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941. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Ces beaux conseils manquant leur effet ; l’Étrangère met le feu à sa jalousie. […] Le rôle annonce une éruption et il fait long feu.

942. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

« Il prétend verser de l’huile sur nos plaies, remarquait-on, mais c’est de l’huile bouillante. » Pythagore disait qu’on ne doit jamais attiser le feu avec l’épée : Chateaubriand, grâce à sa nature de talent et à sa plume flamboyante, n’a guère jamais fait autre chose. […] Il ouvrit son feu dans les Débats par deux magnifiques articles, du 29 juin et du 6 juillet, dans lesquels il démontrait que le système actuel suivi par le ministère, et hier encore approuvé par lui-même dans son ensemble, était aussi contraire au génie de la nation qu’à celui de nos institutions et à l’esprit de la Charte.

943. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Et dès cinq heures du matin chi, chi, boum boum, le bois qu’on scie pour la soupe, et la tombée des bûches, et le feu qu’on souffle, et le lourd départ, puis, quelques heures après, la dégringolade par l’escalier de toute la marmaille de la maison dans les vieux souliers, les souliers trop larges de leurs pères et mères. […] C’est cela surtout, l’éternité en arrière, que notre pauvre cervelle ne peut imaginer… Et pas une révélation, cela était si facile à Dieu… oui, de grandes lettres dans le ciel, quoi, une charte divine, imprimée clairement en caractères de feu.

944. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

De cette folie générale, de cette manie partout répandue dans le bas de la société de jeter ses enfants par-dessus soi, de les porter au-dessus de son niveau, comme on porte les enfants au feu d’artifice, il s’élève une France de plumitifs, d’hommes de lettres et de bureau, une France où l’ouvrier ne sortant plus de l’ouvrier, le laboureur du laboureur, il n’y aura bientôt plus de bras pour les gros ouvrages d’une patrie. […] Cette lettre, M. de Montalivet l’aurait jetée au feu. « Je publierai cela », ajoute-t-il.

945. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Le proscripteur romain, dictateur ou césar, interdit au vaincu le feu et l’eau ; c’est-à-dire, le met hors de la vie. […] Yvan, aïeul de Paul, fait mettre une femme à la torture avant de la faire coucher dans son lit, fait pendre une nouvelle mariée et met le mari en sentinelle à côté pour empêcher qu’on ne coupe la corde, fait tuer le père par le fils, invente de scier les hommes en deux avec un cordeau, brûle lui-même Bariatinsky à petit feu, et, pendant que le patient hurle, rapproche les tisons avec le bout de son bâton.

946. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

On y trouve beaucoup de feu, d’imagination & de gaieté. […] Mais en général les leurs doivent être plus cadencées & plus remplies de ce feu, de cet enthousiasme qui constitue le caractère de la Poésie, & en particulier celui des Poëtes que je vais faire connoître.

947. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

 » Le témoignage de ce grand poète est d’autant moins suspect en cette matière, qu’il a fait lui-même en s’amusant quelques vers latins, aussi bons, ce me semble, que ceux d’aucun moderne ; témoins ces deux-ci, qu’il a mis à la tête d’une dissertation sur le feu : Ignis ubique latet, naturam amplectitur omnem, Cuncta parit, renovat, dividit, unit, alit. […] Quoi qu’il en soit, voici encore quelques vers d’une épître du professeur Marin, adressée à feu M. 

948. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Tous ces grands Inquiets, dans des sphères diverses, dont on peut dire le mot de l’historien Matthieu en parlant du duc de Bourgogne : « Qui hérita de son matelas le dut garder pour faire dormir, puisqu’un homme de telle inquiétude avait bien pu y sommeiller », s’épuisaient alors en mouvements de vanité colossale que six pieds de terre ont parfaitement calmés ; mais le spectacle qu’ils offraient à l’imagination et que le temps a diminué, comme le feu racornit les objets qu’il n’a pas consumés encore, vaut-il aux yeux de Dieu et aux yeux des hommes le plus rapprochés de lui par la pensée, le spectacle d’une jeune fille qui enfermait l’âme de la Cordelia de Shakspeare sous sa modeste gorgerette, et qui, puissante de rêverie, descendait de la nue de ses rêves — pour tricoter des bas à un pauvre, en lisant la Bible ou sainte Thérèse, ou pour faire, comme Bossuet, le catéchisme à quelque petit ignorant ? […] Quand le ciel couronne Les horizons bleus        De feux, Plus d’un soir d’automne Aux bois m’a surpris        Assis, Écoutant les ailes Qui rasaient les toits        Des bois, Bruissant entre elles Comme les flots clairs        Des mers.

949. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Quand nous assistons à un mouvement très rapide, comme celui d’une étoile filante, nous distinguons très nettement la ligne de feu, divisible à volonté, de l’indivisible mobilité qu’elle sous-tend : c’est cette mobilité qui est pure durée. […] Il faudrait aussi qu’il pût extraire du mouvement perçu dans l’espace, et qui participe de la divisibilité de sa trajectoire, la pure mobilité, je veux dire la solidarité ininterrompue de l’avant et de l’après qui est donnée à la conscience comme un fait indivisible : nous faisions tout à l’heure cette distinction quand nous parlions de la ligne de feu tracée par l’étoile filante.

950. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Le poète dramatique, s’il est vraiment tel qu’il s’en est vu aux glorieuses époques et qu’on a le droit d’en espérer toujours, ce poète, dans la liberté et le premier feu de ses conceptions, ne songe point à faire directement un ouvrage moral ; il pense à faire un ouvrage vrai puisé dans la nature, dans la vie ou dans l’histoire, et qui sache en exprimer avec puissance les grandeurs, les malheurs, les crimes, les catastrophes et les passions.

951. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

On pesait leurs mérites divers ; mais aucun œil encore, si perçant qu’il pût être, ne voyait dans cette génération de héros les malheureux ou les coupables : aucun œil ne voyait celui qui allait expirer à la fleur de l’âge, atteint d’un mal inconnu, celui qui mourrait sous le poignard musulman ou sous le feu ennemi, celui qui opprimerait la liberté, celui qui trahirait sa patrie ; tous paraissaient grands, purs, heureux, pleins d’avenir !

952. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué.

953. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

» Est-il donc impossible de concevoir un genre de comédie où le poète, loin de disparaître derrière ses personnages, se tiendrait cache sous leur masque, prompt à intervenir à tout moment dans leurs paroles et dans leurs gestes par un feu roulant d’allusions malignes, d’épigrammes lancées contre ses adversaires, de conseils sagement fous donnés à un public ami ?

954. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Caractère de Saint-Simon Né en 1675, d’un père très vieux, qui devait sa fortune et son titre à Louis XIII, il grandit loin de la cour de Louis XIV, parmi les souvenirs de l’autre règne, dans une dévotion attendrie au feu roi, au « roi des gentilshommes », qui enveloppait une sourde aversion pour le roi des commis.

955. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Pétri de la plus vive sensibilité, emporté par un tempérament plein de bile & de feu, aigri par les contradictions, les circonstances de sa vie ont été la source de sa misanthropie, & cette misanthropie est devenue, à son tour, le véhicule de ses talens, En adoptant ces réflexions, il ne sera pas impossible d’expliquer pourquoi, avec des lumieres si supérieures, cet Ecrivain a avancé avec tant de sécurité tous les paradoxes qui se sont trouvés d’accord avec les dispositions de son humeur & la tournure de ses idées ; pourquoi le pour & le contre sont traités, dans ses Ecrits, avec la même force.

956. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Quant à cette raison qu’on croyoit sans réplique, qu’il faudroit jetter au feu les meilleurs livres, comme devenus inutiles par la nouvelle orthographe, ils répondirent que, pour remédier à cet inconvénient, on n’avoit qu’à les faire imprimer de nouveau.

957. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Pajou Les bustes du feu dauphin, du dauphin son fils, du comte De Provence, du comte D’Artois . plus plats, plus ignobles, plus bêtes que je ne saurais vous le dire. ô la sote famille en sculpture !

958. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Voilà ce qu’a fait Raphaël, qui semble, nouveau Promethée, avoir dérobé le feu céleste pour les animer.

959. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

C’est de Sceaux, en effet, que partit le trait de feu qui devait allumer l’indignation couvant de la France.

960. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Ils sont tous comme lui, élevés dans l’amour du roi, — ce sentiment qui était de France, — dans ce feu sacré de l’amour du roi que soufflaient alors toutes les mères au cœur de leurs fils, et que, plus religieuses que les Vestales, elles ne laissèrent éteindre jamais !

961. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Or, pour la transition, un seul rapport suffit ; mais pour l’agrégation, il en faut mille ; car il faut une convenance naturelle, profonde et complète. » Ainsi défendu, quoiqu’il n’eut pas besoin de défense, La Bruyère, accepté et magnifié à tous les titres de moraliste, de philosophe, d’observateur et d’écrivain, manquait de cette page de critique qui épure la gloire d’un homme en la passant au feu d’un ferme regard, car dans la gloire, dans ce lacryma-christi de la gloire, telle que les hommes la font et la versent, il y a encore des choses qu’il faut rejeter du verre, — pour que l’ivresse en soit divine !

962. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

le Journal de Louis XVI montre parfaitement que ce Roi auquel on avait donné des mœurs bourgeoises — car on voulait à toute force qu’il fût un bon bourgeois dans sa maison, le dos au feu, le ventre à table, — était, de pied en cap, aussi prince de goûts et de mœurs que peut l’être un prince, et, chose nouvelle et plus stupéfiante encore !

963. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

On croyait qu’on allait pouvoir retisonner dans les cendres de ces feux pestilentiels éteints.

964. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Ceux qui viendront demain ne seront peut-être pas fâchés, si l’hiver ou la nuit dure encore, de retrouver, pour rallumer leur falourde ou leur lampe, quelques charbons sous nos cendres…  » Certainement, tout cela est vrai, triste, bien tourné, joli dans sa tristesse, mais ne se verrait pas sans le commentaire préalable ; et dans ce Couvre-feu, puisque ainsi le livre est nommé, c’est le feu du titre qui serait couvert, c’est-à-dire sa lumière.

965. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

L’air flamboie et brûle sans haleine ; La terre est assoupie en son rêve de feu.

966. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Il en renvoie les teintes et il croit que ce sont là ses propres feux !

967. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Que si, au contraire, ce titre d’Aventures parisiennes donné à un livre d’observation d’intérieur, de coin du feu, de sentiment raffiné, est une ironie détournée contre cette société devenue si uniformément plate à force de civilisation, et dans laquelle chacun de nous n’a plus d’autres aventures à courir que dans les deux pouces cachés de son propre cœur, elle est vraiment trop détournée, cette ironie ; c’est là une intention qui ne sera pas aperçue, et l’auteur aura manqué son trait, comme le joueur au billard manque la bille pour avoir voulu la prendre trop fin.

968. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Autrefois, il suffisait de se déplacer pour avoir un avantage très net sur son voisin qui ne bougeait pas ; mais aujourd’hui les déplacements étant devenus fort aisés pour tout le monde (preuve de grande civilisation, comme l’on sait), les descriptions et les faits nouveaux, qu’allaient chercher au loin des voyageurs incapables de penser et d’inventer au coin de leur feu et les portes fermées, deviennent, par la facilité avec laquelle on se les procure, du domaine commun, tout autant que si ce domaine était immobile.

969. (1885) L’Art romantique

Il y a des tableaux de Rubens qui non seulement font penser à un feu d’artifice coloré, mais même à plusieurs feux d’artifice tirés sur le même emplacement. […] » l’autre, un feu, une ivresse de crayon, de pinceau, ressemblant presque à une fureur. […] Elle est retirée au fond d’une caverne, magnifique, il est vrai, mais illuminée par des feux qui ne sont pas ceux du bienveillant Phoebus. […] En vérité, l’auteur est bien fou qui a pu croire que ces gens prendraient feu pour une chose aussi impalpable, aussi gazéiforme que l’honneur. […] Il me semble qu’il doive mettre le feu au théâtre.

970. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Comme il faut de la religion, il faut des Feu Toupinel et des Abbé Constantin pour le peuple. Et ne fait pas qui veut des Abbé Constantin et des Feu Toupinel. […] Il aurait une tête de quatrocentiste, le culte de feu Jules Laforgue, et le plus profond mépris pour ses aînés. […] Quel est ce Dieu hardi, maître et vainqueur du feu ?  […] Et il a le feu intérieur, une conviction de tous les diables.

971. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Nous mettrions plutôt le feu à la maison, si c’était possible, pour avoir à la rebâtir. […] Le roman plaît au plus grand nombre parce qu’il ne monte jamais en chaire et qu’il devise au coin du feu. […] Au milieu d’un silence d’éternité montent, éclairés d’un feu personnel, des palais, des colonnades, des tours, des escaliers, des châteaux d’eau, d’où tombent comme des rideaux de cristal des cascades pesantes. […] Éclairs palpitants, des ailes comme de grands oiseaux de feu, babels de nuages s’écroulant sous les coups de foudre, tourbillons de pluie vaporisée par le vent : on eût dit le décor de la fin du monde. […] Elle parlait ; sa voix un peu brusque, un peu voilée, avait la chaleur d’un feu couvert.

972. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

A l’exemple de Prométhée, ravissons le feu céleste, dussions nous encourir le même châtiment. […] Il faut paroître serein, lorsqu’on brûle d’ambition ; calme, lorsqu’on est dévoré des feux de la vengeance. […] Par une sympathie prompte & rapide, nous saisissons le feu qui se trouve allumé dans un autre. […] Il les dédaigne, en disant que cette étude éteint son feu, & ralentit son enthousiasme ; il ne parle que de figures, de mouvemens. […] On enleva des Bibliothèques du Prince tous les moralistes anciens & modernes, tous les Dissertateurs, les Jurisconsultes, les Métaphysiciens ; & on tapissa les murailles de Peintures pleines de feu & de gaité.

973. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Les sept notes de la gamme, tombant en langues de feu, font flamber les dix colonnes de son feuilleton et inculquent à l’écrivain un savoir musical de la force d’un compositeur et d’un chef d’orchestre ; mais quand il revient à lui, il a tout oublié. […] Dans l’analyse des ouvrages de son musicien favori, le critique se sert volontiers du procédé créé par feu Nicolet, procédé qui consiste à s’écrier en appelant la foule : « Messieurs, chez Verdi, c’est de plus fort en plus fort !  […] Escudier, — chez qui le cœur fait toujours feu avant la tête, — est un architecte qui, tout en voulant élever un monument à un grand homme, en pose la première pierre sur son front qu’il écrase ! […] Elle anime cette torpeur ; elle fait circuler le feu et la vie dans cette gloire… » Voilà ce que je dis ; Eh que dis-je autre chose ? […] Le feuilleton de la semaine est presque aussi mortellement ennuyeux que la tragédie Dantesque de feu Charles Marenco.

974. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Il montre dans la Vie de saint Didier, les Vandales armés de bâtons à feu, de serpentines et de couleuvrines ; il y fait défiler les feudataires du pays de Langres, plus pressés de naître dans le mystère que dans la réalité, s’il est vrai qu’ils ne vinrent au monde que mille ans plus tard : il met Boccace aux mains de sainte Barbe, sons Maximien : les deux pucelles qui la gardent jouent au trente et un ; saint Paul, pour n’être point en reste, prédit la gloire de l’Université de Paris et de ses étudiants41. […] On connaît les paysans de Téniers : il semble à les voir que le tout de l’homme soit de manger et boire, de se laisser vivre, de se reposer en fumant ou en jouant aux cartes, tandis qu’une porte s’entrouvre pour laisser passer un fagot qui s’en vient à dos de vilain — le fagot ici prime l’homme — alimenter le bien bon et le bien réjouissant feu. […] Robin Chevet qui « volontiers après souper, le ventre tendu comme un tambourin, saoûl comme Patault, jasait, le dos tourné au feu, teillant bien mignonnement du chanvre, ou raccoutrant, à la mode qui courait, ses bottes » ; Pierre Claquedent, l’homme d’affaires du village, « vrai coq de paroisse », qui « régnait à cause de sa grande diligence aux affaires d’autrui… Car pour mourir (qui est grand cas), un procès ne se fut intenté que premier il n’y eût mis la main… avec ses lunettes apposées au nez, haussant un peu sa vue ». […] Ce sont les « Goinfres » gémissant en leur complainte sur leur prodigalité qui les fait maintenant Coucher trois dans un drap, sans feu ni sans chandelle. […] Jean Bedout, emprunté et honteux au point de tourner « ses glands ou ses boutons » et de se « gratter » où il ne lui démange pas, court d’esprit et de conversation, ne connaissant que les lois, amateur de bric-à-brac, de vieilles armures, de livres gothiques, de cages d’oiseaux, par-dessus tout ménager de son bien, comme feu son père, le marchand bonnetier, tient la balance égale entre son amour et son économie.

975. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Le parti catholique, par ses lieux communs erronés sur la prétendue décadence des nations protestantes, cherchait aussi à rallumer un feu presque éteint. […] À son manque d’éducation, de distinction, à ce vide que laisse toujours dans un pays l’absence de cour, de haute société, d’anciennes institutions, l’Amérique supplée par le feu de sa jeune croissance, par son patriotisme, par la confiance exagérée peut-être qu’elle a dans sa force, par la persuasion qu’elle travaille à la grande œuvre de l’humanité, par l’efficacité de ses convictions protestantes, par sa hardiesse et son esprit d’entreprise, par l’absence presque totale de germes socialistes, par la facilité avec laquelle la différence du riche et du pauvre y est acceptée, par le privilège surtout qu’elle a de se développer à l’air libre, dans l’infini de l’espace et sans voisins. […] Oves non habentes pastorem, telle était la France : un feu sans flamme ni lumière ; un cœur sans chaleur ; un peuple sans prophètes sachant dire ce qu’il sent ; une planète morte, parcourant son orbite d’un mouvement machinal. […] Mais on peut craindre qu’avec des ressources infinies de courage, de bonne volonté, et même d’intelligence, la France ne s’étouffe comme un feu mal disposé. […] La Russie, par ses instincts profonds, par son fanatisme à la fois religieux et politique, conservait le feu sacré des temps anciens, ce qu’on trouve bien peu chez un peuple usé comme le nôtre par l’égoïsme, c’est-à-dire la prompte disposition à se faire tuer pour une cause à laquelle ne se rattache aucun intérêt personnel.

976. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

On voit qu’avant d’être diplomate et voyageur, l’auteur de l’Essai sur l’Inégalité des Races Humaines, des magnifiques récits de voyage en Asie, de la Renaissance et des Pléiades, avait été journaliste et que curieux de tout, l’esprit plein de ce feu qui a l’éclat du diamant, il attendait la carrière brillante qu’un avenir prochain lui réservait en pourvoyant de ses écrits les colonnes des revues et journaux les plus cotés de cette attrayante époque. […] Balzac I1 C’est le poing sur la hanche, l’œil en feu, le reproche à la bouche que la critique aborde d’ordinaire le roman-feuilleton. […] Quoi qu’il en soit, les œuvres que nous étudions échappent en général à ce défaut ; ce n’est pas à dire pour cela qu’il n’y apparaisse quelquefois : tous les passages ne sont pas aussi heureux les uns que les autres, et il arrive çà et là dans les premiers poèmes, dans Don Paez et dans les Marrons du feu et plus encore dans Portia, dans Mardoche que l’incertitude de la pensée influe d’une manière malheureuse sur la pureté de la forme et en ternit le cristal ; mais ce défaut ne prend des proportions funestes que dans les dernières productions. […] Ses phrases tombent autour de vous en feux d’artifice, s’élèvent en fusée, s’épanouissent en soleils tournants, ruissellent de mille feux ; il a soin de ramener sans cesse des mots pailletés, brillants, sautillants ; ce dont il vous entretient le plus volontiers, c’est de fleurs fraîches balancées sur leurs vertes tiges, de diamants, de perles, de rubis ; toutes ces magnificences s’arrangent comme elles peuvent et offrent le sens que le ciel veut ; mais il n’importe guère, pourvu que les huit colonnes du feuilleton des Débats soient remplies ; il y a peu de sujets de se plaindre et d’ailleurs, faut-il avouer cette énormité ?

977. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

La nuit auprès d’un feu allumé, des pêcheurs tirant un filet. […] Chasseurs faisant du feu dans la neige. […] Je le bats longtemps dans un godet et le tourne sur un feu très doux jusqu’à ce que le liquide soit desséché complètement. […] Ajoutez-y un go (un quart de litre) de saké extra bon, et laissez cuire au petit feu jusqu’à ce que le mélange devienne épais. […] Pêcheur, un feu allumé au bout d’une gaule pour attirer le poisson.

978. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Mais je prétends que par définition même, l’homme de génie ne peut rester indifférent, puisque son âme correspond à toutes les âmes, comme le feu du soleil aux moindres fibres de la matière vivante, et que si la renommée n’est pas toujours une preuve de puissance intellectuelle, l’indifférence publique en est assurément une d’infériorité et de non-valeur. […] La sensibilité mélancolique et ardente d’un Jean-Jacques Rousseau, la logique et le feu d’un Diderot, le charme tendre et naïf d’un Bernardin, la grâce robuste et fougueuse d’un Restif, convenaient fortement à nos esprits quelque peu déconcertés par l’abus des nuances et des subtilités. […] Leur imagination s’embrasait dans des rêves en feu. […] Cette multitude des morts qui reposent là, qui revivent et renaissent dans le vif feu des fruits, dans le suc des fleurs et le fécond terreau du sol, c’est la foule des ancêtres anonymes qui ont, en des temps antérieurs, élaboré lentement les formes actuelles des nouvelles races.

979. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Le gaz tout à coup flambe chez un marchand de tabac, en une détonation de feu, qui jette le rouge du magasin allumé sur le trottoir et le violet du pavé. […] Du gazon et des arbres éclairés par un clair de lune féerique, un clair de lune à la Titania, et des feuilles, dont la découpure semble une minuscule rampe de gaz, et sur le bleu d’encre du ciel, des luminosités, où les chauves-souris grises deviennent, un instant, toutes blanches, et tout au fond, à travers les fenêtres, le feu des lustres sur la pourpre de la tenture, et çà et là, dans le chaud brouillard des salons, du noir traversé par quelque chose d’un rouge éclatant : — un grand’croix de la Légion d’honneur sur un divan. […] Une cheminée à la plaque fendue par l’incendie des bourrées, et dans laquelle il y a un tube de fonte pour souffler le feu. […] Tout branlant, les mains tremblotantes, il nous fait place avec joie, auprès de son feu.

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