreille, dans les yeux. » (Avril 1798.) […] Puissiez-vous, mon cher ami, être plus heureux que moi et ne pas voir encore s’éteindre et mourir sous vos yeux paternels les deux enfants qui vous restent ! […] J’aime, comme vous, à voir la nature avec goût, avec amour, avec un œil pur et sensible ; et cet œil, qui est ma lumière et mon trésor, je le sens s’éteindre et m’échapper lorsque je mets le pied dans le monde. […] Elle est très attentive à tout ce qui peut faire plaisir à son mari, et semble toujours chercher à lire dans ses yeux ce qu’elle doit faire… M. de Saint-Pierre nous a accueillis de la manière la plus honnête et la plus affectueuse.
« Il leva les yeux, et reconnut cette malheureuse enfant qui était venue un matin chez lui, l’aînée des filles Thénardier, Éponine ; il savait maintenant comment elle se nommait. […] Plus tard il avait revendu par petites parcelles pour jardins et cultures les lots de terre riverains du corridor, et les propriétaires de ces lots de terre croyaient des deux côtés avoir devant les yeux un mur mitoyen, et ne soupçonnaient pas même l’existence de ce long ruban de pavé serpentant entre deux murailles parmi leurs plates-bandes et leurs vergers. […] Plus d’un songeur à cette époque a laissé bien des fois ses yeux et sa pensée pénétrer indiscrètement à travers les barreaux de l’antique grille cadenassée, tordue, branlante, scellée à deux piliers verdis et moussus, bizarrement couronnée d’un fronton d’arabesques indéchiffrables. […] « Le jour où leurs yeux se rencontrèrent et se dirent enfin brusquement ces premières choses obscures et ineffables que le regard balbutie, Cosette ne comprit pas d’abord. […] « Tous deux tressaillirent, et ils se regardèrent dans l’ombre avec des yeux éclatants.
Cette Hippolyte qui le voit d’un œil sec brûler sans espoir, c’est Néron contemplant froidement l’incendie de Rome. […] Parce que, comme l’aigle, qui regarde fixement le soleil, il a pu regarder fixement les yeux d’Hippolyte. […] Il fait dire quelque part au duc d’Anjou : Qui fera de mes yeux une mer ondoyer, Afin qu’à ce départ je m’y puisse noyer ? […] C’est à l’imitation étrangère qu’appartiennent ces désespoirs, ces alternatives de feu et de glace, ces cœurs Meurdris, couverts de sang, percés de toutes parts, Au milieu d’un grand feu qu’allument des regards ; ces vies « ravies par des yeux foudroyants, ces yeux « où le beau soleil tous les soirs se retire » ; ces plaies incurables, et tout ce détail du martyre amoureux : … les angoisses mortelles, Les diverses fureurs, les peurs continuelles Les injustes rigueurs, les courroux véhéments, Les rapports envieux, les mécontentements etc. […] Heureux qui a l’œil assez sûr pour voir à quelle hauteur Malherbe a suspendu la plume du poëte, et qui résiste à l’aller prendre témérairement, au risque des misères attachées aux entreprises vaines ou aux succès qui ne doivent pas durer !
Un mouvement de l’âme de son héroïne n’a pas plus d’importance à ses yeux qu’une crise purement physique. […] Il a interrogé les médailles, il a vu de ses yeux les inscriptions numido-puniques recueillies par la société archéologique de Constantine. […] Où est-elle dans votre tableau de la cité marchande, la déesse aux grands yeux qui eût fait briller dans le ciel d’airain la lumière d’une civilisation plus douce ? […] Flaubert invente et qui doivent combler aux yeux des lecteurs les lacunes de son savoir, je renonce à les énumérer. […] Et voilà les sujets que l’art nouveau se plaît à étaler sous nos yeux, voilà les problèmes qui lui paraissent dignes d’étude et les beautés qu’il veut qu’on admire !
Marie, la gentille brune aux dents blanches, aux yeux bleus et clairs, l’habitante du Moustoir, qui tous les dimanches arrivait à l’église du bourg, qui passait des jours entiers au pont Kerlo, avec son amoureux de douze ans, à regarder l’eau qui coule, et les poissons variés, et dans l’air ces nombreuses phalènes dont Nodier sait les mystères ; Marie, qui sauvait la vie à l’alerte demoiselle abattue sur sa main ; qui l’hiver suivant avait les fièvres et grandissait si fort, et mûrissait si vite, qu’après ces six longs mois elle avait oublié les jeux d’enfant et les alertes demoiselles, et les poissons du pont Kerlo, et les distractions à l’office pour son amoureux de douze ans, et qu’elle se mariait avec quelque honnête métayer de l’endroit : cette Marie que le sensible poëte n’a jamais oubliée depuis ; qu’il a revue deux ou trois fois au plus peut-être ; à qui, en dernier lieu, il a acheté à la foire du bourg une bague de cuivre qu’elle porte sans mystère aux yeux de l’époux sans soupçons ; dont l’image, comme une bénédiction secrète, l’a suivi au sein de Paris et du monde ; dont le souvenir et la célébration silencieuse l’ont rafraîchi dans l’amertume ; dont il demandait naguère au conscrit Daniel, dans une élégie qui fait pleurer, une parole, un reflet, un débris, quelque chose qu’elle eût dit ou qu’elle eût touché, une feuille de sa porte, fût-elle sèche déjà : cette Marie belle encore, l’honneur modeste de la vallée inconnue qu’arrosent l’Été et le Laita, ne lira jamais ce livre qu’elle a dicté, et ne saura même jamais qu’il existe, car elle ne connaît que la langue du pays, et d’ailleurs elle ne le croirait pas. […] Sans projets, sans envie, Ne cherchons désormais que l’oubli de la vie : Que chaque objet qui passe, ou noble ou gracieux, Nous attire, et sur lui laissons aller nos yeux ; Vivons hors de nous-même ; il est dans la nature, Dans tout ce qui se meut, et respire, et murmure, Dans les riches trésors de la création, Il est des baumes sûrs à toute affliction : C’est de s’abandonner à ces beautés naives, D’en observer les lois douces, inoffensives, L’arbre qui pousse et meurt où nos mains l’ont planté, Et l’oiseau qu’on écoute après qu’il a chanté. […] Barbier plusieurs personnes, qui pourtant les admirent, n’y cherchent guère qu’un plaisir étrange, un tour de force inouï jusqu’à présent, des exploits pour les yeux, l’intrépidité extraordinaire dans les plus périlleuses images que jamais poëte ait tentées. […] Tout homme de notre âge, dont la vie n’a pas été celle d’une jeune fille de province, tout homme que ses passions ou les circonstances ont mêlé aux diverses classes de notre civilisation si vantée, et qui ne les a pas envisagées, comme trop souvent, avec des yeux cupides et un cœur endurci, celui-là sait fort bien ce qu’il y a de trop misérablement vrai au fond de cette lie où M.
« … Au moment où cette traînée de feu rouge, qui entrait par ce sabord de navire, s’éteignit, où le soleil équatorial disparut tout à fait dans les eaux dorées, on vit les yeux du petit-fils mourant se chavirer, se retourner vers le front comme pour disparaître dans la tête. […] Il arrête le lecteur en un endroit, et vingt fois lui met sous les yeux la même idée, diversement drapée et colorée : puis, d’un brusque saut, il se transporte dans une autre, où il nous arrêtera de même. […] Ce n’est, pas la diversité continue d’un paysage qui se déroule aux yeux du voyageur, à mesure qu’il s’avance : ce sont les verres d’une lanterne magique, que l’opérateur présente successivement, et non pas si vite qu’il n’y ait entre les diverses vues un court moment où l’on ne voit rien. […] Quand les idées se succéderont, nombreuses et pressées, ne restant devant les yeux que le temps justement nécessaire pour en être bien reconnues et cédant la place à l’instant qu’on les a saisies, le mouvement sera vif, et le discours sera bref ; si chacune d’elles, au contraire, est retenue en scène, tournée et retournée sous tous ses aspects, le mouvement sera lent et le discours sera ample.
Or, en même temps, la condition des gens de lettres se relève ; la considération dont ils jouissent les introduit et les enferme dans le monde ; leur champ d’observation se trouve par là singulièrement restreint, et le rideau des bienséances sociales s’interpose entre leur œil et la nature. […] Il sentait que la crainte d’exposer les signes brutaux des passions aux yeux des spectateurs, et l’habitude de montrer seulement les principes moraux des faits, avaient banni à peu près toute espèce d’action de nos tragédies, qui étaient devenues d’assez vides « conversations en cinq actes ». […] C’est tricherie de surprendre les yeux au lieu de captiver l’âme. […] La pompe du spectacle, les machines, les costumes, tout l’éclat de la mise en scène flatte les yeux et amuse la frivolité du public mondain.
Bussy-Rabutin, dans ses Amours des Gaules 61, raconte comment il arriva que madame de Montespan, sous les yeux, dans la société intime de madame de La Vallière, devint sa rivale préférée, longtemps avant que cette amante passionnée s’en doutât, longtemps encore après qu’elle en eût la certitude ; le roi se trouvant alors partagé entre la maîtresse qu’il n’aimait plus, celle qu’il commençait à aimer, et la reine, dont il affligeait la tendresse, toutefois sans déserter sa couche. […] Les yeux qui veillaient pour éclairer la reine n’étaient pas plus pénétrants que ceux du marquis de Montespan depuis que sa femme, enivrée de la passion du roi, était devenue dédaigneuse et insolente pour ce mari jaloux. […] Mademoiselle de Montpensier rapporte à la page déjà citée que peu après les propos dont elle réprimanda Montespan, « madame de Montausier étant dans un passage derrière la chambre de la reine, où l’on met ordinairement un flambeau en plein jour, elle vit une grande femme qui venait droit à elle, et qui, lorsqu’elle en fut proche, disparut à ses yeux, ce qui lui fit une si vive impression dans la tête et une si grande crainte qu’elle en tomba malade. » Le duc de Saint-Simon raconte ce fait singulier et mystérieux d’une manière plus significative. […] La suite prouverait qu’alors les yeux de cette femme respectable furent dessillés sur les relations du roi avec madame de Montespan ; qu’elle fut épouvantée de l’idée d’avoir opposé de la résistance à un mari qu’elle croyait follement jaloux d’une femme irréprochable : il est du moins certain, par le témoignage de mademoiselle de Montpensier, par celui du duc de Saint-Simon, qu’à la suite de l’apparition qui eut lieu dans le passage de l’appartement de la reine, madame de Montausier rentra chez elle malade, ne sortit plus de sa chambre que pour quitter la cour et rentrer dans sa propre maison, à Paris, où elle languit, ne recevant qu’un petit nombre d’amis particuliers.
La justice, pesant ce droit litigieux, Demande l’huitre, l’ouvre, et l’avale à leurs yeux ; Et par ce bel arrêt terminant la bataille : Tenez, voilà, dit-elle à chacun, une écaille. […] Ils l’avalent des yeux, du doigt ils se la montrent : A l’égard de la dent il fallut contester. […] Cette fable de l’huitre et des plaideurs est devenue, en quelque sorte, l’emblême de la justice, et n’est pas moins connue que l’image qui représente cette divinité, un bandeau sur les yeux et une balance à la main. […] En reportant les yeux sur les fables contenues dans ce neuvième livre, on peut s’apercevoir que La Fontaine baisse considérablement.
Observation à bon marché qui ne demande que deux yeux ouverts. […] Chassé-croisé de quatre personnes qui, séparées d’abord, vont ou s’en vont les attractions proportionnelles aux destinées, tout cela est arrangé avec l’œil de poudre russe que l’auteur met à toutes ses œuvres. Mais l’esprit est sous l’œil de poudre ! […] Alexandre Dumas, ce sauveteur des imbéciles, venait en aide, ce n’est pas Mme Sand, avec ses gros yeux ses grosses lèvres, son gros esprit qui ne bougeait pas, qui ne remuait pas plus qu’un sphinx assis sur sa croupe, — et c’était là l’énigme !
Excepté peut-être dans la tête de Méry, qui faisait avec un esprit qu’on ne peut malheureusement pas importer en ballots, ce que font les Chinois avec leur opium ; excepté dans les romans de cet Hoffmann de la lumière… et des Indes, l’Inde est regardée maintenant avec des yeux calmes, et on ne voit plus dans les horizons de cet étincelant pays ce qu’on y voyait. […] nous tombe à travers le cerveau et le cœur pour y faire lever tant de sentiments et de pensées inconnues aux civilisations qui ne sont pas chrétiennes, la poésie de l’Inde n’apparaît plus que comme un paganisme grossier, un joujou pour les yeux et pour les oreilles, une fantasmagorie, une inanité. […] On ne l’a pas assez remarqué : les Indiens sont, dans l’ordre intellectuel, des espèces de somnambules sans lucidité, des cataleptiques aux yeux retournés, tombés, depuis des siècles, dans la contemplation de leur moi imbécille, mais des cataleptiques qui sentent les coups malgré leur extase ; car ils tremblent devant le bambou qui les a toujours menés, dans quelque main de conquérant qu’il ait passé, depuis Alexandre jusqu’à Clive. […] Les détails mêmes, les arabesques si chères à la Fantaisie, à cette Belle au Bois dormant qui s’est assoupie au branle monotone de la littérature de Louis XIV et que la gloire du xixe siècle sera d’avoir réveillée, toutes ces choses qui ne sont pas la poésie elle-même, mais qui y touchent, ne paraissent point là en réalité ce qu’on les croyait à distance : « Pour faire un paradis persan, — disait Lord Byron en plaisantant, — il faut beaucoup de ruisseaux de limonade et des milliers de longs yeux noirs. » Pour faire un poème indien, la méthode ne serait peut-être pas beaucoup plus compliquée… Les fragments de Colbrooke et la Sacountala, quoique traduite avec la bégueulerie française par M. de Chézy (un homme qui aurait appris la Trénis aux Bayadères), ont suffisamment montré que la métaphore indienne était vite épuisée, comme il doit arriver toujours chez les peuples immobiles, qui n’observent pas, qui n’agissent point, et qui vivent de la vie végétale de l’humanité.
II Et ce serait une intéressante page de biographie à écrire et qui éclairerait la Critique… M. l’abbé Gorini, au doux nom italien, est un prêtre de Bourg qui a passé la plus longue partie de sa jeunesse et de sa vie dans un des plus tristes pays et une des plus pauvres paroisses du département de l’Ain, si pour les prêtres qui vivent, les yeux en haut et la pensée sur l’invisible, il y avait, comme pour nous, des pays tristes et de pauvres paroisses, et si même la plus pauvre de toutes n’était pas la plus riche pour eux ! […] Il se fourra les deux poings de sa charité dans les yeux ! […] Ils avaient, je l’ai dit, senti les ailes du taon, mais ce ne fut point comme dans La Fontaine, où Le quadrupède écume et son œil étincelle ; les lions de l’Histoire attaqués n’écumèrent ni ne rugirent. […] Cette critique, qui s’en prend aux textes et qui s’est faite aussi fine aussi déliée, aussi imperceptible à l’œil nu ou inattentif, que ce tas d’erreurs, qui, pour peu qu’on les voie, nous aveuglent bien souvent comme la poussière, cette critique aiguë, suraiguë, à mille coups d’aiguille qui percent et déchiquètent à force de percer, l’Histoire contemporaine n’en a soufflé mot.
Cela n’éclate point, cela ne poigne ni les yeux, ni les oreilles, ni le cœur. […] On a dit qu’au lieu de demander simplement au poète ce qu’il a fait, et surtout ce qu’il a voulu faire, elle lui demande, préférence insidieuse, ce qu’il n’a voulu faire ni fait, et qu’ainsi on n’est jamais jugé sur son œuvre réelle, et que la Justice (la Justice qui n’est pas aveugle, car elle serait infirme, mais qui ferme les yeux pour mieux voir,) étrangle tout, et l’œuvre et l’auteur, et elle-même, avec son bandeau ! […] Toutes les inspirations ne peuvent pas être égales à ses yeux, elles ne peuvent pas faire équation entre elles ; le dire, le soutenir, ce serait dire, ce serait soutenir que le travail des facultés humaines et sa puissance font tout le poète (ce qui n’est pas), et que la substance sur laquelle le poète accomplit son merveilleux travail n’est rien ou peu de chose, — quelque chose de grossier ou d’inerte, quelque argile. […] Forcément donc, pour faire acte de Critique (je ne dis pas intelligente, mais seulement juste), il faut prendre l’inspiration à part du détail et y mettre l’œil ; il faut dire ce que l’auteur eût dû penser, indépendamment de ce qu’il a pensé, et montrer ce qu’il eût dû faire, pour lui mieux reprocher ce qu’il a fait (si ce qu’il a fait est inférieur).
Les uns (et ce sont les plus forts) lui ont pris de sa magnifique opulence d’inspiration ou de sujets : lyriques, héroïques, bucoliques, élégiaques ; les autres, la variété de ses rythmes d’une invention si savante, si retorse et si subtile, véritables arabesques également pour l’œil et pour l’oreille, inconnus avant lui et auxquels, après lui, on n’a presque rien ajouté. […] Quant à moi, j’oserai l’affirmer, le poète qui nous a fait pour la première fois en français de la grande poésie pittoresque, — dans des odes-poèmes qui ont leurs strophes, leurs antistrophes, leurs épodes, leurs chœurs, leurs groupes mythologiques, — le tout-puissant descripteur des trente-neuf strophes, de douze vers chaque, de l’Hymne triomphal sur le trépas de la Reine de Navarre, et de l’Églogue au duc de Lorraine où se trouvent des coups de pinceau comme ceux-ci : Achille était ainsi que toi formé, Dedans tes yeux sont Vénus et Bellone ; Tu sembles Mars quand tu es tout armé Et désarmé, une belle amazone ! […] Pour faire comprendre ce que je dis, voyez ces vers sur les Sirènes : Elles, d’ordre, — et flanc à flanc Oisives, — au front des ondes, D’un peigne d’ivoire blanc Frisottaient leurs tresses blondes ; Et mignottant de leurs yeux Les attraits délicieux, Aguignaient la nef passante D’une œillade languissante ! […] Il eut fallu envoyer cette édition à Hugo pour lui apprendre à être modeste, car Victor Hugo doit baisser les yeux mélancoliquement devant Ronsard… Victor Hugo, c’est Ronsard, en effet, mais après Ronsard, dans une langue toute faite ; — tandis que Ronsard était, dans une langue qui n’était pas faite, un Victor Hugo avant Victor Hugo.
C’est lui-même : il m’échauffe ; il parle ; mes yeux s’ouvrent, Et les siècles obscurs devant moi se découvrent. […] … Pleure, Jérusalem, pleure, cité perfide, Des prophètes divins malheureuse homicide ; De son amour pour toi ton Dieu s’est dépouillé ; Ton encens à ses yeux est un encens souillé… ……… Où menez-vous ces enfants et ces femmes ? […] Qui changera mes yeux en deux sources de larmes, Pour pleurer ton malheur ?
Celle-ci répondit que les bouviers et les pâtres la voyaient d’un mauvais oeil. […] Un faiseur de descriptions eût montré la physionomie de l’éléphant, la tranquillité de ses yeux intelligents, la couleur de sa peau, et le reste ; un vrai poëte songe à l’ensemble et ne décrit que pour prouver. […] Jette les yeux sur toi. […] « Il avait le visage petit et basané, de grosses lèvres, les yeux enfoncés dans la tête et presque tout cachés sous les sourcils, une grande barbe épaisse, les cheveux hérissés, l’estomac et le cou velus comme un ours. […] Sous un sourcil épais il avait l’oeil caché, Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre.