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576. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

La raison en est simple : dans ces premiers temps, l’homme, plus indépendant et plus fier, était plus près de l’égalité ; la faiblesse et le besoin ne s’étaient point encore vendus à l’orgueil, et le maître, en enchaînant l’esclave, ne lui avait point encore dit : « Loue-moi, car je suis grand, et je daignerai te protéger, si tu me flattes. » On sent qu’alors pour être loué, il fallait des droits réels, et ces droits ne purent être que des services rendus aux hommes.

577. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

J’ai parcouru l’Allemagne, je sais le droit saxon, lui seul est juste, il réserve le sceptre à l’homme, il ne donne à la femme qu’une place au foyer et une quenouille !  […] Du Chatelard, traité en enfant par l’indulgence et par le badinage de Marie Stuart, avait conçu pour sa maîtresse une passion qui allait jusqu’à la démence ; la reine l’encourageait trop pour avoir le droit de la punir. […] L’Angleterre, par droit de parenté, exerçait de tout temps une sorte de médiation consacrée par l’habitude et par la force sur l’Écosse. Elisabeth, fille de Henri VIII, moins femme qu’homme d’État, n’était pas de caractère à laisser périmer ce droit de médiation. Elle devait y tenir politiquement et personnellement, d’autant plus que la reine d’Écosse, Marie Stuart, avait des droits éventuels et plus légitimes même que les siens à la couronne d’Angleterre.

578. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Il est impossible de ne pas considérer, avec un saisissement, combien cette théorie cartésienne est fidèlement apparentée, combien elle est parallèle à la théorie chrétienne et catholique de la grâce, à ce que nous avons le droit de nommer le mécanisme de la grâce. […] On mesurait, (et on comptait), pied à pied, c’est-à-dire le derrière du talon du pied droit juste et modérément appuyé à la pointe de la semelle du pied gauche. […] Et c’était paille qui était devenu le pied gauche, et foin qui était devenu le pied droit. […]   Partir, marcher droit, arriver quelque part. […] Si j’étais un grand philosophe je n’aurais peut-être pas le droit de raconter l’histoire suivante.

579. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

En réalité, peu de personnes ont le droit de ne pas croire au christianisme. […] Mon antipathie pour les jésuites se fût exprimée en ne parlant jamais d’eux ; un fond de gallicanisme mitigé se fût dissimulé sous le couvert d’une profonde connaissance du droit canonique. […] Là, est une des supériorités que présentent les établissements ecclésiastiques sur ceux de l’État ; le régime y est, très libéral, car personne n’a droit d’y être ; la coercition y devient tout de suite la séparation. L’établissement de l’État a quelque chose de militaire, de froid, de dur, et avec cela une cause de grande faiblesse, puisque l’élève a un droit obtenu au concours dont on ne peut le priver. […] Dupanloup aimait trop peu son siècle et lui faisait trop peu de concessions pour qu’il pût lui être donné de former des hommes au droit fil du temps.

580. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Certes, tout wagnérien a le devoir de protester hautement, mais peut-être ai-je ici un droit spécial de parler, ayant été, à la Ligue des Patriotes, un ouvrier de la première heure, et m’honorant encore de l’amitié d’un homme que ses ennemis même admirent, car il a dépensé sa fortune, brisé sa carrière, usé sa vie, au service de la sainte cause française. […] Autant je crois que des fragments choisis de Wagner peuvent recueillir au milieu de nous le succès bien mérité auquel ils ont droit, autant me paraît impossible, étant données nos mœurs, nos impressions et nos aptitudes, la naturalisation complète de l’œuvre du grand homme. […] Lamoureux dit qu’il y a « des chefs-d’œuvre que nous n’avons pas le droit d’ignorer ». […] Si c’est un chef-d’œuvre, on le verra bien ; si cela nous ennuie, nous serons libres de le dire, et ce qui est bien quelque chose, on ne pourra plus nous en contester le droit. […] Goblet lui a fait observer que c’était là de sa part une déclaration toute spontanée, parce qu’autrement le gouvernement était décidé à faire respecter ses droits.

581. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Donnez-moi aussi un homme, un protestant, le premier venu, celui qu’il vous plaira, ou, si vous l’aimez mieux, un droit de 30,000 livres sur les halles, ou même une rente de 20,000 livres sur les carrosses publics. […] On le voit les yeux fixes et le corps frissonnant, lorsque, dans le suprême épuisement de la France, Desmarets établit l’impôt du dixième : « La capitation doublée et triplée à la volonté arbitraire des intendants des provinces, les marchandises, et les denrées de toute-espèce imposées en droit au quadruple de leur valeur, taxes d’aides et autres de toute nature et sur toutes sortes de choses : tout cela écrasait, nobles et roturiers, seigneurs et gens d’église, sans que ce qu’il en revenait au roi pût suffire, qui tirait le sang de ses sujets sans distinction, qui en exprimait jusqu’au pus. […] Il ne se lassa jamais de s’arrêter devant moi chez le régent, en entrant et sortant du conseil de régence, avec une révérence extrêmement marquée, ni moi de passer droit sans le saluer jamais, et quelquefois détourner la tête avec insulte. […] À son avis cette déclaration réparait tout ; quatre ou cinq pages de conséquences étalent à flots pressés le magnifique torrent de bénédictions et de félicités qui vont couler sur la nation ; un bout de parchemin délivrait le peuple et relevait la monarchie ; rien n’était oublié, sinon cet autre bout de parchemin inévitable, publié par tout roi, huit jours après le premier, annulant le premier comme attentatoire aux droits de la couronne. […] Il y gagne la force ; car il y prend le droit d’aller jusqu’au bout de sa sensation, d’égaler les mouvements de son style aux mouvements de son cœur, de ne ménager rien, de risquer tout.

582. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

L’amant d’Henriette n’a pas, comme l’amant de Célimène, le droit de maudire et de s’emporter. […] Le genre innocent a désormais droit de bourgeoisie dans notre littérature. […] Ne serait-il pas dans les droits de la France de réveiller ses législateurs assoupis ? […] Jusqu’à présent nous avions le droit de gourmander les poèmes de M.  […] est-ce une apologie du droit au nom de l’art, ou de l’art au nom du droit ?

583. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

L’humanité l’éclaire sur leurs droits et sur leurs malheurs, autant que la politique de ses maîtres l’aveugla. […] Ce n’est pas la première fois qu’on nous veut détourner du droit chemin : tenons-nous-y ; l’étude de plusieurs langues n’habitue pas à bien écrire la sienne. […] néanmoins, de quel droit l’accuserions-nous d’avoir fait abus d’un système dont l’usage est encore admis dans notre poétique plus épurée ? […] « Je chante ce héros qui régna sur la France, « Et par droit de conquête, et par droit de naissance. […] On n’a droit de demander compte au poète que de ses promesses.

584. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Beugnot que d’être un excellent administrateur et un haut fonctionnaire capable ; c’était, d’ailleurs, un tout autre caractère et d’une nature différente : esprit droit, sensé, mais sans trait et sans brillant, ayant eu les passions généreuses et les enthousiasmes de la jeunesse, cœur dévoué et qui s’était dès l’abord donné à Mirabeau ; qui conserva toujours quelques illusions sur cette grande mémoire trop mélangée ; homme public apte et laborieux, tout à la chose, assez peu observateur des personnes, de plus en plus tourné à la bienveillance en vieillissant, et que le soudain malheur qui brisa sa carrière jeta dans un complet abattement suivi de résignation, sans qu’il y entrât jamais un grain d’ironie ni une goutte d’amertume. […] De là sa foi persévérante en la vertu immaculée de Mirabeau, et d’ailleurs, l’eût-on poussé à bout, il avait droit de dire, comme il fit un jour sous le coup de l’insulte et dans un mouvement d’apologie courageuse pour son ami : « Si pourtant il se trouvait coupable ! […] En 1815, à cette heure de réaction, tout disgracié du gouvernement impérial devenait comme de droit un favori et un adopté du régime nouveau.

585. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

La douleur profonde qu’il laisse à ses amis de Genève sera ressentie ici de tous ceux qui l’ont connu, et elle trouvera accès et sympathie auprès de ces lecteurs nombreux en qui il a éveillé si souvent un sourire à la fois et une larme. » Mais c’est trop peu dire, et ceux qui l’ont lu, qui l’ont suivi tant de fois dans ces excursions alpestres dont il savait si bien rendre la saine allégresse et l’âpre fraîcheur, ceux qui le suivront encore avec un intérêt ému dans les productions dernières où se jouait jusqu’au sein de la mort son talent de plus en plus mûr et fécond, ont droit à quelques particularités intimes sur l’écrivain ami et sur l’homme excellent. […] Si l’auteur a voulu montrer dans ce ministre (et il l’a voulu en effet) combien avec un esprit juste, avec un cœur pur et droit, exercé par la pratique chrétienne, guidé par les inspirations de l’Écriture, et muni d’une vigilance et d’une observation continuelles, on peut se trouver en fin de compte plus avisé que les malicieux, plus habile que les habiles, et véritablement un maître prudent et consommé dans les traverses les plus délicates de la vie comme dans les choses du cœur, il a complètement réussi. […] En nous permettant, même en ce moment, cette libre critique, nous avons voulu témoigner l’entière sincérité de notre jugement et nous maintenir le droit de dire bien haut, comme nous nous plaisons à le faire, que l’histoire de Rosa et Gertrude est une des lectures les plus douces, les plus attachantes et les plus saines qui se puissent goûter.

586. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

C’est nous donner le change et se payer de mots, que d’identifier le problème de la destinée de l’humanité avec celui de la destinée du moi ; la métaphysique et la psychologie ne détermineront pas l’histoire ; l’individu quelconque, s’observant isolément d’après la méthode expérimentale appliquée aux faits de conscience, n’atteindra que certaines formes constantes de sa nature, certains éléments abstraits de son esprit ; il n’acquerra que des probabilités éloignées sur l’immortalité de son âme, et il ne sera nullement en droit ni en mesure de conclure de là au développement de l’espèce à travers les siècles, à l’explication de sa perfectibilité croissante, de son émancipation progressive, de ses conquêtes au sein de la nature ; à la prédiction de son avenir sur cette terre ; pas plus que le chimiste habile qui aurait décomposé et analysé une portion du lobe gauche ou droit du cerveau humain, qui aurait vu certains gaz se sublimer et certains sels se déposer, ne serait en mesure ni en droit de conclure de cette décomposition morte à la loi physiologique du règne animal et de ses évolutions organiques.

587. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Nous renonçons à notre droit de critiquer les pieds du paon, le cri du cygne, le plumage du rossignol, la chenille du papillon, l’épine de la rose, l’odeur du lion, la peau de l’éléphant, le bavardage de la cascade, le pépin de l’orange, l’immobilité de la voie lactée, l’amertume de l’océan, les taches du soleil, la nudité de Noé. […] Tout cela expire et rampe, n’ayant pas même la force d’aimer ; et, à leur insu peut-être, tandis qu’ils se courbent et se résignent, de toutes ces inconsciences où le droit réside, du sourd murmure de toutes ces malheureuses haleines mêlées, sort on ne sait quelle voix confuse, mystérieux brouillard du verbe, arrivant syllabe à syllabe dans l’obscurité à des prononciations de mots extraordinaires : Avenir, Humanité, Liberté, Égalité, Progrès. […] Car il est beau, sur cette terre sombre, pendant cette vie obscure, court passage à autre chose, il est beau que la force ait un maître, le droit, que le progrès ait un chef, le courage, que l’intelligence ait un souverain, l’honneur, que la conscience ait un despote, le devoir, que la civilisation ait une reine, la liberté, et que l’ignorance ait une servante, la lumière.

588. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Il pourra donc et, par suite, il devra prendre pour matière principale de ses inductions les sociétés dont les croyances, les traditions, les mœurs, le droit ont pris corps en des monuments écrits et authentiques. […] Ainsi, les éléments nouveaux que nous avons introduits dans le droit domestique, le droit de propriété, la morale, depuis le commencement de notre histoire, sont relativement peu nombreux et peu importants, comparés à ceux que le passé nous a légués.

589. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

on a le droit d’aller chercher partout ses couleurs et de les broyer sur sa palette, mais une palette, fût-elle splendide, ne peut jamais être donnée ou acceptée pour un tableau. […] C’est un esprit sain, très naturel, sans utopie, admirant et comprenant très bien les arabes, qu’il nous a peints en larges traits, — et ce sont les meilleures pages, parce qu’elles sont morales, de ce récit, abusivement physique, où l’éternelle description dévore tout et en a le droit, car dans les livres de voyage elle est sur son terrain plus qu’ailleurs. […] En effet, c’est d’un séjour d’un an qu’il est question en cet écrit, et d’un séjour recommencé, ce qui donne à l’ouvrage un charme de passé que ne connaissent pas d’ordinaire les livres de voyage, qui poussent droit devant eux la tête en avant, et ne savent pas la retourner en arrière avec cette mélancolie qui convient si bien aux livres des hommes !

590. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Mais lorsque ces honneurs sont accordés à des hommes vraiment célèbres, ils ont droit d’intéresser dans tous les temps. […] Le souverain de Rome fut indigné : les Florentins soutinrent leurs droits avec courage. […] Comme tous les droits des citoyens y sont fixés, le bonheur dont on y jouit paraît être l’ouvrage, non d’un homme, mais de la loi.

591. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Il n’a pas un droit qu’il ne tienne de la société, et il n’est pas opprimé : car l’oppression, c’est l’exploitation de tous par quelques-uns, c’est l’inégalité. […] Montesquieu lui offrait son sauvage timide et innocent, et lui montrait l’inégalité s’établissant avec la société : de lui aussi, et de Bossuet, et de Hobbes, Rousseau emportait la doctrine que tous les droits ont leur origine, leur fondement dans la société, que l’homme les tient tous de son consentement, et n’en a point d’antérieurs ou de supérieurs. […] Et son vrai maître de droit politique, mieux que Montesquieu, ce sera le professeur de Genève Burlamaqui, qui enseignait la liberté et l’égalité naturelles. […] Il avait le droit, après ses propres expériences, de chanter ses hymnes à la conscience et à la liberté, par lesquelles il s’était relevé. […] « Le droit que le pacte social donne aux souverains sur les sujets ne passe point les bornes de l’utilité publique565. » Cette sage restriction lève bien des difficultés, si l’on prend dans un sens très étroit et très haut le mot d’utilité.

592. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Grâce à quelque vieil air, resté dans les mémoires, telle piécette de vers a gardé une popularité qu’elle n’avait pas le droit d’espérer. […] C’est celle qui repose sur une mutuelle reconnaissance de leurs droits et de leurs limites, sur une espèce de contrat où, considérées comme équivalentes, elles s’accordent l’une à l’autre un égal respect en se répartissant des fonctions différentes. […] Le sculpteur Falconet reproche alors à la statuaire antique de n’avoir pas été assez expressive et il revendique pour les modernes le droit d’animer la pierre. […] Si l’historien peut glaner de la sorte quelques renseignements utiles, plus riche est la moisson qu’il a droit d’espérer des fêtes religieuses ou patriotiques, populaires ou princières, auxquelles l’esprit a été si souvent intéressé. […] La farce est née, dans les fêtes de la Basoche, de ces causes grasses qu’avocats et étudiants en droit plaidaient et jouaient à certains jours dans la grande salle du Palais de justice.

593. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Le sait & le droit, voilà sur quoi porte tout ce qu’il dit. […] On dira que, pour prêcher, il suffit d’avoir l’autorité ; mais le pape se feroit tort à lui-même, s’il troubloit les droits de ses frères les évéques. […] A son côté droit paroissoit une cicatrice rouge comme d’un coup de lance, & souvent elle jettoit du sang. […] Lorsqu’ils eurent donné leur consentement à tout, ils ajoutèrent que c’étoit sans préjudice des droits & prérogatives de leur collège. […] Il leur ôte la liberté de tout exercice de classe, jusqu’à ce qu’ils aient constaté leur droit d’enseigner.

594. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Quand on a trouvé une vérité scientifique, on la doit à l’humanité et on n’a pas le droit de la lui refuser. […] Il s’est toutefois réservé certains droits politiques. […] Ce qui manque à presque tous les dégénérés, c’est le sens de la moralité et du droit. […] Les poètes emploient de plein droit l’une et l’autre forme. […] Personne n’a le droit de donner pour des faits des renseignements sur l’avenir.

595. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

J’ai eu cette patience ; elle n’a été récompensée que par le droit au mépris. […] Orphée ou Benserade, autant que Saint-Simon, auraient bien le droit de regretter l’étiquette. […] a-t-il le droit de la colère et du meurtre sur l’épouse, n’ayant rempli à l’égard d’elle aucun devoir d’époux ? […] Mais l’honneur commande ; l’enfant aura le droit du nom. […] Il n’existe pas, sur la terre des vivants, un seul être qui serait en droit d’adresser à Auguste Vacquerie un reproche.

596. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Les autres lui résistent, comme si elles savaient qu’il a perdu le droit de commander. […] Berryer aimait la royauté de droit divin, comme on aime une belle légende. […] Mais leur ferait-on injure, si l’on croyait qu’à cette extrême jalousie du droit de contrôle, il a pu se mêler, à leur insu, le désir secret d’être en passe, à leur tour, d’avoir affaire à ce droit ? […] De quel droit, dès lors, dédaignent-ils ceux qui, n’étant ni de condition, ni d’étoffe à prétendre au gouvernement, se montrent tièdes pour le droit de contrôler ceux qui gouvernent ? […] Quand la bonne fortune m’advint d’en être le chef, je ne me crus pas le droit de m’y refuser.

597. (1914) Une année de critique

Être dévalisé, passe encore, mais l’être au nom des droits sacrés de l’individu, c’est un raffinement auquel nous aurons de la peine à nous habituer. […] Il suit tout droit son chemin de romancier. […] oui, nous aurions le droit d’arracher aux murs ruineux leurs pierres, si nous savions en édifier autre chose que des horreurs. […] » Sophismes, petites lâchetés, subtilité d’un esprit qui ne va plus droit son chemin. […] Je ne me sens ni le droit ni le goût de douter de sa sincérité.

598. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Ils commencent leur Défense par ces mots sacramentels : « Aristote nous apprend… » Ils reprochent à Renaudot d’avoir voulu faire d’une salle de fripiers et usuriers (allusion à son mont-de-piété), d’une boutique de journal, « une synagogue de médecins », et concluent que chacun des médecins de Paris a le droit de prendre la verge à la main pour chasser ces profanateurs. […] Enfin M. l’avocat général Talon donna ses conclusions par un plaidoyer de trois quarts d’heure, plein d’éloquence, de beaux passages bien triés et de bonnes raisons, et conclut que le Gazetier ni ses adhérents n’avaient nul droit de faire la médecine à Paris, de quelque université qu’ils fussent docteurs, s’ils n’étaient approuvés de notre faculté, ou des médecins du roi ou de quelque prince du sang, servant actuellement. […] Talon, que cet homme qui a tant d’envie d’en avoir par droit et sans droit, n’ait enfin envie d’y faire la fausse monnaie 20.

599. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Pour nous, ce qui nous attire et ce qui nous en plaît aujourd’hui, ce n’est pas tant ce canevas sentimental aisé à imaginer, et qui est traité d’ailleurs avec grâce et délicatesse, comme aurait pu le faire Mme de Souza ; ce sont moins les personnages amoureux que des personnages au premier abord accessoires, mais qui sont en réalité les principaux : c’est un président de Longueil, forte tête, à idées politiques, à vues étendues, une sorte de Montesquieu consultatif en 89, et qui, en écrivant à Saint-Alban, lui communique ses appréciations supérieures et son pronostic chaque fois vérifié ; — c’est aussi le père du jeune Saint-Alban, espèce de Pétrone ou d’Aristippe, qui, pour se livrer à ses goûts d’observation philosophique et de voyages, a renoncé dès longtemps aux affaires, aux intérêts publics, même aux soins et aux droits de la puissance paternelle, et s’en est déchargé sur son ami le président de Longueil. […] Je ne pourrais vous peindre l’étonnement et l’indignation qu’une telle audace excita chez elle : on vit qu’elle était bien loin de penser que les droits de l’homme pussent s’étendre jusqu’à prendre du tabac dans la boîte d’une grande dame, et quelqu’un lui dit avec malice : C’est un effet naturel de l’égalité. […] Sur Montesquieu il est d’un avis assez tranché et a l’air paradoxal, et peut-être n’a-t-il que raison : Montesquieu perdra moins qu’un autre dans cette révolution d’idées et de sentiments, parce que les objets dont il a parlé seront éternellement intéressants, et que sa manière de s’exprimer est simple et piquante ; mais, tout en admirant plusieurs parties de L’Esprit des lois, je crois que cet ouvrage lui donnera moins de droits que les Lettres persanes pour se maintenir au premier rang des hommes de génie. […] Dans les derniers conseils qu’il donne à son fils, à ce fils dont il s’est si peu occupé, et envers qui il ne revendique aucun des droits de l’autorité paternelle, mais seulement le privilège de l’« affection » et de la « prédilection » (ce sont les termes mesurés qu’il choisit), il insiste sur certaines recommandations précises et pratiques ; il lui dit en lui faisant passer un reste de fortune : Il faut avant tout se garantir de la misère ; tout autre malheur doit peu affecter un homme jeune et bien portant ; mais le besoin, la dépendance et le mépris des autres empoisonnent la vie, flétrissent l’âme, abâtardissent le génie.

600. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Je désirais que tous ceux qui partageaient les opinions que je professais alors… » Il y eut à ces mots, que je professais alors, une interruption et des rires bruyants du côté droit. […] Les républicains n’ont pas pris le change : si quelques droits précieux ont été passagèrement suspendus, si quelques formes ont été violées, si quelques parties de la liberté ont été froissées, nous en accusons le royalisme ; c’est lui qui nous a poussés dans ces défilés où le danger semblait motiver l’oubli momentané de la loi. […] Il répondrait, s’il était là présent (car il eut plus d’une fois à répondre à des interpellations pareilles), que s’il se crut en droit de servir le Directoire avant comme après fructidor, c’est qu’il s’était fait une maxime, qu’il s’était posé une règle dès l’entrée de sa carrière, à savoir de s’attacher non au meilleur des gouvernements, mais à celui qui offrait des garanties, des moyens d’amélioration, et de se rallier à tout régime où il y avait espoir, sinon de faire prévaloir tous les principes, du moins d’en introduire et d’en appliquer quelques-uns : « En attendant ce qui est bon, disait-il, j’adopterai ce qui est moins mauvais. » Quoiqu’il puisse paraître singulier qu’en vertu de cette maxime il ait été amené à préférer le Directoire expirant à l’ère consulaire qui s’inaugurait, je ne le chicanerai pas là-dessus. […] malheureuse phrase, et qui lui ôtait presque le droit d’alléguer, dix-huit mois après, son patriotisme pour excuse !

601. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Et de quel droit cet officier, homme d’esprit assurément, bon aide de camp, mais un peu imposé (si l’on y réfléchit), amant de la comtesse d’Argenson et ami du mari ministre de la guerre, fort ménagé du maréchal à tous ces titres par bon goût comme par politique, agréé aussi pour sa personne, je le veux bien, et avec une sorte d’affection, de quel droit vient-il interpréter d’une manière si grave un geste de son général, qui ne juge pas à propos de risquer une seconde affaire sur la fin d’une journée si disputée et si sanglante ? De quel droit jugeait-il l’illustre Saxon comme un simple condottiere dans des proportions plus grandes, et lui en prêtait-il les calculs et l’âme ? […] Ce qui semble d’ailleurs au-dessous de l’histoire revient comme de droit à l’étude morale de l’homme.

602. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

C’est pourquoi j’estime qu’ils n’étaient pas en désaccord sur un fait ; nous n’avons pas le droit de donner le même nom à la rotation de la Terre, qui était l’objet de leur discussion, et aux faits bruts ou scientifiques que nous avons passés en revue jusqu’ici. […] Et alors a-t-on le droit de dire que le savant crée le fait scientifique ? […] Qui choisira les faits qui, répondant à ces conditions, méritent le droit de cité dans la science ? […] Par exemple pour l’heure de l’éclipse mon horloge marquait l’heure α à l’instant de l’éclipse ; elle marquait l’heure β au moment du dernier passage au méridien d’une certaine étoile que nous prendrons pour origine des ascensions droites ; elle marquait l’heure γ au moment de l’avant-dernier passage de cette même étoile.

603. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Elle prétendit imposer à l’écrivain la servitude de l’observation et réduire le droit d’imaginer à l’imitation textuelle de la vie. […] C’était dans son souverain pouvoir de créer un monde imaginaire que Villiers prenait le droit de mépriser le monde réel. […] Elle revendiquait le droit à la fiction. […] Affaire de jeunesse à laquelle se joignait une idée peut-être erronée et abusive des droits de la poésie.

604. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Quand ils meurent sur le champ de bataille, loin des secours de la religion, ils communient, faute d’hostie, avec trois brins d’herbe mis en croix ; moyennant quoi ils vont tout droit en paradis, conduits par les anges qui sont descendus tout exprès du ciel pour chercher leurs âmes. […] A l’égard des hommes, il est comme un souverain absolu envers qui ses sujets ont des devoirs sans avoir de droits. […] Bossuet, dans ses Oraisons funèbres, représente comme des ennemis du Tout-Puissant, comme des rebelles à l’autorité divine, tous ceux-qui en Angleterre ont ébranlé et renversé le trône des Stuarts, tous ceux qui en France ont, au temps de la Fronde, réclamé tumultueusement des libertés ; Dieu apparaît ainsi comme le garant de l’ordre social, comme le protecteur particulier de la royauté de droit divin. […] Le libre examen s’est ainsi peu à peu propagé, et les laïques, les profanes, réclamant le droit de dire toute leur pensée, ont fait lentement prévaloir cette grande idée de tolérance qui est le contrepied du pouvoir absolu que l’Église s’arrogeait jadis sur les intelligences.

605. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Tandis que Claude rêve, accoudé au coin de la table, elle vient se poser auprès de lui ; et, là, droite dans sa robe blanche aux plis droits, elle lui chante, en ut mineur, une déclaration d’amour surnaturelle et incorporelle qui l’ajourne aux hymens lumineux du ciel, aux calendes de l’Éternité. « Leur sublime s’amalgame », comme dit Saint-Simon de madame Guyon et de Fénelon. […] Il va donc droit à M. de Montaiglin, lui conte, en l’arrangeant, son histoire, et lui demande l’hospitalité pour sa fille. […] Comme le dit madame Guichard, qui revient épanouie de joie : « Le Code est un bon garçon. » S’il ne permet pas toujours à ceux qui ont fait des enfants de les reconnaître, en revanche, il donne le droit à ceux qui n’en ont pas de reconnaître les enfants des autres. Ce que sachant, la digne femme est allée droit à sa mairie, se déclarer mère d’Adrienne.

606. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Des esprits sévères et conséquents ont eu le droit de remarquer que le sentiment qui a inspiré ces petites pièces mènerait très loin, et ils ont pu regretter que l’illustre poète ne soit pas demeuré à l’Assemblée constituante pour défendre, expliquer, commenter et appliquer, s’il y avait lieu, la moralité de ces chansons, poétiquement très belles. […] Il n’a pu éviter pourtant de se faire centre, comme ç’a toujours été son habitude et comme c’est un peu son droit. […] Parce que M. de Pontmartin a gardé un reste de cocarde blanche et que moi je n’en ai pas de cocarde (car je n’en ai pas), il se croit un singulier droit, et il abuse étrangement de son symbole. […] On est du Centre droit et l’on n’est pas pour cela de la Chambre introuvable de 1815.

607. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Target avait demandé un sursis pour l’abolition du droit de pêche, et il reçoit une adresse de remerciements de la part des anguilles de Melun : « Français, s’écrie là-dessus Camille Desmoulins, vous êtes toujours le même peuple, gai, aimable et fin-moqueur. […] Il l’avait dit dans sa France libre : « La mort éteint tout droit. […] - Quelques passages d’un ton assez élevé, quelques pages senties sur Milton pamphlétaire et publiciste (dans le numéro 4), ou encore la fin d’une lettre adressée par Camille à son père (dans le numéro 7), ne sauraient nous induire à fermer les yeux ni sur ces théories détestables, ni sur les pasquinades et les injures dont Camille se croit en droit de poursuivre les hommes les plus dignes d’être honorés. […] Quoi qu’il en soit, dans tout ce début du Vieux Cordelier on sent bien l’homme qui s’est fourvoyé à tel point, que, pour revenir au droit chemin, il lui faut absolument repasser par les boues et par la fange.

608. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Pendant tout le temps que le jeune Joseph passa à Turin pour suivre le cours de droit à l’Université, il ne se permit jamais la lecture d’un livre sans avoir écrit à son père ou à sa mère à Chambéry pour en obtenir l’autorisation. […] Enseveli, abîmé dès l’enfance dans les études sérieuses , son métier était le droit, et il s’y appliqua en homme de doctrine et de pratique, comme on eût fait en Italie au xvie  siècle. […] Et se redressant avec la conscience de sa force devant ces hommes de routine, leur montrant qu’il y a eu en ce monde plus d’affaires encore perdues par le trop de finesse que par l’imprudence ; que, s’il y avait imprudence dans le cas présent, elle n’eût été que pour lui seul, et que son idée d’ailleurs avait été approuvée à l’avance par un petit nombre d’hommes sages qu’il avait consultés : Or, permettez-moi de vous le dire, monsieur le chevalier, lorsqu’une idée née dans une tête saine qui surmonte un cœur droit a de plus été examinée attentivement et approuvée par quatre ou cinq hommes de poids, elle ne saurait plus être absurde ni condamnable ; elle peut être simplement désapprouvée, mais c’est bien différent. […] Albert Blanc, docteur en droit de l’université de Turin, a donné, depuis lors, la Correspondance diplomatique de M. de Maistre (1858), et a tiré le plus qu’il a pu le noble écrivain du côté de la cause nationale du Piémont, en le montrant tout à fait opposé et antipathique à l’Autriche.

609. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Elle ne reçoit des nouvelles que de ricochet et par les Français qui servent dans l’armée impériale ; elle s’en plaint avec douceur, avec timidité, comme quelqu’un qui se sent à peine des droits : Je suis bien heureuse que les Français qui sont dans votre armée n’aient point encore oublié leur patrie, car sans leur secours, malgré le peu de disposition que j’ai de vous croire coupable, je serais toujours dans des alarmes que votre situation ne fait que trop naître. […] La tête de Bonneval s’exalte ; il sort évidemment du droit sens, et nous le retrouvons ce que nous l’avons précédemment trouvé avec Chamillart, et bien au-delà : Les personnes de ma naissance ont trois maîtres : Dieu, leur honneur, et leur souverain… Nous ne devons rien à ce dernier qui puisse choquer les deux premiers. Entre lui et Prié, c’est une guerre à mort ; il se figure que l’Europe entière est attentive à ce démêlé et à l’éclat qu’il en a fait : Je dois songer à la grande affaire qui est de vaincre, écrivait-il à un ami de Bruxelles pendant sa détention au château d’Anvers (16 septembre 1724) ; le moyen que j’ai pris et mes mesures m’y conduisant tout droit, il n’importe pas si cela se fait exactement suivant le goût et la règle des cours, puisqu’un homme de courage hasarde volontiers une petite mortification de la part de son maître pour arriver à un plus grand bien, et qu’il doit suivre sans aucun égard les routes les plus courtes, pourvu que ce soient celles des gens de bien, quand on y devrait chiffonner sa perruque, déchirer ses habits, perdre son chapeau et le talon de ses souliers en sautant les fossés… Au reste, si vous lisez attentivement mes lettres à Sa Majesté, vous verrez qu’elles présagent les pas que j’ai faits avec toute la franchise d’un soldat qui ne craint rien, pas même son maître, quand il y va de son honneur, que je n’ai jamais engagé ni n’engagerai de ma vie à aucun des rois de la terre. […] Il me conduit bien droit à mon but, je me moque du reste : Audaces Fortuna juvat… » Le caractère, ce me semble, est assez nettement dessiné ; il y a là un défaut originel qui reparaît constamment et qui se réveille presque sous les mêmes formes.

610. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Bientôt la famille humaine devient la patrie ; et sous les regards satisfaits de cette Providence que les anciens voyaient sourire du haut du ciel aux sociétés d’hommes, les hommes se lient par la loi et le droit, et se transmettent le patrimoine de la chose publique. […] Elle cherchera partout l’écho, partout la vie d’hier ; et elle s’inspirera de tous les souvenirs et des moindres témoignages pour retrouver ce grand secret d’un temps qui est la règle de ses institutions : l’esprit social, — clef perdue du droit et des lois du monde antique. […] Nos livres en ont indiqué, croyons-nous, les limites, le dessin général, les droits et les devoirs. […] Une lecture attentive de ces dernières amena la conviction dans notre esprit : ces lettres étaient incontestablement de Sophie ; mais si nous n’avions pas de doute, le public avait le droit d’en avoir.

611. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

De là ce problème : — Sous quelles conditions un personnage est-il sympathique et a-t-il droit en quelque sorte d’entrer en société avec tous ? […] De plus, « l’accroissement de la sociabilité est parallèle à l’accroissement de l’activité ; or, plus on agit et voit agir, et plus aussi on voit s’ouvrir des voies divergentes pour l’action, lesquelles sont loin d’être toujours des voies droites ». […] « Nous sentons s’enrichir notre cœur quand y pénètrent les souffrances ou les joies naïves, sérieuses pourtant, d’une humanité jusqu’alors inconnue, mais que nous reconnaissons avoir autant de droit que nous-mêmes, après tout, à tenir sa place dans cette, sorte de conscience impersonnelle des peuples qui est la littérature. » Enfin la sociabilité humaine doit s’étendre à la nature entière ; de là cette part croissante que prend dans l’art moderne la description de la nature. […] Tout grand homme se sent providence, parce qu’il sent son propre génie. » On retrouvera dans ce livre les qualités maîtresses de Guyau : l’analyse pénétrante et en même temps la largeur des idées, un mélange de profondeur et de poésie, cette rectitude d’esprit jointe à la chaleur du cœur qui fait qu’on pourrait lui appliquer à lui-même ses deux beaux vers : Droit comme un rayon de lumière, Et comme lui vibrant et chaud.

612. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

De là vient le droit, c’est-à-dire l’accord de la liberté de chacun avec la liberté de tous. Le devoir et le droit sont des forces, mais non des forces physiques et mécaniques, agissant suivant la loi de la nécessité. […] Lorsque le besoin que j’ai d’une chose s’arrête devant le droit d’autrui, on peut dire que c’est la série mécanique des phénomènes de la nature qui vient se choquer contre une idée. Il n’y a pas de commune mesure entre ces deux choses, et c’est ce qu’on exprime en opposant le fait au droit, la force à la justice.

613. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Le Prince C’est une assez bonne méthode pour décrire des tableaux, surtout champêtres, que d’entrer sur le lieu de la scène par le côté droit ou par le côté gauche, et s’avançant sur la bordure d’en bas, de décrire les objets à mesure qu’ils se présentent. […] Au-devant du massif, jeune homme s’avançant bêtement vers une vieille qui le regarde et semble lui dire : " c’est l’oiseau de ma fille. " au pied du bassin, vers la gauche, cette fille est étendue à terre, la tête et la partie supérieure du corps tournés vers le porteur d’oiseau et le bras droit appuyé sur sa cage ouverte. […] Il paraît que ses cuisses sont séparées ; elle a le bras gauche dans le lit, et le bras droit sur la couverture, qui se plisse beaucoup à la séparation des deux cuisses, et la main posée où la couverture se plisse. […] Ce personnage est silencieux, grave et tranquille ; il a une physionomie sauvage, fière et imposante, figure supérieurement ajustée, draperies bien raides et bien lourdes ; grands et longs plis bien droits comme les affectent toutes les étoffes d’or et d’argent.

614. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Avant lui, il est vrai, il s’était rencontré des écrivains dont le sens honnête et droit s’était soulevé d’indignation devant les crimes révolutionnaires, et qui n’avaient point partagé l’idolâtrie, maintenant si commune, pour son principe et ses excès. […] Ce furent eux qui déterminèrent la convocation des États-Généraux, dans lesquels se continua, pour se poursuivre, — on sait trop où, — cette longue bataille des réformes contre les privilèges qu’elles menaçaient et qu’elles ont enfin détruites, mais après tant d’efforts, de déchirements et de crimes, qu’il est évident que le temps des anciennes institutions n’était pas accompli, et que Dieu, qui permettait aux hommes de les abolir à leurs risques et périls, ne leur avait retiré ni la force du droit, ni la puissance de la vie. […] Selon moi, c’est une bien grande question de savoir si le Roi avait le droit de porter à terre, sous des réformes qui valaient des coups de hache, les institutions monarchiques dont il était le couronnement. […] Le trop célèbre professeur posait en principe qu’on ne devait se préoccuper que des faits glorieux d’une époque, et qu’on pouvait passer, les yeux fermés par un optimisme supérieur, sur les faits criminels et funestes : « Je renvoie — disait-il alors, avec la superbe d’un homme qui prend des effets oratoires pour des raisons philosophiques, — les horreurs et les crimes de la Révolution à qui de droit. » Pour qui voit clair sous les mots, cela signifiait qu’il les renvoyait aux hommes de la Révolution, c’est-à-dire à la Révolution même ; or, précisément, c’était le contraire que voulait dire Cousin.

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