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558. (1890) Nouvelles questions de critique

Aussi ne chicanerai-je pas sur les mots ; et ne demanderai-je pas si ce sont vraiment là ce que l’on appelle des inédits. […] Combien de temps encore les Ruy Blas et les Hernani supporteront-ils ce que l’on appelait autrefois l’épreuve des chandelles ? […] C’est ce que l’on pourrait appeler la théorie même de l’hallucination provoquée. […] Il leur suffit, pour eux, qu’une œuvre leur plaise ; et, qu’importe, après cela, qu’elle soit ce qu’on appelle idéaliste ou naturaliste ? […] Il y a d’ailleurs aussi ce qu’on appelle des espèces douteuses, qui même le sont d’autant plus que l’on en connaît mieux les caractères.

559. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Peut-on appeler cela écrire ? […] Que lui faisait, à lui, l’homme de Dieu, cet immense mensonge qu’on appelle la société ? […] On a beaucoup parlé de ses distractions, qu’il serait plus juste d’appeler des rêveries. […] Cette transformation-là s’appelle le talent. […] Il appelait cela « dépenser sa vie en expériences ».

560. (1802) Études sur Molière pp. -355

Comme ils s’appellent et se croisent mutuellement ! […] Ce rôle est au nombre de ceux qu’on appelait, du temps de Molière, rôles à grande casaque. […] Il prend cependant la résolution d’épouser une jeune innocente appelée Laure, qu’il a fait élever dans un couvent. […] Qu’il me soit donc permis, pour mon instruction, et peut-être pour le bien de l’art, d’en appeler au petit nombre : c’est à lui que je vais proposer mes doutes. […] voilà ce qui s’appelle bien jouer les pièces en vers libres ».

561. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Ces deux doctrines isolent l’homme, et devraient s’appeler philosophies solitaires. […] Ainsi se forma le caractère idéal de l’Hercule antique ; les héros étaient héraclides, enfants d’Hercule, comme les sages étaient appelés enfants de la sagesse, etc. […] Les principaux de l’ordre héroïque furent appelés rois de la cité, et administrèrent les affaires communes, en ce qui touchait la guerre et la religion. […] Aux actes religieux qui composaient seuls toute la justice de l’âge divin, et qu’on pourrait appeler formules d’actions, succédèrent des formules parlées. […] Aussi ses amis l’appelaient-ils, comme on nommait autrefois Épicure, αὐτοδιδάσκαλος, le maître de soi-même .

562. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Et puis une autre raison encore me fait aimer et respecter Victor Hugo : nous avons presque commencé ensemble cette longue traversée de la vie, où le hasard, qui est Dieu aussi, fait embarquer à la même date, sur la même nef, dans les mêmes circonstances et sur la même mer, ces passagers plus ou moins mémorables qu’on appelle des contemporains. […] Je ne me crois ni plus ni moins d’intelligence que la généralité des hommes de mon siècle, et, à mon tour, je vous déclare que j’ai appliqué, pendant la moitié de ma vie, toute l’intelligence telle quelle dont Dieu m’a plus ou moins doué à comprendre ce que vos apôtres et vos faux prophètes vous promettent dans ce que vous appelez l’organisation du travail, et que, malgré toute mon application et tous mes efforts, il m’a été impossible d’y rien comprendre. […] XIII D’autres devoirs, également urgents, m’appelaient à l’hôtel des Affaires-Étrangères, envahi, depuis le 24 février, par des hommes inconnus et armés, qu’il fallait refouler et convertir en gardes volontaires, pour préserver les archives diplomatiques de l’État. […] Puis le coup d’État, trop appelé par la panique de la France, est venu, puis la confusion des langues, puis les exils, puis les amnisties, puis des pamphlets que nous déplorons, puis des poésies vengeresses, dont nous n’admirons que la verve, diatribes du génie qui stigmatisent des noms propres, que la colère peut écrire d’une main, mais que l’autre main doit raturer : car, en politique, on peut combattre, jamais insulter ! […] « Si le radical c’est l’idéal, oui, je suis radical, disait-il dans les justifications éloquentes de ses intentions d’écrivain ; oui, à tous les points de vue, je comprends, je veux et j’appelle le mieux ; le mieux, quoique dénoncé par un proverbe, n’est pas l’ennemi du bien, car cela reviendrait à dire : Le mieux est l’ami du mal….

563. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Je vois des braves gens émerveillés, pleurer d’enthousiasme, sur ce qu’ils appellent à bonne foi le progrès indéfini de l’espèce humaine. […] La guerre continuant appela son mari à la suite du roi au siége d’Orléans. […] Tien seul amy pouvoist te secourir : Sçaiz qu’il n’est plus, et sy tousjours l’appelles ? […] Possible, alors que t’appelle tremblante, Qu’en terre estrange ez chargé de liens ! […] Dans mon deslire au hazard je m’esgare, J’appelle en vain… Ô dieux !

564. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Qui croirait, à moins de l’avoir vu imprimé, que dans une notule, faite sur une note, on appelle le commentateur, le Secrétaire de Marc-Aurèle, et Pascal, le Secrétaire de Port-Royal ? […] De les appeler une fleur, une herbe, une fumée, un songe, ce n’est pas encore en dire assez, puisqu’elles sont au-dessous même du néant. […] « … Mais, surtout, Mylord, soyez moins fâché contre moi de ce que j’appelle le siècle dernier le siècle de Louis XIV. […] » Vous m’apportez, Mylord, l’exemple de Pierre-le-Grand, qui a fait naître les arts dans son pays, et qui est le créateur d’une nation nouvelle ; vous me dites cependant que son siècle ne sera pas appelé dans l’Europe le siècle du czar Pierre : vous en concluez que je ne dois pas appeler le siècle passé le siècle de Louis XIV. […] …………………………………………… Mais de plus fiers débris appellent mes pinceaux… Courons vers ces rochers, noir berceau des orages, Aux bords de cette mer si féconde en naufrages, Dont le fils de Fingal a chanté les héros.

565. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

On aurait certainement appelé cela une trilogie du temps des Grecs ; c’est-à-dire que ce sont trois poèmes encadrés dans une aventure dont l’affabulation est celle-ci. Nous sommes en Grèce, dans la Grèce européenne, et le culte de ce dieu, bizarre encore, et qui le sera toujours du reste, le culte de ce dieu oriental qui s’appelle Dionysos, qui s’appelle Bacchus aussi, le culte de ce dieu vient d’être introduit dans la Grèce, et les filles de Minée, qui sont pour la vieille religion ancestrale, se refusent au culte de ce dieu étrange ; elles restent chez elles pendant les fêtes consacrées à Bacchus, pendant les premières dionysiaques et pour user le temps, tout en filant ou dévidant, elles proposent de se conter des histoires, et, comme ce sont des jeunes filles, elles se content des histoires d’amour. […] Ce qu’on appelle « être toujours en scène », c’est ceci : c’est le don particulier, de la part de l’auteur, de présenter les choses de manière que nous ayons bien la sensation que nous les voyons, et non pas qu’on nous les récite. […] Il a fait sa tragédie comme tout le monde en faisait au dix-septième siècle — c’était encore plus vrai au dix-huitième   enfin La Baguenaudière a fait une tragédie dans le goût du temps, prétend-il, et ses amis, qui s’appellent de Boiscoupé, de Prérasé, de Mousseverte et des Lentilles, viennent lui faire compliment sur sa tragédie qu’ils ne connaissent pas encore. […] Mais ce à quoi je tiens, c’est ce que j’appelle le sermon, le fameux sermon d’Agathe.

566. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Nous avons appelé cela de l’opposition constitutionnelle, mais c’est plutôt de l’opposition lacrymatoire. […] Pour lui, cela est trop évident, l’important n’est pas, comme il devrait être, de déterminer souverainement et une fois pour toutes, avant d’arriver à ce genre de poésie qui s’appelle la poésie lyrique, l’influence de la moralité sur la pensée, et des idées religieuses, ou pour mieux dire d’une religion vraie, sur la moralité humaine. […] Ce livre, qui ose s’appeler La Tribune moderne, n’est l’histoire, en somme, que de quelques tribuns, triés sur le volet par le goût individuel de Villemain et ses préférences politiques. […] Pour boucher cet immense et inexplicable hiatus, dans un livre qui s’appelle La Tribune moderne, où l’on cherche Mirabeau en vain, Villemain nous a donné quatre hommes qui n’en sont pas même la petite monnaie. […] Voilà le critique dans Villemain, — qu’on pourrait appeler le Ménalque de la Critique !

567. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

quel peuple méconnaîtrait cette force qu’on appelle l’imprévu ? […] Les faits qu’il a jaugés dans ses Révolutions d’Italie sont si nombreux, si confus, si contradictoires, qu’ils lui ont donné de ces éblouissements que les simples mortels appellent des bluettes. […] Qu’importent à l’historien, qui voit de haut, les jalousies et les rivalités de voisinage de ces Commères sanglantes qu’on appelle les Municipalités italiennes. […] Il a compté et supputé tous les monstres de ces gouttes d’eau qu’on appelle les villes d’Italie, et, pour parler comme lui, il a suivi toutes les ondulations, tous les frémissements de ces gouttes, impures et sanglantes ! […] On le lit à présent comme une thèse et surtout comme une réponse hautaine et péremptoire aux prétentions de ce parti qui s’appelle la jeune Italie, et qui est bien jeune en effet, si elle croit faire à l’Italie une destinée impossible et à contre-sens de ses facultés.

568. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Comment se reconnaître dans cette psychologie si concrète qu’on appelle l’histoire, si l’on n’a pas d’autre flambeau que l’expérience historique elle-même ? […] Laissant à ce qu’elle appelle la vieille psychologie la contemplation de l’âme elle-même et la solution des problèmes métaphysiques qui s’y rattachent, elle ns regarde, ne voit l’homme que dans les faits, dans les actes, dans les œuvres de sa vie intellectuelle et morale, l’étudié par conséquent dans son histoire, sans chercher à sonder les mystères de sa nature intime. […] Il en appelle enfin aux relevés statistiques, portant sur des nombres assez grands pour éliminer les influences particulières et pour laisser le résultat à peu près tel que si les volitions de la masse entière n’avaient été affectées que par celles des causes déterminantes qui furent communes à tous20. […] D’une part, l’école dite rationaliste, l’école de l’a priori, ainsi que l’appelle Stuart Mill, avait abusé des idées innées, des vérités soi-disant indépendantes de l’expérience, produit d’une sorte de faculté révélatrice qu’elle nomme raison. […] C’est donc à cette psychologie que nous pourrions appeler intime, par opposition à cette autre psychologie qu’on nomme expérimentale, qu’il appartient de définir l’homme, de définir la nature, de définir en tout et partout l’être des choses, en rendant aux mots de force et de cause, de spontanéité, de liberté, le sens qui leur est propre et qu’ignoreront toujours les partisans exclusifs de la méthode inductive, qu’ils s’appellent physiciens, physiologistes, ou même psychologues.

569. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Telles étaient donc les relations très convenables et et très dignes de ces deux célèbres auteurs de lettres, du vieux Balzac, comme celui-ci aimait à s’appeler depuis longtemps, et du brillant Voiture, lorsque celui-ci mourut et laissa le dernier mot à dire à son devancier. […] Une fois appelé sur le terrain par Balzac et mis en situation de répondre à M. de Girac, il semble qu’il n’y avait rien de plus simple que le rôle de Costar : il n’avait qu’à relever ce qui lui paraissait peu juste dans la critique du savant ami de Balzac, à balancer lui-même les éloges entre le mort et le vivant, et à se faire honneur par un ton d’impartialité généreuse et un air de fidélité envers une chère mémoire. […] Ainsi Voiture est à la mode, l’engouement pour lui est à son comble, sa mort précoce exalte avec encore plus de vivacité les admirations et les tendresses : et cependant voilà un homme appelé Paul Thomas, sieur de Girac, un provincial, un propriétaire campagnard, un homme d’un autre monde et d’un autre camp, qui va trouver à dire, sur cette fleur des pois et cette coqueluche des grâces appelée Voiture, toutes les choses raisonnables et justes, et qui va faire toutes les saines réserves. […] Il reprocha à Costar (qui s’appelait primitivement Cousiart) son nom, sa naissance, l’état de ses père et mère, et jusqu’à celui de son grand-père, qui apparemment n’était pas en parfaite odeur. […] Costar ; qu’Homère ne peut être appelé l’aveugle Thébain… » « Des zéphyrs.

570. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Un juge impartial, le chancelier d’Aguesseau, a heureusement défini son principe de conduite, et a tracé de lui, à cette occasion, le beau portrait dont voici les points principaux : « François de Harlay, prélat d’un génie élevé et pacifique, auquel il n’aurait rien manqué s’il avait su autant édifier l’Église qu’il était capable de lui faire honneur par ses talents et de la conduire par sa prudence, se conduisait lui-même avec tant d’habileté qu’il réussissait presque toujours également à contenir la vivacité de ceux qu’on appelait Jansénistes, et à éluder, au moins en grande partie, les coups des Jésuites. […] Pour faire sa paix avec la Faculté à laquelle il était alors suspect et réputé hostile, il affecta de ne prendre pour assistants que des docteurs qui en fussent membres : « Ces Conférences, nous dit Legendre qui, dans son enthousiasme, les appelle le plus bel endroit de la vie de M. de Harlay, ces Conférences les plus célèbres dont on ait gardé mémoire, se tinrent dans la salle de l’archevêché qui, après celle du Palais, est la plus grande de Paris. […] À peine promu au siège de Paris, l’Académie française l’avait appelé en son sein pour y remplacer M. de Péréfixe. […] Que si par une soudaine citation on est appelé à ce jugement, et que le juge vienne tout d’un coup à interroger, qui pourra lui répondre ? […] Mme de Bretonvilliers demeurait dans l’île Notre-Dame (c’est-à-dire Saint-Louis), et les gens du peuple l’appelaient la Cathédrale.

571. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Coulmann pourquoi il appelle Réminiscences ce qu’il aurait dû intituler Souvenirs. […] Coulmann se hâte de l’appeler, d’un mot de Delatouche, « un papillon en bottes à l’écuyère. » En général, M.  […] C’est ce qu’on peut appeler véritablement des réminiscences. […] Il appelle Napoléon à Sainte-Hélène le Thémistocle français, etc. […] Elle aimait tout de lui, disait-elle dans des vers passionnés : J’aime tout dans celui qui règne sur mon cœur… Elle aimait son talent, ce qu’elle appelait son génie, ses défauts même, son air vaurien ou lutin, et jusqu’à ses infidélités et ses inconstances : comment n’aurait-elle pas aimé sa manière correcte et digne ?

572. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Est-ce d’une galante manière de venir les appeler tout uniment des ânes et de s’écrier : « Ce qui me fâche le plus, c’est que je vois s’accomplir cette prédiction que me fit autrefois mon père : “Tu ne seras jamais rien”… Tu ne seras jamais rien, c’est-à-dire tu ne seras ni gendarme, ni rat de cave, ni espion, ni duc, ni laquais, ni académicien. » Deux ou trois savants hasardés sont restés marqués au front de ces flétrissures brûlantes de Courier, mais lui-même s’est trouvé marqué aussi et atteint pour avoir cédé si complaisamment à sa colère. […] Pourtant il oublie trop que Georges le laboureur, André le vigneron, Jacques le bonhomme (comme il les appelle) n’ont rien qui les élève et les moralise, qui les détache de ces intérêts privés auxquels ils sont tous acharnés et assujettis ; qu’à un moment donné, s’il faut un effort, un dévouement, une raison supérieure d’agir, ils ne la trouveront pas, et qu’à telles gens il faut une religion politique, un souvenir ou une espérance qui soit comme l’âme de la nation, quelque chose qui, sous Henri IV, s’appelait le roi, qui plus tard s’appellera l’empereur, qui, dans l’avenir, sera je ne sais quel nom : sans quoi, à l’heure du péril, l’esprit d’union et d’unité, le mot d’ordre fera faute et la masse ne se soulèvera pas. […] Avant de se constituer prisonnier et aussitôt après son jugement, Courier n’avait pas manqué d’écrire l’histoire de son procès, en y joignant le discours qu’il aurait voulu prononcer pour sa défense ; il appelait cela son Jean de Broé, du nom de l’avocat général qu’il y tournait en ridicule : « Ma brochure a un succès fou, écrivait-il à sa femme ; tu ne peux pas imaginer cela ; c’est de l’admiration, de l’enthousiasme. […] Il appellerait par plus d’un endroit la comparaison avec Béranger qui, jusque dans la polémique, n’a pas moins de curiosité, d’arrangement et d’art.

573. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud, dans les opuscules qu’on lui reproche et où il flétrit la tyrannie de Robespierre, se rattachait surtout à Rousseau, comme à l’adversaire du matérialisme, au maître et au patron de ce qui formait alors le groupe des hommes sensibles ou de ce que nous appellerions l’école de la rêverie. […] Ami de ces deux dames, je ne sais s’il a été amant ; mais surtout il a été aimé ; Mme Cottin l’appelait du petit nom de Ferdinand. […] Michaud n’a rien négligé pour compléter ce qu’il appelle l’enquête entreprise par lui au sujet des croisades. […] Augustin Thierry, qu’on a pu appeler « un traducteur de génie des anciens chroniqueurs », et qui a porté dans cette mise en œuvre le sentiment simple de l’épopée. […] Un jour, on parlait devant lui de Machiavel : « Sans aller si loin, dit-il, il y a quelqu’un que vous devriez plutôt étudier, c’est La Fontaine ; on l’appelle un fabuliste, on devrait l’appeler plutôt un publiciste. » S’il écrivait peu pour son compte, M. 

574. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Le premier ouvrage qui appela sur lui avec éclat l’attention publique fut l’Éloge de Colbert, couronné par l’Académie française en 1773. […] Mêlant ses idées religieuses si honorables à ses combinaisons de finance, il suppose que Colbert devait à son génie politique d’être plus religieux qu’un autre : « Un grand administrateur s’attache plus fortement qu’un autre à l’idée d’un Dieu. » Dieu, quelque part, est appelé, par un singulier rapprochement de termes, « l’Administrateur éternel ». Je pourrais relever bien d’autres singularités de pensée et d’expression dans ce discours ; je me hâte d’ajouter que, malgré tout, il réussit fort tant à l’Académie que devant le public ; les juges les plus difficiles, en s’accordant à reconnaître « que la langue semblait manquer à tout moment à l’auteur », le lui passèrent en faveur de ce qu’on appelait l’énergie ou la nouveauté de ses pensées. […] Pour bien connaître les hommes, pensait-il, il faut avoir traversé trois états de la vie absolument différents : « l’état d’infériorité qui vous donne le besoin de plaire aux autres, le besoin de les étudier ; l’état d’égal à égal, qui vous appelle à les connaître dans toute la liberté de leurs passions ; l’état de supériorité qui vous donne l’occasion de les observer dans leur marche circonspecte, dans leurs tâtonnements et dans leurs manèges ». […] Necker appelle la « législation des sous-entendus », et il trouve des expressions pour nous la traduire : … La souveraine habileté d’une maîtresse de maison, et peut-être son plaisir, si elle est en même temps grande dame, c’est de laisser voir qu’elle entend toutes ces différences, mais de le faire avec délicatesse, afin de ne donner à personne un juste sujet de plainte.

575. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il appela ce volume de prédilection : Paroles d’un Croyant, et, ayant ainsi achevé sa pensée devant Dieu, il se sentit un peu calmé ; son grand travail de philosophie le retrouva plus dispos et plus persévérant. […] « Et au lieu du faible crépuscule que nous appelons jour, une lumière vive et pure rayonnera d’en haut, comme un reflet de la face de Dieu. […] « Je leur ferai deux idoles, qui s’appelleront Honneur et Fidélité, et une loi qui s’appellera Obéissance passive. 

576. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Ces événements négligeables se passent dans un monde excessivement restreint, dans un très petit groupe humain, et ne deviennent intéressants (quelquefois, et pas pour tout le monde) que parce que ce petit groupe s’agite sur un point imperceptible du globe qui s’appelle Paris. […] L’auteur l’appelle « le grand Wolff » et voit en lui « la plus puissante incarnation de l’esprit parisien dans le journalisme ». […] Vous vous souvenez que, dans les Odeurs de Paris, il appelle M.  […] Ne pensez-vous pas qu’on appellerait assez justement M. 

577. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Tout en causant, la comédienne, qui s’appelait Vittoria, retira subtilement le portrait du médaillon et rendit le joyau au cavalier, puis elle mit fin à la visite. […] Flaminia, de sa fenêtre, appelle Arlequin et le prie de porter une lettre à un cavalier nommé Flavio qu’il rencontrera sur la place où se donnent rendez-vous les gentilshommes. […] Puis, Oratio répétant ce qu’il vient de dire à Pedrolino, elle l’appelle traître et lui dit qu’elle n’ignore pas qu’il aime la comédienne et qu’il lui a donné son portrait à elle. […] Isabelle, saisissant l’occasion de causer du dépit à Oratio, appelle Flaminia, et lui dit d’amener son nouvel amant à la fenêtre.

578. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Ce qu’on appelait le fin au dix-septième siècle, s’appelle le pensé au dix-huitième. […] Je vous donne à deviner ce qui s’appelait, en ce temps-là, tour à tour, « une bibliothèque vivante où l’on apprend tout sans peine et sans étude ; une salle de musiciens où l’on entend les plus savants concerts ; un théâtre magnifique où tout ce qui frappe les yeux étonne l’esprit et glace la voix ; une école toute céleste où les esprits, de quelque étage qu’ils soient, peuvent, en y arrivant, s’élever à tous moments, et, par l’approche et la communication d’un corps lumineux, acquérir tous les jours des clartés nouvelles ; un parterre orné de fleurs de toutes les couleurs ; un corps qui marche à frais communs et à pas égaux vers l’immortalité ; le sanctuaire et la famille des Muses ; une si haute région d’esprit, que l’on en perd la pensée, comme, quand on est dans un air trop élevé, on perd la respiration. » C’est l’Académie française à qui s’adressaient ces louanges à la fois si énigmatiques et si outrées, dans des discours de réception où les nouveaux élus se donnaient toute cette peine pour ne pas se dire simplement reconnaissants. […] Le précieux qui donne tant à chercher, ce précieux pensé, pour l’appeler d’un nom cher aux beaux esprits du temps, avait gagné jusqu’à Massillon.

579. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Ce qu’on appelle philologiquement et historiquement la race germanique est sûrement une famille bien distincte dans l’espèce humaine. […] Or le type de ce qu’on appelle très improprement la race anglo-saxonne 3 n’est ni le Breton du temps de César, ni l’Anglo-Saxon de Hengist, ni le Danois de Knut, ni le Normand de Guillaume le Conquérant ; c’est la résultante de tout cela. […] V. — La géographie, ce qu’on appelle les frontières naturelles, a certainement une part considérable dans la division des nations. […] L’homme est tout dans la formation de cette chose sacrée qu’on appelle un peuple.

580. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Adhérer à Jésus en vue du royaume de Dieu, voilà, ce qui s’appela d’abord être chrétien. […] Un état où l’on dit des choses dont on n’a pas conscience, où la pensée se produit sans que la volonté l’appelle et la règle, expose maintenant un homme à être séquestré comme halluciné. Autrefois, cela s’appelait prophétie et inspiration. […] Cette sublime personne, qui chaque jour préside encore au destin du monde, il est permis de l’appeler divine, non en ce sens que Jésus ait absorbé tout le divin, ou lui ait été adéquat (pour employer l’expression de la scolastique), mais en ce sens que Jésus est l’individu qui a fait faire à son espèce le plus grand pas vers le divin.

581. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Le libre esprit qui s’envole, oiseau appelé par l’aurore, est désagréable aux intelligences saturées d’ignorance et aux fœtus conservés dans l’esprit-de-vin. […] Qu’appelez-vous nature morte ? […] On supplie, on appelle, on lève les mains vers l’ombre. […] Aujourd’hui pour toute la terre la France s’appelle Révolution ; et désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie.

582. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Suivant Athenée, Thelestes avoit été l’inventeur de cette espece de jeu muet ou de danse sans saults et sans pas élevez, et laquelle nous appellerons ici le plus souvent l’art du geste. […] Elle étoit la même que les latins appellent quelquefois la musique muette. […] Apparemment que la plûpart des comédiens ne faisoient pas comme ceux que Quintilien appelle, histriones paulo graviores. […] Enfin Aristides Quintilianus après avoir parlé de l’amitié de Ciceron pour Roscius, qui charmoit Ciceron par son exactitude à suivre la mesure et par l’élegance de son geste, appelle ce comédien célebre un danseur.

583. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

L’Angleterre, au reste, dans la révolution qui a appelé au trône Guillaume d’Orange, a solennellement protesté contre ce même système, système qui avait fait couler le sang de Charles Ier sur l’échafaud, système, chose bien plus étonnante ! […] Si les Juifs eussent voulu adopter la loi chrétienne, ils fussent restés en corps de nation à cette époque ; mais le jugement de Dieu reposait sur ce peuple, dont la mission devait se borner désormais à être le gardien des promesses anciennes, et à entretenir des témoins désintéressés et impartiaux parmi les Gentils appelés à la foi. […] Cette différence de position impose il autres devoirs aux hommes d’état : nous appellerons bientôt leur attention sur cet objet. […] Ainsi leur grande erreur a été de se croire appelés, connue les philosophes anciens, à renverser des superstitions ; ils n’ont pas fait attention à cette différence énorme d’une religion dont les préceptes enveloppent, pour ainsi dire, l’homme de tous les côtés, à des religions qui ne s’adressaient qu’à une partie de l’homme, qui flattaient son imagination, sans rien dire à son cœur.

584. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Cela s’appelait le Bluet. […] Supposez encore un petit succès du même genre et on peut parier qu’il n’y aura plus ni Monsieur ni Madame Haller, mais une Madame dont on commence à cancaner le nom dans cette loge de portier qu’on appelle Paris, quoiqu’elle soit toujours jusqu’ici Gustave Haller, en littérature. […] On s’attendait à une audace, à quelque paradoxe hardi sous ce pavillon de Vertu, si fastueusement étalé et qui ne dit rien, s’il ne dit beaucoup ; car, excepté dans les romans, marqués à la sale patte du Réalisme contemporain, où l’on abolit la loi d’art des contrastes et où l’on vous sert du vice tout pur, sans aucun mélange ; excepté dans ces monstrueuses compositions qui sont la fin de toute littérature, il y a toujours dans les livres vrais comme dans les plus faux, une prétention à la vertu quelconque, depuis l’admirable Clarisse de Richardson qui pourrait aussi s’appeler Vertu, jusqu’à l’impossible Jacques de Mme Sand, qui a de la vertu, selon elle, puisqu’il se sacrifie héroïquement à l’amant de sa femme et se tue pour, lui donner son lit. […] Un acte de vertu est un bout d’étoffe, un peu mince et un peu court, pour tailler là-dedans un roman qui ose s’appeler de ce grand nom : Vertu.

585. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Toujours est-il que dernièrement, dans un journal, je l’ai vu rouler, ce nom qui a la condescendance d’être resté féminin, parmi ceux des hommes forts qu’on appelle : la Société des gens de lettres et franchement il avait bien le droit de se montrer parmi eux ! […] Elle y filtre et s’y étend, comme une eau morne — silencieusement — en attendant qu’elle y bouillonne… Le dernier roman qu’elle ait publié s’appelle : Une faiblesse de Minerve, et certes, ce n’est pas elle qui est Minerve, Mme Claire de Chandeneux ; car Minerve, c’était la Sagesse, et pour cette raison, la Mythologie ne lui a jamais fait faire d’enfants ; mais si elle n’est pas Minerve, elle est sans faiblesse. […] Il y a bien, dans ces romans qui s’appellent pourtant : Le Mariage du trésorier, les Deux Femmes du major, les Filles du colonel, etc… des amours et des mariages, mais qui n’ont rien de caractéristiquement militaire ; — il n’y en a point qui soient marqués de ce cachet qu’en attendait de cette main de femme d’officier. […] Mais la chose qu’on appelle le Bas-bleu n’en va pas moins son train dans cette société, chez laquelle le rire, ce monarque absolu autrefois, n’est pas plus puissant que les autres monarques !

586. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Ainsi, encore, elle appelle Mgr Dupanloup, non pas seulement un grand Évêque, — ce qui serait déjà bien joli et peut-être embarrassant pour l’humilité de ce prélat, — mais elle l’appelle le Grand Évêque, ce qui est insolent pour les autres, et elle cite de lui, pour lui être agréable, avec une émotion maladroite, une petite sottise oratoire, sur la corruption glacée de notre temps. « Le feu ne prend pas dans la boue », avait dit Mgr Dupanloup. […] Et cela est si profondément justifié par les faits, cette loi, et par toute l’organisation de la femme que initiative même parmi celles que l’histoire appelle les plus grandes, leur a manqué33 ; initiative dans l’action comme dans la pensée. […] Je me souviens de l’avoir appelé Cidalise34.

587. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

… Est-il permis de manquer d’intérêt et de vie quand il s’agit du peuple le plus curieux et le moins connu, quoiqu’on en ait immensément parlé, de ce peuple magot et falot qui ressemble aux visions produites par l’opium qu’il fume, et qu’on pourrait appeler le plus fantastique de tous les peuples ? […] Après les grands travaux du Père Du Halde, du Père Grosier, du Père Amyot, du Père Gaubil, et de tant d’autres Pères jésuites, qui firent, pendant un moment, de la Chine une province de leur ordre ; après les livres des voyageurs anglais sur cette Chine logogriphique, aussi difficile à déchiffrer que son écriture ; en présence surtout de ces Pères de la foi, notre Compagnie des Indes de la rue du Bac (comme les appelait un grand écrivain), et dont les observations sont le meilleur de l’érudition contemporaine sur les institutions et les mœurs de la Chine, si deux sinologues, ayant passé toute leur vie dans une Chine intellectuelle qu’ils ont redoublée autour d’eux comme les feuilles d’un paravent, se mettaient à écrire de leur côté une histoire du pays qu’ils n’ont pas cessé d’habiter par l’étude et par la pensée, il y avait lieu de croire, n’est-il pas vrai ? […] … Et malgré la plus excessive bienveillance, peut-on vraiment appeler méthode une enfilade de chapitres qui se suivent, comme les moutons de Dindenaut, et qu’on a cru classés parce qu’on leur a noué à la tête la plate cocarde d’une étiquette ? […] Dans cet article, un des plus charmants qu’on ait jamais écrits, avec cette pointe d’ironie qui est le parfum du filet de citron dans l’éloge, Balzac appelait Borget le Jacquemont de la Chine.

588. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Les idées qui se sont soulevées, qui ont lutté, qui ont écumé, comme des vagues, dans ce bassin du temps qu’on appelle un siècle, passent — ainsi que les flots matériels — par-dessus la limite de leurs rivages, et vont presque toujours, dans la durée, — comme les autres flots dans l’espace, — plus loin que la barre qui devrait les arrêter et les contenir. […] Dans ce monde tel que l’a fait, ou que l’a défait plutôt la philosophie, tout n’est pas, pour l’apaisement du cœur et pour le bonheur de la vie, dans l’étanchement des besoins corporels et dans ce qu’on appelle le bien-être. […] Il a parfaitement compris que, pour la France, la meilleure source de prospérité était dans le développement de sa production agricole : « L’agriculture, — dit-il, — cet atelier inépuisable de toutes les productions essentielles, se détache sur le fond assombri de nos misères, et quand une fois on a sondé le gouffre des souffrances humaines, c’est en reportant les yeux sur la terre que l’on voit poindre l’espérance. » Brutus embrassa la terre et l’appela sa mère. […] Il en appelle à l’expérience, et il a raison.

589. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Martin, qui ajoute encore à tout cela la médiocrité dans la forme, — cette médiocrité, cause des plus hautes fortunes, — nous semble appelée à un avenir immense. […] À tort ou à raison, l’opinion l’a revêtu de cette grotesque livrée du druidisme et en a fait ce masque qu’on appelle le druide dans l’histoire ! […] Henri Martin ne me paraît pas ce qu’on peut appeler une tête très forte. […] Qu’on s’appelle M. 

590. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Wallon l’appelle Saint Louis, comme si le coup indélébile de la canonisation était déjà tombé sur son nom et que le Saint eût rétroactivement dévoré l’homme ! […] Wallon nous les dit toutes les deux de front, allant de l’une à l’autre, un peu troublé, dans son sens moderne, de ce qu’il voit dans l’une, à côté de son admiration pour l’autre… Infirmité qu’on appellera du nom qu’on voudra, mais qui invalide une histoire dans laquelle il n’y avait aucune précaution à prendre, et pas autre chose que des admirations intégrales et sans aucune réserve à fièrement et chaleureusement affirmer ! […] En ce temps-là, la Royauté, — engloutie dans des mêlées d’hommes que j’appellerais volontiers la Démocratie d’en haut ; car, en somme, les Aristocraties ne sont pas davantage : c’est toujours le nombre, le nombre maudit, l’éternel ennemi de l’unité !  […] Il ne hait même pas ce qu’il appelle l’intolérance de Saint Louis.

591. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Zola, ou les Mémoires d’une jeune femme, par une autre, de talent déjà vieille, et qui s’appelle M.  […] Pour avoir vécu avec eux, il avait pris un peu de la sagesse des derviches, qu’il appelle des sages, et même de l’art des derviches tourneurs, qu’il appelle de grands artistes ; car s’il y a un homme qui ait jamais tourné dans ce monde qui tourne, c’est lui, le comte de Gobineau, diplomate toute sa vie : en Perse, en Suède, au Brésil, partout, et montrant partout, sans cesser de tourner, — ce brillant valseur diplomatique !  […] Quand l’auteur de La Renaissance fait parler un de ces personnages dont on ne voit que l’action morte dans les autres histoires, il le fait positivement renaître, et son livre mérite d’être appelé Renaissance deux fois.

592. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

dans les injures qu’il leur vomit, dans les imprécations, dans la rage, dans le mépris qu’elles lui inspirent, il y a peut-être un peu d’épouvante, — la peur (assez fondée, du reste), de ne pouvoir égaler jamais en beauté cette belle tête sereine et souriante dans son immortalité qu’on appelle le génie de Racine et sa composition tragique. […] Cela s’appelle résolument : « Une paire de bottes. […] Vacquerie s’appelle lui-même : « le bon Samaritain des crapauds, l’ami intime des colimaçons et le galant des araignées ». […] Toujours poète, c’est là son défaut, comme Μ. des Mazures : « Je me penche sur ses yeux profonds, — dit-il (les yeux de la chatte), — et il me semble voir là-bas, — tout au fond, — je ne sais quoi qui se débat, comme un malheureux tombé dans un puits et qui s’efforce de remonter, et qui appelle à l’aide, et qui se raccroche aux parois, et qui retombe toujours, — une âme, je le crois.

593. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Jésus-Christ se montre également dans tous ces actes que les moralistes appellent sensibles, et sans qu’on puisse dire : Voici où l’homme finit et où le Dieu commence ! […] Lacordaire n’est que le roman, le roman pur, introduit dans cette mâle et simple chose qu’on appelle l’hagiographie, par un esprit sans virilité ! […] Elle vient, enfin, de ce que j’oserai appeler dans l’écrivain le besoin des amphigouris ! […] « Il y a des choses qui peuvent se répéter par les âmes qui les ont conçues, mais qui ne peuvent pas s’imiter. » Si ceci veut dire quelque chose, ce ne peut être qu’une fausseté ; mais c’est là suprêmement ce que j’appelais plus haut « le besoin des amphigouris », incorrection particulière au livre du P. 

594. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Seulement, si elle a touché à cet ouvrage avec une gravité et une considération qui l’honore, elle a été bien payée de sa politesse, car elle a trouvé dans le nouveau livre de M. de Rémusat les idées qui lui sont le plus chères, ce rationalisme contemporain qu’on voit partout maintenant, de quelque côté qu’on se tourne, et qu’il nous faut bien appeler par son nom, puisque, aujourd’hui, nous avons à parler de philosophie. […] Seulement, pour tous ceux qui ont touché à ces questions dévorantes, on sera suffisamment fondé à affirmer que Ce n’est pas la métaphysique, qu’elle s’appelle des plus beaux noms que le génie ait eus dans l’histoire, qui peut combler l’abîme existant entre l’homme et Dieu, et tracer pour l’homme un chemin, au-dessus de ce gouffre. […] si tel est le résultat que donne la réflexion de l’homme livrée à elle-même sur ce problème fondamental, il n’y a plus qu’à repousser, loin de soi, la métaphysique comme chose vaine tout au moins quand elle n’est pas dangereuse, et à revenir à l’enseignement, à l’autorité, à la tradition, à la révélation surnaturelle, à tout ce que la Philosophie appelle dédaigneusement le mysticisme, car le mysticisme seul est assez fort pour répondre quand le rationalisme reste muet. […] Systèmes qui mourront et ressusciteront plus d’une fois encore, si les hommes doivent s’occuper longtemps de ce que les philosophes appellent des vérités éternelles, lesquelles n’ont d’éternel peut-être que leur inutilité !

595. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

II C’est Walter Scott, je crois, qui s’appela pendant des années, en Angleterre, « le Grand Inconnu ». […] Il s’était réfugié dans la pensée divine… Quand la crise de la France du temps, livrée aux démoralisateurs qui ne la démoralisaient que pour la gouverner et qui maintenant la gouvernent, l’appela, par une voix respectée, au secours de l’enseignement chrétien en péril, il n’était plus qu’un contemplateur à l’écart, avec les bras croisés de la méditation solitaire. […] Après les Philosophies, c’est l’Histoire qu’il aborde, l’Histoire, qui s’appelait alors Michelet et Quinet, qui maintenant ne s’appelle plus personne, et n’en dit pas moins, mais sans aucun talent, les mêmes mensonges qu’alors.

596. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Même les grandes passions d’une époque n’éterniseront point ce qu’on appelle quelques jours de l’éloquence, et ne feront pas comprendre que c’en était. […] La prédication catholique, ce vaste enseignement qui a changé la face du monde, qui l’a conquis et qui l’a gardé, n’est-ce pas une gesticulation plus ou moins entraînante, un cri de la foi poussé jusqu’aux nuées, un raisonnement dans le dogme qui emporte les opiniâtres les plus rebelles, et refait, avec une parole, ce coup de foudre du chemin de Damas qu’on appelle une conversion ? […] Quand il a un certain génie, cet homme-là s’appelle Shakespeare ou Molière ; quand il en a un certain autre, La Rochefoucauld, La Bruyère, Vauvenargues ; mais, quand il est prêtre et qu’il a quelque intelligence, il en sait plus sur la nature humaine que les hommes d’un génie supérieur au sien. […] Semblable à cet autre grand moraliste chrétien, le saint auteur des Confessions, Dieu ne l’a pas appelé à lui tout d’abord, et ces premières années d’une jeunesse dépensée dans les misères voluptueuses du monde, ont tourné au profit de l’âme convertie et lui ont donné une science terrible, la science de ces passions qui nous ravissent à Dieu, quand nous ne nous ravissons pas à elles.

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