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722. (1924) Critiques et romanciers

D’un certain réalisme ; de ce faux réalisme qui, dans la réalité, choisit la seule ordure ou qui, moins répugnant, refuse de voir la beauté. […] Ils adoraient la beauté ; la laideur, au contraire, leur semblait impie… » La beauté, dans la littérature, est surtout une qualité de la pensée. Et la pensée tient sa beauté des qualités qui rendent beaux les paysages, les horizons, le ciel : c’est la sérénité, c’est la clarté pure et limpide. […] Il la voulait jolie, en outre élégante : il lui voulait une beauté qui ne vînt pas de faux ornements, une beauté vraie. […] Il ne montre pas l’une sans l’autre ; il permet que l’on voie que la beauté lui est bien chère.

723. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Ces pages n’ont pas été écrites à l’intention des bibliophiles : mais elles unissent la beauté littéraire au souci de l’utilité publique. C’est une beauté grave et nue, qui ne se pare point d’ornements romantiques et ne doit rien qu’à la force de l’expression et à la grandeur du sujet. […] Renan répliquera que la beauté vaut la vertu. […] Sa tristesse romantique et sa septentriomanie ne l’empêchent pas d’être sensible à la beauté des formes. […] La beauté ne se conserve qu’intacte.

724. (1925) Dissociations

Certes, la femelle de l’homme est généralement, dans sa jeunesse du moins, plus présentable que le mâle, mais outre que cela est bien fugitif, il ne faut pas douter que cette beauté ne soit en grande partie la créature de notre désir, tandis que la beauté de certains animaux frappe directement notre sens esthétique. […] Je dédie ce raisonnement, dont je n’ai découvert que la beauté, non le secret, au Spectateur, organe philosophique qui s’est fait un jeu de démontrer les mécanismes les plus complexes de la pensée. […] La beauté de Paris est tout à fait indépendante d’un fil de fer. […] Nulle différence de beauté entre le tué et le tueur et j’ai vu prendre l’un pour l’autre. […] Cet homme borgne, dit un conseiller municipal, ne s’harmonise pas avec la beauté de ces moellons sculptés et superposés en forme de cages à bipèdes.

725. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Le cynisme, à mes yeux, était alors et est encore l’impiété de la nature envers Dieu et envers soi-même, la raillerie grossière de ce qu’il y a de plus respectable et de plus saint dans la création : la beauté et la douleur. — Un coup de sifflet à la Divinité partout où elle se montre ! […] Il y a des pièces, en effet (et ce sont les plus parfaites), où la beauté est dans le tout. […] Qui n’y reconnaîtra le génie et la beauté de la première Consolation ? […] De bonne heure il conçut l’idée de naturaliser dans la littérature et la poésie romaine certaines grâces et beautés de la poésie grecque, qui n’avaient pas encore reçu en latin tout leur agrément et tout leur poli, même après Catulle et après Lucrèce. […] n’avais-je pas ouï dire (c’est l’un des bergers qui parle) que depuis l’endroit où les collines commencent à s’incliner en douce pente, jusqu’au bord de la rivière et jusqu’à ces vieux hêtres dont le faîte est rompu, votre Ménalque, grâce à la beauté de ses chansons, avait su conserver tout ce domaine ? 

726. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Talent mûri, éprouvé, simplifié, serrant son expression autour de sa pensée, comme on tend la voile pour aller plus vite, pour augmenter cette rapidité du récit qui est une beauté et une puissance, Μ. de Cassagnac a voulu rester chaste dans une histoire qui ne l’est pas. […] ce n’est pas à la France de ce temps que nous pourrions appliquer les vers de Byron sur la beauté de la Grèce morte ; car, moralement et physiquement, elle était, hélas ! […] Voilà la beauté d’égorgée que le Directoire allait profaner tout en essayant de la faire revivre ! […] En 1797, le trait principal de la figure de Bonaparte, qui se détache, dans sa jeune beauté de tête de Méduse, sur le bouclier de la Victoire, c’est le silence et l’impénétrabilité. […] C’est la pureté de la main qui l’écrit qui fait la beauté de l’histoire, et voilà pourquoi on l’essuie.

727. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Nous aimerions mieux rêver, imaginer et croire que l’homme fut plus doué et plus accompli dans sa jeunesse que dans sa caducité ; nous aimerions mieux rêver, imaginer et croire que l’homme, encore tout chaud sorti de la main de Dieu d’où il venait de tomber, encore tout imprégné des rayons de son aurore, instruit par la révélation de ses instincts intellectuels, pourvu d’une science innée plus nécessaire et plus vaste, d’un langage plus expressif du vrai sens des choses, vivait dans la plénitude de vie, de beauté, de vertu, de bonheur, Apollon de la nature devant lequel toute autre créature s’inclinait d’admiration et d’amour. […] Cela est si vrai que, quand nous voulons parler d’une chose supérieure en sagesse, en vertu, en force, en beauté matérielle ou morale, nous disons : Cela est antique. […] En second lieu, nous croyons que Dieu a donné cet instinct de perfectionnement indéfini à l’homme comme une impulsion au dévouement méritoire que nous devons tous à notre race, à notre famille humaine, à nos frères en bien et en mal, à notre patrie, à l’humanité : s’intéresser au sort commun de sa race, travailler avec désintéressement au sort futur de cette race que l’on ne verra pas, c’est le dévouement, c’est le concours méritoire, c’est le sacrifice de la partie au tout, de l’être à l’espèce, du citoyen à la patrie, de l’homme au genre humain ; c’est le devoir, c’est la vertu, c’est le sacrifice, c’est la beauté morale. […] La philosophie de la douleur sanctifiée par l’acceptation et consolée par l’espérance, c’est la philosophie des Indes, de Brahma, de Bouddha, de Confucius, de Platon, du christianisme ; c’est celle qui nous a toujours paru, dès notre première dégustation de la vie, contenir le plus de vérité, de réalité, de beauté, de révélation, de force, de grandeur, de vertu, d’espérance, d’encouragement à vivre, à aimer, à espérer, à agir. […] J’ai noté ce fragment de charité universelle, et je le citerai bientôt dans ces archives des beautés de l’esprit humain.

728. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Le voyageur, sur le seuil de huttes à demi ruinées, à travers quelque chemin défoncé de la Morée, reconnaissait parfois, dans de pauvres jeunes femmes asservies à quelque tâche grossière, la stature et la beauté de ces filles de la Grèce retracées sur les bas-reliefs antiques, telles qu’elles avaient paré les fêtes des dieux. […] ces refrains religieux de l’univers chrétien conservent un éclat, une force de beauté, dont semble parfois s’étonner la langue grecque, et qui lui vient comme une grâce nouvelle, étrange et un peu sauvage. […] par qui viennent les hymnes, par qui l’adoration, par qui les chœurs des anges, par qui l’infinie durée des siècles, par qui resplendit le soleil, et s’accomplit le décours de la lune, et reluit la grande beauté des astres, par qui l’homme ennobli a reçu le privilège de connaître le divin, en étant lui-même un être raisonnable. […] toi du milieu de qui ma parole jaillissait comme une étincelle illuminant toutes les Églises, quel est aujourd’hui le possesseur de la beauté et de mon trône ? […] Dans la source divine demeure encore ce qui en est sorti, la sagesse du Père, la splendeur de la beauté suprême ; mais à toi qu’il enfante le Père a donné d’enfanter : tu es du Père même la puissance génératrice et cachée ; car il t’a donné pour créateur au monde, en te chargeant de tirer des types intellectuels les formes des corps : c’est toi qui diriges le cercle intelligent des deux, toi qui es le pasteur du troupeau des astres !

729. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

On s’étonna, on s’empara, comme de beautés nouvelles, de ces situations plus ou moins simples ou convenues, mais que revêtait habituellement la noblesse, l’élégance du langage. […] Je n’excepte qu’à peine ce petit nombre de chefs-d’œuvre qui furent comme doués du souffle immortel, revêtus de l’enchantement du style et marqués au front des signes de l’impérissable beauté : ……… Lumenque juventæ Purpureum et lætos oculis afflarat honores. […] A la lecture, il y transpire quelque chose des douces et graves beautés d’Homère. […] Mais dès qu’Ulysse a vu l’arc, cet arc voulu par l’oracle et que seul il peut armer, le sentiment de vengeance éclate en lui avec toute l’antique beauté. […] Il visita ces sites vénérés que la beauté décore, qu’a nommés la Muse, et parmi lesquels Ithaque, la pierreuse Ithaque, l’attirait plus tendrement par le souvenir d’Ulysse, et comme eût fait une patrie.

730. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Dès lors toute beauté, toute vie, toute noblesse étaient reportées sur l’âme humaine ; la nature vide et dégradée n’était plus qu’un amas de poulies et de ressorts, aussi vulgaire qu’une manufacture, indigne d’intérêt, sinon par ses produits utiles, et curieuses tout au plus pour le moraliste qui peut en tirer des discours d’édification et l’éloge du constructeur. […] Quel courtisan parfumé en manchettes de dentelles pourra découvrir une apparence de beauté dans cette boue ? […] En effet, ce sont des enfants qui, arrêtés dans leur croissance, ont gardé la simplicité, l’indépendance et la beauté du premier âge. […] C’est pour cela encore qu’elle est aujourd’hui le dernier refuge de la beauté. […] Il a tout senti, même l’humble beauté d’un potager rustique et l’agrément d’un jardin propret, bien entretenu, plein de plantes utiles « avec le clos attenant », avec la haie vive et verte, avec la bordure de serpolet et les fleurs bourgeoises, qui feront un bouquet à la ménagère.

731. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

En comparaison de ce feuillage d’une beauté et d’une variété incomparables, de ces vives couleurs, de la richesse, de l’exubérance qui éclatent partout, le plus splendide paysage forestier du nord de l’Europe n’est plus qu’un désert stérile. […] Bates, c’est penser comme les enfants, que de supposer que la beauté des oiseaux, des insectes et des autres créatures leur est donnée pour charmer nos yeux. […] Je suis persuadé que la beauté du plumage et du chant, comme toutes leurs autres qualités spécifiques, leur sont dévolues pour leur propre plaisir et pour leur avantage. […] ” » IV « Tels sont donc, en résumé, les grands traits, les caractères de la forêt vierge par excellence : elle est impénétrable, impropre à la demeure de l’homme ; la végétation est en guerre contre elle-même ; les plantes et les animaux grimpent ; il y a peu d’insectes et point de moustiques ; les bas-fonds marécageux contrastent avec les terrains boisés du haut pays ; des arbres d’une taille colossale s’appuient sur des racines arc-boutées et supportent des plantes pendantes aériennes, comme une seconde forêt par-dessus la première ; pêle-mêle de taillis et de lianes parasites ; absence de fleurs ; retour invariable des mêmes phénomènes dans leur cycle annuel, mensuel et diurne ; ombrages silencieux troublés par des bruits mystérieux et inexplicables ; enfin, source inépuisable d’intérêt, qui provient de la beauté et de la variété, de la richesse, de l’exubérance et de l’intensité de la vie chez tous les êtres organiques. […] Douze cents pieds d’espace ouvrent à l’œil la vue nécessaire pour embrasser la masse et la beauté de l’église.

732. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

L’amour de la lecture et la passion du Théâtre (j’insiste à dessein sur cette majuscule) sont égaux en beauté et en enrichissement, et la culture de la sensibilité et du goût implique une dilection simultanée de tous les arts. […] celui-là est au-dessus de tout ; car c’est la seule forme littéraire qui réunisse les Beaux-Arts aux Belles-Lettres, et où la beauté plastique et la beauté vocale servent incomparablement la beauté verbale. […] Edmond Pilon 1º L’extérieur de la scène, des coulisses, du décor l’emportant, dans chaque genre, sur la beauté, le sentiment, l’attrait intime de l’œuvre représentée, voilà le spectacle plaisant auquel nous assistons chaque jour, en plus de celui que jouent les acteurs.

733. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Il n’en est pas de même des beautés poétiques qui appartiennent uniquement à l’imagination. […] La littérature ne puise ses beautés durables que dans la morale la plus délicate. […] Le goût se forme sans doute par la lecture de tous les chefs-d’œuvre déjà connus dans notre littérature ; mais nous nous y accoutumons dès l’enfance ; chacun de nous est frappé de leurs beautés à des époques différentes, et reçoit isolément l’impression qu’elles doivent produire. […] J’essaierai de montrer le caractère que telle ou telle forme de gouvernement donne à l’éloquence, les idées de morale que telle ou telle croyance religieuse développe dans l’esprit humain, les effets d’imagination qui sont produits par la crédulité des peuples, les beautés poétiques qui appartiennent au climat, le degré de civilisation le plus favorable à la force ou à la perfection de la littérature, les différents changements qui se sont introduits dans les écrits comme dans les mœurs, par le mode d’existence des femmes avant et depuis l’établissement de la religion chrétienne ; enfin le progrès universel des lumières par le simple effet de la succession des temps ; tel est le sujet de la première partie.

734. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Tout nous froisse et nous rebute dans ces inconscientes mascarades, où toute la beauté de l’art antique comme toute la vérité de la nature antique sont si cruellement détruites. […] Les géants ou le dragon que Tristan combat, le bateau sans voile et sans rames dans lequel il se couche, blessé, pour aborder en Irlande où vit la reine, qui seule peut le guérir, cette fantastique broderie ne distrait pas le regard de la passion des deux amants : passion fatale que rien n’explique, qui n’est pas née d’une qualité de l’objet où elle s’adresse, qui ne va pas à la valeur de Tristan, à la beauté d’Yseult, mais à Tristan, mais à Yseult : passion si irraisonnée, si mystérieuse en ses causes, que seul un philtre magique en provoque et figure le foudroyant éclat. […] Peut-être amusèrent-ils le public plus qu’ils ne l’édifièrent, et y regarda-t-on les aventures plutôt que la morale : cette proscription de l’amour n’avait aucune chance de succès, et il faut peut-être venir à notre siècle incrédule et curieux pour que cette conception mystique soit pleinement comprise en son étrange et déraisonnable beauté. […] Si les chefs-d’œuvre y sont bien rares, si la beauté presque toujours y manque, il faut songer à tout ce qui en est sorti.

735. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Enfin la nature même, comme de toute raison, de tout droit, de tout bien, est l’unique principe de toute beauté : Jean de Meung n’est pas grand esthéticien, n’entre pas en long propos sur le beau. Cependant d’un mot il a indiqué la nature comme « la fontaine » Toujours courante et toujours pleine De qui toute beauté dérive. […] Les plus apparentes et vulgaires beautés de l’art font défaut à son œuvre : il n’a ni souci ni science de la composition, des proportions, des convenances. […] Ce bouillonnement d’idées et de raisonnements qui se dégorgent incessamment pendant dix-huit mille vers, sans un arrêt, sans un repos, cette verve et cet éclat de style, net, incisif, efficace, souvent définitif, cette précision des démonstrations, des expositions les plus compliquées et subtiles, cette allégresse robuste avec laquelle le poète porte un énorme fardeau de faits et d’arguments, le mouvement qui, malgré d’inévitables langueurs, précipite en somme la masse confuse et féconde des éruditions scolastiques et des inventions hardiment originales, tout cela donne à l’œuvre un caractère de force un peu vulgaire, qui n’est pas sans beauté.

736. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

L’exemple en est donné par le plus grand des rois, Et par la beauté la plus sage. Ainsi la jeune Pompadour fit son entrée à Versailles à titre de beauté sage, dont le cœur s’était senti pris uniquement pour un héros fidèle. […] Mais c’est la personne même qui est de tout point merveilleuse de finesse, de dignité suave et d’exquise beauté. […] La beauté brille dans tout son éclat et dans sa fleur épanouie.

737. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

C’est le même corps, animé pour les uns, à demi-mort pour les autres, mais conservant encore pour ces derniers des traits frappants de proportion et de beauté. […] Ils sont certainement nos modèles à beaucoup d’égards, ils ont des beautés que nous sentons parfaitement ; mais ils en ont beaucoup plus qui nous échappent, que leurs contemporains savaient apprécier, et sur lesquelles leurs admirateurs modernes se récrient sans aucune connaissance de cause. Un philosophe, homme de goût, rira donc souvent des admirateurs, sans respecter moins réellement l’objet de leur admiration, soit par les beautés qu’il y voit réellement, soit par celles qu’il y suppose d’après le témoignage unanime des contemporains. […] Depuis qu’on a mis en français l’Éloge de la Folie par Érasme, je ne connais personne qui ne trouve cet ouvrage fort insipide ; dans la nouveauté cependant il eut un grand succès, par la beauté prétendue de la latinité, dont tout le monde croyait être juge, quoique personne ne le pût être.

738. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Et ce n’est qu’ainsi qu’on s’explique aussitôt et pleinement, dit-il, pourquoi « l’on voit si souvent le paysagiste, qui est donc au fond un chercheur de choses à exprimer bien plus qu’il n’est un chercheur de choses à copier, dépasser tantôt une roche magnifique, tantôt un majestueux bouquet de chênes sains, touffus, splendides, pour aller se planter devant un bout de sentier que bordent quelques arbustes étriqués ; devant une trace d’ornières qui vont se perdre dans les fanges d’un marécage ; devant une flaque d’eau noire où s’inclinent les gaulis d’un saule tronqué, percé, vermoulu… C’est que ces vermoulures, ces fanges, ces roseaux, ce sentier, qui, envisagés comme objets à regarder, sont ou laids ou dépourvus de beauté, envisagés au contraire comme signes de pensées, comme emblème des choses de la nature ou de l’homme, comme expression d’un sens plus étendu et plus élevé qu’eux-mêmes, ont réellement ou peuvent avoir en effet tout l’avantage sur des chênes qui ne seraient que beaux, que touffus, que splendides ». […] Au xviie  siècle donc, il y eut la grande et originale école de paysagistes qui rendirent tour à tour la beauté italienne dans ses splendeurs et son élégante majesté, et la nature rustique du Nord dans ses tranquilles verdures, ses rangées d’arbres le long d’un canal, ses chaumines à l’entrée d’un bois, en un mot dans la variété de ses grâces paisibles, agrestes et touchantes. […] Cette seconde région, qui est propre à la Suisse, est plus sobre, plus austère, plus difficile ; elle est souvent dénudée ; la végétation variée de la région inférieure y expire ; mais les sapins, les mélèzes, à son milieu, envahissent les pentes, revêtent les ravins, bordent les torrents ; la chaumière n’y est plus riante et richement assise comme dans le bas, elle y est conquise sur la sécheresse des terrains et la roideur des pentes : ce n’est plus le charme agreste, c’est le règne sauvage qui a sa beauté.

739. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Pascal a distingué trois ordres divers, et, dans chaque ordre, des princes : il y a, selon lui, l’ordre de la politique et des conquêtes, des grandeurs et des puissances terrestres ; il y a celui de l’intelligence pure et de l’esprit ; il y a enfin l’ordre de la beauté morale et de la charité. […] Sur notre droite, etc., etc. ; mais ces beautés, que notre imagination nous retrace aujourd’hui avec tant de charmes, n’avaient alors pour nous aucun attrait. […] Pour moi, qui ne puis que rêver à ces choses, je me figurerais volontiers une double statue d’Arago : l’une de lui jeune, dans la beauté de son ardeur et dans son plus mâle essor, voué à la pure science, à la mesure du globe, à la découverte des espaces célestes et des lois de la lumière, tel qu’il pouvait être à vingt et un ans dans ses veilles sereines sur le plateau du Desierto de las Palmas.

740. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Revenue plus tard en France à titre de comtesse de Grammont, femme de la Cour des plus en vue, hautaine, brillante, galante même, mais respectée et considérée jusque dans ses dissipations, elle garda en vieillissant des restes de beauté, se fit agréer en tout temps de Louis XIV, et au point de donner par moments de l’ombrage à Mme de Maintenon. […] À cette modification de famille et d’orgueil, il s’en joignait en ce temps-là une autre pour Mme de Grammont, une mortification plus intime et plus secrète, qui tenait à la personne et à la beauté. […] [NdA] Ainsi, dans le Sermon pour la fête de l’Épiphanie, on trouve ce mot souvent cité : « L’homme s’agite, mais Dieu le mène. » Et dans le second point du même sermon, dans cette seconde partie qui est d’une grande beauté morale, il y a sur la corruption des mœurs et sur la décadence de la foi, de ces traits de vigueur qui sembleraient appartenir à Bossuet : Les hommes gâtés jusque dans la moelle des os par les ébranlements et les enchantements des plaisirs violents et raffinés ne trouvent plus qu’une douceur fade dans les consolations d’une vie innocente : ils tombent dans les langueurs mortelles de l’ennui dès qu’ils ne sont plus animés par la fureur de quelque passion.

741. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Le soleil s’est montré pour la première fois depuis bien longtemps dans toute sa beauté. […] Ce livre dégage et illumine un sens que nous avons tous, mais voilé, vague et privé presque de toute activité, le sens qui recueille les beautés physiques et les livre à l’âme. » Et il insiste sur ce second travail de réflexion qui spiritualise, qui fond et harmonise dans un ensemble et sous un même sentiment les traits réels une fois recueillis. […] L’hôte de La Chênaie ne se fait pas illusion sur ces magnificences et ces beautés silvestres, bocagères, qui sont toujours si près, là-bas, de redevenir sèches et revêches ; La Chênaie, la Bretagne tout entière « lui fait l’effet, dit-il, d’une vieille bien ridée, bien chenue, redevenue par la baguette des fées jeune fille de seize ans et des plus gracieuses. » Mais sous la jeune fille gracieuse, la vieille, à de certains jours, reparaît.

742. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Quelle démonstration plus sensible de la beauté et de la vérité du personnage tout historique de Jésus que ce premier Sermon sur la montagne ! […] Il est évident qu’ils n’ont pu ajouter un rayon, de leur chef, à cette beauté toute morale ; toute née du dedans. […] Enfin c’est un homme qui, par son excellente beauté et ses divines perfections, surpasse les enfants des hommes. » Ce Lentulus, quel qu’il soit, parle déjà comme Jean-Jacques en son Vicaire savoyard. — Et maintenant, comment cette parole du Christ, cette manne première qui tombait et pleuvait sur les cœurs simples, au penchant des collines ou le long des blés, et que le Juste avait en mourant arrosée de son sang, comment, bientôt armée et revêtue de la doctrine et de la théorie de saint Paul, est-elle sortie de la Galilée et de la Judée pour s’approprier aux Gentils et pour leur être inoculée par lui ?

743. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

C’est la seconde partie qui est la principale et qui fait le corps de l’ouvrage ; c’est celle-là seule qui, avec la troisième, offre de véritables et grandes beautés. […] Velléius, dans son Abrégé de l’histoire grecque et romaine, a également des beautés, et même assez développées et originales. […] Ce qu’on savait moins, c’est que de prétendues beautés qui tenaient à des leçons mal lues disparaissent et s’évanouissent (ainsi le passage où il est question d’Horace, vainqueur des Curiaces et meurtrier de sa sœur, mais absous en vue de sa gloire : Et facinus intra gloriam fuit, devient tout simple et ordinaire, si on lit infra).

744. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

En littérature, son goût et sa faculté de comprendre se satisfont en raison inverse de la beauté formelle et de l’objectivité, en raison directe de la richesse sentimentale et de la subjectivité. […] Il y a des littératures qui, mieux que la nôtre, ont rencontré les véritables conditions de la beauté littéraire, parce qu’elles ont été franchement nationales et chrétiennes. […] Comme elle n’est pas artiste, elle voit dans la perfection artistique presque un inconvénient, une infériorité : la beauté formelle lui rend plus difficile à saisir la personnalité de l’œuvre.

745. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Voyons un peu : La pudeur est à l’innocence… mettons : ce que la modestie est à la vertu ; ou bien : ce que le duvet est à la pêche ; ou bien ce qu’un léger voile est à la beauté. […] Mme Sarah Bernhardt est éminemment, par son caractère, son allure et son genre de beauté, une princesse russe, à moins qu’elle ne soit une impératrice byzantine ou une bégum de Maskate ; passionnée et féline, douce et violente, innocente et perverse, névropathe, excentrique, énigmatique, femme-abîme, femme je ne sais quoi. […] Sur ce corps élastique et grêle, sur cette fausse maigreur qui est au théâtre un élément de beauté, car par elle les attitudes se dessinent avec plus de netteté et de décision, la toilette contemporaine, insensiblement transformée, prend une souplesse qu’on ne lui voit pas chez les autres femmes, et comme une grâce et une dignité de costume historique.

746. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Et, par cela seul qu’il applique à une passion profane le vocabulaire et les images de la « mystique » chrétienne, il se trouve presque composer, sans le savoir, une sorte d’élégie idéaliste aux airs déjà vaguement lamartiniens : Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles… Il a sur votre face épanché des beautés Dont les yeux sont surpris et les cœurs transportés ; Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint. Ainsi Lamartine : Beauté, secret d’en haut, rayon, divin emblème… ……………………….. […] Il y a des gens qui s’admirent et qui se croient l’âme belle, énergique et généreuse parce qu’ils ont sur tout des opinions violentes, insolentes, absolues et instantanées ; comme si la manie affirmative était une présomption de beauté morale !

747. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

La vie ne peut pas être à la surface des œuvres de l’esprit et n’être pas dans le fond ; la beauté du langage n’est pas un fard mensonger, c’est la couleur inaltérable de la vie. […] Nous passons outre, doublement satisfaits du plaisir de connaisseur que nous a donné la beauté de la forme, et de la réserve que nous avons faite sur le fond. […] C’est là le secret de ce grand style qui n’orne pas sa matière et qui tire toute sa beauté de son exactitude.

748. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Exposé dans un théâtre public, on me dissèque : un savant médecin explique devant tous, à mon sujet, comment la Nature a fabriqué le corps de l’homme avec beauté, avec art, avec une parfaite harmonie. […] Voici l’un de ces passages par exemple, qui est plein de grâce et de beauté ; il s’agit des études et des muses qui détournent de l’amour. […] Tellement que souvent il se sentoit tout ravi en leurs beautés et bonnes grâces, et s’endormoit à l’harmonie… Voilà le Rabelais, les jours où il se souvient de Lucien, ou mieux encore de Platon.

749. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Les scènes, même gâtées de Shakespeare, mais appropriées en gros à un public qui ne savait rien de l’original et qui s’était accoutumé à croire que Ducis l’embellissait, donnaient à ce genre bâtard de tragédie un intérêt extraordinaire, et le jeu de Talma sut l’élever vers la fin jusqu’aux apparences de la beauté. […] » Ce sont là des beautés qui sont des créations de l’acteur, et qu’on ne devinerait jamais à la lecture. […] On inaugure, au milieu de la verdure, des ruisseaux et des fleurs, les bustes d’Homère et de Jean-Jacques Rousseau ; Bernardin de Saint-Pierre et Ducis portent les couronnes que de jeunes enfants déposent ensuite sur les deux marbres : « Votre fête était simple, écrit Ducis à son hôte d’Essonne, comme les beautés de l’Iliade et d’Héloïse. » Cet Homère, que Ducis fêtait ce jour-là, et qui était aussi simple que l’Héloïse, tenait un peu, je le crains, de celui de Bitaubé.

750. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Si la comparaison est ampliative, comme chez Chateaubriand, elle témoigne de l’accolement facile dans l’esprit de l’écrivain d’images relativement lointaines, douées d’un caractère constant de noblesse et de beauté, avec celles que lui présentaient ses souvenirs ou le cours de ses idées. […] D’autre part, celui-ci réalise nécessairement dans son œuvre son idéal de beauté, et cherche à susciter certaines émotions esthétiques pures, auxquelles il sera légitime de le croire enclin. […] Les âmes de Flaubert et de Leconte de l’Isle nous sont connues ; le pessimisme ironique de l’un, hautain de l’autre, leur amour d’une sorte de beauté opulente, barbare et dure, leur fuite vers les époques lointaines qui la réalisent et leur mépris tacite ou haineusement exprimé pour les temps modernes qui la nient, sont autant de traits aisément discernables de leur physionomie morale, que leur œuvre cache mais moule.

751. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Mais Mme Sand n’est point une lady Tartuffe… de naïveté, qui se mette à la torture pour nous persuader qu’elle n’est qu’une innocente, — une Agnès littéraire qui se contente seulement d’être belle (dans ses Œuvres), car elle ne se nie pas, elle ne se refuse pas ce genre de beauté ! […] Elle dit sans cesse de telle ou telle œuvre : « Je la fis à bâtons rompus. » La conscience réfléchie de la chose qu’on fait ; l’idée vraie qui doit la dominer ; la mesure de son influence ; la caresse féconde de l’étude qui en approfondit la beauté ; le calcul de la route qu’on doit suivre pour arriver au but qu’on veut frapper ; toutes ces choses, grandes et difficiles, qui seraient l’orgueil et la force des plus nobles esprits, ne sont pas pour elle « du génie. » Tout cela est trop déduit, trop travaillé, trop voulu. […] Il est évident que si l’opinion, cette fois encore, n’admettait pas cette déclaration sur la beauté de son génie, faite par Mme George Sand elle-même, l’opinion serait inconséquente ; car c’est elle qui a fait de ses propres mains cet orgueil qui parle aujourd’hui.

752. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Les mêmes détracteurs des Symbolistes affectent surtout un dédain suprême pour Vielé-Griffin dont les Cygnes, la Chevauchée d’Yeldis et le dernier livre, l’Amour sacré, avec ses légendes de Sainte Agnès ou de Sainte Julie sont de pures beautés. […] Toutes ces œuvres, pour n’être pas rimées, n’en ont pas moins une poésie charmante, si, par ce nom, l’on entend le don d’exprimer d’une manière rare des idées, ou de décrire des paysages au moyen d’images choisies ; et aussi, selon la belle expression de Diderot : tout ce qu’il y a d’élevé, de touchant dans une œuvre d’art, dans le caractère ou la beauté d’une personne ou même dans une production naturelle. […] Faguet, à condition qu’on ne le chérisse et poursuive point comme une beauté. » On ne réclame rien de tel ici, mais seulement la simple facilité d’en user avec tact, le cas échéant, ce qui est fort différent.

753. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

On lit dans les Mémoires manuscrits d’André d’Ormesson, et dans la Gazette de France de Renaudot, que le 18 février 1635, il fut donné au Louvre, sous le roi Louis XIII, un grand ballet où figurèrent toutes les beautés du jour, et parmi elles, Mlle de Bourbon. » Ce n’est point de ce ton qu’on conduit au bal une jeune princesse, surtout lorsqu’on est amoureux d’elle ; M.  […] II Tel est cet orateur que l’imagination poétique et l’esprit d’érudition ont promené dans l’érudition et égaré dans la philosophie, qui, après avoir voyagé parmi divers systèmes et hasardé un pied, et même deux pieds, dans le panthéisme, est venu se rasseoir dans les opinions moyennes, dans la philosophie oratoire, dans la doctrine du sens commun et des pères de famille ; qui, pensant faire l’histoire du dix-septième siècle, en a fait le panégyrique ; qui, croyant tracer des portraits et composer des peintures, n’a su que recueillir des documents et assembler des textes ; mais qui, dans l’exposition des vérités moyennes et dans le développement des sujets oratoires, a presque égalé la perfection des écrivains classiques, et qui, par la patience de ses recherches, par le choix de ses publications, par la beauté et la solidité de ses monographies, a laissé des modèles aux érudits qui continueront son œuvre, et des matériaux aux philosophes qui profiteront de son travail. […] Cette angélique figure resta gravée dans sa mémoire, dans son cœur peut-être, et le souvenir de la charmante et touchante princesse, épuré par la vue de sa piété parfaite et de sa pénitence héroïque, lui servit plus tard, lorsque du haut de la chaire il peignait la beauté et la pureté des anges, et emportait avec lui ses auditeurs attendris dans le ciel.

754. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Il ne croit point aux ouvrages parfaits, surtout au théâtre ; il lui suffit que les beautés rachètent libéralement les défauts : C’est, dit-il, l’équitable appréciation de ces beautés et de ces défauts qui est l’objet de la bonne critique.

755. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Ou encore, comme un poëte devenu critique le disait : Jeune, on se passe très-aisément d’esprit dans la beauté qu’on aime et dé bon sens dans les talents qu’on admire. […] Et voilà que la beauté vous reprend et vous tente ; vous y revenez.

756. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Vous avez beau remonter à l’origine des choses et des idées ou à l’A B C de la grammaire et de la rhétorique, suivre un à un les pas de la logique ou faire appel au sens commun simplement, mettre en avant la raison ou, ce qui vaut mieux, la nature ; au fond de toutes vos théories littéraires il y a un sentiment, pas autre chose, analogue, non point au sentiment large d’un homme libre de préjugés qui trouve belles toutes les belles fleurs et belles toutes les belles femmes, chacune dans son genre de beauté, mais au sentiment étroit d’un petit propriétaire qui n’a d’yeux que pour les fleurs de ses plates-bandes et de ses pois, ou d’un jeune amoureux prêt à rompre les os au premier qui osera dire que sa maîtresse n’est pas la plus belle femme du monde. […] Vous faites comme notre amoureux de tout à l’heure, qui, s’il adore une femme aux yeux d’un bleu tendre et aux cheveux d’un blond cendré, s’écrie avec l’accent de l’enthousiasme et de la foi : « Voilà le fond d’une vraie beauté ! 

757. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Qu’on prenne le genre qu’on voudra, discours, histoires, romans, comédies, on verra qu’il y a peu d’œuvres qui réussissent, encore moins qui durent à travers les siècles, sans une bonne économie : et pour peu qu’on ait de curiosité, on découvrira dans la multitude innombrable des écrits oubliés, pour peu qu’on ait d’attention, on notera dans le passage incessant des écrits qui ne naissent que pour mourir, plus d’une œuvre que les plus hautes qualités, que des morceaux admirables, des beautés singulières, semblaient adresser à l’immortalité. […] « Quiconque ne sent pas la beauté et la force de cette unité et de cet ordre n’a encore rien vu au grand jour : il n’a vu que des ombres dans la caverne de Platon.

758. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Le beau jardin, l’éternel Éden les entoure, son amante et lui, et il dit doucement la beauté, la bonté de l’aimée ; il la remercie d’être venue à lui ; il énumère les joies de cœur et de chair qu’elle lui donne ; il célèbre le bonheur qu’ils goûtent tous deux à « être fous de confiance ». […] Elle va plus haut et plus loin ; c’est sa beauté de défier les esprits symétriques qui, pour la comprendre, se souviennent encore d’eux-mêmes.

759. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Mais la beauté des femmes qui s’y rassemblent le soir, cette beauté qui était déjà remarquée au vie  siècle et où l’on voyait un don de la Vierge Marie 120, s’est conservée d’une manière frappante.

760. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Ce n’est pas le talent qui lui a manqué, pour faire la sensation la plus forte dans ce pays-ci, elle en avait de reste, c’est la jeunesse, c’est la beauté, c’est la modestie, c’est la coquetterie ; il fallait s’extasier sur le mérite de nos grands artistes, prendre de leurs leçons, avoir des tétons et des fesses, et les leur abandonner. […] Il n’y a point de milieu, quand on s’en tient à la nature telle qu’elle se présente, qu’on la prend avec ses beautés et ses défauts, et qu’on dédaigne les règles de convention pour s’assujettir à un système où, sous peine d’être ridicule et choquant, il faut que la nécessité des difformités se fasse sentir ; on est pauvre, mesquin, plat, ou l’on est sublime, et Madame Therbouche n’est pas sublime.

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