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782. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

M’y voici : Je procède par antithèse. — L’Europe est la première des quatre parties du monde. […] Je vais essayer de vous signaler les personnages les plus éminents de ces aréopages du monde. […] M. de Beauvoir, m’a-t-on dit, est homme du monde avec les écrivains, et écrivain avec les hommes du monde. […] Alexandre Dumas est l’homme de France qui connaît le plus de monde ; il a des amis partout. […] Muret eut, dit-on, tout le mal du monde à ne pas épouser.

783. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

Nous raisonnions sur le christianisme dans les sciences et dans l’histoire, et le christianisme nous appelait pour faire voir au monde les plus grands effets de l’éloquence connus. […] Avec quel goût merveilleux les saints docteurs ne réfléchissent-ils point sur les vanités du monde ! […] Quand M. de Montlosier s’écriait, à propos du clergé, dans l’Assemblée constituante : Vous les chassez de leurs palais, ils se retireront dans la cabane du pauvre qu’ils ont nourri ; vous voulez leurs croix d’or ; ils prendront une croix de bois ; c’est une croix de bois qui a sauvé le monde !

784. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Après Agathon, après Anacharsis, après Télémaque et Alcinoüs, on est tenu d’entrer dans le monde de l’Antiquité comme y est entré Gœthe, ou bien de rester sur le seuil. Gœthe lui-même eût mieux fait de ne pas sortir du monde moderne. Nous ne disons pas du monde chrétien, car le chef-d’œuvre de Gœthe est peut-être son Divan, dont l’inspiration, comme on le sait, est orientale, et qui est un tour de force de cette impersonnalité des grands génies qui les fait s’incarner, par la pensée, dans l’âme la moins semblable à la leur.

785. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

D’autre part, les lettres, rapprochées du monde, entraient dans les affaires du monde, et d’abord dans les petites disputes privées. […] Il s’en faut de tout un monde, car il faut tout un monde pour former des âmes nobles. […] donnez à votre petit garçon, à votre César, —  ce monde, un hochet pour jouer avec, —  ce colifichet d’empire. […] Véritablement ce monde fait mal au cœur. […] Il faut, comme Horace, être penseur et homme du monde pour écrire de la morale agréable, et Dryden, non plus que ses contemporains, n’est homme du monde ou penseur.

786. (1895) Hommes et livres

Il est vrai qu’en ce temps-là nombre de religieux morts au monde menaient grand bruit par le monde. […] Dieu gouverne les affaires du monde. […] Gil Blas est un monde, et c’est le monde ; tant, en dépit des aventures impossibles et des extravagances exotiques, cela a l’air vivant et naturel. […] L’ignorance aimable se façonnait dans les collèges et dans le commerce du monde. […] Hommes du monde, comment songeraient-ils à regarder ce qu’il y a au fond de la vie du monde ?

787. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

— C’était prêcher un converti, car quel crève-cœur pour moi de renoncer au spectacle de cette ville unique au monde qu’on a nommée d’un nom pittoresque, la flotte de pierre ! […] Notre beau soleil m’a calmé ; j’ai parcouru les grandes ruines de Rome ; j’ai été voir reverdir les arbres, éclore les fleurs parmi les majestueux débris de cette reine du monde. […] De même qu’il avait eu le plaisir de lire quelques chants de l’Odyssée à Ithaque, c’était dans les champs de Troie qu’il voulait lire l’Iliade ; il avait dessein de présenter à la Faculté une thèse d’ensemble sur le monde d’Homère. […] Considérant l’œuvre de Shakespeare comme une image plus ou moins complète, plus ou moins fidèle du monde réel et du monde imaginaire, je vais avec lui de pays en pays, de siècle en siècle, passant d’Athènes à Rome, de l’antiquité grecque et latine à la Renaissance italienne, du midi au nord, d’Elseneur en Angleterre et en Écosse ; ici des légendes à l’histoire, là de l’histoire à la comédie, enfin de la comédie de mœurs à la comédie romanesque et à la comédie fantastique. […] Aussi bien l’Arioste et Le Tasse me changeront d’air et de monde au mois de mai. » Sommes-nous assez initiés ?

788. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Peut-être eût-elle cultivé cette nature inerte, peut-être y eût-elle jeté l’intelligence des choses du monde et de la vie. […] Chacun a sa façon d’aimer, la mienne ne fait pourtant de mal à personne, pourquoi le monde s’occupe-t-il de moi ? […] Seulement j’aime mieux mes filles que Dieu n’aime le monde, parce que le monde n’est pas si beau que Dieu, et que mes filles sont plus belles que moi. […] Elle étendait ainsi, sans le savoir, le sens des mots, et vous entraînait l’âme dans un monde surhumain. […] C’était un homme de la race de Shakespeare, dont la sève était variée, large et profonde comme le monde.

789. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Deux gouttes d’eau peuvent devenir pour le savant deux mondes remplis d’intérêt, et d’un intérêt presque dramatique, tandis que pour l’ignorant deux mondes, deux étoiles d’Orion ou de Cassiopée, peuvent devenu deux points aussi indiscernables et indifférents que deux gouttes d’eau. […] Un géomètre ne croit pas que les points, les lignes et les surfaces épuisent le monde. […] Les sciences et la philosophie ont tellement pénétré notre société moderne, qu’il est juste de dire que nous ne voyons plus le monde et les hommes du même œil que nos grands-pères. […] La vérité est que nous avons abordé tous les mondes, en poursuivant dans chacun, il est vrai, l’étude physiologique. […] Certaines personnes, n’ayant point de vraie distinction dans la tête ou dans le cœur, la cherchent dans leur mobilier, dans leurs habits, dans la noble tenue de leurs laquais ; les romanciers ne doivent point se laisser prendre à cette comédie ni croire qu’ils ont peint un monde distingué parce qu’ils ont peint un monde où chacun voudrait l’être et croit l’être, — y compris les concierges.

790. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Dans les lieux bas, les lumières s’éteignent quand elles y entrent… Phénomène que le monde intellectuel répète, le monde matériel et le monde moral n’étant que des répétitions de l’un dans l’autre, — des répercussions. […] Pour obéir à sa nature, si elle eût été impérieuse, il eût dû être un voyageur à la Humboldt, — un voyageur infatigable, tout le temps qu’il y aurait eu dans le monde quelque chose à voir. […] annonça la venue au monde sublunaire en 1749 de notre âge fortuné. […] Le monde a communié placidement et respectueusement avec tout cela. […] Ce favori du monde, à qui le monde a donné tout ce qu’un roi imbécile peut donner à un favori, reçut du monde le don du génie, de la passion, et même des larmes, qu’il n’avait pas et qu’on lui inventa.

791. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Un monde de lectures par-dessus un monde d’impressions personnelles. […] Le monde est grand, la durée est inépuisable. […] Mais dans cet autre monde ces petites contrariétés n’ont aucune importance. […] Quelques jours après Céluta met au monde une fille qu’elle allaite sans la regarder. […] … J’attends de toi quelque monde à dévorer… » Est-ce que cela vous touche ?

792. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Le monde, par raison et par mode, s’affranchissait de la tradition ancienne et ne reconnaissait que l’usage actuel : ainsi tout terme suranné était absolument proscrit ; il ne restait plus à la disposition de l’individu à qui il plaisait de l’utiliser. Puis le monde, par sa composition, fit souveraine la langue de la cour : le vocabulaire du courtisan fut le vocabulaire des honnêtes gens, et les vocabulaires des métiers, tous les termes professionnels et techniques, leur furent interdits. […] Celles que les précieux tentèrent furent parfois heureuses ; on leur doit des locutions telles que : avoir l’âme sombre, être d’une vertu sévère ou commode, dire des inutilités, perdre son sérieux, fendre la presse, être brouillé avec le bon sens, faire ou laisser mourir la conversation, faire figure dans le monde, etc. […] Au moment où nous sommes arrivés, le monde en est à prendre les habitudes qui plus tard seront nature, qui ne sont encore que contrainte : d’où l’étude et l’apprêt dans les façons de penser et de parler. […] Cependant cette compagnie qui n’était pas exclusivement littéraire, l’était plus que n’importe quel salon, et ainsi dans l’élaboration du vocabulaire, elle donna aux écrivains plus d’autorité que le monde ne leur en donnait jusque-là.

793. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Madame Émile de Girardin, au faîte de ses succès, — du succès littéraire et du succès du monde, — eut le désir de l’incognito qui tourmente tout ce qui règne, ce caprice de reine ennuyée. […] Elle entra dans la sphère pure de cette simplicité de femme du monde qui est parfois une simplicité très savante, très profonde, où l’art et le naturel désunis partout, frères ennemis si souvent, se réconcilient et s’embrassent. […] Seulement, si la spontanéité de ses facultés passait bien souvent par-dessus les faux cadres dans lesquels posait sa pensée, nul ne put croire tout d’abord que, la plume à la main, cette Belle Impétueuse, qui se faisait un peu trop de rayons autour de la tête avec ses longs tire-bouchons d’or pût se maintenir, comme en ces Lettres parisiennes, femme du monde spirituelle, moqueuse et adorablement frivole, dans cette simplicité qui devait être une compression, et que nous avons tant admirées dans Mlle Mars, à la scène, car le talent de Mme de Girardin dans ses Lettres parisiennes rappelle le jeu de Mlle Mars, comme dans ses Poésies les cris de Mme Desbordes-Valmore rappellent le pathétique de Dorval. […] C’est une belle couleur de victime. » Comme les causeurs charmants dont le monde a gardé la mémoire, Rivarol, Boufflers, et surtout ce prince de Ligne, auquel elle fait penser sans cesse, elle pousse la gaieté jusqu’à la folie et même quelquefois jusqu’à la bêtise, ce genre de bêtises dont le prince de Ligne écrivait : « Je me les dis tout bas, pour me faire rire tout haut », et qu’il se disait tout haut aussi, l’indisciplinable aimable homme ! […] Nous l’avons dit déjà, — ici et là, mais trop souvent toujours, pour l’unité de sa grâce et la virginité, de son charme, la femme du monde a des distractions, en ces Lettres parisiennes, et redevient, pour un moment, la femme de lettres, en attendant une autre distraction qui nous venge et nous dédommage !

794. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Ils n’ont point, à un jour donné, proclamé qu’ils allaient changer le monde et métamorphoser la littérature. […] Car tel a été le point de départ d’Edmond et Jules de Goncourt : — le xviiie  siècle et son histoire… Et non pas sa grande histoire, l’histoire de ses faits et gestes politiques, littéraires et sociaux, mais la petite histoire de sa petite société, de ses petites mœurs, de ses petites passions, de ses petits arts, à tout ce petit monde qui n’eut de grand que sa corruption. […] Au lieu de choisir, acceptant tous les sujets, et préférant même les plus bas aux plus nobles : « J’ai pensé — a dit l’un d’eux — que les larmes avaient assez coulé en haut, et qu’il fallait les faire couler en bas. » De ce jour-là, le réalisme était né, et ils le lançaient dans le monde. […] Quoiqu’ils y eussent vu pourtant aussi, avec une masse trop forte, et, selon moi, exagérée de vertus et de sentiments individuels, les corruptions, les dépravations et les abominations de ce temps d’une immoralité à côté de laquelle peut-être rien ne peut être mis, sans déchet, dans l’histoire du monde, il n’en résultait pas moins, de l’effet prismatique de leur livre, que, tout compte fait, le xviiie  siècle était une époque qui valait mieux que ce qu’on en croyait et que ce qu’il en fallait croire. […] Décidées à respecter les dehors et le monde, à s’envelopper et à se couvrir d’une bonne renommée, elles avaient sérieusement cherché dans les moralistes et pesé avec elles-mêmes ce qu’on pouvait faire, ce qu’on devait penser, ce qu’on devait paraître.

795. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

Mais tout ce qui est intense est magnifique dans ce monde sans énergie ; et d’ailleurs, la peur, ce n’est pas la lâcheté ! […] » Et il fallait qu’elle fût grande, en effet, cette âme, pour être plus forte que l’esprit dont elle était accompagnée : car, cet esprit, elle l’a vaincu, elle l’a emporté hors de la science et hors du monde, comme un lion emporte un enfant ! […] Jamais il n’en fut de plus tragique, de plus amer, de plus angoissé, de plus méprisant, quand, du pied de la Croix, cette grande âme qui souffre la passion de la raison humaine se retourne vers le monde, et aussi de plus humble, quand, du monde, au contraire, elle se retourne vers la Croix ! […] S’il revenait au monde, il se trouverait un peu verdi dans la mirette de M. 

796. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Il alla de l’homme à Dieu, puis de Dieu au monde, du monde aux idées que le monde exprime dans sa configuration immuable et providentielle. […] Non content de l’être dans ses idées sur la création, les grands hommes, la guerre, etc., etc., n’a-t-il pas écrit la phrase suivante : « Supposer que le monde est vide de Dieu et que Dieu est séparé du monde, c’est une abstraction insupportable et presque impossible. » Ainsi, il aura été panthéiste comme il aura été tout !

797. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

» et le bois de la croix qui avait sauvé le monde aurait bu un sang inutile. […] Notre mission n’est pas de chanter un hymne, mais de conjurer un fléau. » Et il ajoute : « Nous prendrons de plus l’engagement de n’appeler à notre aide que l’élite de la science, ou les autorités les plus graves, car ce premier mémoire n’est guères qu’une exposition sur pièces officielles, exposition raisonnée, il est vrai, discutée et terminée par des conclusions ; mais ces conclusions auront leur conséquence et ne sont, en définitive, que le prélude de débats et de questions bien autrement graves, réservés pour un second mémoire. » Après avoir tracé et déterminé les caractères qui doivent donner son autorité à tout témoignage et garantir l’authenticité de chaque fait, il commence l’histoire de ces phénomènes qui ne sont pas d’hier dans le monde, mais qu’une science infatuée et superficielle y croit d’hier, parce qu’elle les a nommés de noms nouveaux. […] À part ses conséquences, — et ces conséquences, si elles étaient légitimes, feraient table rase de tout ce que le monde moderne tient pour vrai en philosophie et replaceraient la théologie à sa vraie place, c’est-à-dire à la tête de toutes les sciences, même naturelles, — à part ces conséquences à outrance, ne manqueront pas de dire certaines gens, le mémoire adressé par M. de M*** à l’Académie des sciences morales et politiques a encore une importance considérable. Quoique sous forme de polémique, c’est la meilleure histoire qu’il y ait à cette heure des phénomènes mystérieux qui tiennent en éveil le monde tout entier. […] Et cependant il était temps, il était temps pour tout le monde, et pour les hommes religieux, et pour les philosophes, et pour le public, que les questions fussent nettement et carrément posées.

798. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

S’il ne grandit point dans l’Art, puisque j’ai dit que dès le premier coup il y fut complet, comme dans la gloire, il s’y féconda et il publia successivement ces merveilles : Le Lion, L’Émeute, La Popularité, Melpomène, Le Rire, Desperatio, Les Victimes, Terpsychore, L’Amour de la mort, La Reine du monde, La Machine, Le Progrès et L’Idole, L’Idole, qui, dans la préférence que l’on donne à des beautés égales, me semble ce qu’il y a de plus beau. […] Lui, le Juvénal de 1830, il semblait avoir été créé et mis au monde de toute éternité pour pondre ces versiculets fadasses que les confiseurs paient un louis le mille à leurs faiseurs et qu’ils roulent autour de leurs bonbons… et c’était cela qui était effrayant ! […] Mais, ô Lycas, heureux celui qui de jeunesse A placé dignement les feux de sa tendresse, Et trouvé par le monde un cœur égal au sien Pour avec lui former un éternel lien ! […] ………………………………………………………… Car en ce brillant monde à quoi bon (sic) est la vie, Si l’amour n’y peut point contenter son envie ? […] J’ai cité le grand Corneille, qui l’avait ; j’aurais pu citer le grand Shakespeare, et beaucoup d’autres parmi ceux-là à qui le monde reconnaît ce que l’on appelle du génie.

799. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Il arriva, sur ces entrefaites, un grand changement dans le monde et dont les Lettres elles-mêmes, à la longue, devaient se ressentir. […] À mon retour ici, je l’ai trouvé plus sérieux ; les soins qu’il rend à sa mère m’ont mis dans le cas de le voir peu, et presque toujours avec du monde. […] Il est donc sûr que j’ai une amie au monde ; toutes mes afflictions ne sont plus rien. […] je crois qu’il n’y a que vous au monde qui puissiez soutenir cette épreuve. […] À 79 ans, on devient détachée des vanités de ce monde.

800. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Werther, comme un jet de flamme que le monde combustible de l’époque attendait, incendia à son apparition toutes les nations. […] Les portes et les rues qui en partent conduisent à tous les bouts du monde. […] Goethe, au milieu du monde, avait l’air très aimable. […] Plus tard commence la lutte avec le monde, et cette lutte n’est intéressante qu’autant qu’il en sort quelque chose. […] Là, le spectacle du monde est plus grand ; là, vous trouverez en abondance des sujets de poésies ! 

801. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

La peur m’était venue qu’il n’y eût, pour peupler les siècles, qu’un certain nombre déterminé d’âmes, — comparses défilant et repassant de monde en monde, ainsi que les soldats des armées du Cirque, de coulisse en coulisse. […] * * * — Les choses, depuis le commencement du monde, vont en étant toujours aussi mauvaises, mais en paraissant un peu meilleures. […] Ce monde va à un jeune efflanqué, que trois femmes en haillons tiennent et battent avec des gifles qui cassent, sur sa tête, son chapeau de haute forme. […] Il finit par déclarer que se produire, vient de notre bassesse littéraire, et qu’il n’y a qu’une chose de vraie et d’estimable en ce monde : la sainteté. […] Il y a eu le monde des sots au moyen âge, il nous semble vivre dans le monde des gogos et des abonnés… Il nous faudrait, pour nous distraire, je ne sais quel grand sens dessus dessous… que le monde dansât quelques jours sur la tête… Avec cela une vue nette de cette carrière ingrate, abominable et adorée, les lettres : cette carrière qui vous fait souffrir, comme une maîtresse, qui se donnerait à des domestiques.

802. (1926) L’esprit contre la raison

La perception douloureuse d’une inadéquation physique au monde, d’une insatisfaction ontologique rappelle, dans sa violence, les expressions du mal être d’Artaud. […] C’est par le plus grand des hasards en apparence qu’a été récemment rendue une partie du monde intellectuel et de beaucoup la plus importante dont on affectait de ne plus se soucier. […] Le rideau du sommeil tombé sur l’ennui du vieux monde soudain se relève pour des surprises d’astres et de sable. […] Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. […] « On ne passe point dans le monde pour se connaître en vers si l’on n’a mis l’enseigne de poète, ni pour être habile en mathématiques si l’on n’a mis celle de mathématicien.

803. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

l’esclave et le maître du monde ! […] À peine au monde, Fleury jouait la comédie. […] Le comédien est le maître du monde ! […] la vieillesse des comédiens qui ne savent pas quitter le monde, au moment où le monde les quitte. […] M. l’impératrice des Français et du monde !

804. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

J’eus beau crier et me défendre, la couverture fut apportée, et quatre des plus forts hommes du monde furent choisis pour cela. […] Cet esprit de Voiture et de son monde n’était pas seulement un esprit de riposte et de trait, c’était aussi un esprit inventif, et qui se mettait en frais d’imagination pour divertir et pour plaire avec abondance et récidive. […] Sa conversation était aussi très divertissante à certains jours et à certaines heures ; mais elle était fort inégale, et il y en avait d’autres où il n’ennuyait guère moins que la plupart du monde l’ennuyait lui-même. […] Pourtant on ne peut s’empêcher de remarquer que si Boileau avait ajouté à ses talents de poète et à sa finesse de critique les grâces et le monde de Voiture, son art de vivre sur un pied de familiarité avec les plus grands et de jouer sans cesse avec eux sans s’oublier, il eût mieux ressemblé à Horace. […] Ce fin monde ne s’y trompait pas.

805. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Ce qui nous garantit l’objectivité du monde dans lequel nous vivons, c’est que ce monde nous est commun avec d’autres êtres pensants. […] Et comme ces raisonnements paraissent s’appliquer au monde de nos sensations, nous croyons pouvoir conclure que ces êtres raisonnables ont vu la même chose que nous ; c’est comme cela que nous savons pas que nous n’avons pas fait un rêve. […] Les sensations d’autrui seront pour nous un monde éternellement fermé. […] Je n’irai certes pas jusqu’à dire que l’objectivité ne soit que quantité pure (ce serait trop particulariser la nature des relations en question), mais on comprend que je ne sais plus qui se soit laissé entraîner à dire que le monde n’est qu’une équation différentielle. […] Mais il y a mieux ; dans le même langage on dira très bien : ces deux propositions, le monde extérieur existe, ou, il est plus commode de supposer qu’il existe, ont un seul et même sens.

806. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Pline n’est pas le moins du monde un Aristote, c’est-à-dire un génie directement observateur et original, critiquant l’objet de ses expériences ou de ses lectures, et aspirant à découvrir les vraies lois. […] Le second livre (lequel est véritablement le premier, puisque la préface ne saurait compter pour un) traite du monde et des éléments. […] « Le monde raille les recherches auxquelles je me livre, disait-il, et tourne en ridicule mes travaux ; mais dans ce labeur, tout immense qu’il est, ce m’est une grande consolation encore départager ce dédain avec la nature. » Il y a du rhéteur dans Pline ; il ne faut ni le méconnaître ni l’exagérer. […] Il nous montre l’homme, le seul de tous les animaux, jeté nu sur la terre nue, signalant son entrée dans le monde par des pleurs, ignorant le rire avant le quarantième jour ; et il s’attache, en toute rencontre, à nous faire voir, par une sorte de privilège fatal, ce maître de la terre malheureux, débile, toujours en échec, et, jusque dans l’éclair du plaisir, toujours prêt à se repentir de la vie. […] C’est ainsi qu’à certaines époques du monde la prudence et même la vertu des modérés et des sages se trouvent vaines, et le malade réclame je ne sais quels miracles ou quelles vertus nouvelles pour se sauver.

807. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Chacun de nous est un petit monde où le monde entier se voit en raccourci et est véritablement comme en germe, et le proverbe italien cité par Pascal est très exact : « Le monde entier est fait comme notre famille » et même comme nous. […] Il veut lire dans une « langue artiste », dans cette langue, comme a dit Musset, que le monde entend et ne parle, pas et j’ajouterai que le monde n’entend même pas beaucoup. […] Au XVIe siècle, un humaniste est un homme que le problème religieux, ou plus exactement ce qu’il y a de problèmes dans le sentiment religieux et dans la croyance, ne torture pas ; au XVIIe siècle, « le partisan des anciens » est un homme que la gloire de Louis le Grand, encore qu’elle le touche, n’éblouit point et n’hypnotise pas ; au XVIIIe siècle, l’homme de goût (très rare) est celui qui n’est pas très persuadé que l’univers vient pour la première fois d’ouvrir les yeux à la raison éternelle et que le monde date d’hier, d’aujourd’hui ou plutôt de demain ; au XIXe siècle, le classique, vraiment digne de ce nom, est celui qui n’est pas comme subjugué par les Hugo et les Lamartine et qui s’aperçoit, de tout ce qu’il y a, Dieu merci, de classique dans Hugo, Lamartine et Musset, et qui garde assez de liberté d’esprit pour lire Homère pour Homère lui-même et non pas en tant qu’homme qui annonce Hugo et qui semble quelquefois être son disciple. […] Il ne se doute pas que la littérature est la chose la plus instable du monde.

808. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

« C’étaient des journées, des nuits entières de méditations dans ma chambre ; c’était une concentration d’attention si exclusive et si prolongée sur les faits intérieurs, où je cherchais, la solution des questions, que je perdais tout sentiment des choses du dehors, et que, quand j’y rentrais pour boire et manger, il me semblait que je sortais du monde des réalités et passais dans celui des illusions et des fantômes. » Personne n’est plus capable de passion que les hommes intérieurs ; on l’a bien vu chez les puritains d’Angleterre. […] Les esprits concentrés sont aussi insensibles à l’opinion des autres qu’aux objets extérieurs ; ils vivent en dehors du monde social comme en dehors du monde physique ; ni les hommes ni les choses n’ont prise sur eux. […] À ces propriétés opposées, nous reconnaissons dans l’élément variable du monde interne le caractère de phénoménalité, et dans l’élément invariable le caractère de réalité63. » Gorgibus dirait que c’est là du haut style. […] Comment peindre le monde intérieur, qui est composé de faits, en évitant de marquer les faits ? […] Inutiles, condamnés, inconnus dans leur gorge, abaissés au-dessous de la joyeuse végétation des collines, ils n’en forment pas moins un monde ; et quand de vos bras étendus vous en mesurez quelqu’un, fût-ce le plus malade, vous trouvez que leurs florissants rivaux sont petits.

809. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Personne ne se scandalisa en voyant M. de Chateaubriand recommander le christianisme à titre d’agréable, changer Dieu en tapissier décorateur, et répondre à la géologie nouvelle que le monde fut créé vieux. […] On rêva donc, « et beaucoup plus qu’assez. » Mais, pour la première fois au monde, la rêverie fut métaphysique. […] Chacun prétendit expliquer l’homme et le monde, et par surcroît sauver l’humanité. […] Entre ceux-là on ne voit guère que de petites dissidences : l’un est plus orateur, l’autre plus critique ; celui-ci psychologue de fondation, et autrefois trempé dans la phrénologie ; celui-là homme du monde et littérateur ; un autre grand ami de Kant, un autre moins dédaigneux pour Hégel ; il n’y a là que des différences de lectures et de caractères. — D’autres causes de durée sont plus fortes. […] Je lui vois deux portes ; il se peut qu’un savant comme Ampère et Geoffroy Saint-Hilaire réunisse les découvertes des sciences positives, forme avec elles un système du monde, et que ces vues d’ensemble s’imposent au public comme la loi d’attraction, ou l’hypothèse du plan animal unique.

810. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Ils n’ont ni femme, ni enfants, ni neveux ; ils ne vont point dans le monde ; ils ne jouent point au whist ; ils ne prennent point de tabac ; ils ne font point de collections. […] Souvent l’un reconduit son ami ; arrivé, celui-ci reconduit l’autre, et ainsi de suite, eux toujours causant, avec une franche amitié et de la meilleure foi du monde, sans jamais disputer, tellement que chacun prend à l’occasion l’opinion de son adversaire et lui fournit des arguments. […] Vous êtes prompt en besogne ; au besoin, vous pourriez répondre à ces bonnes gens qui arrêtent un homme sur le trottoir, le priant de leur expliquer, au pied levé, ce qu’il pense de Dieu, du monde, de l’âme et du reste. […] L’analyse ajoute le monde moral au monde physique, et complète les événements par les sentiments. […] En vain vous auriez les meilleurs yeux et la plus grande science du monde, vous n’apercevriez dans un tableau que des lignes et dans une charte qu’une écriture, si votre imagination n’est pas devenue sensible et si vous n’avez pas au dedans de vous un réactif indicateur.

811. (1881) Le naturalisme au théatre

Comme ce monde du théâtre gratte et exaspère la vanité ! […] Rien n’est singulier comme la formation de ces deux mondes si tranchés, le monde littéraire et le monde vivant ; on dirait deux pays où les lois, les mœurs, les sentiments, la langue elle-même, offrent de radicales différences. […] Dès lors, à quoi bon le monde tangible ? […] De la façon la plus simple du monde. […] Pas le moins du monde.

812. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

« Après le dîner, il vint beaucoup de monde. […] La passion de la célébrité qui possède également ces trois personnes devient leur châtiment ; cette célébrité attire de loin les regards du monde sur la fille et glace de près ces trois cœurs qui éprouvent la rivalité dans leur propre sang. […] Rousseau, ainsi que plusieurs opuscules de cette première adolescence de mademoiselle Necker, n’eurent pas besoin de l’indulgence due à son âge et de la courtisanerie des familiers de son père pour faire sensation dans le monde lettré à Paris. […] Le soir, les portes de la prison ne s’ouvrirent plus, et cet événement, dont le bruit remplissait alors le monde, retombe tout entier sur deux femmes solitaires et malheureuses, et qui n’étaient soutenues que par l’attente du même sort que leur frère et leur époux. […] Aussi, comme on le verra par la suite, ne s’est-il jamais trompé dans ce monde que sur les honnêtes gens, soit comme individus, soit surtout comme nations. » Lamartine.

813. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il résolut de faire le tour du monde. […] Ainsi se purifie le monde, pour des yeux purs. […] Il nous aura donné le monde, que, somme toute, nous ne connaissons pas. […] Il n’est rien de plus difficile que de voir le monde en beauté. […] Mais n’ayons pas peur des mots ; il n’est rien de plus simple au monde.

814. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Ils n’admettent pas que l’art se doive séparer de la vie, ni l’artiste se retirer et s’isoler du monde. […] Binaut, « Joseph de Maistre », dans la Revue des Deux Mondes, décembre 1858, et février 1861 ; — A.  […] Quel ordre de pensées et de sentiments a-t-il développé dans le monde ? […] I, 1850 ; — Gustave Planche, dans la Revue des Deux Mondes de décembre 1832, août 1833, et octobre 1834 ; — Comte T.  […] IV, 1862 ; — Saint-René Taillandier, dans la Revue des Deux Mondes, 1863 (février) et 1869 (décembre) ; — F. 

815. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Quelque chose est né désormais, qui est nouveau dans le monde, et qui est adorable. […] Un raisonnement juste est la chose la plus rare, la plus surprenante qui soit au monde. […] On sent dans Mérimée le satirique, et qu’il écrit pour se moquer du monde qu’il peint. […] C’est le plus joli tohu-bohu du monde, qui ne cesse pas un moment d’être clair. […] Depuis qu’il s’est révélé au monde, le monde, qui l’a aimé tout de suite, s’est demandé : « Sera-t-il Sterne ?

816. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Tout en décrivant mieux que personne la Cour et la partie du monde qui s’en rapprochait alors, et en y prenant presque exclusivement ses sujets d’observation, M. de Meilhan n’était pas homme à s’y renfermer : il avait lu et comparé, il sentait les anciens. […] L’amour de la gloire et la vertu, qu’il trouvait si absents dans le train de vie moderne, lui paraissaient avec raison l’âme du monde antique en ses beaux temps. […] Les Meilhan de Rome ou de Byzance auraient pu nous dire quelque chose de ce caractère sexagénaire du monde grec ou romain, de l’ennui, « ce cruel ennemi de l’homme policé », et de tous les raffinements de vices et de folies qu’il entraîne. […] Pour le sauvage, par exemple, qu’est-ce que le plaisir de l’amour, si on le compare à tout ce qu’y fait entrer un homme du monde, doué d’une âme délicate et vive, et d’une sensibilité cultivée ? […] Combien de ceux-là qui tenaient dans le monde et la société de leur temps une grande place n’ont pas même laissé un nom !

817. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Mais avec Gavarni, quand c’est lui qui baptise, cela sort du jeu ; il frappe sa médaille comme pas un, il bat sa monnaie au bon coin, et elle entre dès lors dans la circulation ; elle court le monde. […] Il y eut dix années, où, à partir de 1837, il s’empara de la curiosité publique, de la vogue ; et lui et Balzac, ils se mirent à peindre, à silhouetter dans tous les sens la société à tous ses étages, le monde, le demi-monde et toutes les espèces de mondes. ; ils prirent la vie de leur temps, la vie moderne par tous les bouts. […] Gavarni, crayon et légende à part, est un esprit fin, silencieux, nourri de solitude et de méditation, qui ne donne pas exactement la note de sa valeur dans le monde ; mais ce qu’il dit compte et ressemble par le tour et la qualité au meilleur de son talent. […] En un mot, Gavarni résumant sa philosophie morale répéterait volontiers, pour son compte, avec ces deux bons vieux qui descendent de quelque barrière : « Vois-tu, Sophie, il n’y a que deux espèces de monde, les braves gens et puis les autres. […] Henri Delaborde, dans son savant et intéressant article sur la lithographie (Revue des Deux Mondes du 1er octobre 1863).

818. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Certes, plus d’un vieillard sans flamme et sans cheveux, Tombé de lassitude au bout de tous ses vœux, Pâlirait, s’il voyait, comme un gouffre dans l’onde, Mon âme où ma pensée habite comme un monde, Tout ce que j’ai souffert, tout ce que j’ai goûté, Tout ce qui m’a menti comme un fruit avorté, Mon plus beau temps passé sans espoir qu’il renaisse, Les amours, les travaux, les deuils de ma jeunesse, Et quoique encore à l’âge où l’avenir sourit, Le livre de mon cœur à toute page écrit ! […] Ils passent, et le monde Ne connaît rien d’eux que leur voix. […] Mme Hugo, femme supérieure, d’un caractère viril et royal, comme dirait Platon, s’était décidée à ne pas voir le monde, et a vivre retirée dans une maison située au fond du cul-de-sac des Feuillantines, faubourg Saint-Jacques, pour mieux vaquer à l’éducation de ses fils. […] Le genre de monde qu’il fréquentait alors, et qui l’accueillait avec toutes sortes de caresses, entretenait journellement l’espèce d’illusion qu’il se faisait à lui-même sur ses croyances ; mais le fond de sa doctrine politique était toujours l’indépendance personnelle, et le philosophisme positif de sa première éducation, quoique recouvert des symboles catholiques, persistait obscurément dessous. […] Le plus beau jour, ou plutôt le plus beau soir (car c’étaient des soirées) du petit monde poétique fut celui de la représentation de Clytemnestre, si digne à tant d’égards de son succès.

819. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Ouvrier actif, infatigable, il continua, tout en remplissant comme par parenthèse nos deux scènes lyriques, de parfaire et de compléter son monde du Gymnase, que je voudrais bien caractériser. […] Mais voilà que je parle de ces impressions comme du présent, et c’est déjà du passé : le monde pour qui peignait M. Scribe au Gymnase était celui des dix dernières années de la Restauration, monde depuis fort dérangé. […] Scribe au Gymnase, il a fait vite le tour du monde. […] (Revue des Deux Mondes du 1er mars 1840. — Voir l’article reproduit dans l’appendice du présent volume.)

820. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Son art, son adresse et son triomphe, ç’a été de toucher si bien les cordes chères au grand nombre, qu’il a ainsi enlevé son monde (le malin qu’il est), et qu’il n’y a plus eu de public distinct en face de lui, mais un seul chorus à la ronde. […] Vous savez bien, ô poète, aujourd’hui à demi dégoûté, mais non encore revenu du rôle, vous savez bien, et vous l’avez dit, qu’il y a dans le monde plus de fous que de méchants ; mais il y a beaucoup de fous, vous le savez aussi : ne faisons donc pas d’une classe, si nombreuse qu’elle soit, l’origine et la souche de toutes les vertus. […] C’est là un côté petit des chansons de Béranger, et que l’avenir même, fût-il le plus démocratique du monde, ne relèvera pas. […] Le champion brillant du trône et de l’autel voyait le monde se porter ailleurs, et plus d’une moitié de la jeunesse lui échapper ; son calcul alors a été prompt et direct. […] Béranger est arrivé, en définitive, je le crois, à la même conclusion que Voltaire, que Rabelais, que Cervantes, qu’il y a dans le monde plus de fous que de sages, plus de fous, dit-il, que de méchants.

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