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991. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

I Quand parut ce livre des Névroses, annoncé longtemps à l’avance, il était connu déjà dans une publicité qui tenait aux multiples facultés très rares chez les poètes, mais exceptionnellement puissantes dans celui-ci. […] IV Elles parurent et firent leur effet, ces Névroses que j’avais annoncées bien avant tous les autres qui en ont parlé, bien avant que les Spéculateurs connus en matière de publicité, avec leurs trompettes, — qui ne sont pas les trompettes du jugement dernier, — aient vomi le nom de Rollinat de leurs horribles conques, intéressées seules au bruit qu’elles font ! […] … J’ai ouï même qu’un grand sincère en littérature, le grand sincère de Tragaldabas et de Profils et Grimaces, qui doit justement se connaître en grimaces, celui-là ! […] D’homme qu’il n’ait pas possédé comme le démon possède, d’homme qui reste se possédant lui-même avec ce terrible sorcier et qui se rende compte froidement de ses sorcelleries, à l’heure présente, je n’en connais pas. […] VII Eh bien, c’est cette souveraine équation entre la puissance du talent et la sincérité, qu’atteste, dans sa terrible beauté, le livre des Névroses, — même avec ses excès, ses défauts et ses indigences ; car certainement il en a, et je les connais aussi bien que vous !

992. (1887) La banqueroute du naturalisme

Je ne connais point assez le paysan pour m’en faire moi-même une idée très précise, et encore moins, quelque idée que je m’en fasse, pour vouloir la substituer à celle de M.  […] Comme on connaît d’ailleurs les principes de M.  […] Zola, qui n’en connaît le sens que tout juste, n’a évidemment jamais connu la valeur ni le pouvoir des mots. […] Zola, — dont je ne connais, pour moi, que le premier roman : La Fortune des Rougon, où il y ait quelque ombre de naturalisme, — enfermait soigneusement ses règles sous six clés, comme l’autre, quand il ajoutait un nouveau tome à l’histoire de ses Rougon-Macquart.

993. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Donc, sitôt qu’on le connaît, on connaît une cause toute-puissante, puisqu’elle agit toujours, et toujours dans le même sens. […] Qu’on le nie devant les monuments irréfragables de l’histoire, ou que l’on confesse que la lumière naturelle n’est pas si faible pour nous avoir révélé tout ce qui donne du prix à la vie, les vérités certaines et nécessaires sur lesquelles reposent la vie et la société, toutes les vertus privées et publiques, et cela par le pur ministère de ces sages encore ignorés de l’antique Orient, et de ces sages mieux connus de notre vieille Europe, hommes admirables, simples et grands, qui, n’étant revêtus d’aucun sacerdoce, n’ont eu d’autre mission que le zèle de la vérité et l’amour de leurs semblables, et, pour être appelés seulement philosophes, c’est-à-dire amis de la sagesse, ont souffert la persécution, l’exil, quelquefois sur un trône et le plus souvent dans les fers : un Anaxagore, un Socrate, un Platon, un Aristote, un Épictète, un Marc-Aurèle ! […] Cousin réfute : « Nous connaissons plusieurs axiomes ou propositions nécessaires : par exemple, toute qualité suppose une substance ; et nous ne pouvons imaginer un cas où cet axiome ne soit pas vrai. […] « Depuis, il n’a plus connu que l’enivrement passager des sens, surtout celui de la guerre, pour laquelle il était né, et qui était sa vraie passion, sa vraie maîtresse, son parti, son pays, son roi, le grand objet de sa vie, et tour à tour sa honte et sa gloire. » Voilà ce que le style de M. 

994. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Laissons ce privilège à qui, jeune, connut bien les langues du Nord. […] Cette belle poésie grecque, si négligée alors, hormis par quelques éditeurs allemands, si mal jugée et si défigurée dans les préfaces ou les imitations tragiques de Voltaire, il la connut à fond, en antiquaire, en artiste, en poëte. Ce moyen âge, alors aussi peu loué que peu compris, cette antiquité des siècles gallo-romains et celtiques, il la connut également, dans ses langues, son architecture, ses arts, son imagination et ses ruines : et de cette étude si vaste, si variée, entretenue par les voyages et la rêverie, il ne tira qu’un petit nombre de vers, profondément sentis, lentement travaillés, après d’assidues lectures de Pindare et de Sophocle, devant les sites escarpés et sombres des forêts d’Écosse, ou dans les recoins solitaires des Hébrides, ou dans les humbles allées de quelque cimetière de village. […] On sait aussi que nul poëte n’avait plus curieusement étudié sa langue, n’en connaissait mieux les filons natifs, le métal indigène et les types frappés de la main du génie. […] Elle a eu l’orgueil de son bien-être, la joie de sa sécurité, inaccessible à l’invasion, et redisant avec Waller : « Les chênes de nos forêts ont pris racine dans les mers ; et nous marchons de pied ferme sur la vague houleuse. » Ou bien encore : « Comme les anges du ciel, nous pouvons, d’un vol rapide, descendre où il nous plaît ; mais personne, sans notre gré, ne peut arriver sur nos bords. » Quant à des créations lyriques liées seulement aux débats intérieurs de la liberté anglaise, nous n’en connaissons pas, à moins que ce ne soient les vers rudes et négligés du vieux Daniel de Foe, et cet hymne au pilori, que l’honnête et pieux auteur de Robinson, puni comme libelliste, fit jaillir du fond de sa conscience indignée.

995. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Je suis ici avec ma tante, Mme Romanoff ; je crois que vous la connaissez. […] des choses que tu connais, mais comme je suis en train, je continue. […] Je ne connais rien de plus remarquable que son Aïda. […] Ne le connaissez-vous pas ? […] Je suis très contente de le connaître.

996. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

En Danemark, il inspira un homme que nous a fait connaître M.  […] Je ne crois pas les connaître, je suis même assuré de ne pas les connaître, et je me garderais d’en parler de peur de dire des sottises. […] monsieur, vous seriez charmé de le connaître. […] mon frère, vous ne le connaissez pas ! […] si vous le connaissiez !

997. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Il n’y a que ce lieu dans l’univers où l’on se parle aussi facilement sans se connoître. […] C’est ainsi qu’on trompe ces hommes célebres, & qu’on les fait connoître pour des personnages ridicules & bizarres. […] Il faut connoître les maux comme leurs besoins ; & comment y porter remede, si l’on n’en a qu’une idée imparfaite ? […] Je ne connois que celle de faire son devoir, me répondit-il en grondant. […] Les conditions seront connues d’après mon plan.

998. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Dans le second cas il n’agit pas et il ne connaît pas Mitka ; le fait seul s’impose à lui d’une erreur sociale, dont il serait le principe. […] Qui peut rien connaître sinon ce qu’il reconnaît. […] Sans doute Rimbaud était au courant des phénomènes d’audition colorée ; peut-être connaissait-il par sa propre expérience ces phénomènes. […] Il a été un idéaliste, sans bric-à-brac de passé, sans étude traînante vers des textes trop connus. […] Formule nouvelle, oui, sensation exotique et rajeunie de choses entrevues et connues, présentées avec une belle rigueur, oui !

999. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

M. de Loménie n’a point connu ce document capital, ou du moins l’a connu trop tard. […] — Le comte de Sancerre. — … D’où connaissez-vous mon frère ? […] On se garde bien de rassembler une sotte famille qu’on ne connaît point. […] Je ne connais pas d’ouvrage de M.  […] Sur ce point, l’accord de toutes les personnes qui l’ont connu familièrement est remarquable.

1000. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tisseur (Les frères Barthélémy, Jean, Alexandre et Clair) »

On en connut déjà un de ce nom, Jean Tisseur, dont les vers furent publiés en ce même Lyon, l’an 1885. […] Il reste original même à côté d’André Chénier, auquel, du reste, sa modestie bien connue l’eût empêché de s’égaler.

1001. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Préface »

Préface Maurice Delafosse, Administrateur en Chef des Colonies Pour bien connaître une race humaine, pour apprécier sa mentalité, pour dégager ses procédés de raisonnement, pour comprendre sa vie intellectuelle et morale, il n’est rien de tel que d’étudier son folklore, c’est-à-dire la littérature naïve et sans apprêts issue de l’âme populaire et nous la livrant dans sa nudité primitive. Aussi convient-il d’encourager tous ceux qui, appelés par leurs fonctions à vivre au contact de populations aussi mal connues de nous que le sont encore les Noirs de l’Afrique Occidentale, ont eu la patience et le talent d’écouter parler les indigènes et de recueillir de leur bouche les contes merveilleux ou légendaires, les fables d’animaux, les apologues satiriques qui constituent le fond de la littérature orale de ces peuplades privées de littérature écrite.

1002. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Voltaire avait connu Bernis poète et galant ; il l’avait beaucoup vu en société et sous sa première forme dissipée et légère. […] Si vous me connaissiez davantage, vous sauriez que je suis arrivé en place philosophe, que j’en suis sorti plus philosophe encore, et que trois ans de retraite ont affermi cette façon de penser au point de la rendre inébranlable. […] Vous me fîtes alors un plaisir infini… » Bernis n’est point fier du tout de ce rôle que Voltaire lui attribue : Nous parlerons quelque jour du grelot que vous dites que j’ai attaché… J’ai connu un architecte à qui on a dit : Vous ferez le plan de cette maison ; mais bien entendu que, l’ouvrage commencé, les piqueurs ni les maçons, ni les manœuvres, ne seront point sous votre direction, et s’écarteront de votre plan autant qu’il leur conviendra de le faire. […] Il connaissait à peine ce pape ; il se méfiait même de lui dans les premiers temps ; il lui supposait des engagements formels et mystérieux contractés avec l’Espagne sur la fin du conclave, au sujet de l’abolition des Jésuites. […] Il avait alors soixante-six ans (il n’était pas si vieux à cette date), une très bonne santé, et un visage d’une grande fraîcheur ; il y avait en lui un mélange de bonhomie et de finesse, de noblesse et de simplicité, qui le rendait l’homme le plus aimable que j’aie jamais connu.

1003. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il connaissait de plus le caractère et la manière de sentir du premier consul, que des attaques et des chicanes de ce genre allaient à l’instant porter au-delà du premier but. […] Il connaissait mieux que beaucoup de ceux qui le raillèrent alors les mœurs de la France, et comment le feu chez nous prend aux poudres plus vite que chez nos voisins. […] Une fois, Roederer proposait au choix du premier consul, sur une liste d’inspecteurs des études, le chevalier de Boufflers ; le premier consul l’arrêta à ce nom et lui dit : « Comment voulez-vous donner pour inspecteur aux lycées l’auteur de poésies si libres et si connues ? […] Les principaux emplois de Roederer sous l’Empire furent auprès du roi Joseph, qu’il avait beaucoup connu dans le Conseil d’État, alors qu’ils en faisaient tous deux partie, et qui lui portait une véritable amitié. […] I, p. 312, 391-396) : il finit pourtant par reconnaître qu’à un certain moment « le mauvais coucheur » se montra « très radouci et presque bonhomme » ; et pendant huit jours que Roederer passa chez lui à Düsseldorf en 1811, ils apprirent réciproquement à se mieux connaître.

1004. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Saint-Martin, connu et abordé de la sorte, cesse tout à fait d’être dangereux ; il n’est plus même très imposant, mais il devient presque toujours plus touchant et plus aimable. Il naquit dans le doux pays de Touraine, à Amboise, sur le Grand-Marché, le 18 janvier 1743, d’une famille noble : « Je suis le quatrième rejeton du soldat aux gardes, le plus ancien chef connu de la famille ; depuis cette tige jusqu’à moi, nous avons toujours été fils uniques pendant les quatre générations ; il est probable que ces quatre générations n’iront pas plus loin que moi. » Et en effet Saint-Martin ne se maria jamais. […] Les premières lectures firent sur lui une impression profonde : C’est à l’ouvrage d’Abbadie intitulé L’Art de se connaître soi-même, que je dois mon détachement des choses de ce monde. […] Tout en admettant sans contrôle et sans critique le merveilleux qui faisait le fond et l’attrait de ce genre d’opérations, Saint-Martin, plus tourné au moral, ne se livrait pas sans réserve à des procédés où la curiosité s’irritait sans cesse et où le cœur profitait si peu ; et lorsqu’en 1792, à Strasbourg, il lui fut donné auprès d’une amie, Mme Boechlin, de connaître les ouvrages allemands de Jacob Boehm, qu’il appelle le Prince des philosophes divins, il crut pouvoir renoncer absolument à toute cette physique périlleuse et pleine de pièges, pour ne plus cultiver que la méditation intérieure. […] Au commencement de la Révolution, Saint-Martin jouissait d’une espèce de célébrité qui avait son côté sombre pour les trois quarts et aussi son côté lumineux ; les uns l’ignoraient encore tout à fait, les autres commençaient à le connaître et à le révérer.

1005. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Manuel ne connaissait pas moins la France, sans y être pourtant jamais venu. […] « Je compose mes sermons, disait-il, Shakespeare dans une main et ma Bible dans l’autre. » Il ne prêchait plus que rarement quand je l’ai connu ; mais il causait à ravir et d’une manière supérieure. […] Deschanel est en grande partie la mienne : prétendre qu’un lecteur ne doit être, à l’égard des livres anciens ou nouveaux, que comme le convive pour le fruit qu’on lui offre et qu’il trouve bon ou mauvais, qu’il savoure ou qu’il rejette sans en connaître la nature ni la provenance, c’est trop nous traiter en gens paresseux et délicats. […] Ce n’est que lorsqu’on a pénétré le Moyen-Age, sa philosophie, sa théologie, sa dialectique, son idéal amoureux ; ce n’est que lorsqu’on a aussi connu à fond la vie politique et poétique de Dante, qu’on a marché d’un pas plus sûr à travers les cercles et tout le labyrinthe du mystérieux poème, et qu’on a conquis, pour ainsi dire, l’admiration. […] Est-ce que cela a nui à la pleine intelligence de son génie, de mieux connaître toute la littérature et le théâtre de son temps, ce mélange de subtilités et de violences, et de pouvoir le comparer avec les autres auteurs de cette forte couvée dramatique dont il est l’aigle et le roi ?

1006. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Pour être juste, il faut tenir compte de la différence des temps, et ne pas chicaner un écrivain sur les moyens d’expression qu’il a choisis, quand on n’en connaissait pas d’autres de son temps. […] Césures déplacées, enjambements alors hardis, tous ces moyens d’assouplir le vers et d’en tirer des effets variés lui sont connus, et il les emploie. […] Même la fantaisie, chez Boileau, est liée inséparablement à l’harmonie du vers ; redites ces deux vers connus : Et la scène française est en proie à Pradon. […] Sorti de son logis, il emmagasinait dans sa mémoire tous ces traits qui font la physionomie de Paris, tout ce qui étonne et ahurit le provincial, les rues encombrées de passants, les cris des chiens excités, les embarras de voitures, les planches jetées sur le ruisseau quand il pleut : mille détails connus seulement du Parisien, la croix de lattes, qui avertit les passants de prendre garde, quand les couvreurs réparent le toit de la maison, ou le profil d’un médecin célèbre, qui va à cheval, au lieu d’avoir une mule comme ses confrères. […] L’auteur connaît bien ce monde-là, et je n’en veux qu’une preuve, le moyen très ecclésiastique par lequel le trésorier s’assure la victoire.

1007. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Il n’avait pas de sensibilité : on ne lui connaît pas une passion ; il n’aimait dans la campagne que le silence, le loisir et le repos ; il y cherchait, si je puis dire, plutôt des satisfactions hygiéniques que des jouissances sentimentales ou esthétiques. […] Les règles formelles y sont peu nombreuses, et connues, comme les unités dramatiques, que Boileau énonce en deux vers, ou la coupe en actes, qu’il ne se donne pas la peine d’indiquer. […] Mais il le restreint aussitôt : Étudiez la cour et connaissez la ville. […] C’est une chose curieuse que cet art du xviie  siècle qu’on accuse de n’avoir connu que la froide raison, est celui qui fait le plus une loi d’adapter la nature à l’esprit, et qui pose nettement le plaisir comme sa fin suprême, comme la condition nécessaire et presque suffisante de la perfection. […] Biographie : Nicolas Boileau, connu de son temps sous le nom de Despréaux, né à Paris le 1er novembre 1636, dans la cour du Palais, en face de la Sainte-Chapelle, fils d’un greffier à la Grand Chambre, fut tonsuré en 1647 et appliqué à la théologie puis au droit : il fut reçu avocat en 1656, et ne plaida pas.

1008. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Il a naïvement frémi d’admiration en expliquant Homère et les tragiques grecs, il a vécu de la vie des anciens, il a senti la beauté antique, il a connu la magie des mots, il a aimé des phrases pour l’harmonie des sons enchaînés et pour les visions qu’elles évoquaient en lui. […] Je trouve cette âme dans ce beau poème des Noces corinthiennes qui est un chef-d’œuvre trop peu connu. […] En même temps il connut, dans la compagnie de ces fous, de ces détraqués, de ces visionnaires qu’on rencontre surtout à Paris, combien l’homme peut être bizarre et quelles combinaisons inattendues la nature, aidée de la civilisation, peut réaliser dans une âme et dans une figure humaine. […] Car, que sont les plus forts et les plus sages, sinon des acteurs qui se connaissent un peu mieux eux-mêmes, mais qui sont mus aussi par des forces fatales et qui ne verront jamais toutes les ficelles qui les tirent ? […] Anatole France écrit ; « C’est dans ce jardin que j’appris, en jouant, à connaître quelques parcelles de ce vieil univers.

1009. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Les événements connus s’y réduisent à deux ou trois faits. […] La royauté, pour la première fois acceptée de tous, avait fait connaître à chacun sa mesure. […] Il faut connaître ces convenances du temps et de l’écrivain, pour ne pas regarder les monuments d’une grande littérature comme des œuvres de mode, ou comme la bonne fortune d’un auteur. […] Le public, si digne alors des auteurs, et qui pouvait aider les plus illustres à se connaître, sentit que ces trop rares portraits donneraient seuls à La Bruyère une place à côté de La Rochefoucauld et de Pascal, et il lui en commanda de nouveaux. […] La conformité du lecteur avec le livre est donc complète ; il y retrouve tout ceux qu’il connaît, et il y figure de sa personne.

1010. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Ici, au contraire, en nous arrêtant un instant avec cette personne d’une plume si fine et si légère, nous ne serons en rien distraits du point que je tiens à indiquer avant tout, et que ceux qui la connaissaient le mieux désignaient, en la montrant, sous le nom d’urbanité pure. […] Elle se consola d’abord en vivant à Paris dans la compagnie des gens d’esprit qui s’y trouvaient ; elle y connut La Fare, qui fit pour elle ses plus jolis vers. […] Pourtant, à un certain jour, ennui ou caprice, ou ressouvenir d’Esther, elle commençait à se jeter du côté de la dévotion, et d’une dévotion peu commode : elle avait pris pour directeur le père de La Tour, homme de beaucoup d’esprit, sans complaisance, et qui est bien connu comme général de la congrégation de l’Oratoire. […] Un abbé, homme savant et homme d’esprit, l’abbé Gédoyn, le même qui a traduit Quintilien, et qui l’a d’autant mieux traduit qu’il avait été bien avec Ninon (avoir été bien avec Ninon, cela sert toujours), l’abbé Gédoyn, disons-nous, a traité cette question de l’urbanité, et il a terminé son agréable et docte mémoire par y joindre un éloge de Mme de Caylus, en remarquant que, de toutes les personnes qu’il avait connues, il n’en était aucune qui rendît d’une manière si vive ce qu’il concevait par ce mot d’urbanité. […] Je n’insisterai pas pour démontrer plus longuement ces grâces légères de l’auteur dans le petit livre de Souvenirs inachevé, mais si agréable et si galamment tourné, que chacun peut relire ; on s’y rafraîchira la mémoire de choses connues, et surtout on s’y remettra en goût pour cette manière de tout dire en effleurant.

1011. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Lorsque la Fronde éclata, et que le bon sens que renfermait chaque tête fut mis à la plus rude épreuve dans cette brusque tempête civile, Mademoiselle était déjà connue par des impétuosités et des fantaisies d’humeur qui traversaient et surmontaient parfois ses propres sentiments, au point de nuire à sa considération même et à sa fortune. […] Il me dit : « Vous voyez un homme au désespoir, j’ai perdu tous mes amis ; MM. de Nemours, de La Rochefoucauld et Clinchamp, sont blessés à mort. » Je l’assurai qu’ils étaient en meilleur état qu’il ne les croyait… Cela le réjouit un peu, il était tout à fait affligé ; lorsqu’il entra, il se jeta sur un siège, il pleurait et me disait : « Pardonnez à la douleur où je suis. » Après cela, que l’on dise qu’il n’aime rien ; pour moi, je l’ai toujours connu tendre pour ses amis et pour ce qu’il aimait. […] Le président Viole en parla à Mademoiselle, qui fut réduite à lui dire : « Vous le connaissez, je ne réponds rien de lui. […] Elle connut par lui Huet (le futur évêque), lequel, jeune alors, lui servait quelquefois de lecteur pendant sa toilette. […] Mademoiselle connut tard la vie, elle finit pourtant par la connaître, et passa, elle aussi, par tous les degrés de l’épreuve ; elle eut la lente souffrance qui use l’amour dans un cœur, le mépris et l’indignation qui le brisent, et elle arriva à l’indifférence finale qui n’a de remède et de consolation que du côté de Dieu.

1012. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

En 1788, les idées tournant de plus en plus au sérieux, il eut la curiosité de connaître Mirabeau, et on le fit dîner avec lui chez le prince de Poix, à Versailles, où étaient réunis quelques convives, gens de cour. […] Il connaît ce grand centre et foyer de corruption, et, de bonne heure, il en désespère : « Au lieu de chercher à changer la température de Paris, ce qu’on n’obtiendra jamais, il faut au contraire s’en servir pour détacher les provinces de la capitale. » Il aspire constamment, dans ses divers projets, à affranchir de cette influence parisienne factice et inflammatoire et la royauté et les provinces. […] L’existence de ces pièces était connue depuis longtemps, et le comte de La Marck, qui vivait depuis des années à Bruxelles sous le titre de prince d’Arenberg, en avait donné une communication plus ou moins complète à quelques personnes. […] Jusqu’à présent, on connaissait de Mirabeau l’orateur ; ici, dans cette suite de vues et de considérations, le conseiller et l’homme d’État en lui se produisent et se confondent. […] Il sent bien qu’on ne s’y rend pas : « On m’écoute avec plus de bonté que de confiance ; on met plus d’intérêt à connaître mes conseils qu’à les suivre. » Bien souvent l’impatience le prend, et même le mépris pour cet aveuglement royal : « On dirait que la maison où ils dorment peut être réduite en cendres sans qu’ils en soient atteints ou seulement réveillés. » À quoi M. de La Marck lui répond : « Vous les conseillez trop comme s’ils avaient une partie de votre caractère.

1013. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Suit alors l’énumération de ses talents, vers, prose, chansons improvisées : Elle exprime même si délicatement les sentiments les plus difficiles à exprimer, et elle sait si bien faire l’anatomie d’un cœur amoureux, s’il est permis de parler ainsi, qu’elle en sait décrire exactement toutes les jalousies, toutes les inquiétudes, toutes les impatiences, toutes les joies, tous les dégoûts, tous les murmures, tous les désespoirs, toutes les espérances, toutes les révoltes, et tous ces sentiments tumultueux qui ne sont jamais bien connus que de ceux qui les sentent ou qui les ont sentis. C’était une des prétentions de Mlle de Scudéry, de connaître à ce point et de si bien décrire les mouvements les plus secrets de l’amour sans les avoir guère autrement sentis que par la réflexion, et elle y réussit souvent, en effet, dans tout ce qui est délicatesse et finesse, dans tout ce qui n’est pas la flamme même. « Vous expliquez cela si admirablement, pourrait-on lui dire avec un personnage de ses dialogues, que quand vous n’auriez fait autre chose toute votre vie que d’avoir de l’amour, vous n’en parleriez pas mieux. » — « Si je n’en ai eu, nous répondrait-elle en nous faisant son plus beau sourire, j’ai des amies qui en ont eu pour moi et qui m’ont appris à en parler. » Voilà de l’esprit pourtant, et Mlle de Scudéry en avait beaucoup. Dans ce portrait de Sapho, qui est en si grande partie le sien, elle insiste beaucoup sur ce que Sapho ne sait pas seulement à fond tout ce qui dépend de l’amour, mais sur ce qu’aussi elle ne connaît pas moins tout ce qui est de la générosité ; et toute cette merveille de science et de nature, selon elle, se couronne encore de modestie : En effet, sa conversation est si naturelle, si aisée et si galante, qu’on ne lui entend jamais dire en une conversation générale que des choses qu’on peut croire qu’une personne de grand esprit pourrait dire sans avoir appris tout ce qu’elle sait. Ce n’est pas que les gens qui savent les choses ne connaissent bien que la nature toute seule ne pourrait lui avoir ouvert l’esprit au point qu’elle l’a, mais c’est qu’elle songe tellement à demeurer dans la bienséance de son sexe, qu’elle ne parle presque jamais que de ce que les dames doivent parler. […] Tous ces personnages, même les plus secondaires, étaient connus dans la société ; on se passait la clef, on se nommait les masques ; et aujourd’hui encore, là où nous savons les noms réels, nous ne parcourons point nous-mêmes sans curiosité les pages.

1014. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Ce n’est pas à nous qui avons la conscience si large, et sur bien des points si indifférente, de venir aujourd’hui porter notre mesure et notre balance commode dans ces scrupules que connurent ces vies irréprochables et ces âmes rigoureuses : Rollin était naturellement de cette morale chrétienne que préféraient et pratiquaient les Despréaux, les Racine, les Du Guet ; mais cela le conduisit à prendre parti pour le père Quesnel, et bien au-delà ; à se prononcer même pour le diacre Pâris et pour les prétendus miracles du cimetière de Saint-Médard. […] Il connaissait le diacre Pâris qui mourut en mai 1727 ; il ne l’estimait pas seulement, il en vint à le vénérer comme un saint, et à ajouter toute confiance aux prétendus miracles qui se faisaient sur sa tombe dans le cimetière de Saint-Médard. […] À quoi Rollin répondait : J’ai été quelquefois à Saint-Médard, qui est à ma porte, avec confiance dans l’intercession d’un grand serviteur de Dieu, dont j’ai connu et admiré l’humilité profonde, l’austère pénitence et la solide piété. […] Il ne leur faut qu’une allée pour se promener, qu’une vigne dont ils puissent connaître tous les ceps, que des arbres dont ils puissent savoir le nombre. […] Rollin connaissait et aimait beaucoup M. 

1015. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Ces relations peuvent être fugitives, uniques, rares ; elles peuvent être permanentes ou, malgré leur diversité, considérées selon leur état le plus fréquent, le plus visible, le plus connu : une phrase faite une fois pour toutes exprime parfaitement ces rapports vulgaires au retour rythmique ou périodique. […] Il y a, de jadis, un opuscule grotesque, maintes fois réimprimé et encore colporté ; c’est un Sermon en proverbes ordonné pour satiriser soit les gens qui évoquent trop, par la sagesse des nations, leur propre niaiserie, soit les prédicateurs qui répétaient toujours les mêmes exhortations vaines comme le vent qui égrène l’herbe des cimetières ; le pauvre auteur enfile donc avec un certain soin les proverbes les plus connus, jusqu’à faire quatre pages dont le sens est fort bien suivi et que l’on comprend, pourvu qu’on ne soit pas devenu hébété dès la première : « Prenez garde, n’éveillez pas le chat qui dort ; l’occasion fait le larron, mais les battus paieront l’amende ; fin contre fin ne vaut rien pour doublure ; ce qui est doux à la bouche est amer au cœur, et à la chandeleur sont les grandes douleurs. […] C’est sans doute que leur obscurité fait leur grâce et leur force  ; ils disent ce que l’écrivain ne sait pas dire, quoi qu’il sente ; ils font croire à celui qui en est ému que celui qui les profère abrège par un signe connu la longue litanie de ses émotions, tandis que celui qui les écrit revêt placidement son impuissance d’une forme dont il connaît, pour l’avoir éprouvée, la vertu communicative et tyrannique. […] Presque tous les mots, même isolés, sont des métaphores  : tout groupe de mots détermine nécessairement une image : elle est neuve et concrète, si les mots n’ont pas encore été groupés selon ces rapports ; elle est abstraite ou parvenue à l’état de cliché, si ce groupement des mots a lieu selon des rapports usuels ou connus. […] Un des plus bénins est celui-ci : « depuis nos malheurs », phrase doucereuse où on assimile la France à une vieille dame à cabas « qui a connu de meilleurs jours ».

1016. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Tous ont assez bien connu les vices de notre éducation publique, aucun d’eux qui nous ait indiqué les vrais moyens de la rectifier ; nulle distinction entre ce qu’il importe à tous de savoir et ce qu’il n’importe d’enseigner qu’à quelques-uns ; nul égard ni à l’utilité plus ou moins générale des connaissances, ni à l’ordre des études qui devrait en être le corollaire. […] Assez versé dans toutes les sciences pour en connaître le prix, pas assez profond dans aucune pour me livrer à une préférence de métier, je les ordonnerai toutes sans partialité. […] Il a parlé d’abord du bœuf, l’animal qu’il nous importe le plus de bien connaître ; ensuite du cheval ; puis de l’âne, du mulet, du chien ; le loup, l’hyène, le tigre, la panthère, occupent d’après sa méthode un rang d’autant plus éloigné dans la science, qu’ils sont plus loin de nous dans la nature, et que nous en avons eu moins d’avantages à tirer ou moins de dommages à craindre. […] Il serait honteux qu’il se connût mal en véritable éloquence. […] Darcet, connu par l’alliage fusible qui porte son nom, était l’élève et l’ami de Rouelle.

1017. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Sully Prudhomme était un nom que l’on ne connaissait pas. […] C’est à Lucerne surtout qu’il me fut donné de le connaître intimement. […] Dès que nous nous connûmes, nous nous mîmes à collaborer. […] Nous avions pris l’habitude de l’aimer sans le connaître encore. […] Je connais peu de poètes capables d’un tel auto-da-fé.

1018. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

« Vous croyez, dit-il, apprendre à connaître Tacite dans une traduction : eh bien, désabusez-vous ; vous ne le connaissez pas, vous ne le connaîtrez jamais par ce moyen ; on vous montre un fantôme, et l’on veut vous persuader que vous voyez Tacite : n’en croyez rien ; ce n’est pas lui, ce n’est pas même son ombre. » Dans la première ferveur du paradoxe, il ne tient nul compte de cette amélioration progressive, de cette sorte de perfection chronologique par laquelle la traduction la plus récente l’emporte presque nécessairement sur ses aînées.

1019. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

L’observation y est parfaite dans sa finesse et sa subtilité ; chacun a connu et connaît quelque madame de Flamareil, toujours belle, toujours sensible, toujours décente, qui a graduellement changé d’étoile du pôle au couchant, qui en peut compter jusqu’à trois dans sa vie, dont le cœur aimant enfin a suivi assez bien les révolutions inclinées et l’orbite élargi du talent de Lamartine, des premières Méditations jusqu’à Jocelyn. […] Sans nous engager dans les autres nouvelles, la plupart connues, du Nœud gordien, nous retrouvons dans Gerfaut toutes les qualités que promet la Femme de quarante ans, et qu’on est sûr de ne plus perdre avec M. de Bernard, tant il les possède de source avec abondance et netteté.

1020. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Il avoit connu les passions comme les autres hommes, & les avoit même eues plus vives. […] Accoutumé depuis long-temps à braver toutes les bienséances ; à mettre au théâtre des faits connus, des actions vraies, avec les noms, les habits, les gestes, & même les visages des citoyens par des masques très-ressemblans ; à n’épargner personne ; à ridiculiser les premiers de l’état, les généraux d’armée & les juges de l’aréopage ; il ne crut pas devoir respecter beaucoup un sage qui s’oublioit lui même, & qu’il accusoit de n’avoir que l’apparence de grand homme. […] Si, dans Athènes, elle fut récompensée, on en connut depuis l’abus.

1021. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

Cette fable est connue de tout le monde, même de ceux qui ne connaissent que celle-là. […] Je ne connais rien de plus parfait que cet Apologue.

1022. (1879) Balzac, sa méthode de travail

On connaît sa manière. […] On transforme le monstre, on le traduit à peu près en signes connus. […] Les hommes de talent mesuré, dont la phrase sort de premier jet du cerveau, calme et équilibrée, ne connaissent point ces tensions fiévreuses, ces bonheurs, ces promenades d’idées ou de forme qui faisaient sortir Jean-Jacques Rousseau de sa mansarde pour courir après le porteur d’un billet de dix lignes dans lesquelles l’auteur des Confessions croyait avoir employé un mot impropre.

1023. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Je connais un portrait peint par le Sueur ; vous jureriez que la main droite est hors de la toile et repose sur la bordure. […] Qui est-ce qui observe, qui est-ce qui connaît, qui est-ce qui exécute, qui est-ce qui fond tous ces effets ensemble, qui est-ce qui en connaît le résultat nécessaire ?

1024. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Homme, il faut qu’il sache ce qu’il doit à l’homme ; citoyen, il faut qu’il apprenne ce qu’il doit à la société ; prêtre, négociant, soldat, géomètre ou commerçant, célibataire ou marié, époux, fils, frère ou ami, il a des devoirs qu’il ne peut trop connaître. […] Je ne connais guère sur la connaissance de l’homme qu’elle suppose que le petit traité d’Hobbes intitulé : De la Nature humaine, que j’ai déjà recommandé. […] Nous avons, au reste, annoncé d’avance que nous étions loin de partager toutes les opinions contenues dans ce morceau ; nous n’avons voulu que les faire connaître, autant que le permettent les convenances que nous nous sommes imposé de respecter. » (Note de M. 

1025. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment Plus les hommes avancent en âge et plus leur raison se perfectionne, moins ils ont de foi pour tous les raisonnemens philosophiques, et plus ils ont de confiance dans le sentiment et dans la pratique. L’expérience leur a fait connoître qu’on est trompé rarement par le rapport distinct de ses sens, et que l’habitude de raisonner et de juger sur ce rapport conduit à une pratique simple et sûre, au lieu qu’on se méprend tous les jours en operant en philosophe, c’est-à-dire, en posant des principes generaux et en tirant de ces principes une chaîne de conclusions. […] Charles II roi d’Angleterre disoit que de tous les françois qu’il avoit connus, Monsieur De Gourville étoit celui qui avoit le plus grand sens.

1026. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Mais précisément parce qu’il est mussetien, il a pris l’ordre chez de Musset pour traduire Leopardi, vanté par son maître, ce qui, par parenthèse, a dû cruellement l’ennuyer ; car je le connais, M.  […] Je connais trop ces vieilles fins de non-recevoir pour les admettre, ces bâtons mis dans les roues de la Critique pour l’arrêter et qui les cassent si elfe est un peu vigoureuse. […] En somme, ils nous paraissaient ce qu’ils étaient… L’original, quand nous l’avons connu, ne nous a pas donné beaucoup plus… Quelques sens, oui !

1027. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

On connaît le mot de Philippe, à qui un courtisan féroce conseillait de détruire Athènes ; et par qui serons-nous loués ? […] Athènes éleva un autel au dieu inconnu ; on pourrait élever sur la terre une statue avec cette inscription : aux hommes vertueux que l’on ne connaît pas . […] Souvent nous jugerons, d’après l’histoire, les hommes qui ont été loués, afin de mieux connaître l’esprit des panégyristes et l’esprit du temps.

1028. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Comment s’y prenaient-ils pour tout connaître ? […] Est-ce là connaître l’homme, même politique ? […] On peut affirmer qu’il n’est pas connu. […] Nos lecteurs connaissent M.  […] Flaubert n’aspire à vous faire connaître.

1029. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

. — Mais, en vertu des expériences antérieures que nous avons faites et des lois générales que nous connaissons, nous la déclarons trompeuse, et nous nous représentons la canne comme droite ; en d’autres termes, nous imaginons une sensation tactile différente, celle que nous donnerait une canne effectivement droite. […] Cette cloche, grâce à un mécanisme mal connu, correspond par divers fils, qui sont les fibres de la couronne de Reil, à un système de petites sonnettes qui composent les hémisphères et dont les sonneries, mutuellement excitables, répètent exactement ses tintements avec leur acuité et leur timbre ; ces sonneries sont les images. […] Cette fois encore, nous saisissons sur le fait une illusion de la conscience. — Quand un psychologue observe un de ses actes de mémoire, il remarque d’abord que c’est une connaissance, et, posant que toute connaissance exige deux termes, un sujet connaissant et un objet connu, il se dit que dans le souvenir il y a deux termes, la sensation passée et la connaissance que nous en avons. […] Tant qu’on n’a pas fait cette remarque, on le dédouble, en acte intérieur et en objet connu. […] Je connais parfaitement les deux états ; il y a un abîme entre eux.

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