Dans la nouvelle organisation réglée par le Premier consul, et qui répartissait les détails de l’administration militaire entre deux corps différents, l’un conservant l’ancien titre de commissaires des guerres et destiné à surveiller l’emploi des matières et les approvisionnements, l’autre, sous le titre d’inspecteurs aux revues, destiné à constater le chiffre de l’effectif, Daru fut compris dans la création de ce dernier corps ; et ce fut en cette qualité d’inspecteur aux revues qu’il fut envoyé à l’armée d’Italie et qu’il fit la campagne de Marengo.
Par malheur, en touchant si juste dans son attaque contre cette fausse veine, Mme Dacier, préoccupée des idées d’école, donnait à l’instant dans une erreur d’un autre genre ; elle croyait pouvoir offrir dans Homère la perfection et jusqu’à la symétrie du poème épique, tel que le système en avait été autrefois trouvé par Aristote et surtout tel que l’avait récemment présenté dans un traité ad hoc un savant chanoine, le père Le Bossu ; et, par là, elle allait prêter le flanc aux gens d’esprit qui, battus ou repoussés sur une des ailes de leur corps de bataille, prendront leur revanche sur l’autre aile. […] Et, dans une comparaison spirituelle, elle suppose qu’Hélène, cette beauté sans pareille chez Homère, est morte en Égypte, qu’elle y a été embaumée avec tout l’art des Égyptiens, que son corps a été conservé jusqu’à notre temps et nous est apporté en France ; ce n’est qu’une momie sans doute : On n’y verra pas ces yeux, pleins de feu, ce teint animé des couleurs les plus naturelles et les plus vives, cette grâce, ce charme qui faisait naître tant d’amour et qui se faisait sentir aux glaces mêmes de la vieillesse ; mais on y reconnaîtra encore la justesse et la beauté de ses traits, on y démêlera la grandeur de ses yeux, la petitesse de sa bouche, l’arc de ses beaux sourcils, et l’on y découvrira sa taille noble et majestueuse… C’est en ces termes véridiques et modestes que Mme Dacier annonçait sa traduction, et elle n’a rien dit de trop à son avantage.
La maladie de Cowper continuait encore sous une forme religieuse, et il ressentait souvent des terreurs que ses amis faisaient tout pour combattre et pour guérir, mais que pourtant leur doctrine rigide sur la prédestination et sur la grâce n’était que trop propre à fomenter : « Il se présente à moi toujours formidable, disait-il de Dieu, excepté quand je le vois désarmé de son aiguillon pour l’avoir plongé comme en un fourreau dans le corps de Jésus-Christ. » Ces terribles images du Jugement et de la réprobation, même au moment où il croyait en avoir triomphé, le poursuivaient donc et dominaient encore sa pensée. […] [NdA] Cette traduction est celle d’une jeune femme enlevée trop tôt à l’affection de sa famille et de ses amis, Mme Langlais, épouse du député au corps législatif et fille de notre célèbre poète, Mme Desbordes-Valmore, de qui elle tenait le don de poésie.
Nous en avons fait quelques-unes de semblables ; mais il faut se rappeler qu’une armée est un corps éternel pour la masse, mais dont les membres se renouvellent continuellement. […] Comment peut-il faire, et quels sont les moyens pour que le corps de l’État se conserve, si la tête en est faible ?
À l’entendre, lui l’homme de la publicité harcelante et qui fatigua la renommée, il ne publiait jamais, presque jamais, ses livres que malgré lui, à son corps défendant : il avait un secrétaire qui le volait, un ami indiscret qui colportait ses manuscrits ; le libraire pirate s’emparait de son bien en le gâtant, en le falsifiant, et force lui était alors d’imprimer lui-même ses productions et de les livrer au public dans leur sincérité. […] Il en sortait parce qu’il avait le diable au corps, et parce qu’il avait aussi des étincelles du dieu.
Malgré l’ignorance qui nous environne, nous étudions, nous disputons sans cesse, et cette soif de savoir n’est jamais assouvie ; il me semble, en lisant les philosophes et les théologiens, voir des aveugles qui errent dans l’obscurité, qui s’entre-heurtent, qui, en voulant s’éviter, se font choir, qui embrassent l’ombre pour le corps, et qui se servent quelquefois, pour s’assommer, du bâton qui leur a été donné pour se conduire, Un petit nombre, tel que vous, Euler et Clairaut, élevés dans une plus haute région, rient de leurs folies et de leurs méprises, Qu’est-ce qui produit tant de faux jugements ? […] Il me semble qu’il doit avoir quitté ce monde avec moins de regrets, et que cette idée doit entrer pour beaucoup dans ce corps de raisons consolatoires que votre philosophie doit vous fournir.
Elle a de bonne heure fait le plus sensible des sacrifices pour une femme, surtout pour une femme qui a su et senti ce que c’est que l’amour : elle s’est dit : « Une femme qui n’a point été jolie n’a pas été jeune. » Et elle a sacrifié sa jeunesse, elle s’est jetée à corps perdu du côté de Dieu : « A l’âge de dix-neuf ans, je me jetai entre les bras de Dieu avec une passion telle, que je ne puis rien comparer de ce que j’ai éprouvé à sa vivacité. […] Ce fut une grâce… » Elle disait encore, en parlant de cet entier abandon de son être au sein de Dieu : « Ces sentiments, chère amie, sont de très ancienne date : le premier germe en a été conçu dans un temps où l’air était encore embaumé, les objets à l’entour resplendissants de beauté et de fraîcheur, et où mon cœur, quoique troublé par des peines, sentait encore parfois son existence avec enivrement. » Pour le philosophe et l’observateur, qui ne donne dans le surnaturel qu’à son corps défendant, il n’y a pas tant à s’étonner de cette subtilisation, de cette sublimation (pour parler comme en chimie) de tous les sentiments.
Le travers dans lequel l’estimable collectionneur a donné ici à corps perdu est si commun qu’il mériterait à peine qu’on s’y arrêtât : aussi faut-il que nous le rencontrions au milieu de notre chemin pour avoir l’idée de le relever. […] Collé, après sa comédie de Henri IV, aurait pu être de l’Académie ; le duc de Nivernais et Duclos le tâtèrent là-dessus ; il aurait pu, s’il l’avait voulu, en 1763, passer sur le corps à l’abbé de Voisenon, « ce mauvais prêtre sémillant » ; mais Collé, comme Béranger, ne se croyait pas digne ou du moins capable de l’Académie : « Pour en être digne, disait-il, il faut avoir un fonds de littérature qui me manque.
Mais savez-vous que, avec ce petit corps, il a été jadis un vert-galant ; que c’est pour s’arracher aux plaisirs sensuels qu’il a endossé la soutane ? […] Ma vie se passe dans une sorte de milieu vague entre toutes ces choses, avec un penchant très fort à une indolence d’esprit et de corps, triste, amère, fatigante plus qu’aucuns travaux, et néanmoins presque insurmontable.
Ce qu’il y a de très-certain, c’est que le peu de classiques qui tenaient encore la mer y périrent corps et biens ; les récits qu’on a faits depuis de MM. […] Il ne choquait plus, on s’y était accoutumé, et personne ne le prenait au sérieux, si ce n’est l’Institut en corps à la séance annuelle des quatre Académies.
La solution mixte improvisée à cette révolution pouvait déplaire à une portion notable des esprits et des cœurs : on pouvait désirer, concevoir du moins une autre issue, un autre cours donné aux choses, un autre lit au torrent ; mais tous, et ceux même qui se prononçaient pour la solution mixte, étaient très-persuadés qu’il allait y avoir pour bien des années dans le corps social une plénitude de séve, une provision, une infusion d’ardeurs et de doctrines, une matière enfin plus que suffisante aux prises de l’esprit. […] Rendons, rendons enfin admiration et justice à ces hommes qui ont imposé leur nom à leur siècle, Périclès, Auguste, Léon X et Louis XIV ; oui, ils ont été pour beaucoup dans la grandeur et la majesté de l’âge qu’on les a trop accusés d’accaparer ; leur absence totale et prolongée est bien capable aujourd’hui de faire apprécier leur rôle : ils ont empêché les génies et les talents de s’égarer, de se dissiper, les médiocres de passer sur le corps des plus grands ; ils ont maintenu les proportions, les rangs, les vocations, la balance des arts.
L’esprit a de grands avantages sur le corps : cependant le corps fournit souvent de petits goûts qui se réitèrent, et soulagent l’âme de ses tristes réflexions. » Ici, dans notre tête-à-tête des jeunes amants, la saveur de réalité, donnée par le petit festin, est tout aussitôt corrigée et relevée par le sacrifice.
C’est en suivant Boileau dans sa solitude d’Auteuil qu’on apprend à le mieux connaître ; c’est en remarquant ce qu’il fit ou ne fit pas alors, durant près de trente ans, livré à lui-même, faible de corps, mais sain d’esprit, au milieu d’une campagne riante, qu’on peut juger avec plus de vérité et de certitude ses productions antérieures et assigner les limites de ses facultés. […] pendant ce long séjour aux champs, en proie aux infirmités du corps qui, laissant l’âme entière, la disposent à la tristesse et à la rêverie, pas un mot de conversation, pas une ligne de correspondance, pas un vers qui trahisse chez Boileau une émotion tendre, un sentiment naïf et vrai de la nature et de la campagne3.
Toutes les splendeurs qui dérivent des rangs suprêmes introduisent dans les sujets tragiques une sorte de respect qui ne permet pas à l’homme de lutter corps à corps avec l’homme ; ce respect doit jeter quelquefois du vague dans la manière de caractériser les mouvements de l’âme.
Autant les individus qui le composent feraient de bassesses pour quelques demi-couronnes, autant ils sont généreux pris en corps. […] Du haut de ma fenêtre, je vis dans l’abîme de la rue le convoi d’une jeune mère ; on la portait, le visage découvert, entre deux files de pèlerins blancs ; son nouveau-né, mort aussi et couronné de fleurs, était couché à ses pieds. » XLII Chateaubriand fit une imprudence qui choqua l’ambassadeur et tout le corps diplomatique de Rome.
Il suppose une race un peu affaiblie, une diminution de la force musculaire et un raffinement du système nerveux, la persistance de l’esprit d’analyse au fort même des sensations les plus propres à vous faire perdre la tête, par suite une certaine incapacité de jouir pleinement et tranquillement de son corps, le sentiment de cette impuissance, un retour paradoxal, en pleine débauche, au mépris de la chair, et, dans la souillure même, une aspiration à la pureté, moitié feinte et moitié sincère, qui ravive la saveur du péché et le transforme en péché intellectuel, en péché de malice… De M. […] Du reste, un goût inné le portait vers ce monde, vers la vie qu’on mène aux alentours de l’Arc de Triomphe et vers les âmes et les corps de femmes qui y habitent.
Le choc que vous donne ce mot est celui que produirait la vue d’un mystère du corps dévoilé. […] Son âme endormie n’a été complice ni témoin de la profanation de son corps.
Thiers les a caractérisés dans une de ces pages comme il sait en écrire en tel sujet : C’était, dit-il en parlant du corps de Wellington, de la très belle infanterie, ayant toutes les qualités de l’armée anglaise. […] Moyennant ces mouvements de troupes, ces va-et-vient de régiments et de bataillons qu’il nous déduit par leurs numéros, on saisit, à n’en pouvoir douter, l’industrie toute spéciale avec laquelle Napoléon sait tirer de ses armées d’Allemagne et d’Italie, sans trop les affaiblir, des corps qu’il approprie à son échiquier nouveau ; on suit du fond de son fauteuil le grand artiste militaire dans ses habiletés et ses artifices d’organisateur.
On a le procès-verbal de l’ouverture du corps ; il n’indique que les résultats de l’inflammation la plus aiguë. […] M. de Maurepas écrivit au lieutenant de police que l’intention du cardinal de Fleury n’était point d’entrer dans cette affaire de la sépulture ecclésiastique, mais de s’en rapporter à ce que feraient l’archevêque de Paris et le curé de Saint-Sulpice : « S’ils persistent à la lui refuser comme il y a apparence, écrivait-il, il faudra la faire enlever la nuit et enterrer avec le moins de scandale que faire se pourra. » Le corps fut donc enlevé de nuit dans un fiacre ; deux portefaix guidés par un seul ami, M. de Laubinière, allèrent l’enterrer dans un chantier désert du faubourg Saint-Germain, vers l’angle sud-est actuel des rues de Grenelle et de Bourgogne.
À dix-sept ans, il ne fréquente volontiers que des gens au-dessus de son âge ; doué des avantages du corps et d’une élégance naturelle, il recherche pourtant avant tout les entretiens sérieux. […] Dès l’année 1783, à l’âge de vingt-deux ans, il prononça, à la clôture des audiences du Parlement, un Discours sur la nécessité de la division des pouvoirs dans le corps politique.
Dès que les libraires qui en avaient conçu la première idée eurent mis la main sur lui, ils sentirent bien qu’ils avaient leur homme ; cette idée à l’instant s’étendit, prit corps et s’anima. […] La tête de Psyché devrait être penchée vers l’Amour, le reste de son corps porté en arrière, comme il est lorsqu’on s’avance vers un lieu où l’on craint d’entrer, et dont on est prêt à s’enfuir ; un pied posé, et l’autre effleurant la terre.
Il y a le Fontenelle bel esprit, coquet, pincé, damoiseau, fade auteur d’églogues et d’opéras, rédacteur du Mercure galant, en guerre ou en chicane avec les Racine, les Despréaux, les La Fontaine ; le Fontenelle loué par de Visé et flagellé par La Bruyère ; et à travers ce Fontenelle primitif, à l’esprit mince, au goût détestable, il y en a un autre qui s’annonce de bonne heure et se dégage lentement, patiemment, mais avec suite, fermeté et certitude ; le Fontenelle disciple de Descartes en liberté d’esprit et en étendue d’horizon, l’homme le plus dénué de toute idée préconçue, de toute prévention dans l’ordre de la pensée et dans les matières de l’entendement ; comprenant le monde moderne et l’instrument, en partie nouveau, de raisonnement exact et perfectionné qu’on y exige, s’en servant avec finesse, avec justesse et précision, y insinuant l’agrément qui fait pardonner la rigueur, et qui y réconcilie les moins sévères ; en un mot, il y a le Fontenelle, non plus des ruelles ni de l’Opéra, mais de l’Académie des sciences, le premier et le plus digne organe, de ces corps savants que lui-même a conçus dans toute leur grandeur et leur universalité quand il les a nommés les états généraux de la littérature et de l’intelligence. […] ses maladies elles-mêmes, ses infirmités avaient quelque chose d’indolent et de tranquille : « Il avait la goutte, mais sans douleur ; seulement son pied devenait de coton ; il le posait sur un fauteuil, et voilà tout. » C’était une âme et un corps où n’entra jamais l’aiguillon.
« Le corps d’un athlète et l’âme d’un sage » ; c’est ainsi que le définissait plus tard Voltaire aux heures de justice et d’équité. […] On sait la réponse qu’il fit un jour au chimiste Guyton de Morveau, qui voulait passer au creuset un corps, pour s’assurer d’un fait que Buffon déduisait de la théorie : « Le meilleur creuset, c’est l’esprit », lui répondit Buffon.
Quoique étranger et républicain, j’ai acquis, au prix de quatre ans écoulés sans que je fusse assuré en me couchant de me réveiller libre ou vivant le lendemain, au prix de trois décrets de prise de corps, de cent et quinze dénonciations, de deux scellés, de quatre assauts civiques dans ma maison, et de la confiscation de toutes mes propriétés en France, j’ai acquis, dis-je, les droits d’un royaliste ; et comme, à ce titre, il ne me reste plus à gagner que la guillotine, je pense que personne ne sera tenté de me le disputer. […] Pourtant, la Révolution n’étant plus française exclusivement, mais cosmopolite, « tout homme, remarque l’auteur, a droit de montrer ses inquiétudes… Chaque Européen est aujourd’hui partie dans ce dernier combat de la Civilisation : nous avons corps et biens sur le vaisseau entrouvert ».
Au sortir de Leipzig où il soutint le poids de la défaite, et où une nouvelle blessure le frappa à la seule main dont il pût manier l’épée, Marmont, après quelque pause à Mayence, rentra en France, et, à la tête du 6e corps si réduit, il prit la part la plus active à l’immortelle campagne de 1814. […] C’était le soixante-septième engagement de mon corps d’armée depuis le ler janvier, jour de l’ouverture de la campagne, c’est-à-dire dans un espace de quatre-vingt-dix jours, et où les circonstances avaient été telles que j’avais été dans l’obligation de charger moi-même l’épée à la main, trois fois, à la tête d’une faible troupe.
On vit qu’après la gloire de faire de grandes choses, il avait de plus conçu l’ambition de les écrire avec détail et avec étendue, et de composer moins encore des mémoires proprement dits qu’un corps d’histoire et d’annales : J’avoue, disait-il en parlant de ce travail de rédaction et de dictée qui, au milieu de tant d’autres soins si impérieux, avait partagé ses veilles, j’avoue qu’encore qu’il y ait plus de contentement à fournir la matière de l’histoire qu’à lui donner la forme, ce ne m’était pas peu de plaisir de représenter ce qui ne s’était fait qu’avec peine. […] Nous montrant la reine Marie de Médicis forcée alors de quitter le Louvre, accompagnée de tous ses domestiques qui portaient la tristesse peinte en leur visage : « Il n’y avait guère personne, se plaît-il à faire observer, qui eût si peu de sentiment des choses humaines, que la face de cette pompe quasi funèbre n’émût à compassion. » Et parlant de l’odieux et barbare traitement infligé à la maréchale d’Ancre et de son supplice, quand elle fut condamnée comme sorcière à avoir la tête tranchée sur l’échafaud, et ensuite le corps et la tête brûlés et réduits en cendres, il a des paroles d’une haute pitié : Sortant de sa prison et voyant une grande multitude de peuple qui était amassé pour la voir passer : « Que de personnes, dit-elle, sont assemblées pour voir passer une pauvre affligée !
Le premier n’est qu’une machine à sensations, un enregistreur ; le second sent qu’il a quelque chose à faire avec ces perceptions mêmes qu’il enregistre : il sait qu’il a à les systématiser, à les réduire en corps de doctrine et à faire la science humaine avec sa vie. […] Point de broderies ni d’ornements : un péplum jeté sur le corps de la déesse ; mais ce vêtement forme des plis infinis, dont chacun a une grâce qui lui est propre et qui pourtant se confond avec la grâce même des membres divins.
Cette industrie de garder les chevaux aux portes existait encore à Londres au siècle dernier, et cela faisait une sorte de petite tribu ou de corps de métier qu’on nommait les Shakespeare’s boys. […] Le vestiaire de Black-Friars était fermé d’une ancienne tapisserie de corps et métiers représentant l’atelier d’un ferron ; par des trous de cette cloison flottante en lambeaux, le public voyait les acteurs se rougir les joues avec de la brique pilée ou se faire des moustaches avec un bouchon brûlé à la chandelle.
Ce livre est d’autant plus utile, qu’on peut le regarder en quelque façon, comme un corps de Rhétorique, à cause du grand nombre de regles, de principes & de réfléxions sur cet art, dont il est rempli. […] Trois ans après, Mr. l’Abbé Dinouart fit présent aux littérateurs d’un traité plus approfondi intitulé : l’Eloquence du corps ou l’action du Prédicateur : ouvrage utile à tous ceux qui parlent ou qui se disposent à parler en public.
Scarron, qui tirait la langue à la Douleur, comme ces polissons de lazzaroni montrent leur derrière au Vésuve, a ri toute sa vie et n’a pleuré qu’une fois et une seule larme, qu’il a enchâssée, comme une perle, dans son épitaphe… Scarron, le rieur comme un satyre ou comme un singe, Scarron, le cynique cul-de-jatte, qui dansait sur sa jatte, ce clown de l’esprit dans un corps brûlé et fricassé par tous les moxas de l’incendie, n’existe plus dans la mémoire des hommes que par les souffrances qu’il a endurées en riant. […] — amoureux, passionnément amoureux de sa jeune femme, et il constatait avec désespoir que ses lèvres, ses pauvres lèvres, frappées comme tout le reste de son corps, n’avaient plus — supplice épargné à Tantale !
Ses hypothèses manquent bientôt du corps même d’une hypothèse. […] Renan n’a pas su aborder par les côtés grands et féconds une question où tout se réduit à savoir si la pensée, l’acte pensant, l’intellectus agens, a sa mappemonde encyclopédique et son piédestal d’équilibre eu dehors de la parole qui la corporise ; absolument la même question que celle de l’âme, obligée au corps et à la terre dans la conquête successive de sa propre possession.
Beaucoup d’israélites, fixés parmi nous depuis des générations et des siècles, sont membres naturels du corps national, mais ils sont préoccupés que leurs coreligionnaires nouvellement venus fassent leurs preuves de loyalisme. […] Dans le village de Taintrux, près de Saint-Dié, dans les Vosges, le 29 août 1914 (un samedi, le jour saint des juifs), l’ambulance du 14e corps prend feu sous le tir des Allemands, Les brancardiers emportent, au milieu des flammes et des éclatements, les cent cinquante blessés.
Ils sont également les enfants de la peine, et ils sont venus parce que le corps de l’homme énervé manquait de force pour les contraindre33. […] Ils sont d’autant plus adroits et il leur est d’autant plus facile de retomber sur la tête, qu’elle est plus grosse et plus lourde que le reste du corps, comme les soldats en moelle de sureau qui ont un peu de plomb dans leur shako.
Quelqu’un qui l’a bien connu disait : « M. de Genoûde m’est insupportable ; ce prêtre gras me dégoûte ; sa grosse face exprime sa logique béate ; sa mauvaise foi, à la longue, a l’air d’être devenue une conviction, absolument comme un corps étranger qui, à force de séjourner dans l’estomac, s’introduirait dans l’organisation et irait se loger entre cuir et chair : … et fibris increvit opimum Pingue… a dit Juvénal. » 24.
Je suis paresseux de corps, et d’ailleurs je ne me sens pas très compétent en ces sortes de questions.
»92 … « Rien ne se fane plus vite dans une langue que les mots sans racine vivante : ils sont des corps étrangers que l’organisme rejette, chaque fois qu’il en a le pouvoir, à moins qu’il ne parvienne à se les assimiler… Déjà les médecins qui ont de l’esprit n’osent plus guère appeler carpe le poignet, ni décrire une écorchure au pouce en termes destinés sans doute à rehausser l’état de duelliste, mais aussi à ridiculiser l’état de chirurgien. »93 ⁂ L’outrance de la terminologie technique est d’ailleurs aussi néfaste à la littérature médicale qu’opposée aux tendances d’impersonnalité chères aux naturalistes.
Et le roman commencera ainsi : « Le soleil tombait d’aplomb sur les labours… L’odeur forte de la terre fraîchement écorchée se mêlait aux exhalaisons des corps en sueur… La grande fille, chatouillée par la bonne chaleur, riait vaguement, s’attardait, ses seins crevant son corsage..
Elles ont toutes la même tête, et l’on dirait aussi le même corps et la même robe.
Il me semble que, lorsqu’on est en somme parmi les privilégiés de ce monde, lorsqu’on ne souffre ni continuellement, ni trop violemment dans son corps, et qu’on est préservé des extrêmes douleurs morales par la littérature et l’analyse (lesquelles, soyez-en sûrs, nous sauvent de plus de maux qu’elles ne nous interdisent de joies), une sorte de pudeur devrait vous empêcher de répéter trop longuement des plaintes déjà développées par d’autres.