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144. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Mais comme les ébranlements que notre corps reçoit des corps environnants déterminent sans cesse, dans sa substance, des réactions naissantes, et que ces mouvements intérieurs de la substance cérébrale donnent ainsi à tout moment l’esquisse de notre action possible sur les choses, l’état cérébral correspond exactement à la perception. […] Ce qui paraît lésé, ce sont donc les diverses régions sensorielles et motrices ou, plus souvent encore, les annexes qui permettent de les actionner de l’intérieur même de l’écorce, bien plutôt que les souvenirs eux-mêmes. […] Et l’idée que nous construisons la matière avec nos états intérieurs, que la perception n’est qu’une hallucination vraie, vient de là également. […] D’abord, il n’est pas vrai que la conscience assiste, enroulée sur elle-même, à un défilé intérieur de perceptions inextensives. […] Entre les qualités sensibles envisagées dans notre représentation, et ces mêmes qualités traitées comme des changements calculables, il n’y a donc qu’une différence de rythme de durée, une différence de tension intérieure.

145. (1932) Les idées politiques de la France

À l’intérieur les lois sociales, à l’extérieur le protectionnisme, l’ont exterminé. […] C’est Bonaparte qui, comme général de l’armée de l’intérieur, ferma la dernière salle des Jacobins, et on nous dit qu’il emporta la clef dans sa poche. […] C’est même à l’intérieur du socialisme, et à l’occasion du socialisme, et comme formule des problèmes socialistes de son temps, que Péguy a créé ce terme. […] À l’extérieur comme à l’intérieur, et comme l’indique ce mythe même de la forêt, le socialisme est une aventure, un coup de dés. […] Soit à l’intérieur soit à l’extérieur, il combattra les idées antilibérales et dictatoriales, dictature de l’État, ou dictature du prolétariat.

146. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Dès la première saillie de l’invention originale, son œuvre manifeste l’énergie tragique, la passion intense et informe, le dédain de la régularité, la connaissance du réel, le sentiment des choses intérieures, la mélancolie naturelle, la divination anxieuse de l’obscur au-delà, tous les instincts qui, repliant l’homme sur lui-même et concentrant l’homme en lui-même, le préparent au protestantisme et au combat. […] Dès ce moment l’Angleterre a trouvé son assiette ; ses deux forces intérieures et héréditaires, l’instinct moral et religieux, l’aptitude pratique et politique ont fait leur œuvre et désormais vont bâtir sans empêchement ni démolition sur les fondements qu’elles ont posés. […] Comme chez le Flamand et l’Allemand, elles s’arrêtent d’abord dans la cervelle, elles s’y étalent, elles y déposent ; l’homme n’est point secoué, il n’a point de peine à demeurer immobile ; il n’est point entraîné ; il peut agir sagement, uniformément ; car son moteur intérieur est une idée ou une consigne, non une émotion ou un attrait. […] Vous entrez dans une ferme, même médiocre, de cent acres par exemple ; vous trouvez des gens décents, dignes, bien vêtus, qui s’expliquent clairement et sensément, un grand bâtiment sain, confortable, souvent un petit péristyle avec des fleurs grimpantes, un jardin bien tenu, des arbres d’ornement, les murs intérieurs blanchis tous les ans à la chaux, les carreaux du sol lavés tous les huit jours, une propreté presque hollandaise ; avec cela un assez grand nombre de livres, des voyages, des traités d’agriculture, quelques volumes de religion ou d’histoire, au premier rang la grande Bible de famille. […] Ce qu’on lui demande, c’est la force d’être vertueux, la rénovation intérieure par laquelle on devient capable de toujours bien faire, et une supplication semblable est par elle-même un levier suffisant pour arracher l’homme à ses faiblesses.

147. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

La conscience, se réglant à son tour sur l’intelligence, regarde de la vie intérieure ce qui est déjà fait, et ne la sent que confusément se faire. […] Extérieur ou intérieur, il y a donc toujours un objet que mon imagination se représente. […] En fait, l’objet qu’on supprime est ou extérieur ou intérieur : c’est une chose ou c’est un état de conscience. […] Au lieu de nous attacher au devenir intérieur des choses, nous nous plaçons en dehors d’elles pour recomposer leur devenir artificiellement. […] C’est à l’intérieur du devenir qu’on se serait transporté par un effort de sympathie.

148. (1887) George Sand

Elle a peint en traits expressifs ce premier travail tout intérieur de son imagination. […] Comme tous ces détails d’intérieur sont rendus ! […] Le théâtre et le roman, qui ne diffère du théâtre que par le développement de l’action concentrée sur la scène intérieure. […] Ce qu’il y a de constant, dans sa correspondance, c’est le souci de son intérieur, de son ménage, de ses enfants. […] La vie d’intérieur, elle l’avait d’ailleurs recherchée, même à travers les circonstances les plus contraires, à condition que l’intérieur fût réglé par elle et qu’on lui laissât certaines libertés, d’ordinaire inconciliables.

149. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

C’est qu’il se rencontre avec le darwinisme dans ce principe commun que la force, quelle qu’elle soit, par où l’univers se développe, lui est intérieure et immanente. […] Après l’avoir relu, je le mets décidément à l’un des meilleurs endroits de ma bibliothèque, non loin de l’Imitation, des Pensées de Marc-Aurèle, de la Vie intérieure et des Épreuves de Sully-Prudhomme  dans le coin des sages et des consolateurs.

150. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Sa physionomie même et la forme de ses traits exprimaient, accusaient un peu fortement peut-être ce sérieux intérieur dans les goûts qu’il ne faudrait pas pourtant exagérer, et qui ne sortait pas des limites de son âge. […] Elle voyait beaucoup, en ces années, Mme de Vintimille, et cette société d’élite dont le mouvement intérieur nous a été tout récemment rendu avec une vivacité aussi affectueuse que piquante par les lettres de M. […] Elle avait pris le goût de la vie intérieure et domestique, tout entière adonnée au bonheur des siens, quand elle leur fut enlevée bien prématurément en décembre 1821. […] Mais ce n’était là encore que ce qu’elle appelle des demi-engagements ; le grand événement intérieur, la réconciliation data, pour elle, d’avril 1812. […] Disposez-vous d’avance à la résignation, et, en attendant, ne cessez de rendre grâces à Dieu de la paix qui habite autour de vous. » De si sages paroles la calmèrent, et elles achevèrent probablement de régler sa ligne intérieure de conduite.

151. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

— Les Idées de Madame Aubray et Denise, ces deux pièces d’esprit vraiment évangélique, nous veulent persuader que, dans de certaines conditions, un honnête homme peut et doit, en dépit de prétendues convenances, épouser une fille séduite, et séduite par un autre que lui  Dans la Femme de Claude, un homme, après avoir prié Dieu, se met avec sérénité au-dessus des codes humains, et substitue son tonnerre à celui de Dieu même, dans la lutte engagée par la conscience contre les deux grandes puissances mauvaises qui perdent le monde moderne : la luxure et l’argent, ou, plus expressément, la spéculation financière  L’Ami des femmes, la Princesse Georges, l’Étrangère, Francillon reposent sur la même conception du mariage que la Dame de la mer ou Maison de poupée  Et si vous voulez des orgueilleuses, des insurgées démoniaques, Mme de Terremonde, et mistress Clarkson, et Césarine ne le cèdent point, ce me semble, à Hedda Gabler  Bref, le théâtre de Dumas, comme celui d’Ibsen, est plein de consciences ou qui cherchent une règle, ou qui, ayant trouvé la règle intérieure, l’opposent à la règle écrite, ou enfin qui secouent toutes les règles, écrites ou non. […] Condition merveilleuse, soit pour mener lentement et patiemment ses visions intérieures, soit pour sentir avec emportement. […] Mais ils ont, plus que nous, le goût et l’habitude de la vie intérieure, et ils sont, plus que nous, religieux. […] La plupart ont la notion du péché, une vie intérieure au moins aussi développée que leur vie de relations sociales. […] Qui affirmerait que notre ardeur de foi scientifique et de charité révolutionnaire, médiocrement intérieure et plutôt tournée aux réformes sociales, ne compense pas, même aux yeux de Dieu, l’aptitude plus grande des peuples du Nord à la méditation et au perfectionnement intérieur ?

152. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Le Hir, produisait une profonde paix intérieure, aboutit chez moi à d’étranges explosions. […] Le grand avantage que je trouve ici, ce sont les remarquables facilités que l’on a pour le travail, lequel est devenu pour moi un besoin et, eu égard à mon état intérieur, un devoir. […] Par une petite pédanterie d’hébraïsant, j’appelai cette crise de mon existence Nephtali 19, et je me redisais souvent le dicton hébraïque : Naphtoulé Élohim niphtalti : « J’ai lutté des luttes de Dieu. » Mes sentiments intérieurs n’étaient pas changés ; mais, chaque jour, une maille du tissu de ma foi se rompait. […] Je ne vois approcher qu’avec effroi l’époque où l’état intérieur le plus indéterminé devra se traduire par les démarches les plus décisives. […] Les bornes d’une lettre m’obligent à terminer ici la longue confidence de mes luttes intérieures. je bénis Dieu, qui me réservait de si pénibles épreuves, de m’avoir mis en rapports avec un esprit comme le vôtre, qui sait si bien les comprendre et à qui je peux les confier sans réserve.

153. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Elle permettra, dans son cadre en apparence uniforme, mille distinctions de pensées et bien des formes rares d’existences intérieures ; sans quoi elle serait sur un point très au-dessous de la civilisation précédente et ne satisferait que médiocrement toute une famille d’âmes. […] Mariée, logée au Louvre, elle dut l’idée d’écrire à l’ennui que lui causaient les discussions politiques de plus en plus animées aux approches de la Révolution ; elle était trop jeune, disait-elle, pour prendre goût à ces matières, et elle voulait se faire un intérieur. […] L’auteur y a représenté au complet l’intérieur d’une famille noble pendant les années de la Révolution. […] Mme de Revel, malheureuse dans son intérieur, se met à plaindre les mères qui n’ont que des filles, parce qu’aussitôt mariées, leurs intérêts et leur nom même séparent ces filles de leur famille.

154. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Delécluze, mais par une force intérieure de développement, et par une sorte de croissance naturelle. […] Hugo a en vue non seulement la vie intérieure de l’homme de génie, mais les chutes et les combats au prix desquels il gagne sa couronne comme un athlète. […] Mais insensiblement il anime, il spiritualise cette grande image physique qu’il s’est plu à décrire ; il ne la refait pas, il ne la transforme pas, mais il en fait en quelque sorte l’intérieur, l’âme. […] Le génie, ses tourments intérieurs, les blasphèmes qui le poursuivent d’abord, les adorations qui succèdent aux blasphèmes, toutes ces pures conceptions de l’intelligence, sont devenus visibles.

155. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Sa manière d’être intérieure, sa véritable vie n’est connue que de lui ; mais, en récrivant, il la déguise ; sous le nom de sa vie il fait son apologie : il se montre comme il veut être vu, mais point du tout comme il est. […] Ce n’est pas de la délicatesse chevaleresque que je parle, c’est de la véritable, de l’intérieure, de celle qui est morale et humaine. Il est incroyable que ce sentiment moral intérieur dont il était pourvu, et qui le tenait si fort en rapport avec les autres hommes, n’ait pas averti Rousseau à quel point il y dérogeait en maint endroit de sa vie et en mainte locution qu’il affecte. […] Je n’ai pu indiquer qu’en courant dans l’auteur des Confessions les grands côtés par lesquels il demeure un maître, que saluer cette fois le créateur de la rêverie, celui qui nous a inoculé le sentiment de la nature et le sens de la réalité, le père de la littérature intime et de la peinture d’intérieur.

156. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Kahn les appelle des « unités », et il s’agit de les apparenter, de leur donner par des allitérations, des assonances, la cohésion qui en fera des vers véritables, « possédant leur existence propre et intérieure » 207. […] Ces vers sont régis par le mouvement intérieur de la pensée, et non plus par un mouvement extérieur et imposé d’avance. […] L’on voit volontiers accouplées ces sonorités identiques, hier ennemies, cuir — buires, roi — voix — joie au mépris de la vaine habitude des yeux ; des assonances fort délicates, telles que : ciel — hirondelle, quête — verte, guimpe — limbe ; d’agréables rimes intérieures qui rappellent, avec beaucoup plus d’art, les jeux des poètes latins du XIIIe siècle : Ô Méditerranée, salut ; voici Protée qui lève de tes vagues son front couronné d’algues. […] Il en est de même dans la prose rythmique, où un certain parallélisme syllabique ou d’accent se laisse aussi parfois deviner ; à cela s’ajoutent la rime ou l’assonance, extérieures ou intérieures, parfois l’allitération.

157. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Il apercevra ces manières d’être aussi pleinement et aussi aisément dans l’idée intérieure du triangle que dans le triangle extérieur lui-même. […] L’objet imaginaire10 paraît réel ; la forêt intérieure devient extérieure. […] Mais selon la loi de Dugald Stewart, l’état primitif d’une idée ou représentation, c’est de faire illusion et d’être affirmative ; donc, un instant auparavant, c’est-à-dire dans la perception, cette représentation ou simulacre intérieur nous a fait illusion, et nous est apparue comme un objet extérieur et réel. — Dans un très-grand nombre de cas, par exemple dans toutes les illusions des sens, l’objet apparent diffère de l’objet réel, et par conséquent s’en distingue12. […] Donc la perception extérieure est une représentation du dedans, projetée et réalisée dans le dehors. — De la nature de la perception extérieure, de ses précédents, de ses suites, de ses vérités, de ses erreurs, jaillit cette phrase dix fois répétée et dix fois démontrée : la connaissance sensible est la conscience d’un simulacre intérieur, lequel paraît extérieur, sorte d’hallucination naturelle, ordinairement correspondante à un objet réel, opération qui mène par l’illusion à la vérité, qui trompe l’homme pour l’instruire, et, par les fantômes du dedans, lui révèle les substances du dehors13.

158. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

« Il avait, dit-il lui-même, une pente naturelle vers les choses d’observation intérieure »… Il suivait « une lumière intérieure, un esprit de vérité qui luit dans les profondeurs de l’âme et dirige l’homme méditatif appelé à visiter ces galeries souterraines… Cette lumière n’est pas faite pour le monde, car elle n’est appropriée ni au sens externe ni à l’imagination ; elle s’éclipse ou s’éteint même tout à fait devant cette autre espèce de clarté des sensations et des images ; clarté vive et souvent trompeuse qui s’évanouit à son tour en présence de l’esprit de vérité. » Ainsi occupé, et ses regards concentrés sur lui-même, il avait fini, comme les philosophes indiens, par isoler et constituer à part, du moins à ses propres yeux, son être intérieur et sa volonté active. […] Nous l’observons dès l’abord, en face, par la conscience, comme un plaisir, une idée ou tout autre fait intérieur.

159. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Solin qui a écrit quelque temps après Pline semble nous apprendre pourquoi l’usage de cette pierre étoit à préferer à celui de l’airain dans le revêtement intérieur d’une partie des masques. […] Par exemple, comme les anciens ne nous ont pas laissé la description de l’interieur du colisée, les architectes doutent encore quelle étoit la distribution intérieure du troisiéme étage de cet amphithéatre, quoique les deux premiers étages intérieurs soient encore à peu près dans leur entier.

160. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

N’est-ce point pour cela qu’il imagine son monde des Idées, vivant dans le sein de Dieu, substances et âmes intérieures de toutes tes choses qui existent ? […] Du moins à le supposer tel, par comparaison que nous aurons faite de lui à lui, nous aurons pensé, nous aurons réfléchi sur ces différentes forces, extérieures que nous subissons, intérieures que nous saisissons ou croyons saisir ; extérieures que nous sentons, intérieures dont nous prenons conscience ; et nous aurons, en tout cas, élargi le cercle de notre esprit.

161. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Certes, la longue chaîne du mysticisme a bien des anneaux ; mais depuis le Fakir de l’Inde livré aux voluptés et aux martyres de l’extase jusqu’à ces Illuminés des voies intérieures dont parle Saint-Martin, en parlant de lui-même, tous les mystiques ne sont guères, en fin de compte, que les victimes plus ou moins foudroyées du sentiment religieux, trop fort pour l’homme, quand il se confie sans réserve à sa chétive et traître personnalité. […] Le temps a marché sur les hommes qui croyaient au grand mystique des voies intérieures et qui sympathisaient à ses idées. […] Caro nous montre Saint-Martin, abrité contre la révolution française dans le désert intérieur de sa spiritualité, et, quand la tempête est passée, plus tard, en 1795, il suit avec un intérêt mêlé d’éloge le solitaire devenu homme public, répondant sur la question de l’enseignement, agitée alors officiellement par le Pouvoir, aux attaques cauteleuses de Garat, le rhétoricien de la sensation.

162. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Il ne paraît pas avoir remarqué que la durée réelle se compose de moments intérieurs les uns aux autres, et que lorsqu’elle revêt la forme d’un tout homogène, c’est qu’elle s’exprime en espace. […] La vérité est que si nous vivons et agissons le plus souvent extérieurement à notre propre personne, dans l’espace plutôt que dans la durée, et si, par là, nous donnons prise à la loi de causalité qui enchaîne les mêmes effets aux mêmes causes, nous pouvons cependant toujours nous replacer dans la pure durée, dont les moments sont intérieurs et hétérogènes les uns aux autres, et où une cause ne saurait reproduire son effet, puisqu’elle ne se reproduira jamais elle-même. […] Au lieu d’une vie intérieure dont les phases successives, chacune unique en son genre, sont incommensurables avec le langage, nous obtiendrons un moi recomposable artificiellement, et des états psychiques simples qui s’agrègent et se désagrègent comme font, pour former des mots, les lettres de l’alphabet.

163. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Or, tous les événements que je m’attribue ont un caractère commun ; ils m’apparaissent comme intérieurs. […] Meubles, intérieurs d’appartement, figures humaines ou animales, arbres, maisons, rues, paysages, ce sont des représentations de ce genre dont la série compose le courant ordinaire de notre pensée. […] Les voix intérieures et mentales deviennent des voix physiques et extérieures. […] Selon les uns, le mot je (ich, ego, aham) vient de la racine ah, respirer, et désigne le souffle intérieur ; selon les autres, il vient de la racine gha, ha, qui signifie celui-ci, et par laquelle on se désigne soi-même à l’interlocuteur. […] Voir toute l’autobiographie de Bunyan, l’auteur du Pilgrim’s Progress. — De même les conversations éloquentes et sublimes du Tasse avec son génie familier, rapportées par Manso. — De même encore les avertissements que donnait à Socrate une voix intérieure.

164. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Une génération, une promotion ne se lie qu’entre soi, entre elle-même, à l’intérieur, au dedans, en dedans d’elle-même. […]   Je ne vous parle pas des autres avertissements que j’ai reçus, des avertissements que j’ai reçus de toutes parts ; des sourds avertissements profonds intérieurs ; des inclinaisons, des courbures, des pentes intérieures ; des courbatures intérieures ; et de ces singuliers, de ces profonds avertissements intérieurs qui nous viennent du dehors ; de ces admonitions sévères et justes. […] Ou plutôt tantôt il peut être un vêtement du désordre, intérieur, tantôt un appareil, un mécanisme extérieur, un mécanisme de levier, un simple outil, une traduction extérieure fidèle, pieuse, déférente, obéissante, de l’ordre, d’un profond ordre intérieur. […] Lui faisait des répétitions, ou plutôt il continuait, il répétait une profonde répétition intérieure. Il manifestait, il représentait une sorte d’incurable répétition intérieure.

165. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il y avait en lui une santé intérieure qui n’était pas tant de la sécheresse que de l’énergie. […] Cette vacillation intérieure qui fait sans cesse osciller l’âme entre les possibles lui était étrangère sous toutes ses formes. […] Un monde intérieur s’agite en nous : idées, émotions, volitions, qui nous suggère des images d’un ordre entièrement distinct de l’autre. […] L’imagination du monde intérieur était chez lui moins puissante. […] Dans l’état actuel de notre développement de civilisation, penser, c’est prononcer une phrase intérieure, et les qualités de la pensée font les qualités de cette phrase intérieure.

166. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Ce dernier avait dit : « Je me propose d’établir que la science des phénomènes de la vie ne peut avoir d’autres bases que la science des phénomènes des corps bruts, et qu’il n’y a, sous ce rapport, aucune différence entre les principes des sciences biologiques et ceux des sciences physico-chimiques… Dans l’expérimentation sur les corps bruts, il n’y a à tenir compte que d’un seul milieu, c’est le milieu cosmique extérieur ; tandis que, chez les êtres vivants élevés, il y a au moins deux milieux à considérer : le milieu extérieur ou extra-organique, et le milieu intérieur ou intra-organique. La complexité due à l’existence d’un milieu organique intérieur est la seule raison des grandes difficultés que nous rencontrons dans la détermination expérimentale des phénomènes de la vie et dans l’application des moyens capables de la modifier… Si les phénomènes vitaux ont une complexité et une apparente différence de ceux des corps bruts, ils n’offrent cette différence qu’en vertu des conditions déterminées ou déterminables qui leur sont propres7. »‌ Paroles que Zola commente et résume très clairement, de la manière suivante : « … La spontanéité des corps vivants ne s’oppose pas à l’emploi de l’expérimentation. La différence vient uniquement de ce que un corps brut se trouve dans le milieu extérieur et commun, tandis que les éléments des organismes supérieurs baignent dans un milieu intérieur et perfectionné, mais doué de propriétés physico-chimiques constantes, comme le milieu extérieur. […] Meunier, le fabricant de chocolat, et imagina en lui-même la luxueuse installation de l’intérieur, découvrant plusieurs années après, que sa description était peu éloignée de la réalité ; avant d’écrire Nana, il obtint une introduction auprès d’une demi-mondaine, avec laquelle il eut le privilège de déjeuner ; sa laborieuse préparation au prodigieux récit de la guerre de 1870, dans La Débâcle, se compose purement de livres, de documents et d’expériences de seconde main ; quand il voulut décrire le travail, il alla dans les mines et dans les champs, mais il ne semble pas qu’il ait jamais fait un travail manuel d’un seul jour. […] Malgré la belle santé apparente et le fort parfum qui s’en dégage, son œuvre ne me donne pas assez l’impression d’un équilibre puissant de la vie intérieure et extérieure, d’une vision pleine et harmonique du monde.

167. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Il lui parle de la religion d’une manière à fort étonner un jeune séminariste encore novice et très sincère : il ne la prenait, en effet, que par le côté social et politique, et pour l’utilité morale ; hors de là, il n’en acceptait rien et se croyait tout à fait libre et dégagé dans son for intérieur, « ne voyant le péché que dans l’injustice, le défaut de charité et le scandale. […] Il ne se borna point, dans sa confiance envers le jeune séminariste, à des préceptes de vie facile ; il n’hésita pas, se voyant seul avec lui, à reprendre ses habitudes intérieures : « Deux belles paysannes de dix-huit à vingt ans, l’une brune et l’autre blonde, que je n’avais pas même aperçues jusque-là, vinrent se placer le soir à la table du maître. […] Mais la nuit porte conseil : il réfléchit au danger de son voyage, et il pense que mieux vaut le différer et partir, non pour Paris, mais pour Reims et Vervins, afin de se rendre de là à la Chartreuse du Val-Saint-Pierre-en-Thiérarche, où il avait un parent, dom Barthélemy Effinger, qu’il n’avait jamais vu, mais qui lui destinait une cure : « Je resterai, se disait-il, au monastère sous prétexte d’en vouloir connaître l’intérieur, les pratiques, et peut-être d’en devenir un des moines ; sous ce prétexte, j’exigerai et j’obtiendrai le secret. » il ne serait allé à Paris qu’un peu plus tard et quand déjà sa famille, inquiète de son absence, l’y aurait fait chercher vainement. […] Une muraille très élevée en masquait et en fermait l’intérieur ; une porte, une vraie porte de ville, que surmontait un pavillon sans jour sur la campagne, donnait entrée sur une cour, ou plutôt sur une place magnifique.

168. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Chaque corde de cet instrument monté par le Créateur éprouve une vibration et rend un son proportionné à l’émotion que la nature sensible de l’homme imprime à son cœur ou à son esprit par la commotion plus ou moins forte qu’il reçoit des choses extérieures ou intérieures. […] Maintenant je *suis seule et vieille à cheveux blancs ; Et le long des buissons abrités de la bise, Chauffant ma main ridée au foyer que j’attise, Je garde les chevreaux et les petits enfants : Cependant dans mon sein la voix intérieure M’entretient, me console, et me chante toujours. […] C’est aussi cette voix intérieure qui lui parle à tous les âges, qui aime, chante, prie ou pleure avec elle à toutes les phases de son pèlerinage séculaire ici-bas. […] Bossuet approuvait ces croisades intérieures contre la réforme.

169. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Ainsi pour cette âme égale et tempérée se passa la vie, sans grand éclat, sans trouble intérieur, et dans une maturité constante. […] Le cardinal, d’un esprit doux et adroit, allait travaillant à se gagner les uns et les autres. » Mais un bon nombre, se croyant sûrs du terrain, résistent aux avances ; Mme de Motteville nous montre dans cet intérieur les revers imprévus d’où vont résulter pour les présomptueux et ceux qui font les importants de nouvelles disgrâces. […] Ce dernier nous donne le spectacle de la rue du Palais-Royal quand il y pénètre, et de l’intérieur de l’archevêché. […] La première journée des Barricades se passe presque toute en plaisanteries contre elle : « Comme j’étais la moins vaillante de la compagnie, toute la honte de cette journée tomba sur moi. » Pour une personne de cet intérieur, elle comprend très bien du premier coup la nature de la révolte dans la ville, et ce désordre si vite et si bien ordonné : Les bourgeois, dit-elle, qui avaient pris les armes fort volontiers pour sauver la ville du pillage, n’étaient guère plus sages que le peuple, et demandaient Broussel d’aussi bon cœur que le crocheteur ; car, outre qu’ils étaient tous infectés de l’amour du bien public, qu’ils estimaient être le leur en particulier… ils étaient remplis de joie de penser qu’ils étaient nécessaires à quelque chose.

170. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Roger Cahen ne s’aventure pas au-delà du cercle de clarté que répand sa petite flamme intérieure : « Je ne crois à aucun dogme d’aucune religion », écrit-il. […] Si je pouvais noter ces chants intérieurs qu’aucun concert ne me rendra jamais ! […] Elle m’aura élargi la vue (toute ma vie intérieure est devenue plus facile, plus large — large comme une avenue où j’aimerais voir aller et venir beaucoup de passants) — surtout en me montrant les effets que peuvent avoir sur les autres un visage égal, souriant, accueillant à n’importe quelle heure, et quelques bonnes paroles.‌ […] Chaque jour, il note : « Je crois faire de sérieux progrès intérieurs.

171. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Joseph Delorme en était ; il en avait les désirs, les rêves, les passions refoulées, le besoin d’arriver, l’impuissance d’atteindre, l’orgueil intérieur et le découragement amer ; il fut de ceux que les protections d’alors n’apprivoisèrent pas, et qui aimèrent mieux se ronger que s’attiédir. […] Sans doute vers la fin de sa carrière il en était venu à chérir ses amis et à reconnaître Dieu ; mais c’était chez lui amitié domestique et religion presque mystique ; c’était une tendresse de solitaire pour quelques êtres absents et un mouvement de piété monacale vers le Dieu intérieur.

172. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

d) Personnages : a′) extérieur : * Simples ; beauté, laideur absolues ** Doubles ; beauté sinistre, laideur bonne *** Beaux costumes, belles loques, coloris b′) intérieur : * Âmes simples à répétition d’actes ** Âmes doubles à actes antithétiques *** Âmes doubles par volte-faces subites c) Sujets abstraits : a′) Vers à propos de rien, sujets nuls b′) Sujets indifférents, vers à propos de tout, versatilité c′) Développement de lieux communs d′) Humanitarisme, socialisme, optimisme, idéalisme et panthéisme vagues e′) Aspects grandioses, mystérieux ou bizarres, de la légende, de l’histoire ou de la vie. […] Hypothèse explicative : existence chez Victor Hugo d’une surabondance de mots restreignant le nombre des idées sensuelles, des percepts, et créant par contre des idées verbales, des concepts, ayant les caractères du mot même, dont elles sont le retentissement intérieur.

173. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Rien ne le troublerait dans sa profonde et austère contemplation ; ni le passage bruyant des événements publics, car il se les assimilerait et en ferait entrer la signification dans son œuvre ; ni le voisinage accidentel de quelque grande douleur privée, car l’habitude de penser donne la facilité de consoler ; ni même la commotion intérieure de ses propres souffrances personnelles, car à travers ce qui se déchire en nous on entrevoit Dieu, et, quand il aurait pleuré, il méditerait. […] Plusieurs pièces de ce volume montreront au lecteur que l’auteur n’est pas infidèle à la mission qu’il s’était assignée à lui-même dans le prélude des Voix intérieures : Pierre à pierre, en songeant aux croyances éteintes.

174. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Il en est ainsi pour l’âme et le cerveau : celui-ci pourra être dans un grand nombre de cas, et à juger les choses très grossièrement, la mesure et l’expression de celle-là ; mais il arrivera aussi que les rapports seront renversés, et, que l’on ne trouvera pas dans l’instrument une mesure exacte pour apprécier la valeur de l’artiste intérieur qui lui est uni. […] La force intérieure, secrète, première, leur échappe, et ils n’atteignent que des symboles grossiers et imparfaits.

175. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

« L’amour veut être libre et dégagé des affections de la terre, de peur que sa lumière intérieure ne se trouve offusquée, et qu’il ne se trouve ou embarrassé dans les biens, ou abattu par les maux du monde. […] « Étendez mon cœur, afin qu’il vous aime davantage, et que j’apprenne, par un goût intérieur et spirituel, combien il est doux de vous aimer, de nager et de se perdre, pour ainsi dire, dans cet océan de votre amour.

176. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

On veut y voir, pour l’ordinaire, un drame de la conscience, une de ces tragédies intérieures qui mirent, certain soir, le pauvre Jouffroy dans un état si propre à la composition littéraire. […] Un Renan, un Stendhal ne se préoccupent que de leur développement intérieur.

177. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Vos intérieurs pompéiens auront pour amateurs des curieux qui bâtissent des villas antiques. […] Aucune doctrine, aucune discipline, aucune crise intérieure, aucune contrainte extérieure n’ont altéré l’équilibre de sa vie. […] Toute l’organisation intérieure, et pour ainsi dire tout le jeu dynamique de l’édifice, devient visible au premier coup d’œil. […] Revenons maintenant dans l’intérieur de chaque État, et notamment de la France. […] Souvent il l’a vu, et le décrit tel qu’il l’a vu dans son intérieur, avec son costume, son geste, sa physionomie.

178. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

C’est d’abord la perte du rythme intérieur, qui permet d’approcher, dans tous les domaines, la vérité et la beauté. […] La méconnaissance de ce rythme intérieur est un des solides piliers de la bêtise. […] Il importe que le bienfait intérieur n’en soit pas perdu. […] La volonté peut modifier les phénomènes héréditaires, en agissant sur les images intérieures. […] Il a obscurci la liberté intérieure, qui permet de discerner et d’éviter les chimères sanglantes.

179. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

1835 Le talent de poésie tel qu’on aime à se le figurer, de poésie lyrique principalement, semble n’être départi à quelques êtres privilégiés que pour rendre avec harmonie les sentiments dont leur âme est émue, l’expression ne faisant que suivre en modération ou en énergie le soupir intérieur, comme la gaze suit les battements du sein, comme la voile se prête au vent. […] Un équilibre naturel, aux larges ondes, règne à souhait entre la source intérieure et l’expansion du dehors. […] c’est surtout fatigue et ride intérieure, Et sentiment d’un joug difficile à tirer.

180. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Dans une autre lettre qu’on va lire, on verra qu’il a pratiqué l’une de leurs maximes, et que s’il a prononcé à haute voix la formule de ses vœux comme bénédictin, il se vante d’y avoir ajouté tout bas les restrictions intérieures qui devaient un jour l’autoriser à les rompre. […] Si les hommes le connoissoient comme lui, ils sauroient que de malheureuses affaires m’avoient conduit au noviciat comme dans un asile, qu’elles ne me permirent point d’en sortir aussitôt que je l’aurois voulu, et que, forcé par la nécessité, je ne prononçai la formule de mes vœux qu’avec toutes les restrictions intérieures qui pouvoient m’autoriser à les rompre. […] PREVOST, A La Haye, 10 novembre 1731. » La naïveté avec laquelle Prévost confesse à son ami ses restrictions intérieures , ménagées à travers ses vœux, et s’en autorise comme d’une précaution toute simple, est bien propre à faire sourire ; l’élève de La Flèche s’y découvre ingénument.

181. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Ils y prêchoient le renoncement entier à soi-même, le silence de l’ame, l’anéantissement de toutes ses puissances, le culte intérieur, une indifférence totale pour la vie ou la mort, pour le paradis ou l’enfer. […] Elle prophétisa que tout l’ enfer se banderoit contr’elle  ; que la femme seroit enceinte de l’esprit intérieur, mais que le dragon se tiendroit debout devant elle . […] Quel cerveau que celui d’une femme qui « épouse Jésus-Christ dans une des ses extases ; qui suffoque de la grace intérieure, & qu’on étoit obligé de délacer ; qui se vuide (à ce qu’elle disoit) de la surabondance de graces, pour en faire enfler le corps de l’élu assis auprès d’elle » !

182. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

En premier lieu leur pays est situé dans l’intérieur des terres, et nous démontrerons dans ce livre que les peuples habitèrent d’abord les contrées méditerranées et ensuite les rivages. […] Tite-Live dit aussi que pendant ce règne de Servius Tullius, où l’intérieur de l’Italie était encore barbare, il eût été impossible que le nom même de Pythagore pénétrât de Crotone à Rome à travers tant de peuples différents de langues et de mœurs. […] On sent ce qu’ont de sérieux ces communications entre les premiers peuples, qui, à peine sortis de l’état sauvage, vivaient ignorés même de leurs voisins, et n’avaient connaissance les uns des autres qu’autant que la guerre ou le commerce leur en donnait l’occasion.Ce que nous disons de l’isolement des premiers peuples s’applique particulièrement aux Hébreux. — Lactance assure que Pythagore n’a pu être disciple d’Isaïe. — Un passage de Josèphe prouve que les Hébreux, au temps d’Homère et de Pythagore, vivaient inconnus à leurs voisins de l’intérieur des terres, et à plus forte raison aux nations éloignées dont la mer les séparait. — Ptolémée Philadelphe s’étonnant qu’aucun poète, aucun historien n’eût fait mention des lois de Moïse, le juif Démétrius lui répondit que ceux qui avaient tenté de les faire connaître aux Gentils, avaient été punis miraculeusement, tels que Théopompe qui en perdit le sens, et Théodecte qui fut privé de la vue. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.

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