On a de lui des notices sur Boisrobert, l’amusant parasite de Richelieu ; sur Le Pays, qui, attaqué par Boileau, se vengea en faisant une visite polie et de galant hommem : sur Cospeau, l’évêque de Nantes, puis de Lisieux (appelé vulgairement Cospéan), qui fut à la Cour un prélat véridique, et dans son temps un orateur. […] Il reconnaît si bien Regnier comme son parent et son auteur, qu’étant allé en Pologne, où il s’était bien trouvé de boire à la polonaise, tandis que Desportes, oncle de Regnier, qui y était allé en son temps à la suite de Henri III, s’en était fort repenti, il dit qu’il n’y a rien là d’étonnant : C’était un mignon de cour Qui ne respirait qu’amour : Il sentait le musc et l’ambre, On le voit bien à ses vers ; Et jamais soif en sa chambre Ne mit bouteille à l’envers.
Le salon de Mme de Lambert, la petite cour de Sceaux, un peu plus tard l’hôtel de Brancas, en tenaient école à des degrés différents, et l’on y voyait comme des jeux d’escrime. […] Voltaire, dont notre Révolution eût fait le désespoir (car jamais esprit ne fut à la fois plus aristocratique et plus libéral), excitait ses disciples de Cour à mêler aux discussions littéraires l’examen de l’état social de leur époque ; ce puissant intérêt, tout nouveau pour des esprits légers, les élevait à leurs propres yeux, en même temps qu’il ouvrait à leur curieuse ardeur un champ inconnu et sans bornes.
Son ambition, quand il en avait une, eût été de jouer dans un État aristocratique le rôle de magistrat populaire ; mais la vie publique dans une démocratie effective lui aurait été plus désagréable que dans une cour, même absolue. […] Il avait vingt-quatre ans, d’aimables dehors, de la naissance ; il parlait l’anglais avec facilité et aimait même à l’écrire : « Car cette langue, disait-il, se prête à tout, au lieu qu’en français il faut toujours rejeter dix pensées avant d’en rencontrer une qu’on puisse bien habiller. » Il y contracta tout d’abord d’étroites amitiés, y vit le grand monde, fut présenté à la cour, et, ce qui nous intéresse davantage, fut admis, à Cambridge, dans l’intimité du charmant poète Gray. « Jamais, disait-il, je n’ai vu personne qui donnât autant que Gray l’idée d’un gentleman accompli. » Nous avons un récit de ces mois de séjour à Cambridge, par Bonstetten, qui s’est plu à mettre en contraste le caractère mélancolique de Gray avec la sérénité d’âme de son autre ami, le poète allemand Matthisson, qu’il posséda plus tard chez lui comme hôte en son château de Nyon, dans le temps qu’il y était bailli.
La cause libérale, comme elle s’intitule, avait eu à subir depuis 1848 bien des affronts, des échecs et des désagréments ; mais je ne crois pas que, dans la personne de quelques-uns de ses chefs, tels que je les connais, elle dût éprouver d’humiliation plus sensible que celle de voir un ancien secrétaire du Château, l’ancien avocat des dotations princières, le chroniqueur des voyages officiels d’où il écrivait au débotté : « Le prince a fort réussi » ; un homme de collège à la cour et un homme de cour au collège, M.
Il avait vu à Londres Saint-Évremond ; à Paris, il était des familiers du Temple, des habitués du café Laurens ; il s’essayait au théâtre par de froides comédies ; il paraphrasait les psaumes que le maréchal de Noailles lui commandait pour la cour, et composait pour la ville d’obscènes épigrammes, qu’il appelait les Gloria Patri de ses psaumes. […] Il sera lyrique aussi, bien qu’avec moins de grandeur et de gloire, celui qui, vivant dans les loisirs de l’abondance et à la cour des tyrans, chantera les délices gracieuses de la vie et les pensées tristes qui viendront parfois l’effleurer dans les plaisirs.
(Jules Cousin, le Comte de Clermont et sa cour. […] « La jeune princesse en est à sa quatrième nourrice… J’ai appris à cette occasion que tout se fait par forme à la cour, suivant un protocole de médecin, en sorte que c’est un miracle d’élever un prince et une princesse.
Une autre fois, on l’accusait de s’être raccommodé avec la cour aux dépens de ses complices. […] Ces personnes auxquelles l’avaient lié des goûts et peut-être des préventions communes, c’étaient Mme de la Fayette et d’autres dames de la cour, dont l’esprit délicat aiguisait le sien, et au tact desquelles il éprouvait, comme à une pierre de touche, la vérité de ces réflexions qui, sous le nom de Maximes, allaient devenir des vérités immortelles.
Quoique logé chez le prince de Ravenne, il ne laissa pas de raconter dans son Enfer l’aventure délicate et désastreuse arrivée à la fille de ce prince ; et lorsque après son exil il se fut réfugié auprès de Can de l’Escale, il conserva dans cette cour ses manières républicaines. Un jour, ce petit souverain lui disait : « Je suis étonné, messer Dante, qu’un homme de votre mérite n’ait point l’art de captiver les cœurs ; tandis que le fou même de ma cour a gagné la bienveillance universelle. — Vous en seriez moins étonné, répondit le poëte, si vous saviez combien ce qu’on nomme amitié et bienveillance dépend de la sympathie et des rapports. » Les différents ouvrages qui nous restent de lui2 attestent partout la mâle hardiesse de son génie.
Janin a pris la plupart des noms qui figurent dans son livre ; je dis les noms, car il a donné aux personnages un tout autre caractère, et les a complètement métamorphosés. à partir d’un certain moment, l’institut de l’Enfance étant devenu suspect, la Cour donna ordre de le surveiller étroitement et d’y introduire des espions, ce qu’on appelait dès lors des mouches. […] À la Cour, ce fut toujours une note fâcheuse contre M. d’Aguesseau d’avoir eu une de ses filles à l’Enfance, et on crut que, sans cette circonstance qui lui donnait une couleur aux yeux de certaines gens, il aurait été chancelier, comme son fils le devint depuis.
Le duc de Reichstadt, qui allait avoir vingt ans, élevé avec beaucoup de soin par des hommes instruits qui avaient cultivé en lui ses nobles instincts et qui les avaient fortifiés par des études positives, n’avait encore paru que dans les réunions de la famille impériale et les fêtes de la Cour. […] Se rappelant la conversation qu’il avait eue avec Napoléon avant Leipzig, à Düben, le 11 octobre 1813, et que les événements subséquents avaient gravée en traits brûlants dans son souvenir, le maréchal fut très frappé de ce qu’il croyait une coïncidence fortuite ; mais, comme il en parlait à une personne de la Cour, il sut que le jeune prince avait été informé par elle de cette conversation de Napoléon et des traces qu’elle avait laissées dans le cœur du maréchal.
Du temps de la monarchie et de la Cour, elle se confondait avec la maladie du courtisan disgracié ou de la perte de la faveur ; depuis l’émancipation de la société et la participation plus ou moins directe d’un grand nombre à l’exercice du pouvoir, la maladie, dans sa forme simple, s’est fort répandue, et il y a des moments où elle a le caractère d’une épidémie. […] Il devenait même poète du coup, et rimait l’éloge de Henri IV et son propre Adieu à la Cour en deux pièces de vers qui se sont conservées.
À Versailles, à deux pas de la Cour, Ducis resta de tout temps un homme de la Savoie, au cœur d’or, aux vertus de famille, sans un jour de désordre ni d’oubli dans les mœurs, chrétien, catholique, pratiquant, aimant à faire des tournées de campagne dans les presbytères des bons curés des environs, et passant de là sans discordance au théâtre, se souvenant de son pays originaire, du village de Hauteluce (Alta lux) voisin du ciel, et, les jours de fête, s’inspirant, dans sa pieuse vision, du désert de la Grande-Chartreuse et des abeilles de la montagne. […] Il y a un certain Pharasmin, Persan et prisonnier, qui renonce à la Cour des rois pour devenir pasteur et pour épouser une des filles d’Abufar.
Il n’en est pas ainsi de ceux de Wagnière : Suisse honnête que Voltaire appelait son fidèle Achate, copiste en titre, sachant le latin, il prend davantage les choses au sérieux, et ne se laisse point aller à ces anecdotes de toilette et de cour qui d’ailleurs n’étaient plus de son temps.
Depuis que le tzar Pierre s’était imaginé que la perruque à la Louis XIV était une pièce essentielle de la civilisation européenne, la cour avait adopté l’étiquette et les modes françaises ; elle rougissait des mœurs du peuple, desquelles les siennes au fond se rapprochaient beaucoup.
Il a fait entendre à Caen, au rendez-vous de la Pomme, la chanson paternelle des Cigaliers… Enfin il a payé sa dette avec un gracieux apologue aux fêtes données en l’honneur de Florian, tout près de ce parc de Sceaux où la duchesse du Maine avait tenu sa cour de petits poètes et présidé l’ordre de la Mouche à miel. — À la suite de ces poésies lyriques, parmi lesquelles se détache encore l’hymne éclatant à la mémoire de Paul de Saint-Victor, se placent des poèmes philosophiques qui ont aussi leur grande valeur, d’un symbolisme profond et d’une émotion communicative ; quelques-uns m’ont rappelé, avec une langue plus moderne, certaines inspirations très heureuses d’Émile Deschamps, qui présente quelques analogies avec notre poète, ne serait-ce que par un caractère commun dans leur talent, caractère de conciliation et de transaction.
Jusqu’à la mort de Molière et au-delà, Français et Italiens se firent concurrence, s’imitèrent, s’empruntèrent réciproquement ce qu’ils avaient de meilleur, rivalisèrent dans les fêtes de cour, où ils étaient fréquemment réunis et mis en présence.
Les mots grecs : il semble que, vomis par les cartons de Flaxman, des guerriers vêtus d’un seul casque à balai fassent la cour à des marquises ou à des grisettes ; qu’ils rentrent dans leurs cartons, qu’ils réintègrent leurs musées et continuent, rouges autour des vases noirs, leurs éternels gestes, ou que, résignés à la loi du milieu, ils se fassent, par le costume et par l’accent, les fils du peuple où ils se sont introduits.
… N’est-elle plus attachée au tronc de l’olivier autour duquel j’avais moi-même bâti une salle dans ma cour, etc.
Il épiait les intrigues de la cour, il en ourdissait lui-même, il établissait son crédit auprès des pouvoirs futurs. […] Il resta donc à la cour. […] Or, Philippe a contre lui la volonté du roi, sa mauvaise réputation, la jalousie des princes légitimés, déjà investis de moyens d’action considérables, plus que tout, les préventions de la cour. […] La Rochefoucauld, La Bruyère, Fénelon, Bossuet, Molière, Racine, La Fontaine, voire même Saint-Simon, sont tous de Paris et de la cour. La cour remplit toute l’âme de Saint-Simon qui la hait, comme de Racine qui l’aime à en mourir.
Huet, d’un ton discret et plus fait à la cour, Sans zèle et passion causait de toute chose, Des enfants de Japhet, ou même d’une rose.
et d’une essence supérieure à celle des autres collégiens ; ils étaient déjà intolérants, défendaient durement leurs privilèges et leur coin de cour.
Aussi ne lui valut-elle ni pension de la cour, ni le suffrage du public.
Ces échevins ne sont que des sacs de laine ; ou des colosses ridicules de crème fouettée ; ou si vous l’aimez mieux, c’est comme si l’artiste avoit laissé une nuit d’hyver sa toile exposée dans sa cour, et qu’il eût neigé dessus toute cette composition.
Le premier acte se divise en deux parties : l’entretien de mademoiselle de La Vallière avec le marquis de Bragelone, son fiancé, et son arrivée à la cour de Fontainebleau. […] Le troisième acte, le plus important et le plus dramatique, selon l’auteur, est consacré tout entier à la peinture des intrigues de cour. […] Elle se retire, après avoir promis au franciscain de quitter la cour sans délai. […] Tout ce que l’auteur dit de Louis XIV et de sa cour, des personnages historiques jugés par les contemporains et jugés par la postérité, est parfaitement insignifiant. […] Enfin arrive Ronciat, qui fait la cour aux écus de la Grand’Rose.
Pasquier, encore vivant et vivant tout entier aujourd’hui, qui distribuait alors ces faveurs en qualité de ministre des affaires étrangères de Louis XVIII : homme de goût, de cour, de tribune, de congrès, de grande société européenne. […] Les mains lourdes de dons, le poète avec grâce Descend vers les oiseaux et les chiens de la cour ; Au pas aimé du maître alors la bande accourt, Bondit, aboie, et vole, et chante sur sa trace. […] …………………………………………………………… …………………………………………………………… …………………………………………………………… …………………………………………………………… Le lendemain venaient dans la cour du château De frais petits enfants à la joue en fossettes, Offrant ce qu’ils avaient, des paniers de noisettes ; C’était le tour aussi des bergers du plateau : Ils avaient deviné la main dans le cadeau ; Leur mère, en leur mettant leur chemise de fêtes, Leur avait dit : « Tu vas au clocher, fais-toi beau !
L’Espagne se prêta à cette illusion ; tout le parti orléaniste s’écria unanimement que la monarchie illégitime était pour jamais légitimée par cet acte de foi de la cour d’Espagne dans la solidité du trône de Juillet. […] Préserver la paix du monde était assez pour elle ; elle la préserva : « Ne préjugeons rien », dis-je à l’ambassadeur d’Autriche, le loyal comte Appony, que j’honorais de la plus juste estime depuis longues années ; « dites à votre cour que nous ne lui demandons pas la paix, ce serait une lâcheté indigne de la France ; que nous ne lui déclarons pas d’hostilité préconçue, ce serait une provocation funeste à l’Europe ; que nous ne sommes avec elle ni en guerre ni en paix, mais en expectative inoffensive ; que c’est à votre cour à faire elle-même sa situation envers nous et notre situation envers elle ; que la république légitime, qui n’a point d’intérêt dynastique, est compatible avec toutes les monarchies légitimes, et que rien n’empêche de nouer, au besoin, entre la république et l’Autriche, l’alliance des rois et des peuples qui se respectent dans leurs droits réciproques.
J’entrai sur les pas du duc de Rohan dans une maison obscure de la rue du Pot-de-Fer, au fond d’une cour, au rez-de-chaussée ; un bourdonnement d’enfants qui répètent leurs leçons sortait des fenêtres basses, comme un bourdonnement de ruches qui font le miel au printemps. […] « — N’y a-t-il point, dis-je au concierge, un moyen de sortir d’ici par quelque cour de service ouvrant sur une ruelle de derrière, et qui me permettrait d’atteindre inaperçu un quartier solitaire et vide ? […] Et il me conduisit dans une petite cour d’écurie.
parce qu’il vous a plu de me faire la cour, parce que j’ai été assez confiante pour croire en vous, parce que je vous ai jugé un galant homme, vous deviendriez un obstacle au bonheur de toute ma vie ? […] Donc, si mademoiselle Élisa de Roncourt veut bien accepter ses humbles millions, il fera sa cour et tâchera de plaire. […] Il revient du Havre ; cette innocente promenade a fait tomber les actions de sa maison dans les bas-fonds de la baisse ; il les a rachetées à cinquante pour cent au-dessous du pair : le tour est fait… Mais ce tour est celui d’un Mercadet à ses débuts et non celui d’un homme six fois millionnaire ; mais cette fausse sortie, exécutée sur le théâtre sérieux des affaires, conduirait tout droit son homme en police correctionnelle ou en cour d’assises ; mais c’est là une fourberie impossible, imaginaire, fantastique, et dont ce pauvre diable de millionnaire sacrifié ne peut être responsable aux yeux du public !
Schiller, le visage allongé et mince, le cou long, les membres grêles, la physionomie maladive, le regard timide et indécis, le costume étriqué et presque ridicule de l’étudiant en médecine, dépaysé dans une cour, n’avait rien de l’homme de génie que la souffrance. Goethe, véritable Apollon dans sa maturité forte et sereine, régnait par droit de nature encore plus que par droit d’aînesse et de rang sur son jeune émule ; mais Goethe était sans jalousie comme la toute-puissance ; au lieu d’éloigner ou d’éclipser son rival de célébrité, il songea généreusement à l’élever jusqu’à lui et à l’attacher par des liens de reconnaissance à la cour de Weimar. […] Goethe, aussi fier de ce succès que Schiller lui-même, ne manqua pas une occasion de faire valoir son nouvel ami à la cour de Weimar. […] la maladie énerve mes forces physiques ; j’aurais difficilement le temps d’accomplir en moi une grande œuvre intellectuelle. » VII « Je vais avoir quinze jours de liberté, écrit Goethe à son nouvel ami, pendant un voyage de ma cour ; venez me voir pendant ce loisir, nous causerons de nos Heures ; nous ne verrons que quelques rares amis qui pensent comme nous.
Le quiétisme somnolent de sa cour et de ses monastères avait assoupi son génie naturel ; mais l’invasion révoltante de son territoire, en 1810, par Napoléon, lui a rendu le patriotisme par l’indignation. […] Ils défilèrent avec une gravité antique sous mes yeux pour entrer dans la cour du palais. […] XXXI Cette procession rurale défila lentement en silence, et se groupa tout entière dans la cour du palais. […] Ce qu’on appelle palais dans cette langue qui grandit tout ce qu’elle prononce, n’était qu’une petite maison sans cour ni jardin, composée d’un rez-de-chaussée et d’un demi-étage, dont la façade, sans aucune architecture, ouvrait par quelques fenêtres basses et closes sur le quai étroit de l’Arno.
Dante, Pétrarque, le Tasse, l’Arioste, Machiavel, Michel-Ange, Raphaël, les Médicis et leur cour ; trois poèmes épiques en trois siècles ; une litanie de noms et d’œuvres secondaires, et cependant impérissables, dignes d’être gravés sur la colonne de bronze qu’on élèverait à la gloire intellectuelle de l’Europe pensante, sont le témoignage de cette immortelle fécondité de l’Italie. […] Artaud remplissait merveilleusement ce rôle près de la cour romaine. […] Il m’initia en même temps, par une immense variété d’anecdotes dont il était le recueil vivant, à la diplomatie consommée de la vieille cour de Rome et à l’histoire de cette capitale ecclésiastique depuis la révolution française jusqu’à la captivité de Pie VI à Savone. […] Au seuil de la carrière, le cœur un moment lui manqua ; mais trois femmes bénies veillaient sur lui dans la cour du ciel.
À quelqu’un qui lui parlait de ses Sermons prêchés à la Cour, Massillon répondait : « Quand on approche de cette avenue de Versailles, on sent un air amollissant. » Il ne paraît rien de cet amollissement dans aucun des premiers discours de Massillon (1699-1715). […] La duchesse d’Orléans, mère du Régent, écrivait en juillet 1699 : Rien n’est plus rare en France (il fallait dire : à la Cour) que la foi chrétienne ; il n’y a plus de vice ici dont on eût honte ; et, si le roi voulait punir tous ceux qui se rendent coupables des plus grands vices, il ne verrait plus autour de lui ni nobles, ni princes, ni serviteurs ; il n’y aurait même aucune maison de France qui ne fût en deuil.
Cependant celui-ci se décida à faire imprimer cette Iliade versifiée et réduite à douze chants ; elle parut pour la nouvelle année de 1714 avec un Discours sur Homère, où il déclarait tous ses sentiments ; et c’est alors, à ce moment de la paix d’Utrecht, la ville et la Cour étant de loisir, que la guerre littéraire éclata. […] Elle se moque d’une de ces critiques qui porte à la fois sur la conduite d’Hélénus, d’Hector et de Diomède, qu’Homère donne pour sages et qui, au moment même, se seraient emportés comme des imprudents : « Voilà un beau coup de filet pour M. de La Motte, dit-elle assez gaiement, d’avoir pris en faute trois héros d’Homère tout à la fois. » Quand elle en vient au travestissement en vers qu’il a donné de l’Iliade, elle en fait ressortir tout le chétif et l’indignité ; elle montre très bien, par exemple, que les obsèques d’Hector, exposé sur un lit dans la cour du palais, avec l’entourage lugubre des chanteurs et les gémissements de tout un peuple de femmes qui y répondent, sont devenues chez M. de La Motte quelque chose de sec et de convenu : « On croit voir, dit-elle, un enterrement à sa paroisse. » Mais ces traits d’esprit, que Mme Dacier oppose à ceux de l’adversaire, se mêlent trop d’images, de comparaisons et de citations qui juraient avec le goût moderne.
Read (1854), et où se lisent des conversations de Henri IV et du ministre protestant Chamier de Montélimar, pendant un voyage de celui-ci en Cour, on voit comment Henri IV traitait d’autre part ses anciens coreligionnaires demeurés opiniâtres et ardents ; il y employait un mélange de sévérité, d’adresse et de bons propos : on y saisit bien son procédé politique en action ; mais il n’était qu’exact et véridique, lorsqu’il disait à ce ministre Chamier, dont il aurait voulu adoucir l’âpreté : « Qu’il ne demandait rien de lui que ce qui se doit d’un honnête homme ; qu’il n’était pas, comme on disait, gouverné par les jésuites, mais qu’il gouvernait et les jésuites et les ministres (calvinistes), étant le roi des uns et des autres. » Vrai roi de tous en effet, grand et admirable en ce qu’il devançait l’esprit des temps, dominant toutes ces haines qui l’entouraient, toutes ces passions de gallicans, de parlementaires, d’ultramontains, de huguenots, et au sortir d’une époque où l’on s’égorgeait et l’on s’entre-dévorait, forçant tous ses naturels sujets à subsister, bon gré mal gré, dans une paix et une garantie mutuelles ! […] Il ne serait pas raisonnable que ce beau danseur (le duc de Joyeuse) et ces mignons de cour en emportassent les trois principales têtes, que Dieu a réservées pour conserver les autres avec l’État.
Son père, qui était un marchand de vin en gros suivant la Cour, et fort connu des grands, lui fit donner la meilleure éducation : Voiture étudia à Paris, au collège de Boncourt, et de là il alla faire son droit à l’université d’Orléans. […] Aujourd’hui qu’on veut savoir de chaque époque toute chose mieux que les contemporains, on essaie de contredire la tradition sur ce point ; on objecte que Voiture a lui-même parlé de son père dans une lettre, et n’a pas craint de comparer sa naissance, pour la roture, à celle d’Horace ; qu’il a logé chez son père dans un passage de la cour à Amiens… Je répondrai que la lettre dans laquelle Voiture parle de son père est un billet à Costar, et que tout ce qui est censé adressé par Voiture à celui-ci est suspect d’arrangement.
Le principe et les moyens sont toujours à peu près les mêmes : quand, par intrigue ou par audace, on s’était rendu assez important et qu’on s’était relevé de mépris du côté de la Cour, on était compté et recherché d’accommodement ; ce qui faisait le profit. […] Bref, après la mort de Luynes, après bien des pourparlers semblables entremêlés aux coups de main, M. de Rohan, qui voit tout le peuple las de la guerre, à qui il ne reste pas de fourrage pour nourrir huit jours sa cavalerie très diminuée, et qui n’a plus aucun espoir de secours de la part des coreligionnaires étrangers, s’abouche avec le connétable de Lesdiguières pour rédiger un traité (octobre 1622) qui sauve et maintient les points principaux nécessaires au parti, et où ses propres intérêts aussi ne sont pas tout à fait oubliés : après quoi il n’est pas seulement pardonné par le roi, il a un éclair de faveur en Cour.
Il aimait à se voir arriver dans la cour, à sentir contre son épaule la barrière qui tournait, et le coq qui chantait sur le mur, les garçons qui venaient à sa rencontre. […] Une fois, par un temps de dégel, l’écorce des arbres suintait dans la cour, la neige sur les couvertures des bâtiments se fondait.
Pendant un séjour de la Cour à Fontainebleau au printemps de 1661, après le mariage de Monsieur, on voyait, dit-elle, dans les promenades que le roi, les reines, Monsieur et Madame faisaient sur le canal dans un bateau doré, le prince de Condé s’empresser de les servir à la collation en sa qualité de grand maître, mettant lui-même les plats sur la table ou les rendant au duc de Beaufort qui était en dehors de la barque trop petite, et qui s’empressait aussi, par son ardeur obséquieuse, de faire oublier les torts du passé. […] Dès le milieu du règne de Louis XIV, tout était tourné à la règle étroite, à la dévotion, et le profit moral, la dose de connaissance morale dont on parle, et qui d’ailleurs n’était propre qu’à un petit nombre d’individus d’élite dans une génération à peu près parue, étaient dès longtemps épuisés ; la révocation de l’Édit de Nantes, et l’approbation presque entière qu’elle reçut dans les régions élevées et de la part de quelques-uns de ceux même qui auraient dû être des juges, l’inintelligence profonde où l’on fut à la Cour de la révolution anglaise de 1688 et de l’avènement de Guillaume, montrent assez que les lumières étaient loin et que les plus gens d’esprit en manquaient.
Il faut admirer ce que nous avons et ce qui nous manque ; il faut faire autrement que nos ancêtres et louer ce que nos ancêtres ont fait. » Et après quelques exemples saillants empruntés à l’art du Moyen-Age et à celui de la Renaissance, si originaux chacun dans son genre et si caractérisés, passant à l’art tout littéraire et spirituel du xviie siècle, il continue en ces termes : « Ouvrez maintenant un volume de Racine ou cette Princesse de Clèves, et vous y verrez la noblesse, la mesure, la délicatesse charmante, la simplicité et la perfection du style qu’une littérature naissante pouvait seule avoir, et que la vie de salon, les mœurs de Cour et les sentiments aristocratiques pouvaient seuls donner. Ni l’extase du Moyen-Age, ni le paganisme ardent du xvie siècle, ni la délicatesse et la langue de la Cour de Louis XIV ne peuvent renaître.