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1111. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

III Les Contemplations forment deux volumes qui, selon le compte de M.  […] Et de tout cet amas des globes se formèrent, Et derrière ces blocs naquit la sombre nuit. […] IX Mais, si nous n’avons pas trouvé dans La Légende des siècles le livre rêvé par le poète dans sa préface, si ces petites Épopées n’en formeront jamais une grande et ne sont que des fragments poétiques, des cartons comme le dit M. 

1112. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Cousin, vous auriez singulièrement modifié l’idée qu’on doit se former, pour être juste, d’un critique aussi éloquent, qui a su et entrevu tant de choses, qui nous a ouvert ou entrouvert tant d’horizons. […] La langue française tout nouvellement formée avait besoin de modèles, et les écrivains de cour se chargeaient d’en composer, sous la férule de l’autorité. […] La première partie, qui comprendrait la Régence et le règne de Louis XV, formerait un opéra-comique, dont les paroles et la musique seraient faciles à trouver. […] Telle était la tendance des esprits à l’époque où parut un jeune professeur qui était destiné à réunir tous les rayons projetés sur la France et à en former un corps de doctrine d’une espèce nouvelle, parfaitement adapté du reste à son époque, et digne de la génération qu’il devait contribuer à former. […] Des penseurs audacieux et sincères tels que Michelet, Lamennais, Pierre Leroux, Proudhon étaient des organes tout formés pour absorber l’idéalisme des philosophes d’outre-Rhin.

1113. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Philosophie, lettres, politique, sciences, semblent ne former qu’un seul empire indivisible. […] Mais l’opinion qu’il se formait de l’Univers-Dieu n’a-t-elle pas contribué beaucoup à l’égarer et à le perdre ? […] Par quel miracle formerait-elle en Occident des nations dignes d’être libres ? […] Il a seulement reconnu en lui « de la race » ; il prend, à le former, le même genre d’intérêt qu’à dresser un cheval farouche. […] Tu as toujours écouté mes paroles, et je n’avais pas le temps de former un vœu qu’il était rempli.

1114. (1925) Proses datées

Elle est formée d’une belle penne d’oie un peu courbé, au bec soigneusement taillé qui porté encore des traces d’encre noire. […] Une amie de Mallarmé avait formé le projet de l’acquérir. […] Ils formaient le complément naturel de toute demeure bien ordonnée. […] Elles forment, dites-vous assez plaisamment, « un corps vraiment respectable » sans que leur nombre vous ait paru répondre à ce que l’on s’imagine. […] Les dix enfants qu’il eut de ses deux femmes ont formé plusieurs branches.

1115. (1891) Esquisses contemporaines

Les images profondes que nous portons en nous sont formées par la monotonie et le retour périodique des sensations semblables. […] Formée à l’époque classique de la monarchie absolue, la langue française a gardé de cette tutelle quelque chose de raide et d’aristocratique. […] Ils sortent violemment de l’Église qui les a formés, mais non toutefois sans garder le souvenir de ses enseignements. […] Privées du contrepoids que formaient les convictions et les caractères fortement trempés de nos aïeux, elles rompent l’équilibre social et fermentent étrangement au sein des âmes redevenues païennes. […] Des écrits similaires, portés comme eux par l’inspiration chrétienne, les entourent en grand nombre et forment, de la littérature sacrée à la littérature profane, une insensible transition.

1116. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Le collégien devint amoureux, et d’un amour célèbre, puisqu’il formera, avec beaucoup d’embellissements, le sujet de Dominique. […] Tous ces noms forment vraiment une école orientaliste française, à base d’intelligence, en face de laquelle un Loti est seul. […] Seul, au milieu du silence profond, un vent doux qui venait du Nord-Ouest et nous amenait lentement un orage, formait de légers murmures autour des joncs du marais. […] Le résultat dernier, pour la critique classique, c’est de former et d’épurer le goût, de définir, à la fois par élimination et par caractéristique, la perfection. […] Le jour où l’Europe formerait une unité réelle, comporterait un centre, on concevrait assez bien ce Sainte-Beuve genevois.

1117. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

À la vérité, pour tous ces endroits, nous nous formons, d’après autrui, une sorte de carte approximative de nous-mêmes. […] Votre œil est au point de jonction des rayons lumineux qui partent des objets, c’est-à-dire au sommet du compas que forment deux rayons divergents en arrivant sur la rétine. […] C’est qu’elle consiste en une quantité de sensations simultanées que l’éducation du toucher fait apparaître comme situées en des points distincts et continus. — C’est là une double erreur, d’abord parce que, comme on l’a vu, les sensations sont situées dans les centres sensitifs et non dans les extrémités nerveuses, ensuite parce que, comme le montrent les physiologistes, les axes ou cylindres nerveux dont l’ébranlement provoque nos sensations forment, par leurs terminaisons, des lignes et des surfaces discontinues. […] Mais l’analyse, après avoir détruit, peut reconstruire, et, en remarquant la façon dont se forment nos illusions, nous avons déjà démêlé comment elles nous mènent à des vérités. […] Partant, la naissance infaillible de la prédiction suppose la présence presque infaillible du groupe, et le cours des événements, qui, par sa régularité, a formé mon attente, trouve, dans sa régularité même, les moyens de la justifier.

1118. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Il s’était formé en Savoie un optimisme sans vergogne. […] Ils parlent de leurs fortunes amoureuses comme d’un dessein formé de toute éternité par la providence universelle sur leurs individus. […]   Je n’ai pas une tête formée pour le comprendre. […] Mais qu’il s’avise, parce qu’il s’est échaudé, d’avoir violé quelque loi sans laquelle les hommes ne pourraient former société, non, je ne crois pas que les inductions de ce jeune animal fassent un tel bond. […] Ceux qui l’exercent ou y participent forment donc nécessairement une portion corrompue, méchante, stupide, ou tout au moins et en tout cas carnavalesque, du genre humain.

1119. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Je n’en sais rien ; mais je suis sûr qu’il y en a une en train de se former ; car il y en a toujours une qui se dégage, en un temps plus ou moins long, du sein du peuple Est-ce la Ploutocratie ? […] Il y a quelque chose de plus malaisé, c’est l’éducation des aristocraties successives qui se forment sur la surface mouvante des démocraties. […] Elles créent ainsi une classe moyenne qui va jusqu’à former la moitié de la nation. […] Elle formait, entre l’État et l’individu, un pouvoir intermédiaire, qui était une garantie, insuffisante, bien entendu, mais très réelle, de liberté. […] Ce qu’ils ont de plus remarquable, c’est le contraste qu’ils forment avec la poésie du même temps.

1120. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Leurs confessions forment un manuel de confession à l’usage de la communauté tout entière. […] Je pense qu’un pays où se forma la plus belle société, du monde est le plus beau des pays. […] Qu’est-ce qu’une comédie, sinon une suite d’images formées dans le mystère d’une même pensée ? […] Mais les âmes ainsi préparées sont plus nombreuses qu’on ne croit ; elles forment le public des poètes. […] Mais sa pensée harmonieuse formait lentement, comme le cristal, ses prismes de lumière.

1121. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Elles se forment par perpétuelle digression, en s’écartant de l’idée centrale et fixe, qui est l’objet propre de notre méditation. […] Elles se décomposent, pour former, au gré d’associations fortuites, des composés nouveaux. […] Ces représentations confuses, incohérentes forment le fond obscur de la pensée, sur lequel se détachent de temps à autre quelques jugements nets. […] Il nous semble que toute notre activité se réduit à la contemplation des images qui nous seraient présentées toutes formées dans l’œuvre même. […] Souvent on a cette impression, que l’idée cherchée est prête à venir, qu’elle commence à se former, qu’elle affleure presque dans la conscience.

1122. (1914) Une année de critique

La plupart d’entre eux n’ont pas encore baisé la joue de leur cousine que déjà ils ont formé pour leur usage une conception de l’amour, selon Stendhal. […] C’est fâcheux, sans doute ; mais l’intelligence qui abstrait, distingue, ordonne et construit, ne semble pas indispensable pour former un bon écrivain. […] De la sorte, tous les événements s’ordonnent autour d’un centre, que forment la pensée et la sensibilité du personnage qui parle. […] Encore était-il permis de penser que l’aventure psychologique de celui-ci formait le véritable sujet du livre. […] Pas plus que je ne m’attends, quand je considère, sur ma table, ce vase dont des foudres forment la décoration Louis XVI, à ce qu’en sorte soudain le tonnerre de Dieu.

1123. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Les nobles et généreuses natures, lorsqu’elles entrent dans la vie, et qu’elles ne connaissent point encore les hommes, ni l’étoffe dont nous sommes en majeure partie formés, passent volontiers par une période politique ardente et austère, par une passion stoïque, spartiate, tribunitienne, dans laquelle, selon les temps divers, on invoque les Harmodius, les Caton, les Thraséas, et où de loin les Gracques et les Girondins se confondent. […] Toutes les fois, du moins, qu’on parlera des nobles vies interrompues au sommet de la jeunesse et à la fleur de la maturité, de ces hommes supérieurs morts jeunes et déjà formés tout entiers, grâce au généreux témoignage de Montaigne, le nom de son ami se présentera, et au-dessous de Pascal, sur un marbre à part, on inscrira Vauvenargues et La Boétie.

1124. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

De tout cela il lui a résulté peu de soif de la justice, et comme il ne se commande rien à lui-même, par facilité de vivre et par habitude de suivre ses penchants, il ne s’est formé aucuns principes de morale, de justice, ni de droit public ; il ne voit ces règles qu’à mesure des occurrences et de l’offre de chaque espèce, ce qui rend nécessairement cette conduite fautive et peu profonde, n’étant conduite que par l’esprit. […] Il avait des plans de reconstitution politique à l’étranger, notamment pour l’Italie ; il prétendait y former « une république ou association éternelle des puissances italiques, comme il y en avait une germanique, une batave, une helvétique, la plus grande affaire qui se fût traitée en Europe depuis longtemps. » Tout cela manqua.

1125. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Mme de Coigny elle-même se prête à ces longues promenades romantiques, qui font l’étonnement des baigneurs, « ces promenades à travers tout pour n’arriver à rien. » Nous avons été nous promener après la pluie sur la montagne couverte de grès qui forment un escalier. […] Penser pour soi et pour ses amis, sans prétention à s’afficher ; vouloir se former des opinions justes sur les choses essentielles, sans aspirer à les produire ; étudier, vivre, regarder, oser sentir et dire, est une marque de distinction dans une nature.

1126. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Le Lac de Lamartine a eu ses cascades à l’infini, et a formé quantité de petits lacs au-dessous, avec des couples d’amants soupirant leurs barcaroles. […] Saint Bernard notamment, dans une psalmodie sur le mépris du monde (Rhythmus de contemptu mundi), qui se compose de quatrains formés eux-mêmes d’espèces d’alexandrins à césure marquée et se suivant sur quatre rimes plates, s’était dès longtemps demandé : Où est le noble Salomon ?

1127. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Malherbe s’était modelé sur la lyre d’Horace ; Corneille se forma sur l’idée du Romain et sur les beautés de Lucain et de Stace ; Racine eut tour à tour en vue Euripide et la Bible adoucie et francisée par Le Maistre de Saci. […] Les amoureux sont aisément crédules ; elle est tentée de voir là-dedans un signe et une intention de la Providence : « Je ne veux point pénétrer les desseins du Ciel, je ne me permettrai pas de former de coupables vœux ; mais je le remercie d’avoir substitué mes chaînes présentes à celles que je portais auparavant, et ce changement me paraît un commencement de faveur. » Elle est extrêmement attendrie ce jour-là (7 juillet) ; les épanchements de la journée ne lui ont pas suffi ; elle s’y remet dans la soirée encore ; son âme déborde ; elle laisse échapper l’hymne intérieur comme dans un couplet mélodieux ; elle a beaucoup lu Thompson, elle l’imite ; elle a de sa prosodie scandée, elle a de la simplicité avec pompe : « Douce occupation, communication touchante du cœur et de la pensée, abandon charmant, libre expression des sentiments inaltérables et de l’idée fugitive, remplissez mes heures solitaires !

1128. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Aucune faiblesse ni enfanterie n’a paru dans aucune de ses actions, mais une fermeté noble et tranquille a accompagné toutes ses actions : et certes il y a des moments où il faut toute l’assurance d’une personne formée pour soutenir avec dignité ce rôle. […] Après sa première année de séjour, le maréchal de Saxe écrivait d’elle au roi Auguste : « Cette princesse a grandi et embelli, elle est plus formée de tout point.

1129. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Il a peut-être à se plaindre du sort, d’être venu ainsi un peu trop tôt et de n’avoir pas formé son talent selon une seule et même veine. […] C’est comme une tendresse infinie qui m’inonde de je ne sais quels sentiments pleins d’émotion qui se forment de tout ce qu’il y a de beau, de bon, de noble dans la créature déchue, mais pardonnée ; exilée du ciel, mais remise dans la voie qui le fait retrouver.

1130. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Or, ce champ libre qui a formé jusqu’ici le principal honneur de la France, qu’en a-t-on fait ? […] Les talents nouveaux et les jeunes espoirs n’ont plus trouvé de groupe déjà formé et expérimenté auquel ils se pussent vallier ; chacun a cherché fortune et a frayé sa voie au hasard ; plusieurs ont dérivé vers des systèmes tout à fait excentriques, les seuls pourtant qui offrissent quelque corps tant soit peu imposant de doctrine.

1131. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Cette quantité de détails sur le clergé, les couvents, les parlements, les charges de cour, qui formaient la trame sociale, et qui étaient un reste de la vie du moyen âge, on ne les connaît plus. […] L’essentiel d’abord serait de former un bon corps d’histoire, d’établir les grandes lignes de la chaussée ; les perfectionnements viendraient ensuite.

1132. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Debout sur un banc de pierre qui l’élevait un peu au-dessus du sol de la cour, les doigts entrelacés aux barreaux de fer qui formaient la claire-voie entre le cloître et le préau, elle avait trouvé sa tribune dans sa prison, et son auditoire dans ses compagnons de mort. […] Et derrière eux les hommes secondaires de chacun de ces groupes forment un faisceau que la Révolution détache après l’avoir réuni, et dont elle brise une à une toutes les tiges comme des outils ébréchés.

1133. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Nous n’avons pas à nous arrêter aux vastes compilations qui sont formées en France, en Angleterre ou en Flandre. […] Une littérature religieuse ainsi se forma, en partie traduite, en partie originale, correspondant à la littérature profane, moins riche, mais aussi variée, et couvrant en quelque sorte la même étendue, de l’épopée au fabliau, et du roman à la chronique : récits bibliques ou évangéliques, vies de saints et de saintes, miracles de la Vierge, légendes et traditions de toute sorte et de toute forme, toute une littérature enfin qui, se développant comme la poésie laïque, eut ainsi son âge romanesque, où s’épanouissent à profusion les plus fantastiques miracles, où le merveilleux continu se joue des lois de la nature et parfois des lois de la morale.

1134. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Il a tâtonné d’abord, s’étant formé dans un temps où nul ne songeait à diriger l’œuvre dramatique vers cette fin : il a poussé sa fantaisie dans tous les sens : vers l’extravagance galante avec Mélite, vers l’imbroglio romanesque avec Clitandre, vers la rhétorique raffinée avec Médée, vers la bouffonnerie copieuse avec l’Illusion comique. […] L’élément historique, ou cru tel (je n’ai pas ici à en examiner la valeur), c’est ce type du Romain républicain, patriote, désintéressé, amoureux de la gloire, superbe de fermeté et de fierté : type formé dans les écoles des rhéteurs à la fin de la république, développé dans Tite-Live, dans Florus, dans Valère-Maxime, encore agrandi par les moralistes satiriques qui en écrasent la petitesse de leurs contemporains, par Sénèque, par Juvénal, assoupli et animé par Plutarque, transporté par la Renaissance dans notre littérature : Montaigne l’évoque parfois, Amyot l’étale, et, au temps même de Corneille, Balzac le grave avec une netteté dure dans ses dissertations sur le Romain et sur la Gloire.

1135. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Ce n’est d’ailleurs que par cette docilité et cette entente qu’un corps de jugements littéraires peut se former et subsister. […] Comment cette intelligence s’est formée et successivement enrichie, ses livres même nous l’apprennent.

1136. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

L’Interesse, par la complication de l’intrigue et par le caractère des personnages, formait un excellent canevas pour la commedia dell’arte. […] Geoffrin-Jodelet conserva seul les traditions de la farce française : « Il n’y a de Farce qu’au théâtre du Marais, disait Tallemant des Réaux, et c’est à cause de lui qu’il y en a. » Aussi se trouva-t-il capable, avec un artiste formé dans la troupe de Molière, Duparc-Gros-René, de tenir tête aux Italiens sur leur propre terrain.

1137. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Elle aboutira à la distinction de divers groupes formés d’après la ressemblance de leurs éléments composants. […] C’est qu’ils appartiennent à la génération antérieure et forment un groupe à part.

1138. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Tout ce composé, convenons-en, même avec les légers défauts, ne laissait pas de former un savant très cavalier et très agréable. […] [NdA] On cite quelquefois une phrase de Huet comme ayant un air de prophétie ; elle est dans son Histoire du commerce et de la navigation des anciens, qu’il écrivait sous le ministère de Colbert ; il parle des Russes, qu’on appelait encore Moscovites : « Que s’il s’élevait parmi eux quelque jour, dit-il, un prince avisé qui, reconnaissant les défauts de cette basse et barbare politique de son État, prît soin d’y remédier en façonnant l’esprit féroce et les mœurs âpres et insociables des Moscovites, et qu’il se servît, aussi utilement qu’il le pourrait faire, de la multitude infinie de sujets qui sont dans la vaste étendue de cette Domination qui approche des frontières de la Chine, et dont il pourrait former des armées nombreuses ; et des richesses qu’il pourrait amasser par le commerce, cette nation deviendrait formidable à tous ses voisins. » Je ne donne pas la phrase comme bien faite, mais elle est curieuse et prouve que Huet, avec un tour très latin en français, est capable, plus qu’on ne croirait, d’un sens très moderne.

1139. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Au moment de la retraite du ministère Dessoles, M. de Serre, avec qui il était étroitement lié, essaya de l’attirer dans le cabinet qui se formait sous la présidence de M.  […] Le ministère du 11 octobre (1832) fut formé.

1140. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Je ne m’arrêterai pourtant point, Madame, à vous dire quelle fut son enfance : car elle fut si peu enfant, qu’à douze ans on commença de parler d’elle comme d’une personne dont la beauté, l’esprit et le jugement étaient déjà formés et donnaient de l’admiration à tout le monde ; mais je vous dirai seulement qu’on n’a jamais remarqué en qui que ce soit des inclinations plus nobles, ni une facilité plus grande à apprendre tout ce qu’elle a voulu savoir. […] Tout ce chapitre « De la conversation » est très bien observé ; et, après avoir parcouru les différents défauts d’une conversation, Cilénie ou Valérie, ou plutôt l’auteur, dans un résumé qui n’a d’inconvénient que d’être trop exact et trop méthodique, conclut que, pour ne pas être ennuyeuse, pour être à la fois belle et raisonnable, la conversation doit ne point se borner à un seul objet, mais se former un peu du tout : Je conçois, dit-elle, qu’à en parler en général, elle doit être plus souvent de choses ordinaires et galantes que de grandes choses : mais je conçois pourtant qu’il n’est rien qui n’y puisse entrer ; qu’elle doit être libre et diversifiée selon les temps, les lieux et les personnes avec qui l’on est ; et que le secret est de parler toujours noblement des choses basses, assez simplement des choses élevées, et fort galamment des choses galantes, sans empressement et sans affectation.

1141. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Le troupeau de la bergerie de Saint-Thomas habillait de sa laine tantôt les femmes et tantôt les enfants ; mes tantes la filaient ; elles filaient aussi le chanvre du champ qui nous donnait du linge ; et les soirées où, à la lueur d’une lampe qu’alimentait l’huile de nos noyers, la jeunesse du voisinage venait teiller avec nous ce beau chanvre, formaient un tableau ravissant. […] Pour nous, à parler franchement, dans un genre aussi faux que l’était la tragédie à cette époque, il nous serait impossible, si nous n’étions guidé par le résultat, d’exprimer aucune préférence pour l’une ou pour l’autre de ces cinq ou six tragédies ; nous ne pouvons nous former un avis qui les différencie et les distingue, tant l’insipidité et l’ennui, en les lisant, paralysent tout d’abord notre attention.

1142. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Augustin Thierry, et se former au style net, ferme et sévère ; si je voulais exprimer plus complètement encore la qualité de ce style de Carrel à sa formation et au moment où il va se tourner à la polémique, je dirais : Mettez-y une goutte de la bile de Rabbe. […] On le voit d’ici, de taille au-dessus de la moyenne et bien proportionnée, avec cette maigreur nerveuse qui est le signe de la force, d’une tête singulière, ombragée de cheveux bruns assez touffus, au profil marqué et comme emporté dans l’acier, le sourcil aisément noueux, les traits heurtés, la bouche grande, mince, et qui ne souriait qu’à demi à cause de quelques dents de côté qu’il n’aimait pas à montrer, avec un visage comme fouillé et formé de plans successifs ; l’ensemble de sa physionomie exprimait l’énergie, quelque chose d’éprouvé et de résolu.

1143. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Ce n’est point seulement l’aversion que j’ai pour la polémique, qui m’en tiendrait éloigné, c’est l’idée très haute que je me suis formée des talents et des vertus qu’il faut pour l’enseignement de la jeunesse. […] Pour bien comprendre Rollin et les fruits multipliés et faciles de sa vieillesse féconde, il faut remonter à cette vie antérieure durant laquelle il s’était formé, il avait mûri, et où il était, pour tous ceux qui l’approchaient, ce qu’il parut plus tard aux yeux de tous ceux qui le lurent.

1144. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Il commence même à porter ses vues plus loin ; son esprit de système l’entraîne vers les spéculations physiques : J’ai recueilli, dit-il, sur le mouvement de la terre des observations, et j’en ai formé un système si hardi, si neuf et si spécieux, que je n’ose le communiquer à personne. […] Hennin se retrouve toujours, il parvient, avec ces divers lambeaux de secours et de gratifications arrachées, à se former une modique existence.

1145. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Préface de la première édition (1857)39 Quand les civilisations commencent, quand les peuples se forment, l’histoire est drame ou geste. […] Il l’a porté et l’a formé.

1146. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

I — La transmission des émotions et leur caractère de sociabilité La transmission des vibrations nerveuses et des états mentaux corrélatifs est constante entre tous les êtres vivants, mais surtout entre ceux qui sont groupés en sociétés ou en familles, et qui forment ainsi un organisme particulier. […] Toujours est-il que les cellules de l’organisme, qui forment une société de vivants, ont besoin de vibrer sympathiquement et solidairement pour produire la conscience générale, la cœnesthésie.

1147. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Il a accompli le singulier tour de force d’une langue naturellement diffuse et peu apte à former des phrases solides, condensée et pressée au point de devenir forte, agile et limpide. […] Que l’on réunisse par tous les bouts cette œuvre multiple, c’est à peine si l’on aura formé une notion à peu près exacte de ce singulier et versatile esprit.

1148. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Desgrouais, professeur au Collège royal de Toulouse, dans ses Gasconismes corrigés, ouvrage utile à toutes les personnes qui veulent parler & écrire correctement, & principalement aux jeunes gens, dont l’éducation n’est point encore formée, à Toulouse, in-8°. 1766. […] Lafontaine, après s’être formé le goût sur les meilleurs modèles de l’atticisme & de l’urbanité, n’avoit pas négligé cette ressource.

1149. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Sous une espèce de tente formée d’un grand voile soutenu par des branches d’arbres, on voit un grand berceau, un lit ambulant monté sur des roues et propre à être trainé par des chevaux. […] Cette belle tête est un peu portée en avant ; les cheveux blonds, frisés, ramenés sur son front, y forment une espèce de bourelet ébouriffé comme les anciens l’ont fait au soleil.

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