Ils ont besoin de jouir du beau ; ils veulent être heureux par les yeux ; ils sentent naturellement par contre-coup le relief et l’énergie de toutes les formes. […] Ils sont heureux de contempler de belles choses et souhaitent seulement qu’elles soient le plus belles possible. […] Ils nous effleurent, et nous nous trouvons tout heureux d’être dégagés de la croyance qui nous alourdit. […] Et que signifient les disparates dans l’heureuse et sublime illusion du rêve ? […] Nous devenons crédules et heureux par contagion et autant que lui.
nous disait Julie, le coude appuyé sur la table du soir et le menton dans sa main, encore pâle d’enthousiasme et l’œil brillant ; voyez si ce n’est pas heureux qu’il ait eu foi en lui-même ? […] C’est un monde heureux et plus élevé dans la sphère de l’esprit que le nôtre. […] Du milieu plus pur et plus heureux qu’ils habitent désormais, il leur plaît peut-être de jeter les yeux, ce jour-là, sur leurs anciennes demeures et d’écouter parler leurs fidèles amis. […] Heureuse fatalité sans doute ! […] Elle a eu des éléments de sécurité, de calme et de puissance appropriés à l’influence heureuse qu’elle devait exercer.
Ailleurs, c’est le grillon du foyer qui chante toutes les joies domestiques, et ramène sous les yeux du maître désolé les heureuses soirées, les entretiens confiants, le bien-être, la tranquille gaieté dont il a joui et qu’il n’a plus. […] Si le personnage est heureux, il faut que les pierres, les fleurs et les nuages le soient aussi ; s’il est triste, il faut que la nature pleure avec lui. […] Si parfois il oublie de donner les verges au prochain, s’il essaye de s’amuser, s’il se joue, il n’en est pas plus heureux. […] Pour être heureux, il faut être léger comme un Français du dix-huitième siècle, ou sensuel comme un Italien du seizième ; il ne faut point s’inquiéter des choses ou en jouir. […] David est aimé par sa mère et par une brave servante, Peggotty ; il joue avec elle dans le jardin ; il la regarde coudre, il lui lit l’histoire naturelle des crocodiles ; il a peur des poules et des oies qui se promènent dans la cour d’un air formidable : il est parfaitement heureux.
Voltaire seul, dans les temps modernes, a autant écrit ; mais Voltaire, maître, pendant une longue vie, de ses heureux loisirs, n’était ni orateur dans les causes privées, ni orateur dans les causes publiques, ni proconsul, ni général d’armée, ni consul, ni lieutenant de Pompée, ni négociateur avec César, ni accusateur de Catilina, ni sauveur de la patrie, ni proscrit, ni victime des triumvirs. […] En effet, quoique la mort de Crassus ait excité de justes regrets, qui ne la trouve pas heureuse, en se rappelant le sort de tous ceux qui, dans ce séjour de Tusculum, eurent avec lui leur dernier entretien ? […] « Heureux encore une fois Crassus, qui n’a point vu son proche parent Publius, citoyen du plus grand courage, mourir de sa propre main ; la statue de Vesta teinte du sang de son collègue, le grand pontife Scévola, ni l’affreuse destinée de ces deux jeunes gens qui s’étaient attachés à lui : Cotta, qu’il avait laissé florissant, peu de jours après, déchu de ses prétentions au tribunat par la cabale de ses ennemis, et bientôt obligé de se bannir de Rome ; Sulpicius, en butte au même parti, Sulpicius, qui croissait pour la gloire de l’éloquence romaine, attaquant témérairement ceux avec qui on l’avait vu le plus lié, périr d’une mort sanglante, victime de son imprudence et perdu pour la république ! […] « Quoique rien ne soit plus à désirer pour l’homme qu’une félicité toujours égale et constante, qu’une vie dont le cours ne soit troublé par aucun orage, toutefois, si tous mes jours avaient été purs et sereins, je n’aurais pas connu ce bonheur délicieux, ce plaisir presque divin, que vos bienfaits me font goûter dans cette heureuse journée. […] Que si le ciel nous laisse notre dernière heure inconnue, tenons-nous dans une telle disposition d’esprit que ce jour, si terrible pour les autres, nous paraisse heureux.
Alexandre imite cet enthousiasme sublime de l’amour heureux dans ces paroles à Cléofile, moins connue que Chimène : Par des faits tout nouveaux je m’en vais vous apprendre Tout ce que peut l’amour dans le cœur d’Alexandre : Maintenant que mon bras, engagé sous vos lois, Doit soutenir mon nom et le vôtre à la fois, J’irai rendre fameux, par l’éclat de la guerre, Des peuples inconnus au reste de la terre, Et vous faire dresser des autels en des lieux Où leurs sauvages mains en refusent aux dieux13. […] Les héros de Corneille, pour s’être mis au-dessus des faiblesses humaines, sortent de ses tragédies pleins de vie et heureux. […] Il voulait voir son œuvre à nu, sans ornements, pour en mieux suivre le plan, et pour qu’aucun moyen de métier ne se glissât sous le déguisement de vers heureux. […] Corneille n’est pas toujours maître de ce qu’il écrit ; il en fait un naïf aveu dans ces vers, d’une pièce à Mazarin : Certes, dans la chaleur que le ciel nous inspire, Nos vers disent souvent plus qu’ils ne pensent dire ; Et ce feu, qui sans nous pousse les plus heureux, Ne nous explique pas tout ce qu’il fait pour eux. […] Mes réflexions paraissaient fort goûtées, et j’étais heureux de pouvoir faire honneur à Racine d’un silence que n’interrompait aucune remarque.
Tout cela est raconté dans un petit livre intitulé L’heureux Esclave, qui est le récit d’un séjour aux côtes Barbaresques par un sieur de la Martinière, qui avait été pris par les corsaires de Salé. […] Voilà une heureuse découverte. […] Le couple incestueux est parfaitement heureux, se roule avec délices dans sa bauge, quand le mari les surprend. […] Chateaubriand lui trouva du génie, Vigny l’aima ; Lamartine, toujours un peu morose, l’admirait, tout en la trouvant trop gaie, car cette poétesse était de l’humeur la plus riante et sembla toujours plus heureuse qu’éblouie de sa gloire. […] Le mot est heureux, mais la question est précisément de savoir si le sentiment n’a pas le droit, lui aussi, de prendre ses ébats dans un jardin et d’y venir rêver.
Étant déterministe, il n’hésitait pas à reporter à la divinité, d’une façon plus ou moins formelle, l’honneur de ses pensées les plus heureuses, soit en matière de spéculation, soit en matière pratique ; toute spontanéité était à ses yeux une inspiration quand elle donnait naissance à quelque chose de beau et de bien ; comment surtout n’aurait-il pas reconnu à ses idées une origine divine, quand elles étaient relatives à l’avenir, chose cachée aux mortels, et que l’événement les confirmait ? […] Surprendre un aparté, recevoir à l’improviste la confidence involontaire d’un taciturne, dérober un secret soigneusement caché sans être soi-même indiscret, voir à nu dans une exclamation le vrai caractère ou la passion maîtresse d’un politique, ce sont là de petits événements qui font pour une soirée la joie d’un observateur ; un moraliste en tire un portrait, un auteur comique l’idée d’une scène heureuse ou d’un caractère nouveau. […] Il s’admira rentrant chez lui, annonçant la nouvelle à ses filles, les conduisant le soir au théâtre, pour fêter cet heureux jour », etc223. […] Mais cette heureuse habitude de la mémoire est acquise ; chez beaucoup, elle n’existe pas ; chez personne elle n’est absolument parfaite. […] Dans cette nouvelle, un jeune homme, Gilbert, commence à s’intéresser à la jeune comtesse Emmeline qui ne semble pas très heureuse dans son mariage avec M. de Marsan, et après la scène citée par Egger où songeant à elle, il heurte un passant au carrefour Bussy « à qui il venait de dire tout haut : ‘Si je vous le disais, pourtant, que je vous aime ?’
Déjà l’Ecclésiaste avait déclaré « les morts, qui sont morts depuis longtemps, plus heureux que les vivants demeurés vivants jusques ici. Mais plus heureux que les uns et les autres celui qui n’est pas arrivé dans cette vie244 ». […] Heureux qui d’un seul bond s’engloutirait en elle ! […] Les différents voyages qu’il accomplit en pays étrangers furent pour son âme la source de joies immenses et immédiates ; en Russie, à Venise, en Espagne il respira comme dans son élément, se déclara heureux et n’abandonna jamais ce bonheur qu’avec tristesse. […] En réalité, il ne fit ni l’un ni l’autre ; son influence, si tant est qu’elle soit appréciable, ne fut ni si mauvaise ni si heureuse, et la justice impartiale considérera sa doctrine moins à titre de cause que simplement à titre d’effet.
Il eût aperçu, dans ses songes, une Grèce aimable, heureuse de vivre, maîtresse d’éloquence et de sagesse, mais parée et rieuse comme une reine d’Orient. […] Il songea au mort qui, avant de dormir dans ce cercueil de basalte, avait vécu heureux parmi les acacias, les dattiers et les sycomores. […] Paul Hervieu sur l’heureuse physionomie des noms qu’il attribue à ses personnages. […] L’auteur, personnage notable, membre de la Chambre des communes, bon pied, bon œil, bonne fourchette, se déclarait parfaitement heureux. […] — « Le plus heureux jour de ma vie, dit le vieux French, est celui où j’ai tué ton fils aîné.
Il me disait quelquefois : « Que vous êtes heureux d’avoir un coin pour vous reposer et travailler ! […] Il suffisait qu’il lui arrivât quelque chose d’heureux pour qu’il craignît une expiation. […] Merci, monsieur, vous avez fait un heureux. […] Il paraît qu’il n’est pas très heureux, et qu’il a besoin qu’on lui vienne en aide. […] Il paraît qu’il n’est pas très heureux, et qu’il a besoin qu’on lui vienne en aide.
Le monde va dîner joyeusement, et tout autour de soi, l’on perçoit le bavardage sur les heureux détails du combat d’aujourd’hui. […] P… Je lui disais qu’il serait bien heureux que la prochaine assemblée se rationnât d’avocats, de marchands de verbe et de mots creux. […] Il y a une place de conseiller vacante, je crois que cette nomination le rendrait très heureux. […] Je n’ai vraiment pas été heureux jusqu’à ce jour. […] Sur les visages, comme l’annonce d’un événement heureux.
Ce crayon a paru suffisamment ressemblant et d’une touche très heureuse.
Et riant, conversant de rien, de toute chose, Retenant la pensée au calme qui repose, On voyait le soleil vers le couchant rougir, Des saules non plantés les ombres s’élargir, Et sous les longs rayons de cette heure plus sûre S’éclairer les vergers en salles de verdure, Jusqu’à ce que, tournant par un dernier coteau, Nous eûmes retrouvé la route du château, Où d’abord, en entrant, la pelouse apparue Nous offrit du plus loin une enfant accourue13, Jeune fille demain en sa tendre saison, Orgueil et cher appui de l’antique maison, Fleur de tout un passé majestueux et grave, Rejeton précieux où plus d’un nom se grave, Qui refait l’espérance et les fraîches couleurs, Qui sait les souvenirs et non pas les douleurs, Et dont, chaque matin, l’heureuse et blonde tête, Après les jours chargés de gloire et de tempête, Porte légèrement tout ce poids des aïeux, Et court sur le gazon, le vent dans ses cheveux.
Ce petit canton heureux et florissant, qui depuis quinze ans était un modèle d’ordre, de bien-être, de culture intellectuelle et morale, a été brusquement bouleversé.
Celui-ci a, de nouveau, fait preuve d’esprit dans le détail, d’un tour heureux dans la versification, de ressources fréquentes dans le dialogue ; mais les caractères d’une part, et de l’autre la contexture même de la pièce, font défaut.
Il est des auteurs plus heureux à qui l’on ne saurait prédire autant.
Il est heureux quand sa honte ne lui survit pas.
Ce dernier trait, je suis heureux de le dire, ne me paraît guère exagéré.
Quatrièmement, elles leur donnaient la facilité d’exposer les idées philosophiques les plus sublimes en se servant des expressions des poètes, héritage heureux qu’ils avaient recueilli.
Son domaine s’est agrandi de mille excursions heureuses à travers les littératures étrangères, où se sont développées deux facultés naturelles à l’esprit français : l’expansion et l’assimilation. […] Pendant trente-trois ans, nous avons été trop heureux et trop libres, et notre bonheur nous a aveuglés pendant que notre liberté nous égarait. […] Et quelle sombre folie de venir ainsi troubler le repos, les joies, les fêtes des spirituels et des heureux ! […] Un heureux hasard, une visite chez un cher et éminent poëte où tout charme et ravive l’imagination et le cœur, a mis entre nos mains ce petit volume de M. […] Heureux cependant les Génevois, si Voltaire avait borné à quelques représentations théâtrales ou même à quelques lignes compromettantes d’un dictionnaire philosophique les charges et les périls de son alliance ou de son voisinage !
Gabriel de Chénier, nous ont permis de rechercher et de transcrire ce qui nous a paru convenable dans le précieux résidu de manuscrits qu’il possède ; c’est à lui donc que nous devons d’avoir pénétré à fond dans le cabinet de travail d’André, d’être entré dans cet atelier du fondeur dont il nous parle, d’avoir exploré les ébauches du peintre, et d’en pouvoir sauver quelques pages de plus, moins inachevées qu’il n’avait semblé jusqu’ici ; heureux d’apporter à notre tour aujourd’hui un nouveau petit affluent à cette pure gloire ! […] C’est peut-être au lendemain même de ce dernier ïambe rutilant, que le poëte, en quelque secret voyage à Versailles, adressait cette ode heureuse à Fanny : Mai de moins de roses, l’automne De moins de pampres se couronne, Moins d’épis flottent en moissons, Que sur mes lèvres, sur ma lyre, Fanny, tes regards, ton sourire, Ne font éclore de chansons. […] N’est-ce pas une heureuse traduction du prosaïque interior angulus, et fouillant pour intelligit ?
Cependant, si de plus près, et sans se borner aux résultats extérieurs qui ne reproduisent souvent l’individu qu’infidèlement, on examine et l’on étudie en eux-mêmes les esprits distingués108 dont nous parlons, que de talents heureux, originaux ! […] Jouffroy en était, en ces années-là, à cette période heureuse où luit l’étoile de la jeunesse, à la période de nouveauté et d’invention ; il se sentait, à l’égard de chaque vérité successive, dans la fraîcheur d’un premier amour ; depuis, il se répète, il se souvient, il développe. […] Trop heureux si, derrière notre pierre, le lâche et le méchant ne s’abritent pas pour lancer leurs flèches, comme Pâris caché derrière le tombeau d’Ilus !
Quand l’homme est heureux de son loisir et de son travail, il chante ; c’est l’enthousiasme du bien-être qui lui donne alors la mélodie et le diapason ; c’est Dieu lui-même qui a composé cette musique universelle qui cherche ses notes dans les émotions inarticulées de l’air écrit dans le cœur, et c’est le cœur qui bat la mesure avec ses vives ou lentes palpitations. […] Dans tous les pays l’amant chante sous la fenêtre de sa fiancée ; la mère chante près du berceau de son enfant ; la nourrice chante en souriant à l’oreille de son nourrisson pour le bercer ou l’endormir ; les couples heureux de jeunes hommes et de belles filles, destinés les uns aux autres par leurs parents, chantent en se tenant par le bout des doigts, en revenant le soir des veillées dans l’étable aux lueurs de la lune, sous les orangers de la Sicile ou sous les pins ténébreux de l’Helvétie. […] » me dit-il en souriant, « nous allons faire deux heureux et bien des envieux.
On aurait été heureux de me la voir commettre : il est si doux de déshonorer un ennemi ! […] « Il faut, dis-je à mes amis, confidents de ma pensée, il faut écrire pour ce peuple, dans une histoire impartiale, morale et pathétique à la fois, le commentaire vivant de sa première révolution, un Machiavel français, non dans l’esprit du Machiavel italien, mais dans l’esprit d’un Tacite moderne ; il faut prouver, par tous les faits de cette révolution, qu’en histoire, comme en morale, chaque crime, même heureux un jour, est suivi le lendemain d’une véritable expiation ; que les peuples, comme les individus, sont tenus de faire honnêtement les choses honnêtes ; que le but ne justifie pas les moyens, comme le prétendent les scélérats de théorie ou les fanatiques de liberté illimitée et de démagogie populacière ; que les plus justes principes périssent par l’iniquité des actes ; que la conscience ne subit pas d’interrègnes ; que la Providence est toujours là pour la venger, et que, si la Révolution de 1793 a noyé les plus belles pensées philosophiques dans le sang, c’est qu’elle est tombée des lèvres des philosophes dans les mains des tribuns, et des mains des tribuns dans les mains des Sylla et des César, lavant le sang dans le sang, et restaurant facilement la tyrannie, que les sociétés préfèrent justement aux crimes. […] La guerre étrangère paraît une heureuse diversion aux hommes d’État ; on impute au roi ses premiers revers.
Sophie était fille d’un seigneur champenois ; Juliette n’était qu’une bergère obscure que Clotilde avait rencontrée dans les montagnes voisines de sa terre de Vessau, et dont elle cultiva les dispositions heureuses. […] Tout ce qu’à payne en obtiennent humains À force d’art, de labeur et d’adresse, De soy pondoit soubz leurs heureuses mains : Lors de soulcy n’eurent que leur tendresse ; Et cependant vivoyent dix fois plus Que ne faizons ! […] L’air au loing en mugist : Ludovic, aux aboys, Palist, tombe et s’escrye : « Ô trop heureuse France, « Rien n’est tel qu’ung héroz soubz la pourpre des roys !
Goethe cependant l’avait précédé de bien des années ; mais Goethe, dans une vie plus calme, se fit une religion de l’art, et l’auteur de Werther et de Faust, devenu un demi-dieu pour l’Allemagne, honoré des faveurs des princes, visité par les philosophes, encensé par les poètes, par les musiciens, par les peintres, par tout le monde, disparut pour laisser voir un grand artiste qui paraissait heureux, et qui, dans toute la plénitude de sa vie, au lieu de reproduire la pensée de son siècle, s’amusait à chercher curieusement l’inspiration des âges écoulés ; tandis que Byron, aux prises avec les ardentes passions de son cœur et les doutes effrayants de son esprit, en butte à la morale pédante de l’aristocratie et du protestantisme de son pays, blessé dans ses affections les plus intimes, exilé de son île, parce que son île antilibérale, antiphilosophique, antipoétique, ne pouvait ni l’estimer comme homme, ni le comprendre comme poète, menant sa vie errante de grève en grève, cherchant le souvenir des ruines, voulant vivre de lumière, et se rejetant dans la nature, comme autrefois Rousseau, fut franchement philosophe toute sa vie, ennemi des prêtres, censeur des aristocrates, admirateur de Voltaire et de Napoléon, toujours actif, toujours en tête de son siècle, mais toujours malheureux, agité comme d’une tempête perpétuelle ; en sorte qu’en lui l’homme et le poète se confondent, que sa vie intime répond à ses ouvrages ; ce qui fait de lui le type de la poésie de notre âge. » Ainsi ce que madame de Staël, qui n’avait devant les yeux que Goethe, déplorait comme étant une maladie et n’étant qu’une maladie, nous, en contemplant Byron, chez qui cette maladie est au comble, nous ne le déplorions pas moins, mais nous le regardions comme un mal nécessaire, produit d’une époque de crise et de renouvellement. […] « Si, disions-nous, la poésie ne faisait pas entendre aujourd’hui ce concert de douleur qui annonce le besoin d’une régénération sociale ; si elle ne jetait pas ainsi, dans toutes les âmes capables de la sentir, le premier germe de cette régénération ; si elle ne versait pas dans ces âmes, avec la douleur de ce qui est, le désir de ce qui doit être, elle ne serait pas, ce qu’elle a toujours été, prophétique. » Poursuivant partout ce caractère de la poésie de notre temps, nous le montrions jusque chez les écrivains qui alors affectaient le calme d’artistes heureux, satisfaits du présent et des dons accordés par le ciel à leur génie, ou qui se rattachaient à un passé qui a été grand, mais qui ne peut plus être. […] Ce ne sont plus, comme dans les siècles précédents, quelques accents délicats et purs, quelques retours heureux à l’antiquité, de l’analyse et de l’éloquence ; c’est la poésie elle-même qui a paru.
Certes il s’était passé beaucoup d’événements depuis 1849 ; quelques-uns fâcheux, quelques-uns heureux. […] Même dans l’Assommoir où Zola a de si heureuses trouvailles d’expressions familiales et populaires, il lui faut retourner à cette langue sacerdotale, solennelle, pédante, et faire éclater comme des chants d’enterrement au milieu des scènes bigarrées, pleines de vivacité et de mouvement. […] Il y a dix, vingt, trente esprits par le monde que Nietzsche peut rendre heureux, qui trouveront en lui encouragement pour leurs propres pensées, et une consolation de leur solitude spirituelle.
L’œuvre de Bayreuthal (suite) Extraits de lettres anciennes à des amis 13 novembre 1871 : « Que l’affaire suive donc son cours, et que l’Allemand montre qu’il sait enfin donner l’attention nécessaire à une branche de l’art public si honteusement négligée, et même temps d’une influence illimitée, et à laquelle je voue ma vie. » 19 mai 1871 : « Avant tout je suis heureux d’obtenir ce que nous nous proposons par un accord vraiment amical, et je m’efforce pour cela d’exclure tout élément étranger, hostile ou nuisible, Personne ne sera attiré par nous qui ne conçoive pleinement ce dont il s’agit ; les faits mêmes parleront à ceux qui n’auront pas compris. […] « Je tiens décidément à l’avant-fête du 22 mai ; de son indubitable et heureux succès résultera, je crois, un vif progrès dans notre grande entreprise. […] « Il m’a été impossible de serrer la main, en leur disant adieu, à chacun des membres de cette superbe réunion d’artistes qui, dans ces heureux jours de mai, venant de maintes contrées lointaines, se sont groupés autour de moi pour célébrer notre grand Beethoven, et il m’est également difficile maintenant de leur adresser, même par écrit, ce salut d’adieu.
Toute cette théorie de l’association des idées, par exemple, n’est pas simplement ingénieuse, elle est vraie par un côté, et féconde en explications heureuses, du moment qu’il ne s’agit que de connaître les antécédents et les conditions d’un phénomène donné. […] Toute lutte a cessé, et la volonté, heureuse d’un empire facile, gouverne presque sans y penser, et fait des prodiges avec un abandon plein de grâce. […] Aussi tout ce qu’elle fait est plein et achevé28. » Qui ne reconnaît à ce tableau les heureux moments de sa vie où il s’est senti en pleine possession de lui-même, maître incontesté, sinon absolu, dans son empire ?
Le dénouement. — « Naturel plaisant, et regardé comme un des plus heureux qu’on ait vu, disent Bret, Riccoboni et Voltaire. » Nous ne sommes pas entièrement de cet avis. […] — Au contraire, je l’exige ; et ce titre, garant de la plus grande délicatesse, promet un mélange heureux de surprise, de ravissement, de transports, de retenue, sans lequel la situation d’Isabelle, celle du tuteur et la vôtre, n’auraient plus rien de piquant. […] Magnifico a dessein de marier sa fille ; il consulte Célio ; celui-ci croit d’abord que Magnifico veut le rendre heureux : il voit ensuite qu’il est question d’un autre époux. […] Il est clair que la première nouvelle a fourni à Molière l’intrigue et les situations les plus piquantes de sa pièce ; mais je ne crois pas ses larcins également heureux. […] Le dénouement. — Très bon, puisque le personnage ridicule, bien excédé, bien mortifié, bien alarmé, se trouve trop heureux de prendre la fuite, en payant le fripon qui, sous le nom d’exempt, doit l’entraîner au-delà des frontières.
Sa conversation, plus riche d’idées fortes que de mots heureux, est tout unie. […] Va-t-il être heureux ? […] ce qu’ils sont heureux ! […] Qu’est-ce donc qui les empêche d’être désormais heureux l’un par l’autre ? […] Mais auprès de lui elle ne se sent pas heureuse.
Ainsi l’ombre, à la fin du jour, grandit, mais ne quitte pas le pied de l’arbre. » — « Voilà un homme heureux. […] Ferdinand Herold ne m’a pas paru moins heureuse. […] que je suis donc heureux qu’un si bon oncle soit mon père, et que mon ancien père reste mon oncle ! […] Et elle est très heureuse d’être au monde, parce qu’elle a un beau mari et qu’elle espère avoir bientôt un bel enfant. […] Et je suis heureux de finir sur cet éloge.
L’un de ces heureux chercheurs, M. […] Emile Montrégnt, dans ses Souvenirs de Bourgogne, l’en a même loué comme de l’une de ses inventions les plus heureuses. […] si l’application qu’on fait de ces moyens ne paraît pas toujours heureuse, la maladresse de l’ouvrier, significative de son pouvoir, ne l’est-elle pas de lui-même ? […] Aux auteurs dramatiques et aux romanciers, c’est lui qui a rendu cet heureux courage de soutenir des « thèses », qu’ils avaient perdu depuis George Sand et depuis Victor Hugo M. […] Car, l’idée de ce Dictionnaire était heureuse, et le titre en est excellent.
puis il proclame sa fierté de n’avoir pas suivi l’exemple de la mer, de n’avoir pas demandé la gloire à d’heureuses réminiscences, à de hardis plagiats. […] Celle-ci est la première à laquelle il ait pensé ; il lui donne sur le vitrail la plus belle place, heureux d’écrire une fois de plus ce mot dont il subit le charme. […] C’est un chasseur singulièrement heureux et privilégié, car, seul, entre tous ses confrères, il ne rapporte, bêtes et bestioles, que d’inédites proies. […] Tel son système de vers français basés sur l’accent tonique ; il est vrai que le résultat, souvent manqué, car les langues ont, elles aussi, une logique assez impérieuse, était parfois heureux et inattendu avec des « hexamètres » comme celui-ci. […] Il observa les faits religieux avec la peur d’en être dupe et l’espoir qu’ils seraient absurdes ; il a été pris dans les mailles mêmes du credo-quia-absurdum, — victime heureuse de sa curiosité.
Jacquemont le prit de bien plus haut avec Sa Majesté chinoise, et fut aussi plus heureux. […] Runjet-Sing n’est pas un roi très légitime ; c’est un soldat heureux. […] Voilà Runjet-Sing ; dans le Punjaub, c’est un homme heureux ; roi absolu, général habile, exacteur effronté, ayant une armée de 40 000 hommes, un budget de 50 millions, un cuisinier à l’épreuve et les plus mauvaises mœurs du monde. […] Et notre père, comme il sera heureux ! […] Dans le Secrétaire intime il y a une femme mariée qui aime son mari, qui est heureuse en ménage ; c’est la princesse de Cavalcanti.
Quand on commence, comme les Bénédictins, à Pythéas, le navigateur grec de Marseille, antérieur de 400 ans environ à Jésus-Christ, qui se dirigea au Nord à la recherche de la mystérieuse Thulé, et qui racontait tant de choses et si merveilleuses, qu’il passa en son temps pour menteur, comme Marco Polo dans le sien, et qu’on lui appliquait déjà le proverbe : A beau mentir, qui vient de loin ; quand on s’arrête à montrer les premiers établissements des Romains dans le midi de la Gaule, qu’on énumère les nombreux rhéteurs et grammairiens latins que produisit cette contrée, dès lors si prompte au beau langage : qu’on n’omet ni Marc-Antoine Gniphon, qui tint école à Rome, l’un des maîtres de César, et qui eut Cicéron pour auditeur ; — ni Valère Caton, le grammairien et le poète, que les Romains, novices encore à l’harmonie, avaient surnommé la Sirène latine, pour son talent de lire les poètes et de les former, qui faisait lui-même d’assez beaux vers, assez énergiques et touchants (il avait été dépossédé de son champ par les vétérans, cela l’inspira), et qu’a imité Virgile ; — quand on est heureux de rencontrer sur son chemin le grand comédien honnête homme Roscius, sous prétexte qu’il naquit dans la Narbonnaise ; — quand on embrasse ce cadre et qu’on tient à le remplir en détail, on écrit tout simplement un livre intéressant qui comprend une riche province de la culture latine, une province entièrement romaine depuis César. […] Si l’on ajoute à ces noms celui de Domitius Afer, l’heureux et habile avocat des mauvaises causes, éloquent jusqu’à faire ombrage à Caligula (comme Lucain poète faisait ombrage à Néron), trop perdu de mœurs, trop aisément accusateur, démentant le vir probus dicendi peritus, mais qui garde auprès de la postérité le mérite d’avoir eu pour disciple Quintilien ; — Marcus Aper, célèbre à meilleur titre, l’honneur du barreau sous Vespasien, qui joue un grand rôle et le principal dans le Dialogue sur la corruption de l’éloquence, dont quelques personnes même l’ont cru auteur, tant il y plaidé bien la cause des modernes ; — le sophiste Favorinus, né à Arles, célèbre dès le règne de Trajan, en haut crédit et en faveur sous Adrien, et le maître d’Aulu-Gelle ; qui parlait disertement sur tous sujets, qui fit en plaisantant l’éloge de la fièvre quarte (il écrivait en grec), mais qui ne portait pas seulement de l’esprit, qui avait quelquefois de la raison dans les thèses paradoxales qu’il soutenait ; — Fronton, le maître de Marc-Aurèle, dont les lettres retrouvées par M. […] Je n’imagine pas que, hormis la théologie polémique, il y ait rien d’aussi rebutant que cette étude : il est heureux que quelques gens veuillent s’y adonner, et je loue fort les Du Cange et Muratori qui, se dévouant comme Curtius, se sont précipités dans ce gouffre ; mais je serais peu curieux de les imiter22. […] Littré, « une érudition quelquefois paradoxale, souvent heureuse, toujours spirituelle. » En in mot, Génin a quelquefois raison avec esprit sur des points particuliers28.
Le dernier adieu de mon vieux mari fut de m’engager à lui survivre longtemps et à me faire une vie heureuse. » Avec les femmes surtout, c’est peu d’être poli, il faut être galant. […] Mme de Civrac étant obligée d’aller aux eaux, ses amis entreprennent de la distraire pendant le voyage ; ils la devancent de quelques postes, et, dans tous les endroits où elle vient coucher, ils lui donnent une petite fête champêtre, déguisés en villageois, en bourgeois, avec bailli, tabellion et autres masques qui chantent et disent des vers Une dame, la veille de Longchamps, sachant que le vicomte de V… a deux calèches, lui en fait demander une ; il en a disposé, mais il se garde bien de s’excuser, et sur-le-champ il en fait acheter une de la plus grande élégance, pour la prêter trois heures : il est trop heureux qu’on veuille bien lui emprunter quelque chose, et sa prodigalité paraît aimable, mais n’étonne pas. […] Dupin de Francueil entretient « une troupe de musiciens, de laquais, de cuisiniers, de parasites, de chevaux et de chiens, donnant tout à pleines mains, au plaisir et à la bienfaisance, voulant être heureux et que tout le monde le soit autour de lui », sans vouloir compter et jusqu’à se ruiner le plus aimablement du monde. […] Six cents paysans et les gardes rangés en file forment le matin une chaîne longue d’une lieue et battent la campagne environnante ; cependant les chasseurs, hommes et femmes, sont postés. « De crainte que les dames n’eussent peur seules, on leur laissait toujours l’homme qu’elles haïssaient le moins, pour les rassurer », et, comme il était défendu de quitter son poste avant le signal, « il devenait impossible d’être surpris » Vers une heure après midi, « la compagnie se rassemblait sous une belle tente, au bord d’un ruisseau ou dans quelque endroit délicieux ; on servait un dîner exquis, et, comme il fallait que tout le monde fût heureux, chaque paysan recevait une livre de viande, deux de pain, une demi-bouteille de vin, et ne demandait qu’à recommencer, ainsi que les dames ».
On le voyait toujours simple et modeste avec une figure si séduisante, ses mœurs étaient pures et irréprochables, son éloquence naturelle était entraînante et irrésistible, on aurait dit qu’il tenait les cœurs dans sa main et les tournait à son gré ; plein de candeur et de franchise, ses lettres et ses entretiens découvraient tout ce qu’il avait dans l’âme, on croyait y lire… » V Heureux en amitié, le jeune poète ne le fut pas moins en amour. […] Lélio et Socrate, deux de ces commensaux des Colonne, y charmèrent les heures de Pétrarque : « Ce sont les moments les plus heureux de ma vie », écrit-il à cette époque. […] La crue des eaux de la fontaine correspondait au 6 avril vers l’équinoxe du printemps, et c’était aussi le 6 avril qu’il fêtait dans son cœur l’anniversaire de sa rencontre avec Laure, et que la crue de ses larmes débordait régulièrement de ses yeux au retour de ce jour heureux ou fatal de sa vie. […] Pétrarque, par une superstition du cœur qui associait la date de son amour à toutes les dates heureuses de sa vie, voulut arriver à Rome le 6 avril.
C’est en effet à ces jours heureux de sa jeunesse que se reportent la conception et la lente exécution de son tableau qu’on peut appeler le portrait de l’Italie : les Moissonneurs. […] Il pouvait prendre cette image de l’extase humaine sous mille aspects, sous mille formes, dans mille attitudes et dans mille scènes plus élevées du drame de la vie : les palais, les temples, les bosquets, les bords des fontaines lui offraient ces images de la félicité ou de la volupté, dans les champs de victoire, dans les triomphes des guerriers ou des orateurs sauveurs de la patrie et idoles des peuples, dans les actes de foi et de culte qui unissent les hommes à Dieu par la piété, cette plénitude de l’âme ; par les langueurs de l’amour heureux, dans les jardins d’Armide et d’Alcine, où le Tasse et l’Arioste enlacent leurs héros dans les bras de beautés ivres de regards. […] L’un d’eux recourbe sur sa tête, en la tenant par la pointe et par le manche, la mince faucille avec laquelle il va faucher les épis mûrs ; c’est le délire du travail heureux, le Te Deum de la vie domestique. […] Mais prenez un enfant, menez-le devant le tableau des Moissonneurs, demandez-lui ce que disent ces deux têtes de buffles attelés au timon. — Ils disent, répondra l’enfant, la fatigue du jour qui se repose et l’obéissance des animaux heureuse d’obéir au jeune bouvier qui caresse de sa main distraite leurs rudes poils entre leurs cornes sur leurs fronts.